5 mai 2015

La sant¨¦ est fondamentale au d¨¦veloppement humain. Toutes les populations, quel que soit leur statut social, placent la sant¨¦ en t¨ºte de?leurs priorit¨¦s1 et l¡¯on sait que celles qui jouissent d¡¯une bonne sant¨¦ sont essentielles au maintien des soci¨¦t¨¦s. Il n¡¯est donc pas surprenant que quatre des huit objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD) soient directement li¨¦s ¨¤ la sant¨¦2.

Les OMD ont r¨¦ussi ¨¤ focaliser l¡¯attention et les ressources mondiales sur des d¨¦fis mondiaux sp¨¦cifiques, urgents, notamment la faim, la sant¨¦ maternelle et infantile, le VIH/sida et le paludisme. Ces questions ont ¨¦t¨¦ inscrites en t¨ºte de l¡¯ordre du jour mondial, invitant les organismes nationaux, les gouvernements, les organisations non gouvernementales et la soci¨¦t¨¦ civile, les entreprises priv¨¦es ainsi que d¡¯autres parties prenantes ¨¤ se r¨¦unir pour atteindre les objectifs fix¨¦s. L¡¯extr¨ºme pauvret¨¦ a ¨¦t¨¦ r¨¦duite de moiti¨¦, d¡¯importants progr¨¨s ont ¨¦t¨¦ r¨¦alis¨¦s dans la lutte contre le paludisme et la tuberculose et plus de 2 milliards de personnes ont eu acc¨¨s ¨¤ l¡¯eau potable.

N¨¦anmoins, comme pour de nombreuses autres cibles mondiales, ¨¤ c?t¨¦ des points forts et des succ¨¨s, il existe aussi des d¨¦fis et des d¨¦faillances. Les progr¨¨s ont ¨¦t¨¦ in¨¦gaux, ¨¤ la fois dans les pays et entre eux. Si la malnutrition chronique et la mortalit¨¦ maternelle et infantile ont ¨¦t¨¦ consid¨¦rablement r¨¦duites, il reste encore beaucoup ¨¤ faire. L¡¯¨¦ducation du public et le d¨¦pistage rapide du VIH/sida ont r¨¦duit le nombre de nouveaux cas et des traitements plus efficaces ont permis aux personnes infect¨¦es de vivre plus longtemps.

Mais il faut offrir l¡¯acc¨¨s aux traitements ¨¤ un plus grand nombre de personnes, ¨¦viter l¡¯apparition de nouveaux cas et r¨¦duire la stigmatisation et la discrimination.

Les OMD ont encourag¨¦ des interventions sp¨¦cifiques qui ont eu un effet plus b¨¦n¨¦fique pour les sous-populations, notamment pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans, que pour l¡¯ensemble de la population. Certains pays, cependant, ont cherch¨¦ ¨¤ am¨¦liorer les indicateurs en investissant dans leurs syst¨¨mes de sant¨¦ afin de venir en aide au plus grand nombre, ce qui a abouti ¨¤ des progr¨¨s spectaculaires en mati¨¨re de sant¨¦ pour toutes les tranches d¡¯?ge. D¡¯autres pays ont cibl¨¦ les interventions sur la fourniture de services de sant¨¦ principalement pour les femmes enceintes et les enfants en bas ?ge, mais ont r¨¦alis¨¦ moins de progr¨¨s sur le plan de la sant¨¦ pour l¡¯ensemble de la population. De nouvelles mesures sont n¨¦cessaires pour assurer la plus grande ¨¦galit¨¦ dans les r¨¦sultats et traiter la question des syst¨¨mes de sant¨¦ tout en ciblant les maladies sp¨¦cifiques.

De surcro?t, la charge mondiale de morbidit¨¦ ayant consid¨¦rablement chang¨¦ au cours des 30 derni¨¨res ann¨¦es, les syst¨¨mes de sant¨¦ doivent faire l¡¯objet d¡¯une plus grande attention. Les maladies non transmissibles, comme les accidents vasculaires c¨¦r¨¦braux, le cancer et le diab¨¨te, sont l¡¯une des causes de mortalit¨¦ et de morbidit¨¦ de plus en plus importantes ¨¤ la fois dans les pays d¨¦velopp¨¦s et dans les pays en d¨¦veloppement3. De fait, avec la croissance ¨¦conomique rapide, de nombreux pays en d¨¦veloppement font face ¨¤ de nouveaux probl¨¨mes; dans les r¨¦gions pauvres, plus recul¨¦es, la r¨¦alisation des OMD accuse un retard important, alors que le diab¨¨te et les maladies cardiaques sont en progression dans les villes plus ais¨¦es. M¨ºme au sein des m¨¦nages, la dynamique familiale peut faire que certains membres de la famille souffrent de carences en calories ou en micronutriments alors que d¡¯autres sont ob¨¨ses. Le programme pour l¡¯apr¨¨s-2015 doit donc pouvoir offrir un soutien aux pays pour qu¡¯ils abordent toutes ces questions.

