L’Afrique face à des troubles mondiaux
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L’Afrique face à des troubles mondiaux
Alors que tout indique de plus en plus clairement que la crise économique internationaleprovoque un ralentissement économique mondial important et de longue durée, l’Afrique en ressent de plus en plus les effets négatifs, dit le Secrétaire général adjoint et Conseiller spécial pour l’Afrique Cheick Sidi Diarra. Le plus grave, a expliqué M. Diarra au cours d’un entretien qu’il a accordé à Afrique Renouveau, c’est que le ralentissement mondial de l’économie fait baisser les cours des produits d’exportation, “base principale des économies africaines.” Les pays développés sont également plus à même “d’accorder la priorité à leurs marchés internes”, ce qui exacerbe la baisse de l’investissement étranger direct en Afrique et dans d’autres régions en développement.
Dans le domaine commercial, la tendance des économies développées à subventionner leurs propres agriculteurs affaiblit depuis quelque temps la capacité des exportateurs africains à être compétitifs sur les marchés mondiaux. Et actuellement, quelques pays africains, ajoute M. Diarra, se plaignent que les membres de l’Union européenne (UE) commencent même à augmenter ces subventions.
Pour le moment, les 33 pays les moins avancés (PMA) d’Afrique bénéficient toujours d’un accès préférentiel aux marchés des pays industrialisés, qui laissent entrer 97 % des exportations des PMA sans leur imposer de droits de douane ou de quotas. Mais à mesure que les pays riches doivent faire face à la crise, “cette politique risque d’être annulée”, craint M. Diarra.(En plus de son poste de Conseiller spécial pour l’Afrique, M. Diarra est également Haut Représentant des Nations Unies pour les PMA, les pays en développement sans littoral et les petits Etats insulaires en développement.)
Solidarité, Nord et Sud
Bien que certains dirigeants africains aient évoqué avec préoccupation la possibilité que les pays du Nord, partenaires du continent, réduisent leur aide au développement afin de diriger leurs ressources financières limitées vers leurs priorités nationales, M. Diarra n’a encore rien constaté de tel. “Au contraire, dit-il, on m’a assuré ” que les engagements pris en matière d’aide seraient tenus.
Au cours d’une conférence internationale sur le “financement du développement ” tenue à Doha en novembre-décembre 2008, dit-il, le Président français Nicolas Sarkozy a réitéré la promesse faite par l’Union européenne de consacrer l’équivalent de 0,56 % de son produit intérieur brut à l’aide publique au développement (APD) d’ici à 2010, et 0,7 % d’ici à 2015. LeJapon, les Etats-Unis et d’autres membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques des pays industrialisés ont également promis de verser les sommes qu’ils avaient promises à l’Afrique.
Photo: UN / Evan Schneider
Pendant ce temps, l’Afrique, fait remarquer M. Diarra, bénéficie d’une gamme plus diversifiée de relations internationales. Ces dernières années, la Chine, l’Inde et d’autres pays du Sud sont devenus d’importants partenaires de développement pour l’Afrique. Leurs économies ayant connu un essor très marqué, ces pays ont établi “des fonds souverains” afin d’investir non seulement dans leurs propres économies, mais aussi “dans d’autres pays en développement, voire dans les pays développés."
Certains pays du Sud ont fourni un accès aux technologies “qui sont très adaptables aux besoins du continent.” Ils ont accepté d’ouvrir leurs marchés à des conditions préférentielles aux exportations des PMA et des pays d’Afrique.
Qui plus est, souligne M. Diarra, une alliance entre l’Afrique et d’autres régions en développement permet aux nations africaines de se faire plus facilement entendre dans les institutions financières internationales et autres instances mondiales.
Sur une base plus ferme
C’est en elle-même que l’Afrique trouvera sa plus grande force, suggère M. Diarra. Au cours des dernières décennies, d’importantes réformes ont été mises en place, tant dans le domaine politique que dans la sphère économique, qui fournissent un cadre propice à des sociétés plus sûres et à des économies plus dynamiques.
“La gouvernance politique s’est améliorée, continue M. Diarra. Nous constatons que de plus en plus de pays sont stables, et qu’il y a moins de coups d’Etat et davantage de transitions démocratiques."
Il évoque le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs du continent, qui a eu un “véritable impact sur le terrain.” Lancé dans le cadre du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), adopté par les dirigeants africains en 2001, ce Mécanisme est un processus volontaire par le biais duquel les pays évaluent mutuellement leurs efforts en faveur de la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de la bonne gestion de l’économie.
