La Charte des Nations Unies repr¨¦sente la tentative la plus ambitieuse jamais entreprise pour unir les hommes au-del¨¤ des fronti¨¨res, garantir la paix, promouvoir le progr¨¨s social et apporter des solutions aux probl¨¨mes les plus complexes. Comme l'a dit un jour le Pr¨¦sident am¨¦ricain Dwight D. Eisenhower : ? Les Nations Unies repr¨¦sentent l'espoir le mieux organis¨¦ de l'homme pour substituer la table de conf¨¦rence au champ de bataille1. ?
Aussi nobles que soient ces objectifs et aussi d¨¦termin¨¦s que puissent ¨ºtre les peuples des Nations Unies, l'Organisation n'est toutefois qu'une simple table de conf¨¦rence. Elle est le reflet de ce que nous sommes. Les Nations Unis ne peuvent rien accomplir ¨¤ moins que ceux qui travaillent de par et d'autres des fronti¨¨res n'aient une connaissance de l'histoire des autres nations, une meilleure compr¨¦hension des diverses perspectives et de la nature interd¨¦pendante de l'humanit¨¦ ainsi que des d¨¦fis mondiaux les plus importants d'aujourd'hui.
H. G. Wells a ¨¦crit : ? L'histoire humaine ressemble de plus en plus ¨¤ une course entre l'¨¦ducation et la catastrophe2. ? Les ennemis qu'il faut combattre sont l'ignorance et l'intol¨¦rance. C'est par le biais de l'¨¦ducation que nous parviendrons ¨¤ ¨¦viter la catastrophe, ¨¤ r¨¦aliser les aspirations - la promesse - des Nations Unies. Pour r¨¦pondre aux objectifs universels et aux alliances mondiales repr¨¦sent¨¦es par les Nations Unies, nous devons offrir une ¨¦ducation mondiale aux ¨¦l¨¨ves du monde entier.
Ceux qui veulent unir leurs efforts, qui aspirent ¨¤ ¨ºtre des citoyens du monde, doivent acqu¨¦rir d'autres comp¨¦tences que la diplomatie. Il est important de conna¨ªtre le pass¨¦ tout en ¨¦tant tourn¨¦ vers l'avenir. Il nous faut comprendre les complexit¨¦s, les d¨¦fis et les risques associ¨¦s ¨¤ la prise de d¨¦cisions au XXIe si¨¨cle.
L'ONU a ¨¦t¨¦ fond¨¦e sur les cendres de deux guerres mondiales et sa plus grande r¨¦ussite a ¨¦t¨¦ de pr¨¦venir un troisi¨¨me conflit mondial. Elle rev¨ºt aujourd'hui une importance encore plus grande alors que le monde est de plus en plus interd¨¦pendant. Avec la progression de la mondialisation, les biens et les produits financiers circulent librement entre les continents, de m¨ºme que les services et les id¨¦es. Malheureusement, des probl¨¨mes majeurs, comme le terrorisme, les pand¨¦mies et les catastrophes environnementales circulent aussi. Aucune nation ne peut prot¨¦ger ses citoyens contre les id¨¦es ou les probl¨¨mes qui font fi des fronti¨¨res.
D'une certaine fa?on, la mondialisation a outrepass¨¦ notre capacit¨¦ ¨¤ comprendre les forces nouvelles qui fa?onnent notre environnement. Thomas Friedman a ¨¦crit : ? L'int¨¦gration mondiale s'est r¨¦alis¨¦e de mani¨¨re plus rapide que l'¨¦ducation. Il est ind¨¦niable que la mondialisation nous a permis de prendre conscience de notre appartenance au monde, mais cela ne veut pas dire pour autant que nous nous connaissons mieux les uns les autres3. ? L'¨¦ducation doit rattraper la mondialisation. Elle doit ¨ºtre en phase avec les aspirations de l'ONU.
Par le biais de l'¨¦ducation mondiale, nous devons pr¨¦parer les citoyens du monde ¨¤ comprendre la nature interd¨¦pendante de notre plan¨¨te et ¨¤ agir au nom des autres dans le monde entier. Chacun d'entre nous doit consacrer plus de temps ¨¤ se familiariser avec les cultures des autres pays. Les ¨¦coles et les universit¨¦s doivent offrir un plus grand nombre de cours sur les questions internationales, renforcer l'apprentissage des langues, multiplier les possibilit¨¦s de faire des ¨¦tudes ¨¤ l'¨¦tranger, accueillir les ¨¦tudiants internationaux et encourager le dialogue entre les cultures. Elles doivent ¨¦galement utiliser les nouvelles technologies pour relier les ¨¦tudiants entre eux et pr¨¦senter diff¨¦rentes perspectives dans les mati¨¨res qu'ils ¨¦tudient.
