La Communaut茅 茅conomique des 脡tats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a 茅t茅 fond茅e en 1975 pour promouvoir l'int茅gration 茅conomique dans la r茅gion. Quarante-neuf ans plus tard, le bloc r茅gional peut se targuer de succ猫s significatifs en mati猫re d'int茅gration, de paix et de s茅curit茅 et de bonne gouvernance, mais il doit 茅galement faire face 脿 certains d茅fis. Le commissaire aux Affaires politiques, 脿 la paix et 脿 la s茅curit茅 de la CEDEAO, l'ambassadeur Abdel-Fatau Musah, a particip茅 脿 un 茅v茅nement de haut niveau au si猫ge des Nations Unies 脿 New York en juin 2024, ax茅 sur l'unit茅 r茅gionale, la paix et la s茅curit茅 en Afrique de l'Ouest. Dans une interview accord茅e 脿 Kingsley Ighobor 脿 l'issue de l'茅v茅nement, l'ambassadeur Musah, s'exprimant au nom de la CEDEAO, a soulign茅 les r茅alisations et les d茅fis de l'organisation, ainsi que les efforts en cours pour renforcer l'int茅gration. Voici des extraits de l'entretien.
La CEDEAO a 茅t茅 fond茅e le 28 mai 1975. Quelles sont ses r茅alisations 脿 ce jour ?
Les r茅alisations de la CEDEAO au cours des 49 derni猫res ann茅es peuvent 锚tre r茅sum茅es en un point cl茅 : nous sommes pass茅s de la cr茅ation d'une organisation 脿 la construction d'une communaut茅.
La CEDEAO a 茅t茅 cr茅茅e en pleine guerre froide. Le seul domaine dans lequel les gens pouvaient se r茅unir et trouver un terrain d'entente 茅tait l'int茅gration 茅conomique, et non politique ou id茅ologique.听
Le protocole sur la libre circulation des personnes, des biens et des services (1976) permet aux citoyens de s茅journer dans n'importe quel 脡tat membre et a 茅t茅 la carte de visite de la CEDEAO au fil des ans. Le fait que les habitants de l'Afrique de l'Ouest n'aient pas 脿 se soucier de l'obtention d'un visa lorsqu'ils traversent les fronti猫res de la r茅gion est une r茅ussite majeure.
L'Afrique a connu de nombreux bouleversements apr猫s la guerre froide ; sans la CEDEAO, toute la r茅gion aurait pu 锚tre plong茅e dans des guerres fratricides. Si vous vous souvenez bien, une guerre a commenc茅 au Liberia vers la fin de 1989 et s'est poursuivie tout au long des ann茅es 1990, s'茅tendant 脿 la Sierra Leone et affectant la Guin茅e et la C么te d'Ivoire.
La r茅gion peut 锚tre fi猫re de beaucoup de choses - le fait que la CEDEAO soit devenue une marque de fabrique, un pionnier de l'int茅gration r茅gionale sur le continent.
La CEDEAO est intervenue par l'interm茅diaire de ses forces arm茅es multilat茅rales, le Groupe de surveillance du cessez-le-feu de la Communaut茅 茅conomique des 脡tats de l'Afrique de l'Ouest (ECOMOG), qui a stabilis茅 la situation et a finalement permis un atterrissage en douceur pour les forces de maintien de la paix des Nations unies qui sont arriv茅es par la suite.
L'int茅gration 茅conomique ?
En ce qui concerne l'int茅gration 茅conomique, nous pouvons parler de nombreuses r茅alisations. Il ne s'agit pas seulement de la libre circulation des personnes, mais aussi de la cr茅ation d'un march茅 commun pour la r茅gion. Il s'agit d'aider les pays 脿 d茅velopper leurs infrastructures - 茅nergie, connectivit茅 internet et construction de r茅seaux routiers dans toute la r茅gion. Tout cela est en cours. Cependant, tirant les le莽ons des tristes 茅v茅nements des ann茅es 1990 caract茅ris茅s par des guerres civiles et l'implosion d'脡tats, la CEDEAO n'a eu d'autre choix que de s'orienter vers les questions de s茅curit茅 et de bonne gouvernance.
Aujourd'hui, les valeurs de la d茅mocratie et des droits de l'homme sont profond茅ment ancr茅es dans la culture ouest-africaine, et la CEDEAO fait partie int茅grante de ce processus. L'Afrique de l'Ouest est la seule r茅gion d'Afrique qui ne conna卯t pas de conflit ouvert de haute intensit茅, malgr茅 les activit茅s des groupes extr茅mistes violents.听
La r茅gion peut 锚tre fi猫re de beaucoup de choses - le fait que la CEDEAO soit devenue une marque de fabrique, un pionnier de l'int茅gration r茅gionale sur le continent. Elle a fourni une grande partie de la base des cadres de l'Union africaine.
La CEDEAO est pass茅e d'un bloc 茅conomique 脿 une union 茅conomique et politique. Est-ce exact ?
Oui, c'est exact.
