? L'¨¦ducation est l'arme la plus puissante pour changer le monde. ?
--Nelson Mandela
L'un des h¨¦ritages les plus caract¨¦ristiques de l'apartheid est le manque d'acc¨¨s d'une enti¨¨re g¨¦n¨¦ration de Sud-Africains noirs ¨¤ une ¨¦ducation ad¨¦quate par un syst¨¨me destin¨¦ ¨¤ renforcer le syst¨¨me d'oppression et de domination. Quatorze ans apr¨¨s que l'Afrique du Sud est devenue une d¨¦mocratie ¨¤ la majorit¨¦, l'h¨¦ritage du pass¨¦ raciste n'a pas enti¨¨rement disparu. Alors que les ¨¦coles r¨¦serv¨¦es aux Blancs n'existent plus, la majorit¨¦ des ¨¦l¨¨ves noirs sont plus pauvres que les blancs. Dans le cadre d'efforts men¨¦s pour r¨¦duire la fracture sociale qui persiste dans plusieurs parties de ce pays, un programme unique proposant un concours de d¨¦bats en Afrique du Sud dans le cadre de ? l'ONU mise en sc¨¨ne ? se distingue des autres.
Bien qu'¨¦tant un membre fondateur des Nations Unies, l'Afrique du Sud a ¨¦t¨¦ de plus en plus isol¨¦e de l'Organisation pendant les ann¨¦es 1970 et 1980, alors que la campagne internationale contre l'apartheid s'intensifiait. Quand les institutions de l'ONU ont ¨¦tabli leurs bureaux ¨¤ Pretoria au milieu des ann¨¦es 1990, la soci¨¦t¨¦ ¨¦tait largement d¨¦connect¨¦e de la communaut¨¦ internationale et en particulier des Nations Unies. La participation active de l'Afrique du Sud ¨¤ l'ONU depuis la derni¨¨re d¨¦cennie a consid¨¦rablement contribu¨¦ au retour de ce pays sur la sc¨¨ne publique alors que le pays a accueilli en 2001 ¨¤ Durban la Conf¨¦rence internationale sur le racisme.
Pour comm¨¦morer le cinquanti¨¨me anniversaire des Nations Unies en 1995, le gouvernement dirig¨¦ par Nelson Mandela et les institutions de l'ONU qui venaient de s'¨¦tablir ¨¤ Pretoria, ont inaugur¨¦ le Concours de d¨¦bats dans le cadre de ? l'ONU mise en sc¨¨ne ?. Pour assurer la repr¨¦sentation de toutes les couches sociales, il fut d¨¦cid¨¦ que chaque ¨¦quipe serait compos¨¦e de deux ¨¦l¨¨ves faisant partie d'une ¨¦cole autrefois d¨¦savantag¨¦e et de deux autres venant d'une ¨¦cole autrefois avantag¨¦e.
Et ceci pour deux raisons :
1. ¨¦viter que les ¨¦coles qui ont un meilleur acc¨¨s aux sources d'information gagnent le d¨¦bat contre celles dans les townships qui sont moins bien ¨¦quip¨¦es; et
2. faciliter le dialogue entre les ¨¦l¨¨ves et les enseignants qui sinon n'existerait pas, r¨¦duisant ainsi les barri¨¨res raciales et encourageant la socialisation, et finalement la construction de la nation.
Les ¨¦quipes de chacune des neuf provinces dans le pays ont concouru, d¨¦battant de questions de port¨¦e mondiale. La premi¨¨re rencontre a connu un grand succ¨¨s et l'¨¦quipe gagnante parmi les ¨¦l¨¨ves de neuf lyc¨¦es venant des quatre coins du pays a accompagn¨¦ avec ¨¦clat et enthousiasme le Pr¨¦sident Mandela ¨¤ la cinquanti¨¨me session de l'Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale ¨¤ New York, alors que l'Afrique du Sud revenait sur la sc¨¨ne internationale.
L'initiative de 1995 a ¨¦t¨¦ un tel succ¨¨s qu'une organisation non gouvernementale ¨¦tablie ¨¤ Johannesburg, Education Africa, en conjonction avec une organisation ¨¦tudiante, le Model UN of South Africa, a commenc¨¦ ¨¤ organiser des d¨¦bats tous les ans. Avec le financement du secteur priv¨¦ sud-africain, le concours de d¨¦bats est devenu d¨¦sormais un ¨¦v¨¦nement annuel.
