L鈥檃gronomie au f茅minin
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Africa Media Online/Karen Agenbag
Une scientifique analyse des 茅chantillons dans un laboratoire de Johannesburg, en Afrique du Sud. Photo: Africa Media Online/Karen Agenbag
Choisies et form茅es pour tenir des responsabilit茅s et chercher 脿 r茅soudre les probl猫mes dans leurs pays respectifs, les femmes africaines agronomes doivent encore affronter un ennemi : l鈥檌d茅e re莽ue qu鈥檈lles ne peuvent 锚tre pionni猫res en mati猫re d鈥檌nnovation. M锚me si ces sp茅cialistes se battent pour obtenir les chances d鈥檃meliorer leurs carri猫res, elles sont persuad茅es d鈥櫭猼re capables de renverser de vieux st茅r茅otypes.
Elles ne sont pas seules dans ce combat. Les Femmes Africaines dans la Recherche et le D茅veloppement Agricole (AWARD), un programme de perfectionnement professionnel bas茅 脿 Nairobi qui soutient les femmes agronomes 脿 travers l鈥橝frique subsaharienne, est en train de modifier la donne. Le programme AWARD est en effet devenu un moyen de r茅v茅ler chez les femmes africaines des aptitudes qui, bien que reconnues, sont rarement promues.
La popularit茅 croissante du programme AWARD n鈥檈st pas un hasard. Selon l鈥橭rganisation des Nations Unies pour l鈥檃limentation et l鈥檃griculture (FAO), plus des deux tiers des Africaines sont employ茅es dans le secteur agricole et produisent pr猫s de 90% des denr茅es alimentaires sur le continent. En outre, les recherches entreprises par le programme AWARD aupr猫s de 125 organismes agricoles africains sur les femmes dans l鈥檃griculture ont r茅v茅l茅 que bien que celles-ci produisent, transforment et assurent la vente de la majorit茅 des cultures vivri猫res en Afrique, seul un chercheur en agronomie sur quatre est une femme.
Au vu de la n茅cessit茅 urgente d鈥檃ccro卯tre le nombre de femmes qualifi茅es dans le secteur agricole, depuis 2008 le programme AWARD offre des bourses 脿 des femmes agronomes, afin que les connaissances et l鈥檈xpertise acquises profitent 脿 d鈥檃utres. Les femmes qui obtiennent ces bourses gagnent de nouvelles comp茅tences et travaillent pour des institutions d鈥檈nseignement ou des programmes de recherche. Une fois leurs 茅tudes ou leur formation termin茅es, elles peuvent se pr茅senter en toute confiance 脿 des postes 茅lev茅s au sein de l鈥檃dministration de leur pays ou au sein d鈥檃utres organisations.
Le programme AWARD n鈥檈st pas le seul 脿 participer aux efforts visant 脿 donner une plus grande place aux femmes. Les donateurs et fondations tels que la Fondation Bill et Melinda Gates, l鈥橴S Agency for International Development (USAID), l鈥橝lliance pour une r茅volution verte en Afrique (AGRA) et la Fondation Agropolis en France y contribuent aussi. La Fondation Bill et Melinda Gates et l鈥橴SAID ont notamment fourni un financement important au programme. Plus de 200 universit茅s et instituts de recherche dans le monde participent en outre 脿 la formation de chercheuses.
Mentorat
Ces femmes agronomes re莽oivent une formation appropri茅e dans des domaines tels que la phytotechnie et les sciences du sol, l鈥櫭ヽologie, l鈥櫭﹍evage, la gestion de l鈥檈au et de l鈥檌rrigation ainsi que l鈥檋orticulture. Les candidates comp茅tentes b茅n茅ficient d鈥檜ne bourse d鈥檜ne dur茅e pouvant aller jusqu鈥櫭� deux ans apr猫s quoi un mentor leur est attribu茅. Le mentorat est d鈥檃illeurs l鈥檜n des principaux atouts du programme.
芦Il n鈥檈st pas facile, de trouver un mentor si vous ne faites pas partie de ce programme禄, explique Elizabeth Bandason, entomologiste au Bunda College, 脿 l鈥檜niversit茅 du Malawi. 芦Ceci permet, et c鈥檈st l脿 un grand avantage, de revoir vos objectifs de carri猫re en fonction des conseils de votre mentor禄, ajoute-t-elle. Gr芒ce 脿 la bourse qu鈥檈lle a re莽ue, Mme Bandason a suivi un stage de six mois au laboratoire Dow AgroSciences 脿 Indianapolis aux 脡tats-Unis. C鈥檈st ainsi qu鈥檈lle a pu mettre au point, l鈥檃nn茅e derni猫re, des outils permettant de d茅tecter, chez les insectes, d鈥櫭﹙entuelles r茅sistances aux insecticides.
