5 mars 2021

adultes handicap¨¦s n¡¯atteint que 3?%, et 1?% seulement chez les femmes en situation de handicap. Le milliard de personnes handicap¨¦es, soit environ 15?% de la population mondiale, constitue la plus grande minorit¨¦ de la plan¨¨te. Il est donc imp¨¦ratif d¡¯assurer leur inclusion ¨¤ part enti¨¨re dans la soci¨¦t¨¦, ¨¤ commencer par garantir l¡¯¨¦galit¨¦ d¡¯acc¨¨s ¨¤ une ¨¦ducation de qualit¨¦.

N¨¦anmoins, les ¨¦tudiants, personnels universitaires et chercheurs en situation de handicap demeurent sous-repr¨¦sent¨¦s, et comptent parmi les cat¨¦gories les plus marginalis¨¦es et les plus vuln¨¦rables au sein des universit¨¦s. Ils rencontrent des difficult¨¦s d¡¯acc¨¨s aux infrastructures et sont confront¨¦s ¨¤ diverses formes de stigmatisation et de discrimination, ainsi qu¡¯¨¤ des obstacles ¨¤ l¡¯exercice de leurs droits. L¡¯¨¦ducation inclusive joue un r?le essentiel, tant pour les ¨¦tudiants, chercheurs et personnels universitaires en situation de handicap que pour la soci¨¦t¨¦ dans laquelle ils vivent, car elle favorise la lutte contre la discrimination et contribue ¨¤ promouvoir la diversit¨¦ et la participation.

La s¨¦rie d¡¯entretiens sur le handicap et l¡¯enseignement sup¨¦rieur que vous propose l¡¯Impact Universitaire des Nations Unies (UNAI) met en lumi¨¨re la contribution des intellectuels en situation de handicap dans le milieu universitaire et s¡¯int¨¦resse aux moyens de cr¨¦er un environnement ¨¦ducatif v¨¦ritablement inclusif. Cet article aborde l¡¯importance de reconna?tre, de l¨¦gitimer et de tenir compte des handicaps non apparents, du handicap mental et de la mani¨¨re dont cela peut influencer la r¨¦ussite des ¨¦tudiants sur le plan scolaire et personnel.

??Mais, tu n¡¯as pas l¡¯air handicap¨¦e??, ??Tu peux te servir de tes mains et de tes yeux, tu es valide, alors pourquoi tu cherches une excuse pour ne pas travailler???? Ce ne sont l¨¤ que quelques exemples de remarques entendues par Oladoyin Idowu, jeune dyslexique. Ce trouble de l¡¯apprentissage se traduit par des difficult¨¦s en lecture, en ¨¦criture et en compr¨¦hension, mais comme il ne se voit pas facilement, il passe fr¨¦quemment inaper?u.??

Oladoyin, 21?ans, est en derni¨¨re ann¨¦e de psychologie ¨¤ l¡¯Universit¨¦ Redeemer, situ¨¦e dans l¡¯?tat d¡¯Osun, au Nig¨¦ria. Elle agit ¨¦galement en tant que porte-parole des ¨¦tudiants neuroatypiques et cr¨¦atrice de la , un organisme de la soci¨¦t¨¦ civile destin¨¦ ¨¤ mieux faire connaitre les troubles sp¨¦cifiques des apprentissages. Selon Oladoyin, sa dyslexie l¡¯a pouss¨¦e vers ses plus belles r¨¦ussites ¨¤ ce jour.?

??? sa premi¨¨re rentr¨¦e des classes, chaque enfant arrive avec le c?ur rempli de curiosit¨¦ et d¡¯espoir??, raconte Oladoyin en se rem¨¦morant le d¨¦but de sa vie d¡¯¨¦coli¨¨re atteinte d¡¯un trouble de l¡¯apprentissage non diagnostiqu¨¦. ??On s¡¯aper?oit d¡¯entr¨¦e que l¡¯on est en difficult¨¦, pas au m¨ºme niveau que ses camarades de classe. Cela finit par saper la confiance en soi.?? Elle a toujours su qu¡¯il y avait quelque chose de diff¨¦rent en elle, et elle se disait?: ??Doyin, tu n¡¯es pas comme les autres.?? Cependant, les adultes de son entourage, y compris ses m¨¦decins, ne faisaient qu¡¯ignorer ses questions ¨¤ propos de cette ??diff¨¦rence??, souvent par manque de compr¨¦hension.?

