51吃瓜

Jeune fille de Benin City dans l鈥橢tat d鈥橢do au Sud du Nig茅ria : la grande majorit茅 des Nig茅rianes victimes de la traite aux fins de prostitution en Europe en sont originaires.

Photo: Panos / Lorena Ros

Lorsque Isoke Aikpitanyi, 芒g茅e de 20 ans, s鈥檈st vu offrir en 2000 un emploi en Italie, elle a saut茅 sur l鈥檕ccasion. La vie chez elle, au Nig茅ria, 茅tait p茅nible et les perspectives de travail pour les jeunes femmes rares. Elle savait qu鈥檌l lui faudrait entrer ill茅galement dans le pays et accomplir un travail mal r茅mun茅r茅 et subalterne. Mais cela valait mieux que de rester chez soi et la personne qui lui avait propos茅 du travail s鈥檈ngageait 脿 organiser son voyage et 脿 en assumer les frais qu鈥橧soke rembourserait de ses gains.

Ce n鈥檈st qu鈥檃pr猫s son arriv茅e en Italie que les choses ont mal tourn茅, a-t-elle racont茅 en 2008 脿 la station de t茅l茅vision Al-Jazeerah. A peine d茅barqu茅e, on lui a fait savoir que 鈥渓es 茅trangers d茅munis d鈥檜n titre de s茅jour n鈥檃vaient d鈥檃utre choix que de faire le trottoir.鈥�

Le refus de travailler ou le fait de ne pas rapporter assez d鈥檃rgent 茅taient sanctionn茅s par des s茅vices corporels, a-t-elle pr茅cis茅, soulignant qu鈥檈lle 茅tait rest茅e trois jours dans le coma apr猫s avoir 茅t茅 pass茅e 脿 tabac. Les femmes qui tentaient de s鈥櫭ヽhapper 茅taient souvent tu茅es pour servir d鈥檈xemple aux autres. 鈥淛鈥檃i 茅t茅 une esclave sexuelle. On m鈥檃 tromp茅e en me faisant venir en Italie pour un emploi qui n鈥檈xistait pas.鈥�

Ce type de commerce ill茅gal des personnes qui repose sur la fraude et la violence est g茅n茅ralement connu sous le nom de 鈥渢raite des 锚tres humains鈥� et constitue un sujet de pr茅occupation partout dans le monde. Apr猫s des mois de s茅vices corporels et d鈥檈xploitation sexuelle, Isoke a r茅ussi 脿 茅chapper 脿 ses ravisseurs et 脿 lancer un organisme d鈥檃ide aux victimes de la traite des personnes en Italie, l鈥橝ssociation des filles de Benin City, qui vise 脿 encourager un nombre croissant de femmes 脿 茅chapper 脿 leur sort.

Un jeune gar莽on r茅colte des feuilles de th茅 au K茅nya : la traite d鈥櫭猼res humains 脿 l鈥檌nt茅rieur de l鈥橝frique concerne surtout des enfants que l鈥檕n emm猫ne dans des pays voisins pour y accomplir des t芒ches m茅nag猫res ou agricoles.

Photo: Peter Arnold Inc. / Charlotte Thege

La plupart n鈥檕nt pas les moyens de s鈥檈nfuir

Le Fonds des Nations Unies pour l鈥檈nfance (UNICEF) affirme que des centaines de milliers de personnes dans les pays en d茅veloppement, pouss茅es par la pauvret茅, les guerres, la discrimination et l鈥檌njustice, deviennent tous les ans victimes de r茅seaux de trafiquants perfectionn茅s. Craignant les autorit茅s et forc茅es de travailler comme prostitu茅es ou main d鈥櫯搖vre non qualifi茅e sous la menace de violences, la plupart n鈥檕nt pas les moyens de s鈥檈nfuir.

En r茅ponse aux r茅cits comme celui d鈥橧soke, les gouvernements africains ont intensifi茅 leurs efforts pour lutter contre la traite des 锚tres humains et lanc茅 des campagnes d鈥櫭ヾucation et de sensibilisation de l鈥檕pinion publique.

