Il y a pr¨¨s de 13 ans, en novembre 2008, j¡¯ai ¨¦crit un article portant un titre presque identique pour la premi¨¨re ¨¦dition de la revue UNEC Transport Review dans lequel je mentionnais qu¡¯en 1896, un pi¨¦ton avait ¨¦t¨¦ la premi¨¨re personne tu¨¦e par une voiture dans un accident de la circulation1.
Puisque nous comm¨¦morons cette ann¨¦e le 125e anniversaire de ce premier d¨¦c¨¨s d? ¨¤ un accident de la route, il convient de rapporter certains d¨¦tails sur cet ¨¦v¨¦nement fournis dans un communiqu¨¦ de presse des Nations Unies (GA/10236) du 14 avril 2004?: ??LEE JONG-WOOK, Directeur g¨¦n¨¦ral de l¡¯Organisation mondiale de la sant¨¦ (OMS), a rappel¨¦ que la premi¨¨re personne ¨¤ avoir ¨¦t¨¦ tu¨¦e par une voiture est Bridget Driscoll, ?g¨¦e de 44 ans et m¨¨re de deux enfants, qui a ¨¦t¨¦ renvers¨¦e par un v¨¦hicule roulant ¨¤ 12 km/h, le 17 ao?t 1896 devant le Crystal Palace ¨¤ Londres. Lors de l¡¯enqu¨ºte, le m¨¦decin l¨¦giste a mis en garde?: ¡®Cela ne doit jamais se reproduire¡¯. Le monde, pour sa grande perte, n¡¯a pas pris ce conseil en compte??.
Malgr¨¦ cela, ni le conducteur ni ses employeurs n¡¯ont ¨¦t¨¦ inculp¨¦s de la mort de Mme Driscoll ou d¡¯un autre d¨¦lit. L¡¯enqu¨ºte a conclu que sa mort ¨¦tait ??accidentelle??, en d¡¯autres termes, le fruit du hasard ou de la malchance. Nous savons qu¡¯aucune mesure n¡¯a ¨¦t¨¦ prise pour qu¡¯un examen approfondi soit r¨¦alis¨¦ afin de d¨¦terminer la cause de l¡¯accident et ses cons¨¦quences et d'¨¦viter qu¡¯un d¨¦c¨¨s similaire ne se produise ¨¤ l¡¯avenir.
Cet accident a cr¨¦¨¦ un pr¨¦c¨¦dent et depuis, un carnage aux proportions terrifiantes a eu lieu qui se poursuit jour apr¨¨s jour. Si les chiffres r¨¦els des personnes tu¨¦es, mutil¨¦es et bless¨¦es dans le monde depuis 1896 ne seront jamais enti¨¨rement connus, on estime que plus de 50 millions de personnes ont ¨¦t¨¦ tu¨¦es et des centaines de millions ont ¨¦t¨¦ bless¨¦es. Heathcote William, dans son po¨¨me ???, fait r¨¦f¨¦rence ¨¤ ce bilan comme ??la troisi¨¨me guerre mondiale que personne ne s¡¯est souci¨¦ de d¨¦clarer??.
Aujourd¡¯hui, nous pourrions comparer le carnage ¨¤ une pand¨¦mie persistante qui affecte principalement les personnes vuln¨¦rables et les jeunes.
Une pand¨¦mie qui, en plus de l¡¯impact du deuil et du traumatisme li¨¦ aux blessures, a aussi des cons¨¦quences ¨¦conomiques d¨¦vastatrices. Une pand¨¦mie qui affecte surtout les pays ¨¤ faible revenu et ceux ¨¤ revenu interm¨¦diaire, qui leur co?te plus qu¡¯ils ne re?oivent en aide au d¨¦veloppement2 et qui fait basculer de nombreuses familles dans la pauvret¨¦3.?
Une pand¨¦mie qui, finalement en 2004, 108 ans apr¨¨s le d¨¦c¨¨s de Bridget Driscoll, a figur¨¦ danset a ¨¦t¨¦ reconnue comme une question de sant¨¦ publique primordiale.
