51吃瓜

Marche de la fiert茅 gay en Afrique du Sud : les homosexuels et lesbiennes africains remettent en cause la discrimination et les interdictions.

Photo: iAfrica Photos / Jeremy Jowell

La campagne internationale pour l鈥櫭ゞalit茅 des droits des homosexuels et des autres minorit茅s sexuelles a fait un grand bond en avant le 14 novembre, date 脿 laquelle l鈥橝frique du Sud est devenue le premier pays d鈥橝frique, et le cinqui猫me dans le monde, 脿 autoriser le mariage entre personnes du m锚me sexe. 鈥淐e pays ne peut plus s鈥檈nfermer dans des pr茅jug茅s r茅trogrades et d茅pass茅s鈥�, a d茅clar茅 脿 cette occasion Mosiuoa Lekota, d茅put茅 de l鈥橝frican National Congress et Ministre de la d茅fense.

La nouvelle loi, adopt茅e par 230 voix contre 41, a 茅t茅 salu茅e par les d茅fenseurs des droits des homosexuels et des lesbiennes en Afrique du Sud et dans le reste du monde comme un succ猫s consid茅rable dans la lutte pour l鈥櫭ゞalit茅 des droits. Son adoption ne refl猫te toutefois pas une tendance g茅n茅rale. En effet, les milieux religieux et politiques conservateurs de nombreux pays demeurent r茅solument hostiles au principe de l鈥櫭ゞalit茅 des droits pour les homosexuels et au mariage entre personnes du m锚me sexe. C鈥檈st ainsi qu鈥檜ne semaine avant l鈥檃doption de la nouvelle l茅gislation en Afrique du Sud, ces mariages ont 茅t茅 interdits dans huit 脡tats des 脡tats-Unis. Au Nig茅ria, le Pr茅sident Olusegun Obasanjo a propos茅 en 2006 l鈥檃doption d鈥檜ne loi interdisant non seulement les mariages du m锚me sexe, mais sanctionnant toute personne participant d鈥檜ne quelconque mani猫re 脿 leur c茅l茅bration. Les relations sexuelles entre hommes, d茅finies comme sodomie, 茅taient d茅j脿 passibles au Nig茅ria de peines allant jusqu鈥櫭� 14 ans d鈥檈mprisonnement, pr茅cise l鈥檕rganisation non gouvernementale International Lesbian and Gay Association (ILGA).

鈥淩ejet supr锚me鈥� des droits de l鈥檋omme

Louise Arbour, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l鈥檋omme, a fait remarquer en ao没t 2006 que plus de 80 pays dans le monde sanctionnaient les relations sexuelles consensuelles entre personnes du m锚me sexe, dont sept pays de la peine capitale. 鈥淚l ne fait aucun doute que ces lois contreviennent aux normes accept茅es sur le plan international en mati猫re de droits de l鈥檋omme.

Le 鈥渟ilence honteux鈥� des gouvernements et des soci茅t茅s face aux violences homophobes constitue 鈥渓e rejet supr锚me des principes fondamentaux de l鈥檜niversalit茅 des droits鈥�, a-t-elle affirm茅 lors d鈥檜ne conf茅rence 脿 Montr茅al.

鈥淎ucune l茅gislation en vigueur ou coutume ne pourront jamais justifier les s茅vices, la violence, la torture et m锚me les meurtres commis contre les membres des communaut茅s gay, lesbienne, bisexuelle, et transsexuelle.鈥�

鈥� Mme Louise Arbour, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l鈥檋omme

