Crimes contre l'humanit¨¦

Rappel historique

Autorit¨¦ provisoire des Nations Unies au Cambodge (APRONUC)
Photo ONU/John Isaac

Nul ne sait dans quel contexte exactement est apparue l'expression ? crimes contre l'humanit¨¦ ?. Selon certains ¨¦rudits[1], elle aurait ¨¦t¨¦ utilis¨¦e en tant que telle (ou en des termes tr¨¨s similaires) d¨¨s la fin du XVIIIe et le d¨¦but du XIXe si¨¨cle, notamment dans le cadre de l'esclavage et de la traite des esclaves, pour d¨¦crire les atrocit¨¦s associ¨¦es au colonialisme europ¨¦en, en Afrique et ailleurs, ¨¤ l¡¯image de celles commises par L¨¦opold II de Belgique dans l'?tat ind¨¦pendant du Congo. Pour d'autres sp¨¦cialistes[2], c¡¯est la d¨¦claration publi¨¦e en 1915 par les gouvernements alli¨¦s (France, Grande-Bretagne et Russie) pour condamner le massacre des Arm¨¦niens dans l'Empire ottoman qui marquerait l'origine de l'utilisation de cette expression pour d¨¦signer une cat¨¦gorie de crimes internationaux.

Depuis, la notion de crimes contre l'humanit¨¦ a ¨¦volu¨¦ sous l¡¯influence du droit international coutumier et de juridictions internationales telles que la Cour p¨¦nale internationale, le Tribunal p¨¦nal international pour l'ex-Yougoslavie et le Tribunal p¨¦nal international pour le Rwanda. De nombreux ?tats ont ¨¦galement ¨¦rig¨¦ les crimes contre l'humanit¨¦ en infraction p¨¦nale dans leur droit interne ; d'autres ne l'ont pas encore fait.

Bien que des efforts soient d¨¦ploy¨¦s en ce sens, les crimes contre l'humanit¨¦ n'ont pas encore ¨¦t¨¦ codifi¨¦s sous la forme d¡¯un trait¨¦ de droit international sp¨¦cifique, ¨¤ la diff¨¦rence du g¨¦nocide et des crimes de guerre. Il n¡¯en demeure pas moins que l'interdiction des crimes contre l'humanit¨¦, tout comme l'interdiction du g¨¦nocide, est consid¨¦r¨¦e comme une norme imp¨¦rative du droit international, qui ne saurait souffrir aucune d¨¦rogation et qui s¡¯applique ¨¤ tous les ?tats.

Le (Statut de Rome) est l'expression la plus r¨¦cente du consensus de la communaut¨¦ internationale sur cette question. C'est ¨¦galement le trait¨¦ qui offre la liste la plus compl¨¨te d'actes particuliers susceptibles de constituer un tel crime.

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Article 7
Crimes contre l¡¯humanit¨¦

  1. Aux fins du pr¨¦sent Statut, on entend par crime contre l'humanit¨¦ l'un quelconque des actes ci-apr¨¨s lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque g¨¦n¨¦ralis¨¦e ou syst¨¦matique lanc¨¦e contre toute population civile et en connaissance de cette attaque :
    1. Meurtre ;
    2. Extermination ;
    3. R¨¦duction en esclavage ;
    4. D¨¦portation ou transfert forc¨¦ de population ;
    5. Emprisonnement ou autre forme de privation grave de libert¨¦ physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;
    6. Torture ;
    7. Viol, esclavage sexuel, prostitution forc¨¦e, grossesse forc¨¦e, st¨¦rilisation forc¨¦e ou toute autre forme de violence sexuelle de gravit¨¦ comparable ;
    8. ±Ê±ð°ù²õ¨¦³¦³Ü³Ù¾±´Ç²Ô de tout groupe ou de toute collectivit¨¦ identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d'autres crit¨¨res universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corr¨¦lation avec tout acte vis¨¦ dans le pr¨¦sent paragraphe ou tout crime relevant de la comp¨¦tence de la Cour ;
    9. Disparitions forc¨¦es de personnes ;
    10. Crime d¡¯apartheid ;
    11. Autres actes inhumains de caract¨¨re analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves ¨¤ l¡¯int¨¦grit¨¦ physique ou ¨¤ la sant¨¦ physique ou mentale.
  2. Aux fins du paragraphe 1 :
    1. Par ? attaque lanc¨¦e contre une population civile ?, on entend le comportement qui consiste en la commission multiple d'actes vis¨¦s au paragraphe 1 ¨¤ l'encontre d'une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d'un ?tat ou d'une organisation ayant pour but une telle attaque.