En cons¨¦quence, le (UNRSC) a ¨¦t¨¦ ¨¦tabli ¨¤ la suite duquel des journ¨¦es, des semaines et des conf¨¦rences ont ¨¦t¨¦ institu¨¦es. Comm¨¦mor¨¦e par de nombreux pays chaque ann¨¦e depuis 1995 le troisi¨¨me dimanche de novembre, la est c¨¦l¨¦br¨¦e par les organisations de victimes d¡¯accidents de la route sous l¡¯¨¦gide de la (FEVR) et sous la direction de . Elle a ¨¦t¨¦ adopt¨¦e par l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale des Nations Unies le 26 octobre 2005 dans la du 26 octobre 2005 gr?ce au soutien de l¡¯OMS, en particulier celui du Dr Etienne Krug. de la D¨¦cennie d¡¯action pour la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re 2011-2020 a ¨¦t¨¦ ¨¦galement lanc¨¦ et achev¨¦.
Pourtant ¨¤ ce jour, peu de progr¨¨s, voire aucun, n¡¯ont ¨¦t¨¦ faits pour r¨¦duire les . Apr¨¨s avoir fix¨¦ une cible de r¨¦duction ¨¤ 50?%, il est d¨¦plorable de constater qu¡¯aucune r¨¦duction n¡¯a ¨¦t¨¦ enregistr¨¦e au cours de la derni¨¨re d¨¦cennie. Beaucoup ont estim¨¦ que cette cible ¨¦tait ??ambitieuse??, mais pour les victimes d¡¯accidents de la route et leurs d¨¦fenseurs, seule une cible de 0?% est acceptable ¡ª ?Vision Z¨¦ro ¡ª car une cible de 50 % par an signifie que chaque ann¨¦e, il y aura 700 000 d¨¦c¨¨s et des millions de bless¨¦s, ce qui serait impensable pour les d¨¦c¨¨s et les blessures caus¨¦es d¡¯une autre fa?on.
Nous accueillons tr¨¨s favorablement le th¨¨me de la Semaine mondiale des Nations Unies pour la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re ???? consacr¨¦ cette ann¨¦e ¨¤ la r¨¦duction de la vitesse, conscients que les limitations de vitesse peuvent sauver des vies. Toutefois, nous ne pourrons y parvenir que si, en plus de la promotion, le respect des limitations de vitesse est assur¨¦ par une application stricte de la l¨¦gislation et des sanctions significatives pour non-respect.
Le non-respect des r¨¨gles de la circulation est la cause principale des d¨¦c¨¨s et des blessures. Une enqu¨ºte approfondie sur les accidents mortels et les blessures men¨¦e pour identifier leurs causes, entra?nant des poursuites p¨¦nales, le cas ¨¦ch¨¦ant, devrait ¨ºtre une partie essentielle de la pr¨¦vention des accidents de la route. Or, il n¡¯en est rien, ce qui est probablement la raison m¨ºme de l¡¯ampleur d¨¦mesur¨¦e de ce probl¨¨me.
Pour le dernier Plan mondial pour la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re, la FEVR, en tant que membre de l¡¯UNRSC, a plaid¨¦ pour l¡¯ajout de l¡¯activit¨¦ 5 au volet 5 ¨C une intervention efficace apr¨¨s un accident?: ??Encourager des enqu¨ºtes approfondies sur les accidents et une r¨¦ponse juridique efficace apr¨¨s un accident mortel ou non mortel et, donc, favoriser un r¨¨glement juste pour les personnes endeuill¨¦es et les bless¨¦s4??. Malheureusement, il semble que l¡¯activit¨¦ 5 n¡¯a pas encore ¨¦t¨¦ prise en compte dans le monde.
L¡¯application de la loi, les enqu¨ºtes ainsi qu'une r¨¦ponse juridique devraient faire partie int¨¦grante de la pr¨¦vention des accidents afin de mettre fin au carnage inacceptable sur les routes. Elles doivent faire partie d¡¯? une intervention efficace apr¨¨s un accident?? dans le nouveau Plan mondial pour la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re et ¨ºtre appliqu¨¦es.
???La D¨¦claration de Bruxelles ? des organisations non gouvernementales
Lors de la premi¨¨re D¨¦cennie d¡¯action pour la s¨¦curit¨¦ 2011¨C2020, les organisations non gouvernementales (ONG) plaidant pour les victimes d¡¯accidents de la route et la r¨¦duction des dangers sur la route ont compil¨¦ 33 recommandations destin¨¦es aux gouvernements dans la ?
