51吃瓜

Photo: Afrique Renouveau / Ernest Harsch

SOWETO : Au bord d鈥檜ne route cahoteuse et poussi茅reuse, sur un socle en b茅ton, se dresse un point d鈥檈au dot茅 d鈥檜n robinet. Au total, on en compte 48 脿 Motsoaledi, un bidonville de 40 000 habitants dans l鈥檌mmense township de Soweto, explique Cat, un jeune guide. Pour les r茅sidents incapable de se rendre 脿 ces fontaines publiques, poursuit-il, 鈥渘ous avons install茅 des conduites jusqu鈥櫭� leurs maisons.鈥�

Ce bidonville qui porte le nom d鈥檜n h茅ros de la lutte contre l鈥檃partheid (Elias Motsoaledi) est presque priv茅 d鈥檈au potable. Il est aussi sans 茅lectricit茅. Pourtant, de grands pyl么nes 茅lectriques se dressent sur toute sa p茅riph茅rie. Mais ici, dans les taudis faits de bois, de carton et de t么le ondul茅e, on se sert de bougies pour s鈥櫭ヽlairer. La menace d鈥檜n incendie est constante. Parfois, apr猫s les fortes pluies, des habitations enti猫res sont inond茅es. Seule satisfaction : le ramassage des ordures m茅nag猫res est pris en charge par un comit茅 de r茅sident, note le guide.

Tout, 脿 Motsoaledi rappelle aux habitants du quartier leurs difficiles conditions de vie. De l鈥檃utre c么t茅 de la rue Chris Hani s鈥櫭﹍猫vent des maisons en briques occup茅es par des habitants de Soweto un peu plus ais茅s. Maponya Mall, un centre commercial avec caf茅s et de restaurant 脿 la mode, est situ茅 non loin. Le contraste entre la pauvret茅 de Motsoaledi et la relative opulence d鈥檃utres parties de Soweto alimente le ressentiment. Fin 2009, les jeunes du bidonville sont descendus dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol. Ils exigeaient du gouvernement qu鈥檌l am茅liore les conditions de vie dans leur quartier.

R茅cemment, les autorit茅s semblent enfin avoir d茅cid茅 de r茅agir. Le 23 mars dernier, Amos Masondo, le maire de la r茅gion m茅tropolitaine de Johannesburg (qui couvre le centre de Johannesburg, Soweto et d鈥檃utres 鈥�townships鈥� de la p茅riph茅rie), a pr茅sid茅 au lancement des travaux de construction de 2750 nouveaux logements. Ces habitations subventionn茅es seront attribu茅es 脿 des r茅sidents de Motsoaledi. 脌 terme, le projet est de transformer Motsoaledi en un quartier 鈥渘ormal鈥� dot茅 de nouvelles rues, d鈥檜n syst猫me d鈥檃ssainissement, d鈥檜n r茅seau d鈥檃dduction d鈥檈au et d鈥檜n r茅seau 茅lectrique, entre autres. Pour l鈥檋eure, 鈥渘ous attendons les maisons鈥� soupire une r茅sidente 芒g茅e, assise dans sa minuscule cabane.

Les retards de la politique du logement

De nombreux Sud-Africains pauvres attendent 茅galement un logement. Bien que le minist猫re des 脡tablissements humains rapporte que le gouvernement a construit quelques 2,7 millions de logements 脿 prix mod茅r茅 depuis 15 ans, on estime qu鈥檌l faudrait encore 2 millions de logements. Avec une moyenne de six personnes par famille, cela repr茅sente environ 12 millions de personnes ayant un besoin de logement urgent. Certains d鈥檈ntre eux vivent dans les lotissements 茅tablis des 鈥�townships鈥�. Mais ces logements ne respectent pas les normes minimales. Et le plus grand nombre habite dans les 2700 zones d鈥檋abitat pr茅caire qui pars猫ment le pays.

Quand Nelson Mandela est devenu le premier pr茅sident d茅mocratiquement 茅lu d鈥橝frique du Sud en 1994, il avait promis que le logement pour tous constituait une 鈥減romesse inviolable鈥�. La construction de nouveaux logements a initialement b茅n茅fici茅 d鈥檜n fort 茅lan sous l鈥櫭ゞide du large Programme de reconstruction et de d茅veloppement (RDP) lanc茅 par le gouvernement. Bien que ce programme soit par la suite pass茅 au second plan 脿 mesure que le gouvernement r茅orientait ses priorit茅s vers une politique destin茅e 脿 stimuler les 茅changes ext茅rieurs et 脿 attirer les investissements 茅trangers, la construction de logements pour les plus d茅munis s鈥檈st poursuivie, mais 脿 un rythme moins soutenu cependant.

Pendant ce temps, les zones urbaines d鈥橝frique du Sud connaissent des difficult茅s de plus en plus grandes. La fin de l鈥檃partheid a vu la lev茅e des lois restrictives relatives 脿 la circulation des populations noires dans les villes du pays. Ce qui a men茅 des millions de personnes vers Johannesburg, Durban et les autres grands centres urbains 脿 la recherche d鈥檈mplois. La croissance de la population urbaine a largement d茅pass茅 l鈥檕ffre de logement.

