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L’agriculture un outil de lutte contre le chômage des jeunes

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L’agriculture un outil de lutte contre le chômage des jeunes

Busani Bafana
Panos/Graeme Williams
Jeunes chômeurs à Mamelodi, en Afrique du Sud, attendant une offre d’emploi occasionnel devant d’anciens conteneurs de transport reconvertis en locaux d’entreprise. Photo: Panos/Graeme Williams

Francisca Ansah est agent de vulgarisation agricole, spécialisée dans les services ruraux. Elle travaille avec les agriculteurs de région du Nord-Ouest du Ghana. Lors d’une conférence qui s’est tenue dans ce pays l’année dernière, elle a expliqué que l’image du paysan pauvre, en guenilles et victime des intempéries, est décourageante pour de nombreux jeunes. Ayant vu leurs parents vieillissants travailler la terre avec un matériel rudimentaire, ces jeunes choisissent de s’établir dans des zones urbaines pour y chercher un emploi. «Les jeunes réfléchissent à deux fois avant de se lancer dans l’agriculture», explique-t-elle.

Malgré ces perceptions négatives, le secteur agricole emploie 60% de la main d’œuvre africaine selon le rapport Perspectives économiques en Afrique 2013, publié conjointement par la Banque africaine de développement, l’Organisation de coopération et de développement économiques et le Programme des Nations Unies pour le développement. Mais du fait de faibles rendements, le secteur ne contribue au produit intérieur brut (PIB) du continent qu’à hauteur de 25%.

Des emplois pour les jeunes

Pour le chercheur zimbabwéen et analyste des politiques foncières Mandivamba Rukuni, les économies à forte croissance qui parviennent à réduire la pauvreté et à créer de vrais emplois, notamment pour les jeunes, dépendent de politiques volontaristes et de l’injection massive d’investissements dans l’agriculture. «Le pourcentage de la population rurale en Afrique oscille toujours autour de 60%, explique le professeur Rukuni, qui a publié de nombreux ouvrages sur l’agriculture en Afrique. Pour l’Union africaine, l’agriculture sera dans un proche avenir la principale force de transformation économique et sociale du continent.»

«Les économies africaines connaissent une croissance soutenue depuis 1999 et l’agriculture s’est aussi développée, bien qu’à un rythme plus lent », note M. Rukuni, en ajoutant que l’Afrique a été la région la moins active en matière d’éradication de la pauvreté. Pour le professeur Rukuni en effet, les gouvernements doivent encourager le développement d’une agriculture à valeur ajoutée, la formation de partenariats avec le secteur privé et la mise en place d’objectifs conjoints. Sur la manière dont les gouvernements et le secteur privé pourraient collaborer, M. Rukuni répond : «Regardez la Chine, l’Inde ou le Brésil : le gouvernement et le secteur privé ne font qu’un.»

Le manque de compétitivité de l’agriculture africaine est un lourd handicap quand il s’agit de promouvoir l’emploi dans ce secteur. Pour le professeur Rukuni, la compétitivité, c’est «ce que le gouvernement est prêt à faire pour ses producteurs afin qu’ils accèdent aux marchés.» Parmi les solutions qu’il préconise figurent l’accélération du développement rural grâce à des activités créatrices de la valeur ajoutée pour les produits agricoles, la mise en place d’infrastructures pour contenir l’exode rural, ou l’aide aux femmes et aux jeunes qui veulent créer leurs entreprises.

La production rizicole, secteur à fort potentiel

Marco Wopereis est Directeur général adjoint du Centre du riz pour l’Afrique basé à Cotonou au Bénin. Pour lui, les innovations dans le secteur agricole peuvent débloquer des opportunités immenses en matière d’emplois. Le secteur du riz à lui seul a la capacité d’employer une bonne partie des 17 millions de jeunes qui accèdent chaque année au marché du travail en Afrique subsaharienne. Grâce à un soutien financier et à des programmes de formation, les jeunes agriculteurs qui se consacrent à la riziculture pourraient augmenter la production tout en la valorisant. «Avec autant de chômeurs, le secteur du riz en Afrique représente une véritable opportunité de création d’emplois», confie Marco Wopereis à Afrique Renouveau.

Pour Ibrahim Mayaki, Secrétaire exécutif du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), l’agence de développement de l’Union africaine, le chômage des jeunes est une «bombe à retardement». La population des jeunes en Afrique subsaharienne augmente rapidement : le groupe des 15 à 24 ans avoisine les 200 millions et ce chiffre devrait doubler d’ici à 2045 selon divers experts. Mais l’agriculture peut potentiellement fournir à la fois des emplois et une alimentation convenables.

