En f茅vrier 2023, l'Union des Comores a ratifi茅 la Zone de libre-茅change continentale africaine (ZLECAf). Un peu plus tard dans le courant du mois, le pr茅sident du pays, Azali Assoumani, prenait la pr茅sidence de l'Union africaine. Dans cet entretien avec Kingsley Ighobor, le Coordonnateur r茅sident des Nations Unies aux Comores, Fran莽ois Batalingaya, parle du soutien de l'ONU au Comores pendant le processus de ratification et rel猫ve les opportunit茅s d'investissement dans le pays. Extraits :
Les Comores ont r茅cemment ratifi茅 la ZLECAf. Quel type de soutien les Nations Unies ont-elles apport茅 aux autorit茅s nationales pour assurer la r茅ussite du processus de ratification ?
Comme vous le savez, le pr茅sident Azali Assoumani a 茅t茅 l'un des premiers dirigeants africains 脿 signer l'Accord de libre-茅change continental africain 脿 Kigali en 2018. Les Comores ont donc toujours manifest茅 une volont茅 politique de haut niveau.
Cependant, il y avait quelques inqui茅tudes li茅es 脿 une perte potentielle de recettes douani猫res, qui repr茅sentent entre 40 % et 50 % des recettes totales de l'脡tat. Tous les membres du Parlement ou les hauts fonctionnaires n鈥櫭﹖aient donc pas convaincus du bien-fond茅 de la ZLECAf.
Les principaux partenaires commerciaux des Comores sont au Moyen-Orient, et non sur le continent africain. Par exemple, l'Inde et le Pakistan. Ainsi que la Chine et le Br茅sil. Nous importons la plupart de nos poulets du Br茅sil.听
Qu'ont donc fait les Nations Unies ?
Tout d'abord, l'ONU a organis茅 des consultations locales et nationales. Sous la direction de la Commission 茅conomique pour l'Afrique (CEA) et du Programme des Nations Unies pour le d茅veloppement (PNUD), des ateliers ont 茅t茅 organis茅s dans les trois 卯les (qui composent les Comores) pour discuter des possibilit茅s offertes par la ZLECAf. L'atelier de consultation s'est tenu dans la capitale Moroni, en pr茅sence du Pr茅sident Assoumani, du pr茅sident du Parlement Moustadroine Abdou, de gouverneurs, de ministres, de d茅put茅s, de repr茅sentants du secteur priv茅 et d'autres personnes.
Deuxi猫mement, les Nations Unies ont aid茅 le pays 脿 茅laborer une strat茅gie nationale de mise en 艙uvre. Le PNUD et la CEA ont pu aider le gouvernement 脿 identifier les conditions pr茅alables n茅cessaires pour maximiser les avantages de l'accord commercial.
Troisi猫mement, en tant que coordinateur r茅sident des Nations Unies, j'ai jou茅 un r么le de plaidoyer de haut niveau en encourageant les dirigeants politiques 脿 ratifier l'accord.听
Comment avez-vous dissip茅 les inqui茅tudes relatives 脿 la perte de recettes douani猫res ?
Quand on regarde ce que les Comores importent et d'o霉 elles tirent leurs recettes douani猫res, ce ne sont pas des marchandises qui seront tr猫s affect茅es par la ZLECAf. La plupart des produits import茅s proviennent des pays du Moyen-Orient, de l'Inde et de la Chine. Mais les denr茅es alimentaires de base proviennent de la Tanzanie, du Mozambique, du Kenya et d'autres pays africains continentaux. L'importation de ces produits alimentaires n'affectera pas de mani猫re significative les recettes douani猫res.
Une fois de plus, il faut se rappeler que les Comores b茅n茅ficieront d'une industrialisation accrue. Si nous augmentons la cha卯ne de valeur autour des produits cl茅s, les Comores b茅n茅ficieront d'un acc猫s 脿 plus d'un milliard de consommateurs sur le continent.
Quels sont les produits fabriqu茅s aux Comores que le pays pourrait 茅ventuellement exporter vers le grand march茅 africain ?