Simultan茅ment, le changement de politique 茅conomique du gouvernement a expos茅 les industries nationales 脿 une intense comp茅tition de produits import茅s, ce qui a provoqu茅 de nombreuses pertes d鈥檈mplois. Le ralentissement de l鈥檃ctivit茅 茅conomique a affaibli la capacit茅 des municipalit茅s de collecter les taxes et les redevances locales, ce qui 脿 son tour a 茅rod茅 leurs moyens de fournir des services essentiels comme l鈥檈au ou l鈥櫭﹍ectricit茅. La corruption a 茅galement fait des ravages. 脡lus et fonctionnaires ont souvent 茅t茅 la cible de manifestants les accusant de recevoir des pots-de-vin, de pratiquer le favoritisme et de d茅tourner des fonds.

In茅galit茅 et col猫re

脌 travers le pays, des disparit茅s raciales visibles ont persist茅 malgr茅 la fin officielle de la s茅gr茅gation l茅gale. Beaucoup parmi les populations blanches et un certain nombre de populations noires plus ais茅s ont quitt茅 les centres-villes et vivent d茅sormais dans des banlieues cossues, loin de la mis猫re des 鈥�townships鈥� et des bidonvilles.

Certes, les conditions de vie s鈥檃m茅liorent dans certaines 鈥�townships鈥�, au moins parmi les r茅sidents qui disposent de quelques avoirs ou qui gagnent assez pour 锚tre 茅ligibles pour des pr锚ts immobiliers. Manifestement certaines choses changent 脿 Soweto. Beaucoup de maisons ont aujourd鈥檋ui des toits de tuiles rouges plut么t que de la t么le ondul茅e.

Cependant, pour les Sud-Africains les plus pauvres, m锚me un toit de tuiles reste un r锚ve. Leurs attentes sont simples : logement vivables, eau potable, 茅lectricit茅 et voirie.

Leurs frustrations se sont souvent exprim茅es dans la rue. Les rapports de police indiquent qu鈥檃u cours des dix derni猫res ann茅es l鈥橝frique du Sud a connu une moyenne annuelle de 8000 脿 9000 marches, rassemblements et autres manifestations. Neuf fois sur dix elles sont pacifiques. Pour le reste, dans les bidonvilles et autres zones de grande pauvret茅 notamment, elles ont provoqu茅 des affrontements avec la police. 鈥淟e seul moment o霉 le gouvernement s鈥檃per莽oit de notre existence est quand nous exprimons notre col猫re et notre rage,鈥� rel猫ve un manifestant.

Acc茅l茅rer la construction de logements

Le gouvernement du pr茅sident Jacob Zuma tente de se montrer 脿 l鈥櫭ヽoute et de r茅agir. En compagnie de quelques-uns de ses ministres, il a visit茅 certains bidonvilles en col猫re. Dans un discours prononc茅 en f茅vrier, le Pr茅sident a 茅voqu茅 les dol茅ances d鈥檜ne r茅sidente d鈥檜ne zone d鈥檋abitat pr茅caire de Bekkersdal au sud-ouest de Johannesburg, qui se plaignait que sa communaut茅 n鈥檃it pas de services, alors qu鈥檜ne banlieue de l鈥檃utre c么t茅 de la route b茅n茅ficiait de tous les 茅quipements essentiels.

鈥淚l y a 1,2 millions de m茅nages qui vivent dans les 2700 zones d鈥檋abitat pr茅caire du pays,鈥� a admis le pr茅sident Zuma. Il a promis que d鈥檌ci 脿 2014, environ 400 000 m茅nages auraient 脿 la fois acc猫s 脿 un logement et 脿 des services essentiels comme l鈥檈au, l鈥檃ssainissement et l鈥櫭﹍ectricit茅. Il a aussi promis des emplois, par le biais notamment d鈥檜n programme de travaux publics qui fournira 4,5 millions d鈥檈mplois temporaires.

En 2010, les cr茅dits accord茅s au logement par le gouvernement s鈥櫭﹍evaient 脿 10,9 milliards de Rands, plus du double des sommes allou茅es dans le budget il y a cinq ans. Le gouvernement n鈥檃ttribue pas seulement plus d鈥檃rgent pour les logements, note Tokyo Sexwale, le ministre des 脡tablissements humains, son approche globale a 茅galement 茅volu茅. 鈥淣ous ne nous contentons plus de construire des maisons, dit-il, 莽a ne marche pas. Nous construisons des 茅tablissements humains鈥� Les gens doivent avoir des dispensaires, des postes de police et des parcs pour que les enfants puissent jouer, et nous impliquons les communaut茅s.鈥�

M. Sexwale reconna卯t qu鈥櫭﹖ant donn茅 la dimension du probl猫me, offrir 脿 tous un logement d茅cent repr茅sentera un d茅fi. 鈥淐ela va nous prendre du temps, mais nous y arriverons.鈥�

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