Dans un rapport publié en 2013 et intitulé Agriculture as a Sector of Opportunity for Young People in Africa, la Banque mondiale souscrit à l’approche défendue par diverses autres organisations, dont les données confirment que le secteur agricole est le plus gros employeur d’Afrique avec un potentiel d’absorption de millions de demandeurs d’emploi. Selon le rapport, des efforts supplémentaires permettraient d’améliorer la productivité agricole entraînant ainsi une réduction des prix des denrées alimentaires. Les revenus augmenteraient et de nombreux emplois pourraient être créés. L’implication des jeunes dans ce processus est cependant essentielle. «Même si les fermes sont souvent exploitées par des personnes âgées, note la Banque, les besoins en énergie, en innovation et en force physique en font un secteur idéal pour la tranche 15 à 34 ans – ceux qu’on appelle «les jeunes gens mûrs».

Les experts s’accordent sur le fait que l’agriculture ne créera beaucoup d’emplois qu’avec l’implication de la jeunesse. Selon Strive Masiyiwa, vice-président du conseil de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Alliance for a Green Revolution in Africa, AGRA : agence chargée de soutenir les petits agriculteurs africains), il est possible pour l’agriculture d’être à la fois plus productive et plus attractive pour les jeunes exploitants. «Les petits agriculteurs pourront toujours travailler la terre en utilisant de nouvelles semences et de nouveaux engrais, ou des méthodes plus modernes. Ces exploitants seront plus jeunes, auront des compétences nouvelles et des voitures devant chez eux; ils auront aussi accès aux informations sur les marchés où se vendent leurs produits.» L’agriculture doit être dynamique et rentable si elle veut attirer les jeunes, ajoute Strive Masiyiwa.

Un chemin parfois difficile

Pour soutenir cette vision, l’AGRA mobilise 450 associations d’agriculteurs dans 14 pays pour offrir aux petits exploitants un accès au marché et améliorer leur pouvoir de négociation sur les cultures qu’ils produisent. Dans les pays où l’AGRA est présente, des milliers d’agriculteurs ont déjà un meilleur accès aux semences améliorées des cultures vivrières, aux engrais et aux marchés, ou encore aux financements qui les aideront à tirer profit d’une amélioration des sols ou de la gestion des ressources hydriques. Au Burkina Faso, au Mali ou au Niger par exemple, 295 000 agriculteurs ont été formés au micro-dosage des engrais (procédé consistant à appliquer aux cultures de l’engrais par petites doses) et aux moyens d’améliorer les sols et les rendements de cultures vivrières comme le sorgho. Avec l’espoir qu’à terme, quand les agriculteurs étendront leurs activités, des milliers de personnes au chômage trouveront un emploi.

Le chemin parcouru par l’agriculture en Afrique au fil des ans n’a pas été facile. La crise économique mondiale, la flambée des prix alimentaires, le changement climatique, les mauvaises récoltes et les capacités de stockage réduites pendant les périodes fastes ont été autant d’obstacles à une croissance du secteur. L’agriculture s’est ainsi avérée incapable de créer de nombreux emplois ou d’avoir un effet notable sur la pauvreté.

Le plan africain de développement de l’agriculture, connu sous le nom de Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA), doit créer des emplois et de la richesse économique tout en luttant contre la famine et en réduisant les importations de denrées alimentaires grâce à l’amélioration des rendements. Le PDDAA a été adopté en 2003 : en application de ce programme, les dirigeants africains s’engagent à allouer au moins 10% de leurs budgets nationaux à l’agriculture et au développement rural.

Des ambitions à la réalité

Parmi les 54 pays d’Afrique, seuls 8 (le Burkina Faso, le Malawi, le Cap-Vert, le Mali, le Tchad, l’Éthiopie, le Niger et la Guinée) ont à ce jour investi 10% de leurs budgets dans l’agriculture. La Banque mondiale estime que la région possède plus de 50% des terres fertiles non cultivées de la planète. L’Afrique subsaharienne dispose à elle seule de 24% de terres potentiellement disponibles pour les cultures pluviales. De plus, l’investissement direct étranger dans l’agriculture africaine devrait progresser, pour passer de moins de 10 milliards de dollars en 2010 à plus de 45 milliards de dollars en 2020.

Selon l’Organisation internationale du Travail, un secteur agricole solide est nécessaire à une croissance économique soutenue et à la création d’emplois mieux payés en Afrique. L’un des grands défis des 10 à 20 prochaines années sera de transformer cette vision en réalité concrète.Ìý

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