1 mars 2008

Il est certain que l'Am¨¦rique latine est en voie de remplir son engagement ¨¤ r¨¦duire de moiti¨¦ d'ici ¨¤ 2015 le taux de pauvret¨¦ extr¨ºme par rapport ¨¤ 1990. Les estimations les plus r¨¦centes de la Commission ¨¦conomique de l'ONU pour l'Am¨¦rique latine et les Cara?bes (CEPALC) montre que 14 millions de personnes sont sorties de la pauvret¨¦ en 2006 et 10 millions suppl¨¦mentaires de la mis¨¨re. Le nombre de pauvres repr¨¦sente 36 % de la population (194 millions) et le nombre de personnes vivant dans la mis¨¨re ¨¤ 13,4 % (71 millions). En 2007, ces chiffres ont diminu¨¦ pour atteindre respectivement 190 et 69 millions. Pour la premi¨¨re fois depuis 1990, le nombre total de personnes pauvres dans la r¨¦gion est pass¨¦ au-dessous de 200 millions.

Ces chiffres m¨¦ritent toutefois d'¨ºtre analys¨¦s de plus pr¨¨s. En moyenne, 87 % des pays d'Am¨¦rique latine sont en voie de r¨¦aliser le premier Objectif du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD) visant ¨¤ r¨¦duire de moiti¨¦ d'ici ¨¤ 2015 le taux d'extr¨ºme pauvret¨¦ par rapport ¨¤ 1990. Mais les niveaux de pauvret¨¦ restent ¨¦lev¨¦s si l'on consid¨¨re le potentiel de la r¨¦gion, qui vient seulement de revenir aux niveaux enregistr¨¦s avant la crise de la dette qui a secou¨¦ la r¨¦gion pendant les ann¨¦es 1980. De plus, les progr¨¨s varient consid¨¦rablement d'un pays ¨¤ l'autre. Sur les 17 pays pour lesquels la CEPALC dispose de donn¨¦es, seulement quatre - Br¨¦sil, Chili, ?quateur (les zones urbaines seulement) et Mexique - ont r¨¦alis¨¦ l'OMD; cinq - Colombie, El Salvador, Panama, P¨¦rou et Venezuela - sont en voie de le faire; et huit - Argentine, Bolivie, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Paraguay et Uruguay - sont ¨¤ la tra¨ªne.

On observe un sch¨¦ma similaire dans la r¨¦alisation des cibles des OMD li¨¦es ¨¤ la faim et ¨¤ la malnutrition dans la r¨¦gion de l'Am¨¦rique latine et des Cara?bes. Depuis 2001, des progr¨¨s ont ¨¦t¨¦ enregistr¨¦s en mati¨¨re de r¨¦duction de la malnutrition - cet objectif est atteint ¨¤ 48 % -, mais les chiffres ¨¤ l'¨¦chelle r¨¦gionale masquent de tr¨¨s fortes disparit¨¦s entre les pays et ne fournissent pas la base n¨¦cessaire pour ¨¦valuer de mani¨¨re pr¨¦cise les progr¨¨s individuels. Cinq pays d¨¦passent actuellement l'objectif de 2015 et huit ont accompli des progr¨¨s ¨¤ mi-chemin de 2015. Cependant, les pays restants montrent moins de progr¨¨s que pr¨¦vus et devront augmenter les ressources vivri¨¨res et am¨¦liorer leur accessibilit¨¦ pour atteindre les objectifs. Il semble que l'ensemble de la r¨¦gion r¨¦alisera l'objectif visant ¨¤ r¨¦duire le nombre d'enfants de moins de cinq ans pr¨¦sentant une insuffisance pond¨¦rale. Le taux de progr¨¨s est de 54 % en moyenne mais la situation dans et entre les pays varie consid¨¦rablement. Cinq ?tats indiquent des progr¨¨s insuffisants et trois pays enregistrent un recul. Les autres ont cependant atteint ou d¨¦pass¨¦ l'objectif. Avec la relance de la croissance ¨¦conomique, une meilleure gestion des catastrophes naturelles ou le maintien des politiques et des programmes actuels, tout laisse ¨¤ penser que ces pays atteindront cet objectif.