L鈥檌nsuffisance des ressources humaines et financi猫res, conjugu茅e 脿 la carence du syst猫me juridique, 脿 la perm茅abilit茅 des fronti猫res et au r茅servoir apparemment in茅puisable de personnes pr锚tes 脿 tout pour 茅chapper 脿 la mis猫re freinent les efforts des pays africains et d鈥檃utres pays en d茅veloppement pour emp锚cher leurs ressortissants de tomber entre les mains des trafiquants.

Il appartient aussi aux pays de destination d鈥檌ntensifier leurs efforts dans ce domaine. Tant que les gouvernements traiteront les victimes de la traite comme des individus qui enfreignent la loi plut么t que victimes d鈥檜ne infraction grave, les trafiquants trouveront toujours moyen d鈥檃limenter le march茅.

鈥淓norme sujet de pr茅occupation鈥�

Le nombre pr茅cis des victimes des trafiquants n鈥檈st pas connu. La Rapporteuse sp茅ciale sur la traite des personnes du Haut-Commissariat aux droits de l鈥檋omme de l鈥橭NU, Joy Ezeilo, affirme que les estimations varient 茅norm茅ment car, d鈥檜n c么t茅, les contrebandiers cherchent 脿 茅viter toute d茅tection et, de l鈥檃utre, les gouvernements accordent peu d鈥檌mportance aux activit茅s de contr么le et de pr茅vention de la traite des personnes. La Rapporteuse estime n茅anmoins 脿 2,5 millions environ le nombre de听 victimes de la traite l鈥檃nn茅e derni猫re, dont plus d鈥檜n million d鈥檈nfants. D鈥檃pr猫s l鈥橴NICEF, la traite repr茅sente en outre une importante source de revenus, rapportant jusqu鈥櫭� 10 milliards de dollars par an aux groupes de trafiquants.

鈥淛e peux affirmer, a-t-elle dit 脿 Afrique Renouveau lors d鈥檜n entretien dans ses bureaux 脿 Lagos, que la traite des personnes est un sujet extr锚mement pr茅occupant pour l鈥橝frique, elle-m锚me devenue un r茅servoir important de victimes de la traite dans le monde.鈥� Pour sa part, l鈥橭rganisation internationale pour les migrations (OIM) estime que rien qu鈥檈n Italie 10 000 脿 15 000 Nig茅rianes sont forc茅es de travailler dans l鈥檌ndustrie du sexe.

Mme Ezeilo souligne que, contrairement 脿 la traite des personnes au niveau international, o霉 80 % des victimes sont utilis茅es 脿 des fins d鈥檈xploitation sexuelle, 鈥渓es victimes de la traite en Afrique sont forc茅es d鈥檃ccomplir des t芒ches m茅nag猫res et de travailler dans les champs et dans la construction, tout en servant comme objets sexuels.

Complexit茅 des facteurs

Un rapport exhaustif publi茅 en 2009 par l鈥橭ffice de l鈥橭NU contre la drogue et le crime (ONUDC) confirme ce ph茅nom猫ne. Intitul茅 , le document r茅v猫le que la traite des Africains vers l鈥櫭﹖ranger rev锚t le plus souvent un caract猫re simple et brutal, la vaste majorit茅 des jeunes victimes f茅minines 茅tant envoy茅es vers l鈥橢urope et les Etats-Unis aux fins de prostitution. En revanche, la traite des personnes 脿 l鈥檌nt茅rieur du continent, bien plus complexe, repose sur toute une s茅rie de facteurs qui d茅terminent les choix des trafiquants et la nature des activit茅s qu鈥檕n imposera aux victimes 脿 leur arriv茅e 脿 destination. Ces facteurs prennent en consid茅ration la situation 茅conomique sur le plan local, les demandes saisonni猫res de main d鈥櫯搖vre, les conflits militaires et la d茅gradation de l鈥檈nvironnement qui bouleversent les conditions de vie, ainsi que les pratiques culturelles et la discrimination 脿 l鈥櫭ゞard des femmes et des ethnies qui compromettent les chances de progr猫s 茅conomique et social des femmes, des enfants et des minorit茅s et rendent plus acceptables les atteintes 脿 leurs droits.