Comment devient-on un citoyen du monde dont les objectifs co?ncident avec ceux de la Charte de l'ONU ? Les sto?ciens grecs pensaient que la t?che principale de l'¨¦ducation ¨¦tait de penser dans l'esprit de l'autre. En somme, nous devons regarder les probl¨¨mes en nous mettant ¨¤ la place des autres et en consid¨¦rant leurs points de vue. C'est non seulement un moyen d'en apprendre plus sur nous-m¨ºmes, mais aussi de forger des liens de solidarit¨¦ avec les autres membres de la communaut¨¦ mondiale, ce qui nous aidera ¨¤ r¨¦soudre les probl¨¨mes mondiaux.
Nous devons comprendre que notre origine g¨¦ographique et notre culture influencent la fa?on dont nous appr¨¦hendons le monde. Deux personnes peuvent regarder la m¨ºme chose et voir deux choses diff¨¦rentes - et ni l'une ni l'autre n'a tort. Comprendre ce concept est vital lorsque l'on si¨¨ge ¨¤ la table de conf¨¦rence. Il ne s'agit pas de brandir la banni¨¨re du juste contre le faux mais, plut?t, d'¨ºtre capable d'entendre un autre point de vue.
Une ¨¦ducation mondiale consid¨¨re le monde dans son ensemble, en tenant compte de l'interd¨¦pendance des nations, des cultures et des soci¨¦t¨¦s. Les enseignants doivent ouvrir leur classe au monde entier. Les ¨¦l¨¨ves doivent apprendre ¨¤ cr¨¦er des liens mondiaux et ¨¤ comprendre l'impact que les actions men¨¦es dans le monde peuvent avoir sur eux ainsi que l'impact qu'ils peuvent avoir sur le monde. Une ¨¦ducation mondiale devrait abolir les fronti¨¨res, ¨¦largir les horizons et exposer les ¨¦l¨¨ves ¨¤ la dynamique de l'accomplissement humain et ¨¤ la diversit¨¦ humaine. Surtout, une ¨¦ducation mondiale devrait mettre l'accent sur ce que les peuples ont en commun.
Le philosophe du XXe si¨¨cle Buckminster Fuller assimile la Terre ¨¤ un vaisseau o¨´ tous les ¨ºtres humains sont des astronautes qui partagent une r¨¦sidence sur une plan¨¨te qui se d¨¦place ¨¤ 96 000 km ¨¤ l'heure4. ? Nous ne pourrons pas diriger notre vaisseau-Terre avec succ¨¨s, ni beaucoup plus longtemps, ¨¤ moins de le consid¨¦rer comme une totalit¨¦ et notre avenir comme un avenir commun. Il faut inclure tout le monde ou personne. ?
C'est la philosophie qui guide les activit¨¦s des Nations Unies. Malheureusement, les syst¨¨mes d'¨¦ducation modernes n'ont pas ¨¦t¨¦ con?us dans cette perspective mondiale. Ils visent surtout ¨¤ former des citoyens loyaux, nationaux. Il est tout ¨¤ fait l¨¦gitime de c¨¦l¨¦brer le patrimoine national et les traditions, mais il faut aussi veiller ¨¤ partager les histoires des autres nations. Les ¨¦coles devraient viser ¨¤ promouvoir les objectifs et les int¨¦r¨ºts nationaux, mais aussi nous aider ¨¤ comprendre le monde dans son ensemble et le r?le que nous y jouons.
Dans le pr¨¦ambule de la Charte des Nations Unies, la premi¨¨re d¨¦claration affirme l'espoir ? de pr¨¦server les g¨¦n¨¦rations futures du fl¨¦au de la guerre ?. En d'autres termes, les guerres ne sont possibles qu'en d¨¦shumanisant ? l'autre ? et en exag¨¦rant les diff¨¦rences qui existent entre nous. Cela est plus difficile ¨¤ faire lorsque nous apprenons ¨¤ conna¨ªtre nos camarades astronautes, ¨¤ respecter et ¨¤ comprendre leurs points de vue et notre humanit¨¦ commune. Aujourd'hui plus que jamais, il faut favoriser cette acceptation et cette compr¨¦hension.
Acc¨¦der ¨¤ une ¨¦ducation mondiale et ¨ºtre un citoyen du monde sont des ¨¦l¨¦ments importants de la paix et du progr¨¨s mentionn¨¦s dans la Charte de l'ONU. De fait, c'est la base des nouvelles comp¨¦tences qui sont n¨¦cessaires ¨¤ la table de conf¨¦rence. Regarder les probl¨¨mes sous un angle diff¨¦rent r¨¦duit les peurs et les incompr¨¦hensions qui alimentent les conflits et la confusion. Nous devons apprendre ¨¤ travailler ensemble, ¨¤ mieux nous conna¨ªtre, et prendre place ¨¤ la table avec d¨¦termination afin de r¨¦soudre les probl¨¨mes qu'un pays ne peut traiter ¨¤ lui seul.
Notes
1 S. C. Schlesinger, Act of Creation: The Founding of the 51³Ô¹Ï (2003) p. 287 2 H.G. Wells, Esquisse de l'histoire universelle (1920) 3 T. Friedman, The Lexus and the Olive Tree (1999) p. 127 4 B. Fuller, Operating Manual for Spaceship Earth (1963)
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