Martha Mueni Sila, l鈥檜ne des principales sp茅cialistes de l鈥檃griculture au Kenya, fait partie de ces femmes qui font avancer les choses actuellement. Selon elle, la formation en direction et gestion contribue 脿 donner aux femmes des comp茅tences importantes et pris茅es. 芦Le fait que mon mentor ait partag茅 ses exp茅riences et son expertise avec moi m鈥檃 permis de gagner en confiance et en assurance; j鈥檈stime que ces qualit茅s sont tr猫s utiles pour une femme agronome puisque ce m茅tier est surtout exerc茅 par des hommes.禄
芦Nous avons tous besoin d鈥檜ne personne qui nous inspire, en particulier dans le domaine des sciences auquel peu de femmes se consacrent,禄 commente le docteur Themba Mzilahowa, un chercheur du Centre d鈥檃lerte au paludisme au Malawi, 芦les mentors sont des mod猫les禄. Dans une interview accord茅e 脿 Afrique Renouveau, le Dr Mzilahowa, mentor au sein du programme AWARD, estime que r茅unir des femmes de divers horizons et leur enseigner comment franchir les barri猫re sociales par le biais de la science accro卯t leur engagement vis-脿-vis de l鈥檃griculture.
Les laur茅ates du programme AWARD sont s茅lectionn茅es individuellement, en fonction de leur m茅rite intellectuel, leurs aptitudes 脿 diriger et des am茅liorations que leur travail promet d鈥檃pporter aux moyens de subsistance des petits exploitants agricoles. 芦La bourse ne vous tombe pas dans les bras ; la comp茅tition pour l鈥檕btenir est 茅galement une fa莽on de transmettre d鈥檌mportants principes 脿 ces femmes agronomes禄, indique le Dr Mzilahowa. 芦C鈥檈st l鈥檕ccasion d鈥檈xercer un jugement averti.禄
Contre vents et mar茅es
Malgr茅 l鈥檌mpact du programme AWARD, les femmes africaines continuent de se heurter 脿 de nombreux obstacles. Il est 茅tabli qu鈥檈lles ont parfois moins d鈥檃ssurance que les hommes en raison de certaines pratiques culturelles. Et les obligations familiales, li茅es aux grossesses et 脿 l鈥櫭ヾucation des enfants, r茅duisent le plus souvent les possibilit茅s pour les femmes d鈥檃cc茅der 脿 l鈥檈nseignement sup茅rieur. 芦En Afrique subsaharienne en particulier, la culture et la soci茅t茅 ont un fort ascendant sur les femmes鈥� toutefois, depuis peu, de nombreux 脡tats encouragent les femmes et les filles 脿 travailler dans des domaines scientifiques,禄 estime Likyelesh Gugsa, sp茅cialiste de la g茅n茅tique v茅g茅tale 脿 l鈥橧nstitut 茅thiopien pour les recherches agricoles.
Mme Gugsa n鈥檈n d茅mord pas : les femmes sont confront茅es tous les jours 脿 d鈥櫭﹏ormes difficult茅s et b茅n茅ficient rarement d鈥檜n soutien appropri茅. Les conditions de recrutement peuvent d茅favoriser les femmes scientifiques, ajoute-t-elle, notant que celles-ci refusent parfois des postes 茅lev茅s parce qu鈥檈lles craignent d鈥櫭猼re victimes de critiques ou de discrimination. C鈥檈st l鈥檜ne des raisons pour lesquelles le programme AWARD enseigne aux femmes 脿 g茅rer diff茅rentes situations de harc猫lement qu鈥檈lles auront peut-锚tre 脿 affronter au fil de leur carri猫re.
Apr猫s avoir suivi le programme AWARD, Mme Gugsa a 茅t茅 membre, pendant huit mois, de l鈥橝frican Fellows Programme, un programme de la Fondation Rothamsted International au Royaume-Uni, une organisation caritative qui promeut une agriculture durable dans les pays en d茅veloppement. Par la suite, elle a obtenu une dotation de deux ans de la Fondation Alexander Von Humboldt qui a pris fin en septembre 2013. Cette ann茅e, elle pr茅voit de cr茅er une entreprise phytog茅n茅tique de taille moyenne en 脡thiopie.
