1 mars 2007

Premier Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies ¨¤ assumer ses fonctions au XXIe si¨¨cle, Ban Ki-moon fait face ¨¤ des responsabilit¨¦s mondiales et ¨¤ un large ¨¦ventail de questions, telles que la paix, la prosp¨¦rit¨¦ et bien d'autres encore.


L'interconnectivit¨¦ mondiale et le progr¨¨s rapide des technologies ont engendr¨¦ de nouveaux d¨¦fis et de nouvelles opportunit¨¦s sans, pour autant, fermer les portes du pass¨¦. Dans ces temps de plus en plus complexes, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral devra g¨¦rer des conflits difficiles et meurtriers qui ¨¦clateront soudain. Il est toutefois imp¨¦ratif qu'il mette la pauvret¨¦ en t¨ºte de l'ordre du jour mondial--une question morale primordiale pour l'humanit¨¦.


La pauvret¨¦ est un probl¨¨me chronique qui a des r¨¦percussions sur la s¨¦curit¨¦ et affecte pr¨¨s de la moiti¨¦ de la population mondiale. En d¨¦cernant le prix Nobel de la paix 2006 ¨¤ la Banque Grameen, le Comit¨¦ norv¨¦gien a reconnu le lien direct entre la paix et la pauvret¨¦. Environ 40 % de la population mondiale vit avec 94 % du revenu mondial. La moiti¨¦ de la population vit avec 2 dollars par jour, et plus d'un milliard avec moins d'un dollar. Comment donc assurer la paix dans un contexte de frustrations, d'hostilit¨¦ et de col¨¨re engendr¨¦es par l'extr¨ºme pauvret¨¦ ?


La pauvret¨¦ n'est pas un fait nouveau mais il existe de nouvelles strat¨¦gies pour y faire face. Le nouveau mill¨¦naire a commenc¨¦ dans un grand r¨ºve mondial. En 2000, puis en 2005, les Nations Unies ont fix¨¦ les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD), un pacte mondial pour vaincre la pauvret¨¦, dont l'objectif primordial est d'¨¦radiquer d'ici ¨¤ 2015 l'extr¨ºme pauvret¨¦ et de r¨¦duire de moiti¨¦ le nombre de personnes qui souffrent de la faim. Ces huit objectifs r¨¦it¨¨rent qu'il faut combattre la pauvret¨¦ sur plusieurs fronts et que les d¨¦veloppements ¨¦conomique et social sont ¨¦troitement li¨¦s. C'est pourquoi les OMD sont assortis de points de rep¨¨re pour assurer l'¨¦ducation pour tous, prot¨¦ger l'environnement, am¨¦liorer la sant¨¦ maternelle et infantile et combattre les maladies. L'un des principaux objectifs du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral devrait viser ¨¤ rappeler aux nations l'importance de canaliser la volont¨¦ politique n¨¦cessaire pour les mettre en ?uvre.


Gr?ce ¨¤ son pouvoir de rassemblement, les Nations Unies peuvent contribuer ¨¤ r¨¦duire la pauvret¨¦. Comme l'a dit l'ancien Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral, Kofi Annan, les OMD ne pourront ¨ºtre atteints ? que si nous changeons radicalement notre mani¨¨re d'agir ?. M. Ban, en tant que leader de l'instance mondiale ?uvrant pour la coop¨¦ration internationale, est dans une position unique pour r¨¦unir les diff¨¦rents secteurs qui peuvent apporter des changements durables : gouvernements, entreprises, organisations non gouvernementales (ONG), fondations, particuliers et les Nations Unies. Avec un leadership dynamique, tous les secteurs et les particuliers, y compris les pauvres, peuvent, si on leur en donne les moyens, contribuer au progr¨¨s social, ¨¦conomique et environnemental.


Le secteur de l'¨¦nergie est un domaine qui n¨¦cessite des progr¨¨s et une coop¨¦ration. Il n'existe aucun endroit de la plan¨¨te, aucun habitant qui n'ait pas besoin d'acc¨¦der ¨¤ des sources d'¨¦nergie abordables--et c'est une n¨¦cessit¨¦ absolue pour les ¨¦conomies en d¨¦veloppement. Comme le r¨¦cent rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'¨¦volution du climat l'a indiqu¨¦, la d¨¦pendance croissante vis-¨¤-vis des combustibles fossiles nous rapproche de plus en plus du point de non-retour au-del¨¤ duquel les d¨¦g?ts seront irr¨¦parables. Et, comble de l'ironie, ce seront les pauvres des pays en d¨¦veloppement, en particulier des ¨ªles de faible altitude et des ?tats c?tiers, qui seront le plus affect¨¦s. C'est pourquoi les mesures de r¨¦duction des ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre peuvent et doivent ¨ºtre associ¨¦es ¨¤ des mesures de lutte contre la pauvret¨¦.