Le minist¨¨re sud-africain de l'?ducation invite les ¨¦coles dans tout le pays ¨¤ participer au concours. Des sessions de formation sont organis¨¦es dans les neuf provinces o¨´ les ¨¦l¨¨ves--qui ont en moyenne 16 et 17 ans--apprennent ¨¤ d¨¦battre des questions inscrites ¨¤ l'ordre du jour de l'ONU. Apr¨¨s leur avoir assign¨¦ une question et un pays qu'elles repr¨¦sentent, les ¨¦quipes, qui comprennent chacune quatre ¨¦tudiants ont trois mois pour pr¨¦parer un d¨¦bat au niveau provincial. Parmi les questions d¨¦battues figurent le travail des enfants, le changement climatique, le VIH/sida, le maintien de la paix, le terrorisme et la x¨¦nophobie. L'¨¦quipe gagnante dans chaque province est ensuite invit¨¦e ¨¤ participer aux trois d¨¦bats des finales nationales qui ont lieu deux mois plus tard au Cap. ? l'issue de la finale, la meilleure ¨¦quipe de l'une des provinces et un ¨¦l¨¨ve de chacune des huit provinces restantes sont choisis pour former la d¨¦l¨¦gation nationale qui participera ¨¤ la Conf¨¦rence internationale annuelle ? l'ONU mise en sc¨¨ne ? ¨¤ New York.
Les douze ¨¦l¨¨ves qui participent ¨¤ la Conf¨¦rence sont choisis en fonction de leur comp¨¦tence ¨¤ repr¨¦senter le pays qui leur a ¨¦t¨¦ assign¨¦ et de l'efficacit¨¦ de leur travail d'¨¦quipe. Ce deuxi¨¨me facteur rend ce projet unique. Quelle que soit la situation socio-¨¦conomique des ¨¦l¨¨ves ou le manque de ressources de leur ¨¦cole, ce qui compte le plus, ce sont leurs connaissances du monde, ainsi que la participation de tous les membres de l'¨¦quipe.
Un tuteur est assign¨¦ ¨¤ chaque ¨¦quipe, g¨¦n¨¦ralement un ¨¦tudiant, qui aide ¨¤ former les membres de l'¨¦quipe. En outre, les enseignants des ¨¦coles ¨¤ la fois avantag¨¦es et d¨¦savantag¨¦es sont ¨¦galement cens¨¦s apporter leur concours. La participation annuelle de l'¨¦quipe ¨¤ la Conf¨¦rence internationale ? l'ONU mise en sc¨¨ne ? suscite l'attention. Durant les trois derni¨¨res ann¨¦es, les d¨¦l¨¦gations sud-africaines ont re?u plusieurs prix, y compris le prix 2007 ? Meilleure d¨¦l¨¦gation ? lors de la Conf¨¦rence internationale ? l'ONU mise en sc¨¨ne ? qui s'est tenue ¨¤ Cornell University.
L'¨¦quipe gagnante du dernier concours comprenait deux gar?ons du lyc¨¦e Morris Isaacson ¨¤ Soweto, o¨´ les graves ¨¦meutes ont ¨¦clat¨¦ en 1976, et deux filles de Hoerskool Linden, un coll¨¨ge d'Afrikaners ¨¤ Johannesburg. Issus de communaut¨¦s tr¨¨s diff¨¦rentes, ces quatre jeunes sont n¨¦s l'ann¨¦e de la lib¨¦ration de Nelson Mandela et ont grandi dans un pays libre. Ils appartiennent n¨¦anmoins ¨¤ une g¨¦n¨¦ration qui d'une certaine mani¨¨re est presque aussi divis¨¦e racialement que celle de leurs parents qui ont grandi dans le syst¨¨me de l'apartheid. Il est ironique que les ¨¦meutes de Soweto aient ¨¦clat¨¦ en r¨¦ponse au gouvernement qui voulait imposer l'enseignement de l'afrikaans dans les ¨¦coles noires. Aujourd'hui, deux gar?ons de cette ¨¦cole et deux filles d'une ¨¦cole d'Afrikaners blancs repr¨¦sentent avec fiert¨¦ leur pays.
Voir ces quatre jeunes d¨¦battre avec dynamisme du travail des enfants, de la traite des ¨ºtres humains et du VIH/sida, tout en repr¨¦sentant les pays qui leur avait ¨¦t¨¦ assign¨¦, le Zimbabwe, a ¨¦t¨¦ une exp¨¦rience passionnante. Bien que l'anglais ne soit pas la premi¨¨re langue pour aucun des membres de l'¨¦quipe, celle-ci a repr¨¦sent¨¦ avec succ¨¨s le pays qui lui avait ¨¦t¨¦ assign¨¦ et a d¨¦montr¨¦ qu'elle savait travailler en groupe.
Comme Rome, une d¨¦mocratie non raciale ne se fait pas en un jour. Quatorze ans apr¨¨s l'investiture de Nelson Mandela en tant que premier pr¨¦sident ¨¦lu d¨¦mocratiquement, mettant fin ¨¤ l'apartheid, le d¨¦fi demeure. De toute part, la m¨¦fiance, la col¨¨re, la privation des biens et le ressentiment font partie de l'h¨¦ritage laiss¨¦ par l'apartheid en Afrique du Sud. Toutefois, ce lourd h¨¦ritage diminue progressivement en partie parce qu'une nouvelle g¨¦n¨¦ration de jeunes Sud-Africains apprennent ensemble et s'engagent ¨¤ forger un avenir meilleur que le pass¨¦. Le programme sud-africain ? l'ONU mise en sc¨¨ne ? incarne de nombreuses fa?ons ce changement.