Photo: UN / Mark Garten

Pour ce qui est de l鈥橝frique, une 茅tude men茅e en 2000 par l鈥橧LGA r茅v猫le que l鈥檋omosexualit茅 茅tait interdite par la loi dans 29 pays du continent et ne b茅n茅ficiait d鈥檜ne protection juridique que dans 10 autres. Malgr茅 la consid茅ration et la protection croissantes dont b茅n茅ficient les minorit茅s sexuelles en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et d鈥檃utres trait茅s en la mati猫re, les membres de ces minorit茅s, qui comprennent les lesbiennes, les homosexuels, les bisexuels et les personnes d鈥檜n sexe qui se d茅finissent essentiellement comme appartenant 脿 l鈥檃utre (connus sous le nom de 鈥渢ranssexuels鈥�) demeurent tr猫s vuln茅rables au harc猫lement, 脿 la d茅tention arbitraire, 脿 la d茅nonciation, 脿 l鈥檈xtorsion et m锚me 脿 la violence de la part des pouvoirs publics.

Discrimination, exclusion, r茅pression

Les discriminations et la r茅probation 脿 l鈥櫭ゞard des homosexuels et autres minorit茅s sexuelles en Afrique sont profond茅ment ancr茅es dans les valeurs culturelles et religieuses du continent. Ces discriminations, qui s鈥檃ccompagnent parfois de s茅vices, s鈥檈xpriment trop souvent par des violences extrajudiciaires, et sont parfois consacr茅es par la loi.

Dans un cas bien connu, la Commission des droits de l鈥檋omme de l鈥橭NU a conclu que les autorit茅s camerounaises avaient manqu茅 脿 leurs obligations d茅coulant des trait茅s en faisant arr锚ter 17 hommes dans une bo卯te de nuit de Yaound茅 apparemment fr茅quent茅e par les membres de la communaut茅 homosexuelle et lesbienne, et en en d茅tenant neuf pendant plus d鈥檜n an. L鈥檜n des d茅tenus, un homme d鈥檜ne trentaine d鈥檃nn茅es vivant avec le VIH/sida, est mort 10 jours apr猫s sa lib茅ration.

Au d茅part, le Parquet a accus茅 ces hommes d鈥� 鈥渉omosexualit茅鈥�, bien que cela ne constitue pas en soi un d茅lit au Cameroun. Sept d茅tenus ont par la suite 茅t茅 reconnus coupables en vertu de la loi anti-sodomie, bien qu鈥檃ucune preuve d鈥檃ctivit茅 sexuelle n鈥檃it 茅t茅 pr茅sent茅e. Dans une lettre adress茅e 脿 la International Gay and Lesbian Human Rights Commission (IGLHRC), dont le si猫ge est 脿 New York, un haut fonctionnaire camerounais a affirm茅 que l鈥檋omosexualit茅 n鈥櫭﹖ait pas socialement acceptable et a justifi茅 ces arrestations au nom de la pr茅servation des 鈥渧aleurs saines de la culture africaine鈥�.

En Ouganda, cinq hommes ont 茅t茅 arr锚t茅s en octobre 2006 en vertu de la loi contre la so颅domie qui pr茅voit des peines allant jusqu鈥櫭� la r茅clusion 脿 perp茅tuit茅 en cas de condamnation. Les arrestations ont suivi de quelques mois la publication par une revue de Kampala d鈥檜ne liste de 45 hommes pr茅sum茅s homosexuels. Les responsables de la publication ont d茅clar茅 avoir agi ainsi 鈥減our montrer au pays鈥�la vitesse 脿 laquelle le virus abominable de la sodomie gagnait la soci茅t茅鈥�. La revue a 茅t茅 d茅nonc茅e pour son 鈥渉omophobie鈥� par la Sexual Minorities Uganda (SMUG), une association des droits de l鈥檋omme de Kampala, qui rapportait que ces personnes vivaient d茅sormais dans 鈥渓a crainte d鈥櫭猼re arr锚t茅s, mis 脿 l鈥檌ndex par leurs familles ou renvoy茅s de leur travail鈥�.

Ce n鈥檈st pas la premi猫re fois que les militants des droits de l鈥檋omme en Ouganda associent la publication d鈥檃rticles hostiles dans la presse 脿 la pers茅cution des minorit茅s sexuelles. En 2005, en effet, les autorit茅s ougandaises ont perquisitionn茅 au domicile de la pr茅sidente du SMUG, Juliet Victor Mukasa, saisi des dossiers et d茅tenu bri猫vement un autre membre de cette association.