Il s'agit d'huiles essentielles comme l'ylang-ylang, dont les Comores sont le premier producteur mondial ; nous avons des 茅pices qui sont appr茅ci茅es dans des pays comme l'Inde ; nous avons de la vanille et des clous de girofle.
Nous devons cr茅er des cha卯nes de valeur autour de ces produits et les exporter vers des pays comme le Kenya, le Soudan, la Somalie, Djibouti et d'autres. Les Comores doivent acc茅der 脿 ces march茅s.
Maintenant que l'accord est ratifi茅, quelle est la prochaine 茅tape ?
Comme je l'ai dit, les Comores d茅pendent fortement des importations. Par cons茅quent, la ZLECAf doit 锚tre un moteur de croissance 茅conomique, de d茅veloppement durable et, surtout, de r茅duction de la pauvret茅.
Nous devons mobiliser le secteur priv茅 pour qu'il profite pleinement des nouvelles opportunit茅s commerciales sur le continent. Nous devons soutenir l'industrialisation des Comores, faciliter le commerce et promouvoir les investissements 茅trangers directs.
Par exemple, gr芒ce 脿 un financement de l'Union europ茅enne, l'Organisation des Nations Unies pour le d茅veloppement industriel (ONUDI) et le Centre du commerce international (CCI) mettent en 艙uvre un projet visant 脿 soutenir la production, l'industrialisation et le libre-茅change aux Comores. C'est une bonne initiative.
Une autre initiative est la num茅risation du processus douanier, avec le soutien de la Conf茅rence des Nations Unies sur le commerce et le d茅veloppement (CNUCED).
La ZLECAf est un instrument de renforcement de l'inclusion sociale ; nous devons donc veiller 脿 ce que les femmes et les jeunes soient impliqu茅s dans ces discussions et puissent profiter pleinement des opportunit茅s commerciales en Afrique.听
Un probl猫me dont on parle beaucoup est le manque de clart茅 chez certains commer莽ants africains quant 脿 la mani猫re dont ils peuvent b茅n茅ficier de la ZLECAF. Quelle est la situation du secteur priv茅 aux Comores ?
Nous avons discut茅 avec les dirigeants du secteur priv茅. Nous devons continuer 脿 les impliquer, 脿 un niveau inf茅rieur. La sensibilisation doit se poursuivre. Apr猫s avoir ratifi茅 l'accord, nous devons sensibiliser les gens pour qu'ils sachent comment ils peuvent en b茅n茅ficier.听
Quelles sont les autres activit茅s de d茅veloppement cl茅s entreprises par l'ONU aux Comores qui ont un impact sur la vie des citoyens ordinaires ?
Eh bien, laissez-moi vous dire ceci : en juillet 2021, les Nations Unies (21 agences, fonds et programmes des Nations Unies) et le gouvernement ont sign茅 un Cadre de coop茅ration de nouvelle g茅n茅ration, une initiative quinquennale - de 2022 脿 2026 - divis茅e en quatre piliers : la plan猫te, la prosp茅rit茅, les personnes et la paix.
En ce qui concerne la plan猫te, nous voulons renforcer la r茅silience au changement climatique, aux catastrophes naturelles et aux autres crises humanitaires. Bien s没r, avec l'int茅gration et la gestion durables des 茅cosyst猫mes marins. Lors du sommet de l'UA, le chef d'脡tat a d茅clar茅 qu'il s'agissait d'une priorit茅 pour l'Afrique, et que ce serait une priorit茅 pour nous au cours des cinq prochaines ann茅es.
L'autre pilier est la prosp茅rit茅. Fondamentalement, nous devons cr茅er une 茅conomie comp茅titive et inclusive et nous associer au secteur priv茅 en utilisant une approche de d茅veloppement durable qui se concentre sur les secteurs 脿 fort potentiel, tels que l'茅conomie bleue et l'茅conomie num茅rique.
Ensuite, nous devons investir dans les personnes. Nous devons mieux exploiter les opportunit茅s et favoriser un d茅veloppement inclusif, 茅quitable et sensible au genre, en fournissant une nutrition, une 茅ducation et une protection sociale de qualit茅, ainsi que la protection des survivants de violences sexuelles et sexistes.
