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Après l'indépendance, quel avenir pour le Sud-Soudan ?

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Après l'indépendance, quel avenir pour le Sud-Soudan ?

Une nation à construire, en dépit de la pauvreté et des cicatrices de la guerre
Afrique Renouveau: 
Juba
UN Photo / Paul Banks
South Sudan's independence day festivities: "We must get to work right away," said President Salva Kiir.Des hommes arrive à Juba pour les célébrations de l'indépendance du Sud Soudan. « Nous devons nous mettre au travail immédiatement», a déclaré le Président Salva Kiir. 
Photo: Photo ONU / Paul Banks

Le 9 juillet dernier, c'est par une clameur enthousiaste que les habitants du Sud Soudan ont accueilli la naissance de leur pays, dernier venu au sein du concert des nations. Alors que le drapeau du tout nouvel État s'élevait dans le ciel, une foule immense rassemblée dans la capitale a fêté ce moment historique : l'accession officielle à l'indépendance du Sud, qui se séparait ainsi de ses anciens ennemis du Nord. Au son de l'hymne national, exécuté pour la toute première fois, des couples se sont embrassés et des hommes ont laissé échapper des larmes d'émotion.

« Ce jour est le jour le plus important pour le peuple du Sud-Soudan. C'est à la proclamation de sa naissance et de son émergence au sein de la communauté des nations que vous venez d'assister », a déclaré, devant une foule gigantesque, le premier Président du pays, Salva Kiir. « C'est un jour qui demeurera à tout jamais inscrit dans nos cœurs et nos esprits… Nous l'avons attendu pendant 56 ans. Notre rêve s'est enfin réalisé. »

Mais les festivités auront été de courte durée : « Célébrons cette journée, mais nous devons aussi nous mettre au travail immédiatement », a-t-il ajouté.

Réaliser ce rêve ne sera pas chose facile. La toute nouvelle nation, dont la superficie est à peu près égale à celle de l'Espagne et du Portugal réunis, a été ravagée par des dizaines d'années de guerre. « Nous avons tant souffert au cours de toutes ces longues années de combat », rappelle David Mabior, un ancien enfant-soldat aujourd'hui étudiant. « Notre jeune nation a beaucoup de défis à relever, ajoute-t-il. Mais si on nous laisse vivre en paix, nous pourrons nous en sortir. »

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Au total, la guerre du Soudan (deux guerres civiles en 40 ans) constitue le plus long conflit d'Afrique. Ses causes sont tout à la fois idéologiques, religieuses, ethniques et économiques (les ressources naturelles, les terres et le pétrole ayant suscité d'intenses rivalités). Entre 1983 et 2005, les derniers combats ont causé la mort de 2 millions de personnes et forcé 4 millions d'autres à quitter leur foyer.

Certains, au Sud, se sont battus pour une partition du pays. D'autres souhaitaient que le Soudan reste uni et ont tenté de renverser le régime de Khartoum qu'ils accusaient de marginaliser la majorité de la population. Mais les rebelles se sont aussi battus entre eux, lors d'affrontements aussi violents que ceux qui les opposaient aux forces gouvernementales.

Le référendum sur l'indépendance, prévu par l'accord de paix de 2005, a eu lieu en janvier. Près de 99 % des habitants du Sud ont choisi la séparation.

Pour eux, l'époque des conflits est désormais révolue. Du moins l'espèrent-ils. Mais l'indépendance ne résoudra pas du jour au lendemain les graves problèmes hérités d'une aussi longue guerre.

« Les attentes sont énormes, mais les défis à venir le sont tout autant », explique Joe Feeney, qui dirige le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au Sud-Soudan. « Le peuple a énormément souffert. [La guerre] n'a pas seulement détruit les infrastructures, elle a aussi traumatisé les gens. »

In Africa's newest — and one of its poorest — nations, one out of seven women dies from pregnancy-related causes.Au Sud Soudan, une femme sur sept meurt de complications liées à sa grossesse.
Photo ONU / Fred Noy

Le nouvel État, doté d'à peine 100 km de route bitumée, partage une frontière avec six pays. « La plus grande partie du pays demeure inaccessible pendant la saison des pluies », poursuit M. Feeney. « L'État de Jonglei, l'un des dix États du Sud, est deux fois plus grand que mon pays, l'Irlande, et n'a aucune route asphaltée. »

Les chiffres sont éloquents. Si le Sud-Soudan possède d'importantes réserves de pétrole, il demeure l'une des régions les plus pauvres du monde. Le Programme alimentaire mondial indique qu'il a aidé à nourrir près de la moitié de la population l'année dernière, soit environ 4 millions de personnes.