Si l'¨¦volution vers une nouvelle ¨¦conomie ¨¦nerg¨¦tique pr¨¦sente des d¨¦fis importants, elle pr¨¦sente aussi des opportunit¨¦s. Et la solution est ¨¤ port¨¦e de la main. Les nouvelles technologies ¨¦nerg¨¦tiques permettent aux pays en d¨¦veloppement de progresser et d'exploiter de nouvelles formes d'¨¦nergie moins polluantes comme l'¨¦nergie solaire, l'¨¦nergie ¨¦olienne et les biocombustibles, et aux nations d¨¦velopp¨¦es de transformer leur ¨¦conomie et de limiter leur d¨¦pendance vis-¨¤-vis de formes d'¨¦nergie provenant souvent de r¨¦gions instables, pour utiliser une source d'¨¦nergie plus s?re. Le temps est venu de renforcer la coop¨¦ration internationale. Le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral Ban a d¨¦clar¨¦ que le changement climatique serait une priorit¨¦ pendant son mandat, ajoutant que ce ph¨¦nom¨¨ne qui affectera particuli¨¨rement les plus pauvres n¨¦cessiterait une coop¨¦ration ¨¦troite entre les pays. Il a m¨ºme abord¨¦ la question avec le Pr¨¦sident George W. Bush et les membres du Congr¨¨s am¨¦ricain. Il doit poursuivre ce travail sans rel?che. Selon plusieurs m¨¦dias, le Secr¨¦taire ex¨¦cutif de la Convention-cadre sur les changements climatiques de l'ONU, Yvo de Boer, a d¨¦clar¨¦ que les Nations Unies devraient organiser un sommet international pour que les chefs d'?tat et de gouvernement discutent des prochaines mesures ¨¤ prendre pour lutter contre le r¨¦chauffement climatique, une proposition qui retient toute l'attention de M. Ban. C'est exactement ce qu'il faut faire. Dans les ann¨¦es qui viennent, la communaut¨¦ internationale doit n¨¦gocier de mani¨¨re constructive afin d'¨¦laborer un accord de suivi du Protocole de Kyoto en vue de stabiliser, d¨¨s que possible, les concentrations de gaz ¨¤ effet de serre. Cela permettra de r¨¦duire les ¨¦missions nocives, de cr¨¦er des opportunit¨¦s ¨¦conomiques et d'aider ¨¤ ¨¦radiquer la pauvret¨¦ mondiale ainsi que la d¨¦gradation des ¨¦cosyst¨¨mes.


Il faut aussi encourager les entreprises, les ONG et les fondations ¨¤ continuer de jouer un r?le vital dans cette lutte afin de tirer parti de leur capacit¨¦ unique ¨¤ trouver des solutions innovantes et ¨¤ accro¨ªtre les relations avec les institutions mondiales. Grameen Shakti, un membre de la famille Grameen, est une organisation ¨¤ but non lucratif qui a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦e il y a une dizaine d'ann¨¦es pour promouvoir et d¨¦velopper des technologies ¨¦nerg¨¦tiques dans les r¨¦gions rurales isol¨¦es du Bangladesh. Adoptant une approche bas¨¦e sur le march¨¦ et appliquant les principes de la microfinance pr¨¦conis¨¦s par la Banque Grameen, elle a ¨¦quip¨¦ plus de 42 000 foyers ruraux de syst¨¨mes aliment¨¦s par l'¨¦nergie solaire. Depuis 2000, le programme de Grameen Shakti s'est rapidement d¨¦velopp¨¦, un exemple illustrant l'efficacit¨¦ des partenariats public-priv¨¦.


Le d¨¦veloppement d'une nouvelle ¨¦conomie ¨¦nerg¨¦tique est d'une importance cruciale et pourrait constituer un moyen inestimable pour r¨¦duire la pauvret¨¦. Ce n'est cependant pas le seul d¨¦fi qui se pose pour la communaut¨¦ internationale, les Nations Unies en t¨ºte. Et le r?le de l'ONU ne devrait pas ¨ºtre limit¨¦ aux initiatives au niveau institutionnel. Les vastes efforts de l'ONU d¨¦ploy¨¦s sur le terrain sont vitaux et doivent ¨ºtre encourag¨¦s par M. Ban. En d'autres termes, en rassemblant des acteurs diff¨¦rents pour lutter contre la pauvret¨¦, il doit tenir compte des personnes elles-m¨ºmes.


Presque deux tiers de la population mondiale n'ont pas acc¨¨s aux services bancaires traditionnels ou au capital n¨¦cessaire pour cr¨¦er leur entreprise. Les institutions de microcr¨¦dit comme la Banque Grameen et d'autres initiatives innovantes ont ?uvr¨¦ ¨¤ am¨¦liorer l'acc¨¨s au cr¨¦dit, au titre foncier et aux autres blocs constitutifs du progr¨¨s humain. ? la Banque Grameen, nous avons d¨¦montr¨¦ que l'autonomisation des personnes et la mise en place d'un cadre propice pouvaient contribuer de mani¨¨re significative ¨¤ ¨¦radiquer la pauvret¨¦. Des 27 dollars que j'ai pr¨ºt¨¦s ¨¤ 42 personnes s'est d¨¦velopp¨¦e rapidement une institution qui a accord¨¦ des pr¨ºts s'¨¦levant ¨¤ plus de 6 milliards de dollars ¨¤ pr¨¨s de 7 millions de pauvres--plus de 58 % des emprunteurs ont d¨¦pass¨¦ le seuil de pauvret¨¦. M¨ºme si M. Ban est ¨¤ la t¨ºte d'une organisation qui a de grandes responsabilit¨¦s et un pouvoir immense sur la sc¨¨ne internationale, il est vital qu'il n'oublie pas qu'il est important de donner aux pauvres les moyens de s'en sortir.


Je crois qu'ensemble nous pouvons construire un monde lib¨¦r¨¦ de la pauvret¨¦. La pauvret¨¦ n'est pas cr¨¦¨¦e par les pauvres. Elle a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦e et soutenue par le syst¨¨me ¨¦conomique et social que nous avons nous-m¨ºme con?u, par les institutions et les concepts qui constituent ce syst¨¨me et les politiques que nous poursuivons. Le Secr¨¦taire est dans une position unique pour remodeler ce cadre, traiter la question morale primordiale ¨¤ laquelle fait face l'humanit¨¦ et confronter les nombreuses questions que pose la pauvret¨¦.

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