Les participants du programme, qui travaillent aujourd'hui dans diff¨¦rents secteurs de la soci¨¦t¨¦, notamment le gouvernement, le syst¨¨me judiciaire et les m¨¦dias, attribuent leur r¨¦ussite au programme ? l'ONU mise en sc¨¨ne ? qui leur a permis de rencontrer des Sud-Africains issus de diff¨¦rentes communaut¨¦s et de changer leur fa?on de voir les choses, leur ouvrant de nouvelles voies pour appr¨¦hender de nouvelles fa?ons de penser.
Il est particuli¨¨rement pertinent que la c¨¦r¨¦monie finale de la remise des prix ait lieu ¨¤ Robben Island, un lieu qui incarne l'oppression de l'homme par l'homme et, en m¨ºme temps, le triomphe de l'esprit humain, comme l'a personnifi¨¦ Nelson Mandela, qui a ¨¦t¨¦ d¨¦tenu pendant 27 ans, dont 15 ans dans cette ¨ªle.
Dans le cadre du programme de cette ann¨¦e, les ¨¦l¨¨ves participants passeront une nuit dans l'¨ªle, une occasion extr¨ºmement rare, et participeront ¨¤ une discussion informelle avec d'anciens prisonniers politiques en donnant leurs points de vue sur les d¨¦fis qui se posent aux jeunes qui grandissent dans une soci¨¦t¨¦ post-apartheid o¨´ la race demeure un th¨¨me dominant dans le discours national.
En 2006, les 36 ¨¦l¨¨ves ayant particip¨¦ aux finales ont pris part ¨¤ une discussion informelle avec le juge adjoint de la Cour constitutionnelle de l'Afrique du Sud, Dikgang Moseneke. Emprisonn¨¦ dans l'¨ªle quand il avait 15 ans ¨¤ cause de ses activit¨¦s contre l'apartheid, il a ¨¦t¨¦ le plus jeune prisonnier politique incarc¨¦r¨¦ dans ce lieu. Pendant ses longues ann¨¦es de d¨¦tention, il a termin¨¦ ses ¨¦tudes et obtenu un dipl?me de droit par correspondance. Lors de sa lib¨¦ration, il ¨¦tait qualifi¨¦ pour devenir un avocat des droits de l'homme.
Group¨¦s autour du juge, il leur a ¨¦t¨¦ demand¨¦ de d¨¦finir ? ce que la libert¨¦ veut dire pour moi ?. Les r¨¦ponses ont ¨¦t¨¦ aussi vari¨¦es que le groupe lui-m¨ºme, mais le consensus g¨¦n¨¦ral ¨¦tait clair : il s'agit d'une g¨¦n¨¦ration qui a appris ¨¤ ne pas consid¨¦rer la libert¨¦ comme une chose acquise et que le douloureux pass¨¦ raciste de l'Afrique du Sud appartient au pass¨¦.
Le Concours de d¨¦bat des lyc¨¦es offre aux Nations Unies une occasion unique d'¨¦tablir des relations directes et concr¨¨tes avec les futurs dirigeants de l'Afrique du Sud. Les jeunes, dont beaucoup viennent de milieux d¨¦favoris¨¦s, s'animent alors qu'ils d¨¦battent de questions auxquelles l'humanit¨¦ est actuellement confront¨¦e. Pour eux, l'ONU est l'incarnation vivante des id¨¦aux sur lesquels elle a ¨¦t¨¦ fond¨¦e--et les id¨¦aux sur lesquels le combat contre l'apartheid et l'oppression raciale a ¨¦t¨¦ fond¨¦.
Le progamme sud-africain ? l'ONU mise en sc¨¨ne ? est une initiative unique et stimulante qui aide ¨¤ panser les plaies du pass¨¦ et ¨¤ cr¨¦er de nouvelles opportunit¨¦s pour engager un dialogue, tout en r¨¦duisant les divisions raciales et insufflant une v¨¦ritable prise de conscience ainsi qu'un sentiment d'empathie et de tol¨¦rance, ¨¤ la fois au niveau national et dans la communaut¨¦ mondiale que sont les Nations Unies.
?
La?Chronique de l¡¯ONU?ne constitue pas un document officiel. Elle a le privil¨¨ge d¡¯accueillir des hauts fonctionnaires des Nations Unies ainsi que des contributeurs distingu¨¦s ne faisant pas partie du syst¨¨me des Nations Unies dont les points de vue ne refl¨¨tent pas n¨¦cessairement ceux de l¡¯Organisation. De m¨ºme, les fronti¨¨res et les noms indiqu¨¦s ainsi que les d¨¦signations employ¨¦es sur les cartes ou dans les articles n¡¯impliquent pas n¨¦cessairement la reconnaissance ni l¡¯acceptation officielle de l¡¯Organisation des Nations Unies.?