Aux journalistes de passage, l'ONU fait distribuer une note d'information qui recense les statistiques les plus sinistres : le Sud-Soudan a le taux de vaccination le plus faible au monde. Une fille de 15 ans a plus de chances de mourir en couches que de terminer l'école. Une femme enceinte sur sept mourra probablement de complications liées à sa grossesse.

En dehors de la capitale, peu de gens ont fêté l'accession à l'indépendance. Survivre est pour beaucoup un défi de tous les instants. « Quels changements l'indépendance apportera-t-elle dans la vie quotidienne des habitants des États éloignés de la capitale ? Telle sera la vraie mesure du progrès », estime M. Feeney.

« C'est tout le Soudan, pas seulement le Sud, qui devra relever d'immenses défis », avertit Oxfam, organisme d'aide basé au Royaume Uni. « Le pays devra bénéficier du soutien à long terme de la communauté internationale pour que la paix et le développement puissent perdurer. »

Emblèmes et symboles

L'indépendance acquise, des équipes de football et de basketball ont été créées, des passeports commandés, un hymne national écrit et chanté. « Que notre propre équipe puisse jouer sous le drapeau sud-soudanais est une chose que nous avons beaucoup attendue, déclare Rudolf Andrea, secrétaire de la fédération de football du Sud-Soudan. Je ne croyais pas que nous serions un jour capable de nous présenter au monde sous les couleurs d'une véritable nation. »

Il faut cependant davantage que des emblèmes pour créer un État viable. La mise en circulation récente d'une nouvelle monnaie n'est qu'un premier pas dans la bonne direction. La nouvelle économie devra surmonter bien d'autres difficultés.

Tout aussi déterminante pour la réussite du Sud sera la manière dont le gouvernement négociera avec ceux qui, à l'extérieur comme à l'intérieur, menacent encore l'existence même du nouvel État. Les rivalités communautaires entre de nombreux groupes ont par exemple été exacerbées par des inimitiés profondes qui remontent à la guerre. Par le passé, le Nord s'est servi d'intermédiaires et a exploité les rivalités entre Sudistes, en soutenant des milices dissidentes notamment.

La plus grande partie du Sud s'est unie pendant la guerre dans une opposition commune aux forces du Nord. Cette unité survivra-t-elle à la paix et le nouvel État saura-t-il trouvé ailleurs un sentiment d'identité partagé ?

« Cette nation va-t-elle être une nation pour tous ? Ou va-t-elle commettre les mêmes erreurs que d'autres pays, c'est-à-dire faire, une fois parvenue au pouvoir, exactement ce qu'elle reprochait à ses opposants ? » s'interroge Jok Madut Jok, fonctionnaire au Ministère de la culture et professeur d'histoire à l'Université de Loyola Marymount (Californie).

Garantir la croissance

Plus de deux millions de personnes sont rentrées au Sud-Soudan depuis que l'accord de paix de 2005 a été signé. Des dizaines de milliers de familles déplacées quittent actuellement le Nord pour revenir au Sud. Depuis octobre dernier, plus de 300 000 personnes sont rentrées chez elles et de nombreuses autres doivent encore arriver.

« Nous sommes revenus vivre ici parce qu'il nous fallait quitter le nord car nous n'avions plus de travail », indique un ancien fonctionnaire, Giir Thiik, qui a passé quatre semaines sur une péniche pour revenir à Juba. « Je n'ai rien à faire ici et je n'ai plus beaucoup d'argent. Je suis heureux d'être dans le Sud, mais honnêtement, c'est un choc pour moi. »

Relancer l'économie afin de construire une nouvelle nation et créer des emplois sera un défi majeur pour le gouvernement. Jusqu'à présent, de nombreux services ont été fournis par les organismes d'aide et les partenaires internationaux.

