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La microfinance peut-elle aider le développement en Afrique ?

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La microfinance peut-elle aider le développement en Afrique ?

L’actualité récente impose de réexaminer les limites et les avantages du microcrédit
Afrique Renouveau: 
Redux / Jean Claude Moschetti / REA
A women's cooperative in BeninUne coopérative de femmes au Bénin produit de la farine de maïs et de l'huile de palme grâce aux microcrédits octroyés par une organisation caritative internationale. 
Photo: Redux / Jean Claude Moschetti / REA

La période faste de la microfinance est terminée. Depuis que l'octroi de petits crédits aux pauvres a été introduit par la Grameen Bank au Bangladesh, cette formule a été adoptée par de nombreuses organisations non gouvernementales, les organismes bailleurs de fonds et les Nations Unies dans leurs efforts de réduction de la pauvreté. La microfinance a permis à d'innombrables personnes d'accéder à des services financiers.

Mais le surendettement des clients d'une microfinance dans l'État de l'Andhra Pradesh en Inde a récemment conduit à de nombreux suicides et à une grave crise politique. À quoi s'ajoutent diverses controverses autour de Mohamed Yunus, le fondateur de la Grameen Bank et lauréat du prix Nobel de la paix. Désormais, la méfiance vis-à-vis de la microfinance prévaut.

Beaucoup s'interrogent : les acteurs du développement doivent-ils renoncer à apporter leurs services financiers aux pauvres ? Ou doivent-ils, au contraire, réexaminer les forces, les faiblesses et le potentiel de la microfinance ? Une telle réflexion pourrait s'avérer particulièrement utile pour l'Afrique, où l'accès aux banques demeure très limité.

Innovation

Sur le continent en effet, le revenu des ménages pauvres est bas et irrégulier. Ce qui leur vaut d'être ignorés par les banques pour qui cette catégorie de la population n'est pas rentable.

Pour leur part, les ménages et les individus pauvres ont du mal à prouver leur solvabilité puisqu'ils ne possèdent pas de titres de propriété ni d'autres biens pouvant servir de garantie. Leur seule alternative est de solliciter des crédits auprès de prêteurs informels ou de dépenser leurs épargnes, deux options coûteuses et risquées.

La Grameen Bank, fondée en 1976 par M. Yunus, octroie des petits crédits aux villageois organisés en groupements bénévoles. L'innovation majeure qui lui a permis de supprimer la garantie et de se développer rapidement est le principe de « responsabilité conjointe ».

Les membres de ces groupements s'engagent à venir en aide à tout autre membre ayant du mal à rembourser un prêt, afin de permettre à tous les membres de continuer à avoir accès aux prêts accordés par la banque. Un arrangement basé sur les liens sociaux entre les communautés. Il encourage ceux ou celles qui ont la responsabilité de former de nouveaux groupes à le faire avec sérieux et permet une surveillance et un contrôle mutuels, car la pression du groupe amène les uns et les autres à rembourser leurs prêts dans les délais voulus.

Depuis, l'idée de M. Yunus s'est répandue dans le monde et a été développée pour couvrir une gamme de services financiers plus large pour les pauvres. Loin de se réduire aux microcrédits, la microfinance comprend aussi l'épargne et même des services d'assurance. Vers la fin de 2007, plus de 150 millions de clients dans le monde avaient déjà bénéficié des services des institutions de microcrédit. Plus de 100 millions d'entre eux comptaient parmi les plus pauvres de la société.

Mais la microfinance trouve l'essentiel de ses clients en Asie. En Afrique, ce secteur se développe certes rapidement, mais à la fin de l'année 2008 les institutions de microfinance d'Afrique subsaharienne ne comptaient que 16,5 millions d'épargnants et 6,5 millions d'emprunteurs.

Controverse

Cet essor rapide exige une analyse minutieuse. Cependant, il est difficile de mesurer l'impact réel des microfinances sur la pauvreté. Les partisans de la microfinance s'appuient souvent sur des études de cas et des anecdotes.

