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Afrique : des solutions locales pour combattre la malnutrition

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Afrique : des solutions locales pour combattre la malnutrition

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Photo: Jaspreet Kindra/IRIN
Les solutions locales sont peu coûteuses et efficaces : en Namibie, des enfants mangent un repas constitué de produits provenant de leurs champs

JOHANNESBOURG, 25 février 2014 (IRIN) - Le Rwanda a réduit avec un succès remarquable la faim chez les enfants et les experts en nutrition estiment que d’autres pays d’Afrique pourraient tirer des leçons de cette expérience.

Dans un sur les progrès dans la lutte contre la malnutrition, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a remarqué qu’en 2005, plus de la moitié des Rwandais de moins de cinq ans – soit environ 800 000 enfants – présentaient un retard de croissance. « Cinq ans plus tard seulement, la prévalence du retard de croissance avait baissé de 52 pour cent à 44 pour cent, selon les estimations », est-il écrit dans le rapport.

La méthode utilisée par le Rwanda consistait à chercher des solutions locales au problème.

Le pays a étendu ses programmes de nutrition au niveau communautaire dans les 30 districts du pays et a mis en place un régime d’assurance maladie communautaire pratiquement universel. « Tout cela s’est fait grâce à la production locale de nourriture plutôt qu’avec une aide fournie clés en main par des bailleurs de fonds », a dit Fidele Ngabo, directrice de Maternal Child Health. « Il existe des milliers de solutions locales contre la faim ».

« Chaque village propose des approches locales pour lutter contre la malnutrition et l’insécurité alimentaire qui ne coûtent pas cher – nous nous situons au centre de l’action pour apporter notre soutien et assurer le suivi », a-t-elle dit.

Des réserves de céréales communautaires ont par exemple été mises en place. Chaque foyer contribue à hauteur de 20 pour cent minimum de ses récoltes pendant la bonne saison et les céréales stockées sont consommées pendant la période de soudure. Des jardins potagers ont également été étendus et des informations sont partagées sur les légumes à cultiver.

Des groupes de travail réunissant des organisations d’aide humanitaire, des chercheurs, des universitaires et des fonctionnaires d’État débattent des différentes suggestions et des solutions proposées.

Les recherches doivent être menées par l’Afrique, pas par les bailleurs de fonds

Le modèle rwandais pourrait être suivi dans d’autres pays africains, où les initiatives dirigées par des bailleurs de fonds étrangers ont tendance à privilégier le traitement et les solutions techniques.

Selon le projet de recherche sur une nutrition durable en Afrique dans les années à venir (SUNRAY), qui a été conduit pendant deux ans avec le soutien financier de l’Union européenne et dont les récemment dans PLOS Medicine, une revue à comité de lecture, la situation ne changera que lorsque les recherches en matière de nutrition seront menées par l’Afrique et que les interventions seront conçues de manière à répondre aux priorités propres à chaque pays.

« Nous devons réformer la recherche nutritionnelle en Afrique et tout changer », a dit Patrick Kolsteren, qui travaille à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, en Belgique, et coordonne le projet SUNRAY.

« Actuellement, les chercheurs des pays développés tentent de trouver des partenaires africains pour mener des études conjointes, basées sur des financements et des priorités définis en dehors de l’Afrique. Les programmes de recherche devraient plutôt être basés sur les besoins identifiés sur le continent. Les appels à propositions de recherche des bailleurs de fonds devraient correspondre à ces programmes. »

« Nous n’avons pas analysé l’ensemble des interventions, mais plutôt le programme des recherches. Le sentiment général était que ce programme était conduit par les bailleurs de fonds et ne correspondait pas [toujours] aux besoins et priorités identifiés localement », a dit M. Kolsteren.

« L’aide apporté par les bailleurs de fonds doit par ailleurs donner des résultats tangibles », a-t-il ajouté. « Les résultats doivent pouvoir être mesurés », ce qui n’est pas toujours possible avec les interventions communautaires.

L’exemple du Bénin

Les chercheurs et les décideurs béninois attendent « les ordres des bailleurs de fonds avant d’agir. Les programmes financés par ces derniers ne sont donc pas durables. Dès que [les financements] prennent fin, toutes les activités s’arrêtent et les bénéfices acquis et les bonnes pratiques sont perdus », a dit Eunice Nago Koukoubou de l’université d’Abomey-Calavi au Bénin, l’une des auteures de l’étude publiée.

« En outre, les chercheurs en nutrition ne sont pas suffisamment autonomes, créatifs et proactifs pour définir leur propre programme suivant les problèmes nutritionnels réels de nos populations », a-t-elle ajouté. C’est pourquoi, « malgré les fortes sommes investies dans la recherche et les interventions en matière de nutrition », les taux de malnutrition n’ont pas diminué au Bénin.