Certains membres de la CEDEAO ont fait part de leur intention de se retirer du groupe. Des efforts sont-ils faits pour qu'ils restent ?听
La CEDEAO est une communaut茅. Nous sommes solidaires. Nous pouvons avoir des d茅fis ou des diff茅rences, mais se retirer n'est pas la solution. Les pays qui ont l'intention de se retirer parlent de leurs ambitions panafricaines et d'autres choses, mais la base du panafricanisme est l'int茅gration. 听脡tant donn茅 que la d茅sint茅gration ne favorisera pas le panafricanisme, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que ces pays restent dans le giron de l'Union.
Cependant, il est important de noter qu'un pays ne peut pas d茅cider un jour de se retirer de la CEDEAO. Il y a des proc茅dures 脿 suivre, conform茅ment 脿 l'article 91 du trait茅 de la CEDEAO.听
Plusieurs engagements diplomatiques sont en cours dans les coulisses pour r茅unifier le bloc de la CEDEAO.听
Qu'est-ce qui vous permet d'esp茅rer que ces efforts aboutiront ?听
Ce qui nous donne de l'espoir, c'est que la CEDEAO a tenu son sommet extraordinaire en f茅vrier 2024 et a lev茅 les sanctions s茅v猫res contre le Niger, et nous les avons encourag茅s 脿 revenir au sein de la Communaut茅. Nous esp茅rons qu'ils comprendront que les avantages d'锚tre ensemble l'emportent largement sur les inconv茅nients.
En parlant d'avantages, quelles autres incitations offrez-vous 脿 ces pays pour les encourager 脿 maintenir leur adh茅sion ?
J'ai parl茅 pr茅c茅demment de la libre circulation des personnes, des biens et des services au sein de la CEDEAO. Environ 10 millions de citoyens de ces pays sont r茅partis dans la r茅gion. 脌 l'heure o霉 je vous parle, 4,5 millions de Burkinab茅s vivent dans la seule C么te d'Ivoire. Si ces pays se retirent de la CEDEAO, le statut de leurs citoyens changera radicalement. Ils devront r茅gulariser leur s茅jour, et ceux qui ne pourront pas le faire devront retourner dans leur pays.
Nous parlons de lib茅ralisation du commerce. Le commerce intra-africain ne repr茅sente qu'environ 15 %. Au sein de la CEDEAO, les exportations de ces trois pays vers d'autres parties de l'Afrique de l'Ouest ne d茅passent pas 17 %. La CEDEAO re莽oit de ces pays des produits carn茅s, des l茅gumes, etc. Alors qu'ils re莽oivent de l'茅nergie et de nombreux produits manufactur茅s des autres pays, pratiquement sans droits de douane.
Les valeurs de la d茅mocratie et des droits de l'homme sont profond茅ment ancr茅es dans la culture ouest-africaine, et la CEDEAO fait partie int茅grante de ce processus.
N'oublions pas que les trois pays sont enclav茅s. Ils auront besoin de d茅bouch茅s vers la mer, ce qui se fait aujourd'hui dans des conditions tr猫s favorables dans le cadre de l'int茅gration r茅gionale. S'ils se retirent, ils devront trouver d'autres d茅bouch茅s ou payer des frais de transport et des tarifs plus 茅lev茅s. Cela demandera beaucoup de temps et de ressources.
Nous parlons 茅galement de solidarit茅 communautaire, ce que les gens consid猫rent comme une 茅vidence. En fait, les trois pays consomment ensemble plus de 52 % des r茅serves alimentaires strat茅giques de la CEDEAO, soit environ 15 000 tonnes de nourriture. Les pays enclav茅s ou ravag茅s par des s茅cheresses cycliques ont besoin de ce soutien.听
Enfin, le moyen le plus efficace de lutter contre l'extr茅misme violent est le partage des renseignements et la coop茅ration militaire transfrontali猫re. S'ils se s茅parent de nous, comment peuvent-ils lutter efficacement contre les extr茅mistes violents ? Nous avons besoin qu'ils reviennent dans la famille et j'esp猫re qu'ils reviendront sur leur d茅cision.
Leur retrait pourrait-il avoir des cons茅quences sur la r茅putation de la CEDEAO ?
Un retrait ne sera bon ni pour eux ni pour la CEDEAO, car dans la diplomatie internationale d'aujourd'hui, l'union fait la force. Si nous restons 15 Etats membres, notre influence dans la diplomatie internationale sera plus grande. S'ils partent, la CEDEAO sera affaiblie. C'est une chose que nous devons prendre en compte.
N'oubliez pas que la CEDEAO est une organisation de solidarit茅. Si vous cherchez 脿 obtenir des postes dans des organisations internationales comme les Nations Unies et d'autres, la CEDEAO se r茅unit et soutient un candidat. Par souci de solidarit茅, nous soutiendrons ceux qui font partie de la communaut茅.
Sur le plan diplomatique, s茅curitaire et politique, c'est donc mauvais pour les deux parties. Mais tout compte fait, ce n'est pas du tout en leur faveur.
