Le dernier rapport du Groupe d¡¯experts intergouvernemental sur l¡¯¨¦volution du climat (GIEC) sur pr¨¦vient que le changement climatique d¡¯origine humaine provoque des perturbations dangereuses et g¨¦n¨¦ralis¨¦es dans la nature et affecte la vie de milliards de personnes dans le monde, malgr¨¦ les efforts d¨¦ploy¨¦s pour r¨¦duire les risques.
Afrique Renouveau s¡¯est entretenu avec le Dr Christopher Trisos, un des coordonnateurs principaux du rapport, sur les principales conclusions de l¡¯¨¦valuation. Christopher Trisos dirige le Climate Risk Lab de l¡¯African Climate and Development Initiative de l¡¯Universit¨¦ du Cap, en Afrique du Sud, et est responsable du chapitre consacr¨¦ ¨¤ l¡¯Afrique dans le nouveau rapport.
Q : Le pr¨¦sident du GIEC, M. Hoesung Lee, a qualifi¨¦ le sixi¨¨me cycle d¡¯¨¦valuation, dont fait partie ce rapport, de ? plus ambitieux de l¡¯histoire du GIEC ?, simplement parce que ? les enjeux n¡¯ont jamais ¨¦t¨¦ aussi ¨¦lev¨¦s ?. Quelles sont les principales conclusions ¨¤ en tirer ?
Dr Trisos : Le changement climatique induit par l¡¯homme est ¨¤ l¡¯origine de pertes et de dommages consid¨¦rables pour les populations et les ¨¦cosyst¨¨mes - et ce, dans toutes les r¨¦gions du monde. Et ces preuves sont beaucoup plus solides depuis la publication du dernier rapport.
Ce rapport souligne vraiment qu¡¯il ne s¡¯agit pas seulement de r¨¦duire les ¨¦missions ¨C c¡¯est une base tr¨¨s importante, la r¨¦duction des ¨¦missions ¨C ce que nous soulignons dans ce rapport, c¡¯est que nous devons aussi nous adapter et faire mieux.
Le rapport indique tr¨¨s clairement que nous devons passer ¨¤ l¡¯action et ne pas nous contenter de faire des d¨¦clarations ambitieuses sur des sujets tels que l¡¯adaptation, le financement, la gouvernance inclusive pour l¡¯adaptation, la protection des ¨¦cosyst¨¨mes, [et] la garantie des moyens de subsistance des plus vuln¨¦rables.
D¡¯apr¨¨s les donn¨¦es scientifiques, tout nouveau retard dans l¡¯action mondiale risque de faire passer ¨¤ c?t¨¦ [d¡¯une] fen¨ºtre qui se referme rapidement pour assurer un avenir s?r et vivable aux populations et ¨¤ la nature sur la plan¨¨te.
Q : Le changement climatique est g¨¦n¨¦ralis¨¦ et affecte la vie de milliards de personnes dans le monde. Sommes-nous tous vuln¨¦rables au changement climatique ?
Dr Trisos : Avec l¡¯augmentation du r¨¦chauffement climatique, toutes les r¨¦gions du monde sont affect¨¦es par les extr¨ºmes climatiques. Et nous savons, gr?ce ¨¤ l¡¯¨¦valuation du groupe de travail I, que ces extr¨ºmes climatiques devraient augmenter ¨¤ court terme.
Les risques climatiques se r¨¦percutent sur tous les secteurs et toutes les r¨¦gions. Les ¨¦v¨¦nements extr¨ºmes ¨¦tant de plus en plus comparables, et l¡¯¨¦conomie mondiale ¨¦tant de plus en plus connect¨¦e, les impacts climatiques qui frappent un endroit peuvent se propager en cascade ¨¤ travers les cha?nes de transport et d¡¯approvisionnement, par exemple, pour affecter des r¨¦gions tr¨¨s ¨¦loign¨¦es du monde.
Je dirais ¨¤ quelqu¡¯un qui ne se consid¨¨re pas comme vuln¨¦rable, que la vuln¨¦rabilit¨¦ est relative. Ce n¡¯est pas comme si vous ¨¦tiez peu vuln¨¦rable. Vous ¨ºtes peut-¨ºtre moins vuln¨¦rable que quelqu¡¯un qui se trouve dans une r¨¦gion tropicale en d¨¦veloppement, mais ce n¡¯est pas faible, c¡¯est juste moins vuln¨¦rable. Vous n¡¯¨ºtes pas du tout ¨¤ l¡¯abri des risques climatiques.
figurant dans le rapport pour examiner l¡¯impact et les risques dans le monde entier.