« Si les gouvernements africains finançaient [les actions en matière de] nutrition sur le continent de manière adéquate, les bailleurs de fonds ne nous dicteraient pas leurs programmes », a dit Mme Nago Koukoubou. « Au Bénin, il existe déjà une certaine volonté politique de faire de la nutrition [...], y compris de la recherche en la matière, une priorité des politiques de développement et d’y allouer des fonds. »

Le Bénin a reconnu que « la nutrition devrait être centrale dans le développement » et dispose d’un plan stratégique pour le développement alimentaire et nutritionnel. Le pays a également créé un conseil national pour l’alimentation et la nutrition, dirigé par le cabinet du président. « Le gouvernement tente de réunir des fonds pour le [plan stratégique] », a remarqué Mme Nago Koukoubou.

Une autre auteure de l’étude, Joyce Kinabo, de la faculté d’Agriculture de Tanzanie, a dit que son pays avait créé un bureau de la nutrition au sein du cabinet du président. « Une attention croissante est accordée à la nutrition », a-t-elle dit.

Champs de recherche prioritaires

Le projet SUNRAY a consulté une centaine de parties prenantes dans 40 pays d’Afrique subsaharienne et identifié les champs de recherche prioritaires suivants : l’impact des interventions communautaires, ce qui influence la qualité et la quantité de nourriture mangée par un enfant, l’efficacité de la promotion des aliments traditionnels et la mesure dans laquelle celle-ci aide la population en période de choc climatique.

Les actions prioritaires qui permettraient de créer un environnement propice au financement de la recherche en matière de nutrition en Afrique sont notamment l’amélioration de l’encadrement de la recherche de manière à ce que celle-ci corresponde aux priorités identifiées en Afrique subsaharienne, l’aide au développement de capacités techniques et le partage des résultats.

Selon Lawrence Haddad, expert en nutrition renommé et directeur de l’Institut d’Études en développement britannique, cette recherche est importante, car il s’agit du « premier exercice systématique d’écoute de ce que pense la communauté des chercheurs en nutrition d’Afrique ».

« La plupart des études sur la nutrition en Afrique sont définies en dehors de la région. Je ne pense pas que ce soit de l’impérialisme – juste un manque d’opportunité [et] de ressources [...] pour aider les chercheurs africains à publier, présenter et partager leur travail. »

Un partenariat entre les chercheurs africains, « qui ont une plus grande crédibilité et une meilleure connaissance du contexte », et les chercheurs occidentaux qui ont les ressources et les opportunités, serait crucial. M. Haddad a cité le en exemple de modèle sous direction africaine basé sur un partenariat de ce genre, mais avec un programme fixé par les Africains. « J’aimerais voir une telle tentative dans le domaine de la nutrition ».

Appel à la création d’un « centre de connaissances » africain

La crise des prix des denrées alimentaires de 2006-2008 a fait grimper le nombre d’enfants souffrant de malnutrition à des niveaux effarants et placé la nutrition au centre de l’attention. D’après l’ (Global Hunger Index, GHI) 2013, publié par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), l’amélioration de la stabilité politique à l’issue de divers conflits, la hausse de la croissance économique et les progrès réalisés dans la lutte contre le VIH/SIDA ont aidé à réduire les taux de mortalité et la malnutrition depuis l’an 2000. Mais la plupart des pays ayant un niveau de faim alarmant selon le GHI se trouvent en Afrique. Les trois pays ayant les résultats les plus bas sont le Burundi, l’Érythrée et les Comores.

Le programme ASTI (Indicateurs relatifs aux sciences et technologies agricoles) de l’IFPRI, contrôle les dépenses dans la recherche et le développement (R et D) agricoles. Il brosse un sombre tableau des financements en R et D en Afrique. Selon l’ASTI, la moitié des pays dont les données sont disponibles ont enregistré une croissance négative des dépenses en R et D agricoles entre 2000 et 2008.

Pour transformer la recherche nutritionnelle en Afrique, le projet SUNRAY propose un « centre de connaissances » africain évaluant et développant les savoirs existants et présentant des solutions efficaces pour résoudre les principaux problèmes nutritionnels en Afrique. Cela encouragerait les relations entre chercheurs et décideurs et permettrait d’incorporer des mécanismes assurant une assimilation et une utilisation optimales des résultats des études en matière de nutrition pour l’élaboration, l’application et la programmation de politiques en la matière.

Enfin, tout est question de volonté politique. « Nous sommes aussi un pays pauvre, et nous changeons les choses », a dit Mme Ngabo, du Rwanda. Des pays comme le Niger, qui estiment manquer de ressources pour mener à bien la lutte contre la malnutrition chronique qu’ils mènent depuis un certain temps déjà, doivent réaliser que « [leurs] enfants ne sont pas les enfants des bailleurs de fonds, mais les [leurs] ».