Oladoyin a effectu¨¦ toute sa scolarit¨¦ primaire et secondaire sans qu¡¯un diagnostic soit pos¨¦ sur sa dyslexie et n¡¯a donc pas re?u l¡¯aide dont elle avait besoin pour atteindre le niveau que l¡¯on attendait d¡¯elle. Au cours d¡¯une ann¨¦e scolaire typique, elle recevait des heures de soutien ¨¤ domicile dans chaque mati¨¨re ¨¤ n¡¯en plus compter, y compris pendant les vacances. Il lui est m¨ºme arriv¨¦ plusieurs fois d¡¯¨ºtre punie, car ses r¨¦sultats n¡¯¨¦taient pas satisfaisants. Cependant, ce genre de solutions symptomatiques se sont av¨¦r¨¦es gu¨¨re efficaces. Pour ??survivre ¨¤ l¡¯¨¦cole??, Oladoyin a d? trouver des m¨¦thodes de contournement lui permettant, ¨¤ d¨¦faut de comprendre vraiment le contenu des cours, de le m¨¦moriser pour r¨¦ussir ses examens. En proc¨¦dant ainsi, elle a pu terminer le lyc¨¦e.??

Mais au moment d¡¯entamer des ¨¦tudes sup¨¦rieures, elle a eu du mal ¨¤ suivre les cours pr¨¦paratoires aux examens d¡¯entr¨¦e ¨¤ l¡¯universit¨¦ internationale. Pour pr¨¦parer ces ¨¦valuations ax¨¦es sur la compr¨¦hension et les aptitudes de mise en pratique, le par c?ur ??ne faisait plus l¡¯affaire??. Au prix d¡¯importants efforts pour r¨¦ussir les ¨¦preuves standardis¨¦es d¡¯entr¨¦e, Oladoyin a fini par ¨ºtre re?ue ¨¤ l¡¯universit¨¦. Elle a cependant renonc¨¦ au bout de quelque temps, car les strat¨¦gies auxquelles elle a fait appel les ann¨¦es pr¨¦c¨¦dentes ne r¨¦pondaient pas aux exigences de l¡¯enseignement sup¨¦rieur.??

Comme elle n¡¯avait pas conscience de son handicap, et sans accompagnement adapt¨¦ ¨¤ ses besoins, Oladoyin a temporairement abandonn¨¦ son r¨ºve de poursuivre des ¨¦tudes sup¨¦rieures et a entam¨¦ une carri¨¨re dans le design d¡¯int¨¦rieur. Ses parents se sont fortement oppos¨¦s ¨¤ cette d¨¦cision. ? leurs yeux d¡¯universitaires, obtenir un dipl?me d¡¯enseignement sup¨¦rieur repr¨¦sentait sa seule chance de mener une vie productive et ¨¦panouie. M¨ºme si Oladoyin pensait qu¡¯une carri¨¨re dans le design aurait pu lui plaire, elle se sentait en d¨¦calage avec ses camarades ¨¤ l¡¯id¨¦e de savoir que contrairement ¨¤ elle, qui s¡¯¨¦tait engag¨¦e dans une autre voie, ils r¨¦ussissaient leurs ¨¦tudes sup¨¦rieures.?