Le budget du gouvernement dépend presque entièrement des revenus pétroliers, à près de 98% ces dernières années. Mais d'autres sources potentielles de revenu existent. Le Sud-Soudan aurait d'importants gisements de minerais et de métaux et de vastes zones au potentiel agricole et forestier. Il pourrait aussi exploiter l'énergie hydroélectrique du Nil blanc.

Il faudrait encore que ces changements bénéficient véritablement à tous, notamment dans les villages. « Nous voulons simplement être en mesure de travailler et de vivre décemment », confie Mary Okech, veuve et mère de six enfants, qui récupère des déchets. « Le problème est qu'il n'y a pas d'emplois décents pour nous et je n'ai pas assez d'argent pour lancer ma propre activité commerciale. J'ai besoin d'aide pour cela. »

UN peacekeepers in the disputed territory of AbyeiDes soldats de l'ONU dans la région disputée d'Abyei après les pillages menés par des forces proches du gouvernement soudanais.
Photo ONU / Stuart Price

Violence

Le maintien de la paix n'est pas encore acquis. Les dernières étapes de la séparation avec le Soudan sont loin d'être réglées. Des accords indispensables restent à conclure dans divers domaines : le partage des revenus pétroliers, la répartition de la dette de 35 milliards de dollars et la démarcation des frontières. Les deux pays ont chacun émis une nouvelle monnaie, ce qui n'est pas sans risques pour leurs fragiles économies dont la gestion laisse à désirer.

Même si le référendum s'est déroulé dans le calme, de vives tensions persistent avec le Nord, suite notamment à des mois de violence dans les zones frontalières. En mai, les troupes de Khartoum se sont emparées de la région d'Abyei, forçant plus de 110 000 personnes à fuir vers le Sud. Les deux parties revendiquent chacune cette région d'herbages et de fermes, d'une superficie équivalente à celle du Liban. Le référendum qui devrait fixer son sort n'a toujours pas eu lieu et demeure une source de tensions entre les deux camps.

Un accord récent a permis que les troupes du Nord se retirent et soient remplacées par des soldats de maintien de la paix éthiopiens. Mais on reste loin d'une solution définitive.

En juin, des violences ont éclaté dans le Sud-Kordofan, un État pétrolier du Nord, entre l'armée du nord et d'anciens membres de l'ex-Armée populaire de libération du Soudan, aujourd'hui armée officielle du Sud-Soudan. Khartoum soutient que les combattants de cette région bénéficient du soutien du Sud. De son côté le Sud accuse le Nord d'apporter son appui à des rebelles opérant sur son territoire, dont l'objectif serait de déstabiliser les principales régions pétrolières le long de la frontière Nord-Sud, qui reste à délimiter. Chaque partie rejette les accusations de l'autre, ce qui fait craindre à divers observateurs que le conflit frontalier entre les deux États puisse encore durer longtemps. 

Le Sud Soudan en quelques dates

  • 1820 L'armée égyptienne, sous la tutelle de l'Empire ottoman, envahit le Soudan. Ainsi débutent 191 années de guerre.
  • 1955 Mutinerie de Torit contre le régime colonial britannique, suivie d'une guérilla.
  • 1er janvier 1956 Indépendance du Soudan.
  • 1963 La rébellion séparatiste sudiste Anyanya multiplie les attaques.
  • 1972 Signature d'un accord de paix entre Khartoum et les rebelles Anyanya. Le Sud obtient une autonomie limitée. L'accord ne durera pas.
  • 1983 Des officiers sudistes de l'armée lancent une rébellion à Bor et forment l'Armée populaire de libération du Soudan. Début de la seconde guerre civile.
  • 9 janvier 2005 Signature d'un Accord de paix global qui met un terme à 21 ans de guerre.
  • 9 janvier 2011 Référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan.
  • 7 février 2011 Publication des résultats du référendum : 99% des votants sont en faveur de l'indépendance.
  • 9 juillet 2011 Proclamation de l'indépendance du Sud-Soudan.
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