R茅colter les b茅n茅fices
脌 ce jour, pr猫s de 320 femmes, venues de onze pays subsahariens, ont b茅n茅fici茅 de la bourse AWARD. Mais qu鈥檈n est-il de la destin茅e de millions d鈥檃utres femmes qui ne sont pas 茅ligibles pour de tels projets ? Vue sous cet angle, l鈥檌nfluence que peut avoir une femme scientifique qualifi茅e semble beaucoup plus r茅duite, estime Mueni Sila, laur茅ate de la bourse en 2011 et qui, apr猫s son retour, s鈥檈st vu attribuer davantage de responsabilit茅s par le gouvernement k茅nyan, son employeur.
Les offres se sont en effet multipli茅es pour Mme Sila. Elle a pris la t锚te d鈥檜ne 茅quipe cherchant 脿 mettre au point un plan de d茅veloppement du secteur du manioc au Kenya et en a anim茅 une autre qui travaille 脿 la r茅daction d鈥檜n guide de la culture du manioc, notamment pour am茅liorer toutes les 茅tapes de sa production, des semences 脿 la r茅colte et 脿 la consommation. Elle d茅fend farouchement l鈥檌d茅e que les femmes scientifiques, professeurs ou responsables de projet peuvent apporter de nouvelles perspectives et analyses qui peuvent 锚tre utiles aux agriculteurs aussi bien hommes que femmes.
Si les femmes sont les pierres angulaires de l鈥檃griculture en Afrique, consid猫re Mme Sila, ce sont elles qui doivent mener les projets visant 脿 cr茅er des richesses et 脿 r茅duire la pauvret茅. Plus le nombre de femmes qualifi茅es augmentera, plus celles-ci seront 脿 m锚me de partager avec d鈥檃utres leur exp茅rience. La formation des femmes permettra de 芦stimuler le partage des connaissances, ce qui se traduira par une am茅lioration qualitative de l鈥檃gronomie africaine禄, ajoute-t-elle.
Marias Kaibeh Brooks, agent de vulgarisation agricole pour Welthungerhilfe, une organisation non gouvernementale allemande active au Lib茅ria, partage l鈥檕pinion de Mme Sila. 芦Je suis devenue plus efficace lorsqu鈥檌l s鈥檃git de prendre des d茅cisions concernant mon organisation, ma communaut茅 ou ma famille, au fur et 脿 mesure que mes comp茅tences en mati猫re de communication se sont am茅lior茅es禄, explique Mme Brooks, qui a notamment appris 脿 r茅diger toutes sortes de propositions.
Mme Brooks, laur茅ate de la bourse AWARD en 2013, esp猫re un jour 茅lever du b茅tail. Elle estime que le processus de formation peut provoquer un effet domino : 芦Si les laur茅ates peuvent servir de mentors 脿 d鈥檃utres femmes, cela pourrait encourager d鈥檃utres femmes scientifiques et faciliter le renforcement de la confiance ainsi que le d茅veloppement des comp茅tences de toutes les femmes.禄 Parier sur l鈥檃venir des femmes scientifiques est un moyen, pour les donateurs notamment, d鈥檈xploiter une 芦ressource rare禄 depuis trop longtemps n茅glig茅e.
Les femmes comme Mme Gugsa et Mme Brooks participent activement aux efforts d茅ploy茅s pour que soit reconnu le r么le essentiel que peuvent jouer les femmes dans la transformation du secteur agricole en Afrique. Il faut toutefois soutenir les femmes dans tous les domaines et pas simplement dans le domaine agricole, insiste Mme Brooks. Comme l鈥檃 dit Christine Lagarde, directrice g茅n茅rale du Fonds mon茅taire international, lors du Forum 茅conomique mondial 脿 Davos, en Suisse, l鈥檃n dernier : 芦Quant les femmes r茅ussissent mieux, l鈥櫭ヽonomie se porte mieux.禄 Mme Gugsa est du m锚me avis : 芦Investir dans les femmes n鈥檈st pas seulement 茅thique, c鈥檈st aussi une approche 茅conomique saine.禄 Dans ce cas, le projet AWARD constitue un excellent premier pas. 听 听听