Cela a poussé des spécialistes à conclure que « curieusement, après 30 ans de microfinance, nous disposons de peu de preuves solides qui montrent que celle-ci améliore le niveau de vie de ses clients de façon vérifiable ».*

La large publicité accordée aux cas de ménages surendettés et les taux d'intérêts approchant ceux pratiqués par les usuriers ont amené les gens à poser un regard plus critique sur la microfinance, et le microcrédit en particulier.

Il y a également une critique de fond. Certains soutiennent que l'allocation de ressources limitées aux micro-entreprises improductives du secteur informel peut plutôt être préjudiciable au développement durable et à l'industrialisation. Car les entreprises de très petite taille contribuent peu à la construction des capacités de production d'une économie ou à sa transformation structurelle.

Potentiel

Une étude récente menée par le Bureau du Conseiller spécial des Nations Unies pour l'Afrique estime qu'il est grand temps de redéfinir le rôle de la microfinance dans le développement de l'Afrique.** La microfinance n'est pas une formule magique. A elle seule, elle ne peut pas transformer l'économie africaine soumise à diverses contraintes structurelles. Tout en fournissant une gamme de services financiers aux pauvres, y compris des crédits pour les petites et micro-entreprises, des facilités d'épargne, une assurance, des pensions, des facilités de transfert et de paiement incontestablement attractifs, la microfinance peut contribuer à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.

Récemment, l'Afrique a connu une augmentation de ce type de services. Dans les localités qui ne sont pas couvertes, les institutions traditionnelles et informelles – telles que la tontine au Cameroun, le susus au Ghana, et les banquiers ambulants au Bénin – sont toujours au service des pauvres. Le caractère informel de leur activité limite leur champ d'action, et ils appliquent souvent des taux d'intérêts élevés.

En Côte d'Ivoire, au Ghana, au Mali, au Sénégal et ailleurs, la vulgarisation des téléphones mobiles a transformé ce secteur, notamment dans les localités qui n'avaient pas de banques. Au Kenya, le transfert de fonds par téléphone portable atteint des niveaux inégalés. Lancé en 2007, le service d'envoi de fonds M-pesa comptait à la fin de 2010 plus de 13 millions de clients. Ceux-ci peuvent désormais obtenir des intérêts modestes sur les comptes bancaires mobiles.

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Reste que les institutions de microfinance d'Afrique ne peuvent pas satisfaire tous les besoins des pauvres. Cette incapacité est structurelle. L'assistance qu'elles offrent est approximative, quand elle existe. Et les instances de supervision et de coordination de ce secteur disposent de ressources limitées.

En collaboration avec les partenaires externes de développement, les gouvernements africains pourraient jouer un rôle fondamental dans la consolidation et l'appui au secteur de la microfinance. Il leur faudrait pour cela élaborer un cadre institutionnel et réglementaire approprié. Il leur est également possible de protéger les pauvres et de gagner leur confiance en mettant en place des institutions de refinancement et des systèmes de garantie des dépôts.

Il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que la microfinance transforme fondamentalement l'économie africaine. Elle ne peut pas non plus remplacer les nécessaires réformes politiques, sociales et économiques visant à réduire la pauvreté et à créer des emplois. Mais dans un contexte de pauvreté persistante, elle peut jouer un rôle essentiel en fournissant des services financiers de base aux pauvres, et ainsi contribuer au développement de l'Afrique.       

David Mehdi Hamam est le chef du Groupe de l'analyse des politiques et du suivi de leur application au Bureau du Conseiller spécial pour l'Afrique de l'ONU et Oliver Schwank est un expert associé au sein du même Groupe.

* David Roodman et Jonathan Morduch, , Centre for Global Development Working Paper, No. 174, 2009,

** Microfinance in Africa: Overview and Suggestions for Action by Stakeholders, 51³Ô¹Ï Office of the Special Adviser on Africa, New York, 2011.

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