Les autorit茅s du Mali ont signal茅 qu鈥檈n 2006 il y a eu 119 cas connus d鈥檈nfants (81 gar莽ons et 38 filles) victimes de la traite. Pr猫s des deux tiers avaient 茅t茅 envoy茅s 脿 l鈥檌nt茅rieur du pays. La plupart de ceux achemin茅s hors du Mali ont 茅t茅 retrouv茅s dans les pays limitrophes. La Rapporteuse sp茅ciale a 茅galement fait 茅tat de l鈥檃rrestation en 2005 par les autorit茅s du Malawi d鈥檜n trafiquant qui a tent茅 de faire passer clandestinement en Zambie 15 enfants, dont un de 10 ans, pour servir comme main d鈥櫯搖vre saisonni猫re dans les champs.

Ivoirienne employ茅e 脿 Rabat (Maroc) : les personnes originaires d鈥橝frique subsaharienne se retrouvent parfois bloqu茅es en Afrique du Nord alors qu鈥檈lles sont en route pour l鈥橢urope et sont contraintes 脿 se prostituer ou 脿 accomplir un travail forc茅.

Photo: Panos / Alfredo Caliz

Dans le sud-ouest du Nig茅ria, un millier d鈥檈nfants du B茅nin voisin ont 茅t茅 d茅couverts alors qu鈥檌ls servaient comme main d鈥櫯搖vre forc茅e dans les carri猫res de gravier, malgr茅 les tentatives des deux gouvernements de faire cesser cette pratique. D鈥檃pr猫s un rapport de 2007 adress茅 au Conseil des droits de l鈥檋omme de l鈥橭NU par l鈥檕rganisation non gouvernementale Coalition Against Trafficking in Women and Children, les victimes, certaines 脿 peine 芒g茅es de six ans, 茅taient forc茅es de creuser et de transporter des blocs de pierre huit 脿 dix heures par jour, parfois sept jours par semaine, sans r茅mun茅ration et sans une alimentation ou un h茅bergement d茅cents, pendant six ans. Les trafiquants, au service des propri茅taires des carri猫res, versaient pendant ce temps des petites sommes d鈥檃rgent aux parents des jeunes victimes. Le rapport pr茅cise qu鈥檈n une occasion au moins, les propri茅taires des mines ont forc茅 des centaines d鈥檈nfants 脿 se r茅fugier dans la campagne environnante pour 茅chapper au contr么le des inspecteurs du travail.

Le Gouvernement mauritanien a signal茅 en 2006 脿 l鈥橭NUDC que 22 enfants du pays avaient 茅t茅 achemin茅s vers plusieurs pays du Moyen-Orient pour y travailler comme jockeys dans les courses de chameaux. Les enfants ont 茅t茅 choisis en fonction de leur petite taille, forc茅s de vivre dans une enceinte entour茅e de barbel茅s et sous-aliment茅s pour les emp锚cher de prendre du poids. Ils 茅taient souvent battus et subissaient des violences sexuelles et parfois 茅taient victimes de blessures graves caus茅es par des accidents de course.

Exploiter la pauvret茅, la tradition

La Rapporteuse sp茅ciale souligne en outre que l鈥檃mpleur et la diversit茅 de la traite des personnes en Afrique, conjugu茅es 脿 la perm茅abilit茅 des fronti猫res du continent et 脿 la carence des organismes charg茅s de faire appliquer les lois, rendent ce ph茅nom猫ne pratiquement impossible 脿 arr锚ter. Il est relativement facile, dit-elle, de r茅pertorier globalement les pays selon qu鈥檌ls sont des pays d鈥檕rigine, de destination ou de transit. Une telle cat茅gorisation permet aux gouvernements de mieux cibler leurs programmes de lutte contre la traite des personnes et d鈥檜tiliser plus efficacement leurs capacit茅s coercitives.听听