Le dernier pilier est la paix. La coh茅sion sociale est une priorit茅 pour nous. Les droits de l'homme, l'茅galit茅 des sexes et la d茅mocratie sont importants. C'est pourquoi les 茅lections de l'ann茅e prochaine sont cruciales. Nous avons besoin d'institutions publiques plus inclusives, plus efficaces et plus responsables devant les citoyens.
Nous nous engageons 脿 accompagner le gouvernement pour qu'il atteigne le statut de march茅 茅mergent et les ODD.
Les Comores sont un 脡tat insulaire, ce qui signifie qu'elles pourraient 锚tre confront茅es 脿 des probl猫mes li茅s au changement climatique. Quels sont ces d茅fis ?
Un bon exemple est le cyclone Kenneth qui a frapp茅 les Comores il y a quatre ans et qui a d茅truit des 茅coles et des h么pitaux. Nous en ressentons encore les effets. Outre les cyclones, la mont茅e des eaux est 茅galement une pr茅occupation majeure.
Nous avons un probl猫me d'acc猫s 脿 l'eau. Nous avons un volcan actif, le Karthala, qui peut entrer en 茅ruption 脿 tout moment. C'est pourquoi nous sommes toujours en mode de pr茅paration et de gestion des catastrophes.听
Il y a aussi de grandes opportunit茅s, je pense. Que diriez-vous 脿 quelqu'un qui a l'intention d'explorer les opportunit茅s d'investissement aux Comores ?
Les Comores disposent d'un important potentiel inexploit茅 ou d'opportunit茅s commerciales.
Par exemple, l'industrie du tourisme pourrait 锚tre d茅velopp茅e davantage. Si l'on consid猫re l'industrie du tourisme dans la r茅gion, les Comores sont le seul pays dont l'industrie du tourisme n'est pas encore bien d茅velopp茅e. Les Seychelles et Madagascar voisins accueillent entre 400 000 et 500 000 touristes par an.
Les Comores, avant la pand茅mie, ne recevaient qu'environ 45 000 touristes par an, principalement des Comoriens de la diaspora. Si je devais investir aux Comores, je le ferais dans l'h么tellerie. Nous avons besoin d'h么tels de qualit茅.
Les Comores pr茅sident d茅sormais l'UA et ont besoin d'infrastructures de qualit茅 pour des conf茅rences de haut niveau.
Les Comores sont une soci茅t茅 accueillante. J'esp猫re que d'autres personnes pourront venir et profiter de cette culture d'accueil. Et le climat est excellent. Alors, venez, s'il vous pla卯t !
Que font les jeunes Comoriens en mati猫re d'innovation ?
Les jeunes Comoriens pr茅f猫rent rejoindre leurs fr猫res et s艙urs, notamment 脿 Marseille, en France. Les jeunes sont attir茅s par la migration. Ce qui est bien, c'est que les filles aux Comores sont davantage scolaris茅es que les gar莽ons, ce qui n'est pas le cas dans la partie continentale de l'Afrique. C'est tr猫s encourageant. Les filles sont attir茅es par des disciplines telles que le droit et l'administration et moins par la formation professionnelle. Il faut donc les int茅resser 脿 la formation professionnelle.
Que fait-on pour rem茅dier 脿 ce d茅s茅quilibre ?
L'emploi des jeunes est une priorit茅 pour le gouvernement et pour les Nations Unies. Nous travaillons avec l'Organisation internationale du travail pour investir dans l'emploi des jeunes. Chacune d'entre nous (les entit茅s de l'ONU) a un mandat pour la jeunesse. Encore une fois, je n'oublierai pas les femmes.
Enfin, permettez-moi de dire que les Comores sont l'un des pays qui ont besoin de soutien, en particulier d'investissements.
Le PIB par habitant des Comores est d'environ 1 500 dollars. Environ 20 % des Comoriens vivent dans l'extr锚me pauvret茅. Nous avons encore beaucoup 脿 faire pour atteindre les ODD. Le pays a besoin de l'ONU et des investisseurs directs 茅trangers. Travaillons ensemble pour les soutenir.