鈥淧articuli猫rement vuln茅rable鈥�

La famille ou la communaut茅 ne repr茅sentent pas forc茅ment un sanctuaire. Devant le Conseil des droits de l鈥檋omme de l鈥橭NU, Mme Mukasa, une transsexuelle, a ainsi d茅crit sa vie de membre de cette communaut茅 particuli猫rement vuln茅rable. 鈥淓n Afrique, les transsexuels sont victimes de graves pers茅cutions. Mon p猫re me battait tout le temps parce que je me conduisais 鈥渃omme un gar莽on鈥�. J鈥櫭﹖ais devenue la ris茅e du village. 脌 force d鈥檋umiliations, je suis partie鈥�, raconte-t-elle.

鈥溍� l鈥櫭ゞlise on m鈥檃 mise nue une fois devant tout le monde. Le pasteur avait 鈥渄iscern茅鈥� la pr茅sence de l鈥檈sprit d鈥檜n jeune homme dans mon corps, et ils ont br没l茅 mes v锚tements et chaussures pour le d茅truire鈥� En tant que transsexuel, on me demande sans cesse d鈥檈xpliquer pourquoi je ne corresponds pas 脿 l鈥檌d茅e qu鈥檕n se fait g茅n茅ralement d鈥檜n homme ou d鈥檜ne femme鈥�.

Un homosexuel nig茅rian qui n鈥檃 pas donn茅 son nom par crainte de repr茅sailles, a confi茅 脿 IGLHRC qu鈥檃u d茅but de 2006 un groupe d鈥檃gents de police de Lagos 茅tait venu 脿 son appartement et l鈥檃vait emmen茅 脿 une destination inconnue pendant deux jours. 鈥淥n m鈥檃 battu 脿 ne plus me reconna卯tre, au point o霉 je me fais encore soigner pour une blessure 脿 la t锚te. On m鈥檃 humili茅 et pr茅sent茅 tout nu 脿 la presse. On a confisqu茅 mon argent, ma carte d鈥檌dentit茅 et mes chaussures. On m鈥檃 enfin rel芒ch茅 sans m鈥檃voir inculp茅. Mon seul d茅faut 茅tait d鈥櫭猼re gay. Je ne vis plus au Nig茅ria, je ne pourrais plus y retourner鈥�.

Des affirmations contest茅es

Les adversaires de l鈥檋omosexualit茅 en Afrique expliquent leur hostilit茅 par des raisons essentiellement religieuses et culturelles, affirmant que les relations entre personnes du m锚me sexe sont d茅nonc茅es dans le Bible ou le Coran et qu鈥檈lles n鈥檕nt jamais exist茅 dans la soci茅t茅 africaine pr茅-coloniale. Les experts religieux des deux camps poursuivent d鈥檃illeurs leur pol茅mique, parfois anim茅e, sur l鈥檌nterpr茅tation correcte des r茅f茅rences scripturales concernant l鈥檋omosexualit茅.

Des recherches r茅cemment entreprises par des experts africains et du Nord contestent, toutefois, l鈥檃ffirmation selon laquelle l鈥檋omosexualit茅 en Afrique est une importation du colonialisme.

Certes, les relations entre personnes du m锚me sexe risquent de soulever des probl猫mes dans des soci茅t茅s o霉 les notions de mariage et de famille sont 茅troitement li茅es 脿 l鈥檃cc猫s 脿 la terre et 脿 la propri茅t茅, aux droits de succession, 脿 la place dans la communaut茅 et m锚me 脿 la stabilit茅 politique. Dans un entretien accord茅 au journal britannique Independent, une gu茅risseuse sud-africaine, Mme Nokuzola Mndende, a soulign茅 les difficult茅s 脿 appliquer les pratiques traditionnelles aux couples du m锚me sexe. 鈥淚l y a le probl猫me de la lobola (la dot traditionnelle vers茅e 脿 la famille de la mari茅e). Normalement, c鈥檈st l鈥檋omme qui paye. Mais, dans un cas pareil, qui payera?鈥�, s鈥檈st-elle demand茅e. La constitution de familles du m锚me sexe sans enfants, qui risque de compliquer les pratiques traditionnelles en mati猫re de succession et de relations familiales, est un autre sujet de pr茅occupation pour les traditionalistes.