Il faut en faire davantage, ajoute M. Diarra. Les politiques et les stratégies nationales doivent être définies depuis “la base,” par le biais de dialogues participatifs ouverts à tous les secteurs de la société. Ce n’est qu’en sollicitant le point de vue de la communauté qu’il sera possible de savoir quelles sont “les difficultés quotidiennes de la population.”
Réformes économiques
Au cours des deux dernières décennies, la plupart des pays de l’Afrique subsaharienne ont mené une politique de réformes économiques, notamment les réformes promues par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Dans la plupart des cas, ces “ajustements structurels” ont été “très douloureux sur le plan social,” reconnaît M. Diarra. Mais à long terme, ces réformes “ont aidé l’Afrique à trouver un équilibremacroéconomique qui constitue une bonne base sur laquelle édifier un développement économique durable."
Les pays africains ont également renforcé leurs systèmes juridiques, inspirant ainsi une plus grande confiance aux investisseurs nationaux et étrangers. Il importe, indique M. Diarra, d’être “transparent dans les affaires, d’avoir un cadre juridique bien défini et d’en suivre les règles, et non pas de suivre ses propres règles."
Il faut déployer plus d’efforts pour lutter contre la corruption et éviter la fuite des capitauxvers des comptes étrangers, ajoute M. Diarra. Par ailleurs, il faut “protéger les intérêts du pays contre les intérêts des multinationales” ou au moins faire en sorte que ces intérêts soient plus compatibles. Il faut mettre en place des codes de conduite pour veiller à ce que les grandes sociétés étrangères assument leurs responsabilités sociales et préservent l’environnement.
Les pays africains ont souvent rivalisé entre eux pour attirer les investisseurs étrangers, non seulement en renforçant leurs systèmes juridiques et en améliorant leurs codes d’investissement, mais parfois en passant outre à des pratiques dangereuses. “Il est vrai que les pays qui ont le plus besoin d’attirer l’investissement étranger direct sont indulgents en matière de règles, de règlementations, de filets de sécurité sociale et de protection de l’environnement. Nous devons y remédier.”
Infrastructure et agriculture
En réponse aux critiques fréquentes émises en Afrique selon lesquelles le plan de développement du continent, le NEPAD, a donné peu de résultats tangibles, M. Diarra répond : “Le NEPAD a fait de grands progrès depuis son adoption, même si cela ne se voit pas pour le moment.” Beaucoup de temps et d’efforts ont été consacrés à l’élaboration de programmes pour les divers secteurs sociaux et économiques de l’Afrique, en collaboration avec les gouvernements, les institutions régionales africaines et les organismes de financement internationaux.Le processus de recensement des initiatives prioritaires et d’estimation des coûts “est presque achevé”, dit-il. “Aujourd’hui, le plus difficile reste à faire: financer les divers projets et programmes.” Selon lui, l’infrastructure – les routes, lesports, les systèmes électriques et hydrauliques et les nouvelles technologies de l’information – sont des priorités de premier ordre pour lesquelles les donateurs ont établi un Consortium pour les infrastructures en Afrique afin de mobiliser le financement (voir Afrique Renouveau, janvier 2009).
Une autre priorité est le développement agricole, en particulier l’accroissement des faibles niveaux de productivité alimentaire, affirme M. Diarra.D’après le Programme intégré pour le développement de l’agriculture en Afrique du NEPAD, chaque pays d’Afrique doitconsacrer au moins 10 % de son budget à l’agriculture, afin d’accroître la productivité agricole au taux moyen annuel de 6 %. “A vrai dire, il n’y a pas à ce jour beaucoup de pays africains qui le font”, déplore-t-il.
Mais il existe aussi des exemples positifs. Le Malawi, déclare M. Diarra, a pris “l’initiative très audacieuse de fournir aux agriculteurs tous les intrants dont ils ont besoin”, le gouvernement subventionnant le coût des engrais et des semences à rendement élevé (voir Afrique Renouveau, octobre 2008). En deux ans, les récoltes avaient tellement augmenté que le Malawi, pays qui recevait des secours alimentaires d’urgence, est passé au statut de fournisseur de céréales du Programme alimentaire mondial des Nations Unies. “Alors, cela va-t-il durer?” se demande M. Diarra. “Je n’en sais rien, mais c’est certainement une bonne façon d’aller del’avant.”