La D¨¦claration a ¨¦t¨¦ sign¨¦e par 70 ONG de 40 pays, qui se sont r¨¦unies ¨¤ Bruxelles en mai 2009, lors d¡¯une r¨¦union organis¨¦e par l¡¯OMS et qui, pendant six mois, ont envoy¨¦ leurs propositions, leurs commentaires et leur accord aux recommandations dans cinq principaux domaines?: approche g¨¦n¨¦rale; pr¨¦vention; intervention efficace apr¨¨s un accident; apprentissage ¨¤ l¡¯¨¦chelle mondiale et initiatives et actions communes.
Sur les 70 ONG, 12 ¨¦taient des organisations membres de la FEVR, les autres ¨¦tant issues du monde entier. Nombre de ces derni¨¨res sont aujourd¡¯hui membres du et des mis en place par la suite.
La D¨¦claration a ¨¦t¨¦ lanc¨¦e lors de la ¨¤ Moscou, en novembre 2009.
Lancement des recommandations des ONG pour la D¨¦cennie 2021-2030
Ces recommandations importantes n¡¯ayant toujours pas ¨¦t¨¦ mises en ?uvre, il est n¨¦cessaire de les relancer lors de la prochaine D¨¦cennie et de demander qu¡¯elles soient prises en compte.
R¨¦sum¨¦ des recommandations des ONG pour la ??D¨¦cennie d¡¯action??
Les ONG qui repr¨¦sentent des victimes d¡¯accidents de la route et des usagers ont un int¨¦r¨ºt particulier ¨¤ am¨¦liorer la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re et ¨¤ assurer un r¨¦seau mondial de transport routier sans accident mortel. Un grand nombre de ces ONG ont ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦es par des personnes endeuill¨¦es ou bless¨¦es suite ¨¤ un accident et motiv¨¦es ¨¤ aider d¡¯autres victimes ou ¨¤ participer ¨¤ des activit¨¦s de s¨¦curit¨¦ routi¨¨re.
En mai 2009, plus de 100 repr¨¦sentants de 70 ONG de 40 pays se sont r¨¦unis pour la premi¨¨re fois ¨¤ Bruxelles, lors d¡¯une r¨¦union organis¨¦e par l¡¯OMS.?S¡¯appuyant sur leur expertise et leur perspective uniques, les participants ont compil¨¦ 33 recommandations pour am¨¦liorer la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re dans cinq domaines. Le r¨¦sum¨¦ de leurs principales recommandations aux gouvernements est le suivant?:?
APPROCHE G?N?RALE
La route est un domaine public ainsi qu¡¯un r¨¦seau qui relie les gens.
Les ONG et les gouvernements appellent donc?:
- ¨¤ modifier significativement les politiques de transport, donnant la priorit¨¦ ¨¤ la s¨¦curit¨¦ et ¨¤ la mobilit¨¦ durable;
- ¨¤ traiter les blessures li¨¦es aux dangers de la circulation et de la mobilit¨¦ comme des questions de sant¨¦ publique et de droits de l¡¯homme;
- ¨¤ concevoir des routes en prenant en compte le r?le de l¡¯espace public et les droits/besoins des usagers de la route vuln¨¦rables;
- ¨¤ ¨¦viter dans la mesure du possible l¡¯emploi du terme ??accident??, car il implique un ¨¦v¨¦nement qui se produit sans cause apparente.
PR?VENTION
Il est de notre devoir de r¨¦duire ¨¤ z¨¦ro autant que possible le nombre de victimes d¡¯accidents de la route.
Les ONG ont donc demand¨¦ aux gouvernements?:
- de montrer l¡¯exemple en g¨¦rant les risques;
- de fournir des ressources pour la recherche et l¡¯application stricte de la loi et r¨¦former les r¨¨gles de circulation;
- de mettre en place un m¨¦canisme de financement durable pour la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re;
- d¡¯adopter des normes mondiales concernant la formation de la police, la formation des conducteurs et l¡¯octroi du permis de conduire.?
INTERVENTION APR?S UN ACCIDENT
Une intervention apr¨¨s un accident est un ¨¦l¨¦ment essentiel des politiques de s¨¦curit¨¦ routi¨¨re efficaces. Elle comprend?des op¨¦rations de secours imm¨¦diates, des enqu¨ºtes approfondies, des proc¨¦dures p¨¦nales et civiles, le cas ¨¦ch¨¦ant, et un soutien/une r¨¦adaptation ¨¤ long terme.