??Suis-je b¨ºte???? Cette question, Oladoyin l¡¯a tap¨¦e un jour dans son navigateur web. En quelques millisecondes ¨¤ peine, Internet lui a propos¨¦ tout un arsenal de m¨¨mes, de citations et d¡¯articles. Parmi ceux-ci, il s¡¯en trouvait un qui l¡¯a frapp¨¦e. Enfin, il lui ¨¦tait donn¨¦ de d¨¦couvrir le nom de la fautive, celle qui lui ¨¦chappait depuis si longtemps?: la dyslexie. ??Pour la premi¨¨re fois de ma vie, je me suis sentie comprise. C¡¯¨¦tait comme si j¡¯avais racont¨¦ ¨¤ quelqu¡¯un ce que je ressentais depuis tant d¡¯ann¨¦es et qu¡¯on l¡¯avait ¨¦crit??, a-t-elle expliqu¨¦. Au cours des mois suivants, Oladoyin s¡¯est plong¨¦e dans ses recherches sur la dyslexie et les autres troubles des apprentissages. En d¨¦couvrant que les chercheurs se penchaient sur la question depuis plus d¡¯un si¨¨cle, mais qu¡¯en Afrique, on en savait peu sur le sujet et qu¡¯il existait peu d¡¯initiatives en la mati¨¨re, elle a d¨¦cid¨¦ de devenir porte-parole des apprenants neuroatypiques. ??J¡¯ai pris conscience que mon trouble de l¡¯apprentissage, en l¡¯absence de diagnostic et de soutien adapt¨¦, a failli me co?ter mon avenir et ma vie. Penser que d¡¯autres personnes ont vu leur avenir leur ¨¦chapper ¨¤ cause de cela, c¡¯est ce qui me motive. C¡¯est ce qui me frustre et ce qui me fait avancer.?????

Pour mettre fin au silence qui entoure la neurodiversit¨¦, Oladoyin a lanc¨¦ One Word Africa, une organisation visant ¨¤ susciter une prise de conscience ¨¤ l¡¯¨¦gard des troubles d¡¯apprentissage chez les neuroatypiques et leur offrir un soutien. Depuis sa cr¨¦ation, il y a quatre ans, One Word Africa organise des ¨¦v¨¦nements autour de la dyslexie et des autres troubles d¡¯apprentissage pour informer et g¨¦n¨¦rer une prise de conscience. Tous les mois, l¡¯organisation accueille Dyslexia Tribe, un groupe de soutien et de th¨¦rapie pour les personnes dyslexiques. Elle a par ailleurs ¨¦dit¨¦ un guide ¨¤ l¡¯usage des enseignants pour les aider ¨¤ mieux r¨¦pondre aux besoins de leurs ¨¦l¨¨ves pr¨¦sentant des troubles d¡¯apprentissage. M¨ºme si au d¨¦part elle a rencontr¨¦ des difficult¨¦s pour mobiliser des fonds, la plupart des donateurs pr¨¦f¨¦rant orienter leur soutien vers des organisations consacr¨¦es aux handicaps physiques, Oladoyin est fi¨¨re d¡¯avoir r¨¦ussi, par le biais de son organisation, ¨¤ faire parler davantage des troubles d¡¯apprentissage au Nig¨¦ria. ??Je trouve cela passionnant qu¡¯aujourd¡¯hui, lorsque l¡¯on ¨¦voque la dyslexie, les personnes qui en souffrent n¡¯aient pas honte de le dire. ? mon avis, c¡¯est notre plus grande r¨¦ussite.?? Oladoyin veut surtout que les gens sachent que rien ne leur est impossible, m¨ºme s¡¯ils ont des troubles d¡¯apprentissage. Pour joindre le geste ¨¤ la parole, et convaincre les autres qu¡¯ils en sont aussi capables, elle a repris ses ¨¦tudes apr¨¨s une interruption de deux ans afin de pr¨¦parer une licence de psychologie.?