La recherche m¨¦dicale a montr¨¦ que les questions de sant¨¦ qui ¨¦taient rel¨¦gu¨¦es au second plan jouent un r?le beaucoup plus important pour notre sant¨¦ et notre bien-¨ºtre. La sant¨¦ mentale, par exemple. On admet de plus en plus qu¡¯il faut faire plus pour r¨¦duire la stigmatisation des maladies mentales et offrir des services de sant¨¦ mentale. La question de la qualit¨¦ de l¡¯air int¨¦rieur et ext¨¦rieur ainsi que celle de l¡¯eau et autres d¨¦terminants environnementaux de la sant¨¦ est ¨¦galement un autre exemple. L¡¯examen de ces questions est essentiel pour prot¨¦ger la sant¨¦ mondiale et doit jouer un plus grand r?le dans le programme pour l¡¯apr¨¨s-2015.

Nous recommandons donc que le programme de d¨¦veloppement pour l¡¯apr¨¨s-2015 r¨¦affirme l¡¯engagement aux OMD et couvre les nouvelles questions qui m¨¦ritent une attention mondiale urgente. L¡¯ODD 3, permettre ¨¤ tous de vivre en bonne sant¨¦ et promouvoir le bien-¨ºtre de tous ¨¤ tout ?ge, peut facilement s¡¯inscrire dans ce vaste programme. Le texte actuel, qui comprend des cibles chiffr¨¦es pour la mortalit¨¦ infantile et maternelle, peut relancer l¡¯action afin de mener les OMD ¨¤ leur terme. Les cibles relatives aux maladies non transmissibles, ¨¤ la toxicomanie et ¨¤ la sant¨¦ environnementale sensibiliseront la communaut¨¦ internationale ¨¤ l¡¯importance de ces questions et acc¨¦l¨¦reront les progr¨¨s.

L¡¯aspect le plus r¨¦volutionnaire de l¡¯objectif actuel est probablement la cible relative ¨¤ la couverture sanitaire universelle (CSU). Celle-ci risque d¡¯¨ºtre critiqu¨¦e par certains jugeant que le concept est trop large et qu¡¯elle est donc difficile ¨¤ r¨¦aliser ou ¨¤ mesurer. Toutefois, des cibles ambitieuses sont souvent n¨¦cessaires pour susciter des progr¨¨s. Alors que les OMD donnent un degr¨¦ de priorit¨¦ aux interventions sp¨¦cifiques pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, la CSU encourage une vie saine en investissant dans la sant¨¦. Des ¨¦l¨¦ments de plus en plus nombreux montrent que les investissements dans les syst¨¨mes de sant¨¦ sont essentiels pour am¨¦liorer les r¨¦sultats en mati¨¨re de sant¨¦4.

En r¨¦sum¨¦, la cible relative ¨¤ la CSU vise ¨¤ ce que tous les individus aient acc¨¨s aux services de sant¨¦ de qualit¨¦ dont ils ont besoin sans s¡¯exposer ¨¤ des difficult¨¦s financi¨¨res. Elle soutient l¡¯am¨¦lioration de l¡¯¨¦quit¨¦ en ce qui concerne les r¨¦sultats en mati¨¨re de sant¨¦, car elle permet m¨ºme aux plus pauvres de b¨¦n¨¦ficier de soins, sans risque d¡¯appauvrissement. Elle adopte une approche ax¨¦e sur la vie enti¨¨re en traitant les questions de sant¨¦ ¨¤ tous les ?ges. Correctement appliqu¨¦e, elle r¨¦pond aux demandes en mati¨¨re de soins primaires pour tous et appuie les services de promotion, de pr¨¦vention, de traitement, de soins palliatifs et de r¨¦adaptation. Enfin, elle peut ¨ºtre mise en ?uvre en tirant parti de l¡¯action ax¨¦e sur les d¨¦terminants sociaux et environnementaux de la sant¨¦, y compris les choix comportementaux (r¨¦gimes, exercice, qualit¨¦ de l¡¯air, consommation de tabac, etc.).

Relever le d¨¦fi de la CSU au cours des 15 prochaines ann¨¦es pourrait changer les choses ¨¤ la fois pour les pays riches et les pays pauvres. Il est crucial que l¡¯am¨¦lioration de la sant¨¦ soit b¨¦n¨¦fique pour tous, pas seulement pour certains groupes. Des analyses causales r¨¦alis¨¦es dans 153 pays montrent qu¡¯une ? couverture sanitaire ¨¦tendue am¨¦liore l¡¯acc¨¨s aux soins de base et am¨¦liorent la sant¨¦ de la population, les pauvres en tirant le plus de b¨¦n¨¦fices5 ?. Le Rapport sur la sant¨¦ dans le monde 2010 montre les effets catastrophiques des co?ts de soins de sant¨¦. Pr¨¨s de 150 millions de personnes ont ¨¦t¨¦ confront¨¦es ¨¤ des difficult¨¦s financi¨¨res et 100 millions sont pass¨¦es en dessous du seuil de pauvret¨¦ ¨¤ cause des co?ts qu¡¯elles ont d? assumer6. La CSU met l¡¯accent sur l¡¯¨¦limination des barri¨¨res financi¨¨res aux soins de sant¨¦ et l¡¯acc¨¨s universel et s¡¯assure que personne ne renonce ¨¤ un traitement en raison de son co?t.