鈥淟e probl猫me en Afrique est que la plupart des pays听 appartiennent aux trois cat茅gories 脿 la fois, explique Joy Ezeilo. Parfois certains pays deviennent des pays de destination par hasard parce que des gens en route vers l鈥橢urope se sont trouv茅s immobilis茅s en Afrique du Nord, ils ont 茅t茅 forc茅s 脿 se prostituer ou 脿 servir comme main d鈥櫯搖vre bon march茅. Les gouvernements ont du mal 脿 savoir comment aborder ce probl猫me et o霉 porter leur attention.鈥�

Pour asservir les gens, les trafiquants profitent 茅galement de la tradition de l鈥檃pprentissage et des autres pratiques culturelles. Des 茅tudes men茅es par l鈥橭NU, l鈥橭IM et le Gouvernement des Etats-Unis indiquent que la pratique vieille de plusieurs centaines d鈥檃nn茅es qui consiste 脿 envoyer les enfants 茅tudier dans les 茅coles religieuses, appel茅es daaras, 茅tait d茅sormais vici茅e. A l鈥檕rigine, les daaras 茅taient install茅es dans les zones rurales o霉 elles dispensaient un enseignement religieux et offraient un h茅bergement 脿 des gar莽ons 芒g茅s de quatre ou cinq ans originaires des communaut茅s environnantes en 茅change de travaux agricoles. Ces 茅coles 茅taient souvent l鈥檜nique source d鈥檈nseignement accessible aux familles pauvres.

Dans les ann茅es 70 et 80, toutefois, la s茅cheresse et les difficult茅s 茅conomiques ont forc茅 de nombreuses daraas 脿 s鈥檌nstaller dans la plus grande ville du pays, Dakar, brisant les liens entre les enfants et leurs parents et ouvrant la voie aux mauvais traitements. Les 茅tudes indiquent que, dans de nombreux cas, les marabouts (enseignants) ne dispensaient qu鈥檜n minimum d鈥檌nstruction religieuse, for莽ant plut么t les enfants 脿 mendier de longues heures dans les rues, sous la menace de ch芒timents corporels. Le Gouvernement s茅n茅galais et l鈥橭NU ont r茅agi en lan莽ant des programmes destin茅s 脿 am茅liorer les conditions dans les 茅coles et 脿 sensibiliser les parents aux dangers possibles, mais les progr猫s sont lents.

Les trafiquants ont 茅galement tir茅 parti d鈥檜ne autre pratique courante au Nig茅ria, au S茅n茅gal, au Togo et dans d鈥檃utres pays, 脿 savoir le placement de jeunes filles pauvres comme personnel de maison dans des familles plus ais茅es moyennant l鈥檋茅bergement et la scolarisation. Bon nombre d鈥檈ntre elles ne mettent jamais les pieds dans une 茅cole.

鈥淟a plupart des familles n鈥檕nt pas la moindre id茅e de la mani猫re dont on traite leurs enfants鈥�, souligne Joy Ezeilo. Les victimes de la traite des personnes sont souvent sollicit茅es avec des offres de travail fictives faites par des personnes de leur communaut茅 qui gagnent la confiance des victimes et de leurs parents.

Pers茅cution des vuln茅rables

Mme Ezeilo souligne par ailleurs que la complexit茅 et les diff茅rences qui entourent la traite des personnes en Afrique ne peuvent dissimuler certaines similitudes partag茅es par les victimes. 鈥淓lles se retrouvent toutes dans des situations vuln茅rables. Chez les femmes, les in茅galit茅s entre les sexes contribuent 脿 les placer dans ces situations. Certaines, sans instruction et sans un m茅tier, n鈥檕nt d鈥檃utres choix que de rejoindre les rangs des victimes. D鈥檃utres fuient des mariages forc茅s et des maris abusifs.鈥�

Par ailleurs, les taux de ch么mage tr猫s 茅lev茅s chez les jeunes contribuent 脿 aggraver leur vuln茅rabilit茅. 鈥淩egardez l鈥橝frique. Il y a la pauvret茅, les guerres et les crises politiques, la mauvaise gouvernance, les discriminations 脿 l鈥櫭ゞard des femmes, les in茅galit茅s, le manque d鈥檌nstruction et l鈥檃nalphab茅tisme. Tout cela rend les gens vuln茅rables, et les trafiquants en profitent.鈥�

Les trafiquants ont des traits communs aussi. La plupart appartiennent 脿 des groupes criminels organis茅s. 鈥淐eux qui savent comment faire passer des armes et des drogues en contrebande sauront aussi comment faire passer des gens clandestinement. Ils s鈥檡 connaissent en technologie. L鈥檌nternet est devenu un outil de travail pour eux. Ils y affichent des offres d鈥檈mploi. Ils exploitent les gens qui cherchent du travail. On est vite embarqu茅.鈥�

La contrainte et la violence sont des moyens couramment utilis茅s. 鈥淛鈥檃i connu des cas o霉 on a fait jurer les gens devant leurs familles qu鈥檌ls savaient qu鈥檌ls voyageraient ill茅galement et qu鈥檌ls acceptaient les conditions de remboursement des frais de transport impos茅es par les trafiquants. A titre d鈥檈xemple, des groupes de femmes recrut茅es en Afrique de l鈥橭uest s鈥檈ntendent dire 脿 leur arriv茅e en Europe occidentale que les frais de leur voyage s鈥櫭﹍猫vent 脿 500 000 dollars. Elles devront travailler toute leur vie pour rembourser !鈥�

Mme Ezeilo note que malgr茅 ces m茅thodes brutales, les victimes craignent le plus souvent davantage la police que les trafiquants, n鈥檃yant que rarement recours 脿 la protection des autorit茅s. Les gouvernements des pays de destination ont en effet tendance 脿 consid茅rer les victimes de la traite comme des immigrants clandestins qu鈥檌l faut expulser plut么t qu鈥檃ider. Les trafiquants exploitent cette situation, disant 脿 leurs victimes : 鈥淪i vous contactez les autorit茅s, vous risquez des ennuis. Vous serez renvoy茅s chez vous et punis.鈥�

La Rapporteuse sp茅ciale invite les pays de destination 脿 traiter les victimes des trafiquants diff茅remment des 鈥渋mmigrants volontaires鈥�, accordant la priorit茅 au respect de leurs droits.

Bien que les autorit茅s consid猫rent des victimes comme Isoke Aikpitanyi comme des migrants ill茅gaux, le droit international exige des gouvernements qu鈥檌ls reconnaissent ces personnes comme les victimes d鈥檜ne infraction, une fois qu鈥檌l a 茅t茅 prouv茅 qu鈥檈lles ont 茅t茅 soumises 脿 des violences et 脿 la contrainte. Outre la protection de leurs droits fondamentaux, les victimes peuvent pr茅tendre, dans le cadre de la l茅gislation et des moyens des pays de destination, 脿 obtenir des informations sur les proc茅dures juridiques et administratives dont elles sont l鈥檕bjet, 脿 participer aux poursuites judiciaires contre leurs trafiquants, 脿 vivre en s茅curit茅 et dans des conditions d茅centes et demander des indemnisations pour pr茅judices subis.

En outre, les autorit茅s d鈥檃ccueil sont invit茅es 脿 envisager la possibilit茅 d鈥檕ffrir des soins m茅dicaux et psychologiques aux victimes, 脿 assurer l鈥櫭ヾucation des enfants avant leur rapatriement, 脿 les h茅berger et 脿 leur fournir des conseils juridiques et, le cas 茅ch茅ant, 脿 leur accorder le statut de r茅sident temporaire ou permanent.