Certains aspects de la dyslexie sur le plan scolaire, ¨¤ l¡¯image des difficult¨¦s d¡¯apprentissage, sont relativement bien compris, mais ??l¡¯impact psychologique de la dyslexie sur la personne dyslexique, ses parents, ses soignants et ses enseignants est souvent laiss¨¦ de c?t¨¦??, souligne Oladoyin. S¡¯appuyant sur son exp¨¦rience personnelle, elle explique que ce handicap peut facilement conduire les personnes qui en sont atteintes ¨¤ douter d¡¯elles-m¨ºmes, ¨¤ avoir une faible estime de soi et ¨¤ souffrir de d¨¦pression, et que les traces psychologiques ainsi laiss¨¦es ??sont ind¨¦l¨¦biles??. Ses cours de psychologie lui ont appris ¨¤ ??consid¨¦rer l¡¯individu avant tout en tant que personne plut?t qu¡¯en fonction de son handicap??. Cette vision l¡¯a beaucoup aid¨¦e ¨¤ ¨¦laborer et mettre en ?uvre des solutions par le biais de One Word Africa.?

Oladoyin tient ¨¤ pr¨¦ciser qu¡¯au Nig¨¦ria, le plus grand d¨¦fi auquel font face les personnes atteintes de troubles d¡¯apprentissage concerne le syst¨¨me, ??les politiques ¨¦ducatives, les programmes, la mani¨¨re dont ils sont con?us??. Selon elle, tenter une r¨¦forme de l¡¯¨¦ducation est une d¨¦marche qui s¡¯apparente ¨¤ un ??man¨¨ge?: parfois, vous pensez qu¡¯il faut vous y prendre par le haut avant de vous rendre compte qu¡¯il faut partir du bas?? et vice versa. Elle explique par ailleurs qu¡¯en cas de r¨¦ticence des repr¨¦sentants gouvernementaux quant ¨¤ la refonte des programmes scolaires, on peut d¨¦cider de travailler avec les enseignants. En les formant, on peut les aider ¨¤ mieux connaitre la dyslexie et ¨¤ adapter leur p¨¦dagogie aux besoins de leurs ¨¦l¨¨ves. Certains enseignants peuvent n¨¦anmoins se montrer peu dispos¨¦s ¨¤ appliquer ces m¨¦thodes, car leur objectif est de pr¨¦parer les ¨¦l¨¨ves aux examens administr¨¦s par le gouvernement, ¨¦preuves qui ne tiennent pas compte des troubles d¡¯apprentissage. ?voquant sa propre exp¨¦rience, elle explique?: ??J¡¯ai appris gr?ce ¨¤ une m¨¦thode compr¨¦hensible pour moi, mais j¡¯ai d? l¡¯abandonner au profit d¡¯une strat¨¦gie me permettant de r¨¦ussir mes examens. La fa?on dont le syst¨¨me ¨¦ducatif a ¨¦t¨¦ con?u influe sur l¡¯impact que nous [les partenaires ¨¦ducatifs] pouvons avoir.?????

Oladoyin propose d¡¯actualiser les programmes et les politiques dans un souci de les mettre plus en phase avec l¡¯¨¦volution des mentalit¨¦s et des besoins des ¨¦tudiants. ??Ces changements devraient ¨ºtre apport¨¦s non pas par ceux et celles qui le font depuis des ann¨¦es??, mais par des personnes dont les connaissances approfondies et ¨¤ jour font qu¡¯elles ??comprennent les handicaps et ce qui est r¨¦alisable??. Elle appelle ¨¦galement les gouvernements ¨¤ faciliter les partenariats avec les organisations de la soci¨¦t¨¦ civile, en vue de dispenser aux enseignants une formation ad¨¦quate et holistique qui leur permettra d¡¯adapter leur p¨¦dagogie aux apprenants pr¨¦sentant des besoins particuliers.??

Oladoyin r¨ºve d¡¯un avenir fait d¡¯opportunit¨¦s sans limites pour les ¨¦tudiants pr¨¦sentant des troubles d¡¯apprentissage, un avenir o¨´ ??le syst¨¨me [¨¦ducatif] permet aux dyslexiques d¡¯exister, leur propose d¡¯apprendre de fa?on accessible, sur un terrain d¡¯¨¦galit¨¦.???

Ressources?:

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