?l¨¦ments constitutifs du crime

Aux termes de l'article 7 (1) du , les crimes contre l'humanit¨¦ ne doivent pas n¨¦cessairement ¨ºtre li¨¦s ¨¤ un conflit arm¨¦ et peuvent ¨¦galement se produire en temps de paix, comme le crime de g¨¦nocide. Cette m¨ºme disposition donne une d¨¦finition du crime, dont les grands ¨¦l¨¦ments sont les suivants :

  1. un ¨¦l¨¦ment mat¨¦riel, qui inclut la commission de ? l'un quelconque des actes ci-apr¨¨s ? :
    1. Meurtre
    2. Extermination
    3. R¨¦duction en esclavage
    4. D¨¦portation ou transfert forc¨¦ de population
    5. Emprisonnement
    6. Torture
    7. Formes graves de violence sexuelle
    8. ±Ê±ð°ù²õ¨¦³¦³Ü³Ù¾±´Ç²Ô
    9. Disparitions forc¨¦es de personnes
    10. Crime d¡¯apartheid
    11. Autres actes inhumains
  2. un ¨¦l¨¦ment contextuel : l¡¯acte doit avoir ¨¦t¨¦ ? commis dans le cadre d'une attaque g¨¦n¨¦ralis¨¦e ou syst¨¦matique lanc¨¦e contre toute population civile ? ;
  3. un ¨¦l¨¦ment psychologique : ? en connaissance de cette attaque ?.
    Sous l¡¯angle contextuel, les crimes contre l'humanit¨¦ impliquent soit une violence ¨¤ grande ¨¦chelle, eu ¨¦gard au nombre de victimes ou ¨¤ l'importance de la zone g¨¦ographique (g¨¦n¨¦ralis¨¦e), soit une forme de violence m¨¦thodique (syst¨¦matique). Sont exclus les actes de violence al¨¦atoires, accidentels ou isol¨¦s. En outre, l'article 7, paragraphe 2 a), du Statut de Rome dispose que les crimes contre l'humanit¨¦ doivent ¨ºtre commis en application ou dans la poursuite de la politique d'un ?tat ou d'une organisation ayant pour but une telle attaque. Le plan ou la politique ne doit pas n¨¦cessairement ¨ºtre explicitement stipul¨¦ ou formellement adopt¨¦ et peut, de ce fait, ¨ºtre d¨¦duit de l'ensemble des circonstances.

? l'inverse du g¨¦nocide, les crimes contre l'humanit¨¦ ne doivent pas obligatoirement viser un groupe de population particulier. Ils peuvent ainsi ¨ºtre dirig¨¦s contre toute population civile, quelles que soient son affiliation ou son identit¨¦. Autre distinction importante, dans le cas des crimes contre l'humanit¨¦, il n'est pas n¨¦cessaire de prouver l¡¯existence d¡¯une intention sp¨¦cifique. Il suffit qu'il y ait eu une simple intention de commettre l'un des actes ¨¦num¨¦r¨¦s, ¨¤ l'exception de la pers¨¦cution, qui suppose en outre une volont¨¦ discriminatoire. L'auteur de l'acte doit ¨¦galement avoir agi en connaissance de l'attaque men¨¦e contre la population civile et en ¨¦tant conscient que son acte participait ¨¤ cette attaque.




[1] Par exemple, William Schabas, Unimaginable Atrocities - Justice, Politics, and Rights at the War Crimes Tribunals, Oxford University Press, 2012 - pages 51 ¨¤ 53

[2] Par exemple, M. Cherif Bassiouni, Crimes Against Humanity in International Criminal Law, Martinus Nijhoff Publishers, 1999, p. 62