Aux prises avec la traite des personnes

Mme Ezeilo trouve encourageants les efforts croissants d茅ploy茅s par de nombreux pays depuis l鈥檈ntr茅e en vigueur 脿 la fin de 2003 du Protocole de l鈥橭NU visant 脿 pr茅venir, r茅primer et punir la traite des personnes (voir encadr茅). En effet, une enqu锚te de 2006 men茅e par l鈥橭NUDC dans 155 pays r茅v猫le que le pourcentage des pays ayant adopt茅 des mesures l茅gislatives contre la traite des 锚tres humains a augment茅 de 33 % en 2003 脿 plus de 80 % en 2008. Plus de la moiti茅 de ces pays, y compris certains pays africains, ont cr茅茅 des sections de police sp茅ciales charg茅es de faire respecter les nouvelles lois.

Au Burkina Faso, le Parlement a adopt茅 en 2003 une loi qui p茅nalise la traite de toute personne de moins de 18 ans et a cr茅茅 une section sp茅ciale des forces de l鈥檕rdre charg茅e d鈥檈n assurer l鈥檃pplication. Les condamnations pour traite ont plus que doubl茅 entre 2004 et 2006, bien que leur nombre total reste faible. Une loi p茅nalisant la traite des adultes est 脿 l鈥檈xamen. L鈥橢thiopie a pour sa part adopt茅 en 2004 un train de mesures l茅gislatives contre la traite des 锚tres humains ainsi qu鈥檜n plan d鈥檃ction national. Les autorit茅s de ce pays ont examin茅 en 2007 37 cas de traite des personnes et prononc茅 18 condamnations, dont huit ont d茅bouch茅 sur des peines de prison de 10 ans ou plus.

La Rapporteuse sp茅ciale a mis en 茅vidence l鈥檃ction du Ghana et du Nig茅ria dans ce domaine. Ces pays ont pass茅 des lois contre la traite des personnes et 茅tabli des sections sp茅ciales de lutte contre ce fl茅au, tout en proc茅dant 脿 l鈥檈xamen des cas d鈥檌nfraction et en poursuivant 茅nergiquement ses auteurs devant les tribunaux.听 Au Nig茅ria, indique l鈥橭NUDC, la National Agency for the Prevention of Trafficking in Persons est responsable de la coordination de l鈥檃ction men茅e par les forces de l鈥檕rdre et les fonctionnaires du minist猫re charg茅 de l鈥檌mmigration, ce qui a permis de faire passer le nombre des condamnations de huit en 2007 脿 24 l鈥檃nn茅e suivante. Le Nig茅ria offre 茅galement des soins m茅dicaux et psychologiques aux victimes de la traite des personnes et leur accorde des visas temporaires, des permis de travail et une aide financi猫re. 鈥淟a volont茅 des gouvernements 脿 faire cesser ce type d鈥檃ctivit茅 peut s鈥檃v茅rer payante鈥�, affirme-t-elle.

Des programmes r茅gionaux sont 茅galement lanc茅s. La Communaut茅 茅conomique des Etats de l鈥橝frique de l鈥橭uest a mis sur pied un programme visant 脿 encourager l鈥檃doption d鈥檜ne l茅gislation uniforme en mati猫re de lutte contre la traite des personnes et 脿 renforcer la coop茅ration transfronti猫res. En Afrique australe, o霉 le dispositif l茅gislatif et les moyens de r茅pression sont notoirement insuffisants, l鈥橭IM et un groupe de recherche, le Southern African Migration Project, ont convoqu茅 en 2008 la premi猫re d鈥檜ne s茅rie de r茅unions destin茅es 脿 mieux faire prendre conscience de ce probl猫me.

Pour sa part, l鈥橴nion africaine a marqu茅 la Journ茅e 2009 de l鈥檈nfant africain, c茅l茅br茅e le 16 juin, par le lancement d鈥檜ne campagne panafricaine appel茅e l鈥橧nitiative de la Commission de l鈥橴A Contre le trafic d鈥櫭猼res humains.

Action au niveau local

Les associations de la soci茅t茅 civile et les chefs spirituels ont 茅galement un r么le important 脿 jouer, a ajout茅 la Rapporteuse sp茅ciale. 鈥淟es interventions au niveau local sont les plus efficaces. Les associations locales ont les moyens de mobiliser les responsables, d鈥檃lerter les personnalit茅s religieuses et les chefs traditionnels et de pourvoir des conseils sur les risques encourus鈥�.