Pourtant, les recherches men茅es parmi les populations Gikuyu de la r茅gion de Murang, dans le centre du Kenya, par Wairimu Ngaruiya Njambi et William O鈥橞rien indiquent que le mariage 鈥渇emme-femme鈥� 茅tait g茅n茅ralement bien accept茅 lorsque ces relations permettaient d鈥檃mener des enfants dans les foyers ou d鈥檃paiser les diff茅rends en mati猫re de droits de succession fonci猫re ou autres biens. Dans un cas bien pr茅cis, les deux chercheurs ont rapport茅 en 2000 dans une communication parue dans la revue am茅ricaine National Women Studies Association Journal, qu鈥檜ne femme sans enfants avait 茅pous茅 une femme plus jeune dans l鈥檈spoir que la nouvelle 茅pouse porterait les enfants d鈥檜n partenaire homme et produirait des h茅ritiers. Dans les relations 茅tudi茅es par les chercheurs, les complexit茅s des r么les sexosp茅cifiques suscitaient l鈥檃musement plus que la tension dans les communaut茅s, et, dans la tradition Gikuyu du moins, ne posaient pas de probl猫mes.

D鈥檃utres recherches ont permis de d茅couvrir des pratiques homosexuelles et bisexuelles traditionnelles chez les hommes de certaines cultures africaines, ainsi que des mots pour d茅signer l鈥檋omosexualit茅, les homosexuels et les lesbiennes, dans un grand nombre de langues vernaculaires.

Pour leur part, des femmes Gikuyu engag茅es dans des relations du m锚me sexe ont exprim茅 leur soulagement de ne plus avoir 脿 subir la domination des hommes et d鈥櫭猼re des partenaires 茅gales dans le mariage. Une femme 鈥渕ari鈥� dans un couple du m锚me sexe, a confi茅 aux chercheurs : 鈥淛e n鈥檃i pas d鈥檋omme, mais j鈥檃i une femme qui s鈥檕ccupe de moi. Je lui appartiens et elle m鈥檃ppartient鈥�.

De l鈥檃vis de nombreux chercheurs, la famille traditionnelle africaine est facilement adaptable, y compris parfois pour les relations entre personnes du m锚me sexe, 茅tablies pour des raisons 茅conomiques, sentimentales et psychologiques.

Sortir de l鈥檕mbre

Malgr茅 les risques encourus, un nombre croissant d鈥檋omosexuels et de lesbiennes africains, encourag茅s par les progr猫s de la d茅mocratie et mobilis茅s par le besoin de lutter contre la propagation du VIH/sida, sortent lentement de l鈥檕mbre pour braver l鈥檕pprobre de la soci茅t茅.

En f茅vrier 2004, 22 organisations d鈥檋omosexuels, de bisexuels et de transsexuels de 16 pays du continent ont appel茅 les dirigeants de leurs pays 脿 garantir leur condition et leurs droits essentiels. 鈥淣ous, lesbiennes, homosexuels, bisexuels et transsexuels d鈥橝frique, sommes bien pr茅sents, malgr茅 vos tentatives de nier notre existence鈥� ont-elles d茅clar茅.

鈥淟es responsables politiques incitent 脿 la haine contre nous dans leurs propres int茅r锚ts politiques, ont-elles affirm茅. Pourtant, notre place est, et a toujours 茅t茅, en Afrique鈥�Nous exigeons que nos voix soient entendues鈥�, ont-elles lanc茅.