Les ONG s¡¯attendent donc ¨¤ ce que les gouvernements garantissent?:
- une am¨¦lioration des services d¡¯urgence et la r¨¦adaptation pr¨¦coce pour att¨¦nuer les traumatismes dus aux accidents de la circulation;
- la mise en place de normes nationales et sociales pour assurer des soins m¨¦dicaux et une aide juridique aux bless¨¦s et aux familles endeuill¨¦es;
- des enqu¨ºtes approfondies afin que toutes les causes pouvant ¨ºtre ¨¦vit¨¦es soient identifi¨¦es et que la justice soit rendue aux victimes;
- une r¨¦ponse efficace, proportionn¨¦e et dissuasive aux infractions impliquant la mort ou des blessures.
APPRENTISSAGE MONDIAL
Vu le co?t ¨¦norme en vies humaines et les effets de la pollution sur les changements climatiques, il est essentiel de revenir ¨¤ des modes de mobilit¨¦ durables.
Les ONG ont donc demand¨¦ aux gouvernements de pr¨ºter une attention particuli¨¨re :
- ¨¤ l¡¯adoption et ¨¤ l¡¯int¨¦gration de tous les modes de mobilit¨¦ dans la conception des routes;
- ¨¤ la prise en compte de la s¨¦curit¨¦ aux usagers de la route vuln¨¦rables ainsi qu¡¯¨¤ leur confort.
INITIATIVES ET ACTIONS COMMUNES
Les ONG offrent aux gouvernements leur coop¨¦ration, leur expertise et leurs initiatives communes et demandent en ¨¦change la cr¨¦ation d¡¯un partenariat ainsi que la garantie du financement et du soutien de leurs activit¨¦s.
Les ONG proposent?:
- la mise en place de r¨¦seau de sensibilisation ¨¤ l¡¯¨¦chelle nationale pour assurer la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re et celle des victimes de la route;
- la c¨¦l¨¦bration conjointe de la Journ¨¦e mondiale du souvenir, une journ¨¦e lanc¨¦e ¨¤ l¡¯initiative des victimes afin de mettre en ¨¦vidence les cons¨¦quences des dangers sur la route et l¡¯impact des d¨¦c¨¨s et des blessures dus aux accidents;
- la cr¨¦ation d¡¯un monument national en hommage aux victimes de la route dans la capitale de chaque pays;
- la mise en place d¡¯une Coalition internationale contre les traumatismes dus aux accidents de la route (ICART) regroupant les coalitions nationales.
Nous esp¨¦rons qu¡¯avec le lancement de la sixi¨¨me Semaine mondiale pour la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re des Nations Unies (et la nouvelle D¨¦cennie d¡¯action 2021-2030), le 125e anniversaire de la mort de Bridget Driscoll sera un tournant d¨¦cisif dans la mani¨¨re d¨¦sinvolte dont les d¨¦c¨¨s et les blessures dus aux accidents de la route sont trait¨¦s et conduira ¨¤ leur ¨¦limination ¨¦ventuelle.
Il faut aussi esp¨¦rer que la c¨¦l¨¦bration la plus importante possible de la Journ¨¦e mondiale du souvenir permettra d¡¯atteindre cet objectif, mettant l¡¯accent sur les cons¨¦quences profondes des dangers sur la route, c¡¯est-¨¤-dire l¡¯impact des deuils et des blessures et leur co?t ¨¦lev¨¦ pour les familles, les communaut¨¦s et les pays.
C¡¯est en r¨¦duisant le nombre de victimes que nous manifesterons le mieux notre soutien aux victimes de la route partout dans le monde et une meilleure reconnaissance de ces victimes.?
Notes
1?Brigitte Chaudhry, ??Road Deaths and Injuries Shatter Lives: The Reason for a Serious Post Crash Response??,?UNECE Transport Review, ?(novembre 2008), pp. 35¨C36. Disponible sur le site .
2?Koustuv Dalal et al., ??Economics of Global Burden of Road Traffic Injuries and Their Relationship with Health System Variables??,?International Journal of Preventive Medicine, 4(12) (d¨¦cembre 2013) pp. 1442¨C1450. Disponible sur le site?.
3???Poverty & Road Safety: A Global Road Safety Partnership Positioning Paper??, International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies. Disponible sur le site .
4?Organisation mondiale de la sant¨¦,?Plan mondial de la D¨¦cennie d¡¯action pour la s¨¦curit¨¦ routi¨¨re 2011-2020, p. 17. Disponible sur le site?.
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