Au Swaziland, les activistes de la soci茅t茅 civile identifient les personnes et les familles les plus vuln茅rables. Ils prodiguent des conseils aux victimes potentielles et tentent de rem茅dier aux probl猫mes qui poussent ces personnes dans les bras des trafiquants.

Des r茅seaux informels ont par ailleurs 茅t茅 茅tablis au niveau international par des ordres religieux et des associations de femmes pour venir en aide aux victimes de la traite, pour les mettre 脿 l鈥檃bri des repr茅sailles ou de la d茅tention, pour organiser leur transport et orienter leur rapatriement.

R茅duire la demande

Les pays plus riches qui attirent les trafiquants pourraient faire davantage, estime Mme Ezeilo. Tout en continuant 脿 fournir une aide aux pays africains et asiatiques susceptible d鈥檃tt茅nuer leurs difficult茅s 茅conomiques et sociales qui contribuent 脿 rendre leurs populations听听 plus vuln茅rables 脿 l鈥櫭ゞard des trafiquants, ces pays devraient s鈥檈fforcer de r茅duire la demande chez eux. 鈥淚l n鈥檈st pas r茅aliste de vouloir endiguer l鈥檃rriv茅e des victimes de la traite en provenance des pays pauvres tant qu鈥檕n n鈥檃ura pas r茅gl茅 la question de la demande pour ces personnes dans les pays les plus riches鈥�, dit-elle.

Cela impliquerait, 脿 son avis, un changement de priorit茅. 鈥淟es pays de destination ne s鈥檃ttaquent pas vraiment aux trafiquants鈥�, dont les victimes de la traite ne repr茅sentent qu鈥檜ne part modeste du nombre de r茅sidents ill茅gaux dans les pays de destination. Pourtant le cas de ces personnes est compl猫tement diff茅rent dans la mesure o霉 elles font l鈥檕bjet de violences et de menaces. 鈥淚l faudrait donc que les forces de l鈥檕rdre des pays de destination aient la formation ad茅quate pour lutter contre la traite des personnes et d茅tecter ses victimes鈥�.

Dans un discours prononc茅 en mai au si猫ge de l鈥橭NU, la Directrice g茅n茅rale adjointe de l鈥橭IM, Ndioro Ndiaye, a d茅clar茅 que de nombreux pays consid茅raient la traite des personnes comme un aspect du d茅licat probl猫me global de la migration ill茅gale. Estimant qu鈥檌l 茅tait extr锚mement difficile de distinguer les migrants qui franchissent les fronti猫res ill茅galement de leur propre gr茅 de ceux qui sont les victimes de la traite, elle a affirm茅 qu鈥檜n environnement g茅n茅ralement hostile 脿 la migration 茅tait pr茅judiciable aux victimes de la traite des personnes.

Mme Ndiaye a par ailleurs soulign茅 que les causes profondes de la traite des personnes ne s鈥檈xpliquaient pas uniquement par la pauvret茅 et le ch么mage. A pr茅sent, a-t-elle indiqu茅, il est g茅n茅ralement admis que la demande pour une main d鈥櫯搖vre bon march茅 ou pour des activit茅s sexuelles 鈥渆xotiques ou peu communes鈥� dans les pays de destination constitue 茅galement une cause profonde de la traite des personnes qu鈥檌l faudra examiner.

Mme Ezeilo souscrit 脿 cette th茅orie, affirmant que la prostitution en particulier demeurait l鈥檜ne des causes profondes de la traite des femmes et des jeunes filles. Le plus souvent, les autorit茅s et le public ignorent qu鈥檌l y a tant de femmes et de jeunes filles victimes de la traite. Les gens ne les voient pascomme les victimes de l鈥檈xploitation et de la violence. 鈥淧ourtant la traite des personnes n鈥檈st pas un aspect de l鈥檌mmigration. C鈥檈st un aspect des droits de l鈥檋omme鈥�,听 conclut-elle.听听听听听