L'examen des progr¨¨s dans la r¨¦duction de la pauvret¨¦ dans la r¨¦gion nous invite ¨¤ examiner les forces qui influent sur ces r¨¦sultats. Plusieurs points positifs sont ¨¤ noter : l'impact de la cr¨¦ation d'emplois dans certains pays suite ¨¤ un retour ¨¤ la stabilit¨¦ ¨¦conomique en 2003; la diminution du rapport de d¨¦pendance d¨¦mographique (le nombre de d¨¦pendants par rapport au nombre de personnes actives par m¨¦nage) qui est caract¨¦ristique de la situation d'une r¨¦gion engag¨¦e dans la transition d¨¦mographique. Les transferts d'argent, y compris les subventions en esp¨¨ces, les pensions et les envois de fonds, permettent d'expliquer les r¨¦sultats diff¨¦rents parmi les pays. Un autre point important concerne les variations des revenus moyens, qui ont baiss¨¦ dans plusieurs pays - une tendance sugg¨¦rant que, dans une grande mesure, la cr¨¦ation d'emplois n'est pas synonyme d'emplois r¨¦mun¨¦rateurs. Cette baisse des revenus, associ¨¦e ¨¤ l'inversion du ratio de d¨¦pendance d¨¦mographique actuel en raison du vieillissement de la population, indique clairement que la cr¨¦ation d'emplois de qualit¨¦ gr?ce ¨¤ un d¨¦veloppement ¨¦conomique comp¨¦titif et productif est le principal d¨¦fi auquel font face les pays d'Am¨¦rique latine pour r¨¦duire la pauvret¨¦.

L'importance des d¨¦penses sociales publiques et le r?le qu'elles jouent dans le d¨¦veloppement des politiques sociales, en g¨¦n¨¦ral, et des politiques de r¨¦duction de la pauvret¨¦ en particulier, ne devrait pas ¨ºtre sous-estim¨¦e. Suite aux politiques d'ajustement ¨¦conomique adopt¨¦es pour r¨¦pondre ¨¤ la crise de la dette, la r¨¦gion a fait l'objet d'une r¨¦duction importante des d¨¦penses publiques sociales en pourcentage du produit national brut (PNB). Mais ces d¨¦penses ont augment¨¦ de 50 % par habitant depuis 1990. Prenant en compte les variations entre les pays, les d¨¦penses publiques sociales ont atteint 16 % du PNB en 2002 et se sont depuis stabilis¨¦es ¨¤ ce niveau. Entre 2003 et 2007, l'augmentation des d¨¦penses publiques sociales en pourcentage du PNB s'est produite ¨¤ un moment o¨´ le PNB par habitant a augment¨¦ de plus de 3 % par an. Nombre de pays jouissent actuellement des conditions n¨¦cessaires ¨¤ la fois pour assurer la stabilit¨¦ macro¨¦conomique et augmenter les d¨¦penses sociales qui permettent de lutter contre le ch?mage et la pauvret¨¦.

Mais ces faits doivent ¨ºtre interpr¨¦t¨¦s avec prudence. Malgr¨¦ son impact sur la r¨¦duction et la redistribution des revenus, le niveau actuel des d¨¦penses publiques sociales en Am¨¦rique latine est insuffisant pour compenser les immenses in¨¦galit¨¦s caus¨¦es par les diff¨¦rences entre les principales sources de revenus. L'impact des d¨¦penses sociales dans la distribution varie aussi selon leur r¨¦partition par secteur - s¨¦curit¨¦ sociale, ¨¦ducation, sant¨¦, assistance sociale, logement - et l'ampleur de la couverture. Cela r¨¦pond ¨¤ une situation o¨´ les budgets ¨¦tablis et les institutions sont difficiles ¨¤ modifier, mais ne r¨¦pond pas ¨¤ la structure changeante des besoins sociaux. De plus, ces d¨¦penses sont souvent g¨¦r¨¦es de mani¨¨re pro-cyclique, r¨¦duisant la mise en ?uvre d'un syst¨¨me de protection sociale stable destin¨¦ ¨¤ la population la plus vuln¨¦rable.

En conclusion, nous soutenons les recommandations de la derni¨¨re session biannuelle de la CEPALC, qui s'est tenue en 2006 ¨¤ Montevideo, en Uruguay. Pour poursuivre notre lutte contre la pauvret¨¦, nous devons promouvoir un pacte social qui non seulement garantit des ressources pour la mise en place de politiques sociales qui cr¨¦ent des conditions macro¨¦conomiques stables, mais aussi - ce qui plus important - alloue ces ressources ¨¤ un syst¨¨me complet de protection sociale dans lequel les droits sociaux, ¨¦conomiques et culturels constituent un horizon normatif pour faire face aux in¨¦galit¨¦s et aux restrictions budg¨¦taires existantes par la mise en place de m¨¦canismes de financement contributif et non contributif.

¸é¨¦´Ú¨¦°ù±ð²Ô³¦±ð²õ CEPALC, L'avenir de la protection sociale : accessibilit¨¦, financement et solidarit¨¦. Santiago, Chili, 2006 CEPALC, Social Panorama, 2007. Santiago, Chili, 2007
**Construction d'un pont autoroutier au-dessus d'une ligne de m¨¦tro ¨¤ Mexico. Pour que les pays plus pauvres aient les moyens financiers d'am¨¦liorer la vie de leurs citoyens, ils doivent trouver des march¨¦s pas seulement pour leurs mati¨¨res brutes, mais aussi pour leurs articles manufactur¨¦s. Des syst¨¨mes de transport et de communications ad¨¦quats sont donc vitaux tant pour le transport des marchandises que pour celui de la population.
Photo ONU/Jerry Frank

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