Q : Les ¨¦v¨¦nements climatiques tels que les vagues de chaleur, les s¨¦cheresses et les inondations d¨¦passent d¨¦j¨¤ les seuils de tol¨¦rance, pr¨¦vient le rapport. Comment cela affecte-t-il la capacit¨¦ d¡¯adaptation des populations ?
Dr Trisos : Dans de nombreux ¨¦cosyst¨¨mes en particulier, les limites de l¡¯adaptation ont commenc¨¦ ¨¤ ¨ºtre atteintes. Ainsi, malgr¨¦ les efforts d¡¯adaptation d¨¦ploy¨¦s, nous avons encore constat¨¦ des pertes et des dommages. Au-del¨¤ de 1,5¡ãC [de r¨¦chauffement], les limites d¡¯adaptation seront atteintes pour davantage d¡¯¨¦cosyst¨¨mes et d¡¯endroits sur la plan¨¨te, ce qui est tr¨¨s, tr¨¨s pr¨¦occupant.
Q : Le rapport indique que les progr¨¨s en mati¨¨re d¡¯adaptation sont in¨¦gaux. Il existe des ¨¦carts croissants entre les risques actuels et le financement de l¡¯adaptation. Quelle est l¡¯ampleur de cet ¨¦cart, notamment dans les pays africains ?
Dr Trisos : Un d¨¦fi que ce rapport identifie est l¡¯augmentation du financement du secteur priv¨¦ pour l¡¯adaptation. Le rapport indique que l¡¯¨¦crasante majorit¨¦ du financement de l¡¯adaptation provient de sources publiques. Il y a un r¨¦el manque de connaissances sur le financement du secteur priv¨¦ pour l¡¯adaptation, mais l¨¤ o¨´ le suivi a ¨¦t¨¦ fait, il n¡¯y a pas beaucoup de financement pour l¡¯adaptation. Il s¡¯agit d¡¯une opportunit¨¦ ¨¦norme si nous voulons r¨¦duire les risques li¨¦s au changement climatique ¨¤ l¡¯avenir.
Dans le contexte de l¡¯Afrique, nous sommes convaincus que les financements actuels allou¨¦s ¨¤ l¡¯adaptation sont inf¨¦rieurs aux estimations les plus basses des co?ts d¡¯adaptation que nous avons ¨¦valu¨¦es dans ce rapport.
Q : L¡¯Afrique contribue aux ¨¦missions mondiales, mais le changement climatique menace d¡¯exposer jusqu¡¯¨¤ 118 millions d¡¯Africains parmi les plus pauvres ¨¤ des s¨¦cheresses, des inondations et des chaleurs extr¨ºmes d¡¯ici 2030. Pouvez-vous expliquer les r¨¦sultats concernant l¡¯impact et les risques en Afrique ?
Dr Trisos : La croissance agricole mondiale a ralenti en raison du changement climatique et l¡¯Afrique est la r¨¦gion la plus touch¨¦e ¨C [avec une] r¨¦duction de 34 % de la croissance de la production agricole. Au-del¨¤ de 2¡ãC [de r¨¦chauffement], les dommages subis par l¡¯agriculture africaine augmentent rapidement, m¨ºme si des efforts d¡¯adaptation sont d¨¦ploy¨¦s. Ainsi, des ¨¦l¨¦ments tels que les nouvelles vari¨¦t¨¦s g¨¦n¨¦tiques de ma?s, la capacit¨¦ ¨¤ s¡¯adapter par l¡¯irrigation au-del¨¤ de 2¡ãC ¨C les conclusions de ce rapport, avec une certaine confiance, montrent qu¡¯en Afrique, ces adaptations ne seraient plus suffisantes.
Plusieurs pays d¡¯Afrique devraient ¨ºtre confront¨¦s ¨¤ des risques qui se chevauchent. Ils conna?tront une r¨¦duction de la production alimentaire des cultures et de la production halieutique, ainsi qu¡¯une augmentation de la mortalit¨¦ li¨¦e ¨¤ la chaleur. La perte de productivit¨¦ du travail li¨¦e ¨¤ la chaleur et les inondations dues ¨¤ l¡¯¨¦l¨¦vation du niveau de la mer. C¡¯est particuli¨¨rement le cas en Afrique de l¡¯Ouest.
Limiter le r¨¦chauffement de la plan¨¨te ¨¤ 1,5 ¡ãC devrait permettre de r¨¦duire consid¨¦rablement les dommages caus¨¦s aux ¨¦conomies, ¨¤ la sant¨¦ et aux ¨¦cosyst¨¨mes africains.