Bien s?r, l¡¯¨¦tablissement d¡¯objectifs et de priorit¨¦s a ses limites. Le vrai test sera de voir comment les objectifs seront mis en ?uvre et les progr¨¨s mesur¨¦s et ¨¦valu¨¦s. Vu l¡¯ampleur de l¡¯objectif qui est de permettre ¨¤ tous de vivre en bonne sant¨¦ et promouvoir le bien-¨ºtre de tous ¨¤ tout ?ge, les gouvernements, les organisations internationales et d¡¯autres acteurs doivent se montrer pragmatiques concernant la mise en ?uvre des politiques et le suivi des progr¨¨s. L¡¯accord sur les objectifs et les priorit¨¦s mondiaux, ainsi que sur toutes les d¨¦cisions politiques, sera in¨¦vitablement un processus politique ainsi que technique, m¨ºme avec la coop¨¦ration des parties prenantes participantes. Il faudra g¨¦rer les tensions entre ces deux niveaux, politique et technique, pour que les objectifs et les cibles puissent ¨ºtre atteints et qu¡¯il soit possible de v¨¦rifier et de suivre leur mise en ?uvre.

Des d¨¦bats sont en cours sur le choix des indicateurs ¨¤ utiliser et la mani¨¨re de financer les ODD. Le R¨¦seau des solutions pour le d¨¦veloppement durable (SDSN, ) a propos¨¦ un cadre d¡¯indicateurs pour l¡¯apr¨¨s-2015. Ils doivent ¨ºtre clairs et directs, choisis par consensus par un groupe diversifi¨¦ de parties prenantes et bas¨¦s sur les sources d¡¯information existantes. Ces indicateurs doivent mesurer les r¨¦sultats dans toute la mesure du possible et ¨ºtre ventil¨¦s par diverses variables socio¨¦conomiques (?ge, sexe, urbain/rural, etc.) afin d¡¯assurer des progr¨¨s ¨¦quitables. De plus, les gouvernements doivent soutenir les appels ¨¤ une ? r¨¦volution des donn¨¦es ? et s¡¯attacher ¨¤ publier les rapports annuels des donn¨¦es disponibles. Les nouvelles technologies, comme les t¨¦l¨¦phones portables et la t¨¦l¨¦d¨¦tection, facilitent de plus en plus la collecte et l¡¯analyse rapides de donn¨¦es de haute qualit¨¦; le programme pour l¡¯apr¨¨s-2015 devrait en tirer avantage.

Nous avons la possibilit¨¦ d¡¯¨¦tablir un programme de d¨¦veloppement ambitieux, ¨¦quitable, pour les 15 prochaines ann¨¦es. Les processus politiques mondiaux sont bien engag¨¦s et devraient g¨¦n¨¦rer des r¨¦sultats importants, ce qui pourrait transformer la sant¨¦ mondiale. Alors que nous approchons de septembre 2015, les parties prenantes doivent veiller ¨¤ ce que les Gouvernements aboutissent ¨¤ un accord sur le cadre de leurs engagements et commencent ¨¤ travailler ensemble ¨¤ la mise en ?uvre des ODD. ?

Notes

1?? John Helliwell, Richard Layard et Jeffrey Sachs, dir. publ., World Happiness Report (New York, R¨¦seau des solutions pour le d¨¦veloppement durable, 2012).

2??? Ici nous comptons l¡¯OMD? 1 (pauvret¨¦ et faim), 4 (mortalit¨¦ infantile), 5 (sant¨¦ maternelle) et 6 (VIH/sida, paludisme et tuberculose).

3??? Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME), GBD Compare, Seattle, Washington, University of Washington, 2013. Disponible sur le site .

4??? Organisation mondiale de la sant¨¦, L¡¯affaire de tous ¨C Renforcer les syst¨¨mes de sant¨¦ pour de meilleurs r¨¦sultats sanitaires (Gen¨¨ve, 2007). Disponible sur le site

5??? Rodrigo Moreno-Serra et Peter C. Smith, ? Does progress towards universal health coverage improve population health? ? The Lancet, vol. 380, n¡ã 9845, (septembre 2012), pp. 917¨C923. Disponible sur le site .

6??? Organisation mondiale de la sant¨¦, Le financement des syst¨¨mes de sant¨¦ le chemin vers une couverture universelle. Rapport sur la sant¨¦ dans le monde 2010 (Gen¨¨ve, 2010). Disponible sur le site

?

La?Chronique de l¡¯ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privil¨¨ge d¡¯accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingu¨¦s ne faisant pas partie du syst¨¨me des Nations Unies dont les points de vue ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement ceux de l¡¯Organisation. De m¨ºme, les fronti¨¨res et les noms indiqu¨¦s ainsi que les d¨¦signations employ¨¦es sur les cartes ou dans les articles n¡¯impliquent pas n¨¦cessairement la reconnaissance ni l¡¯acceptation officielle de l¡¯Organisation des Nations Unies.?