51吃瓜

Lorsqu鈥檜n journaliste a rencontr茅 pour la premi猫re fois Bongani, 芒g茅 de sept ans, dans un bidonville mis茅rable des environs de Johannesburg, en 2003, l鈥檈nfant 茅tait en train de mourir. Il 茅tait trop faible pour aller 脿 l鈥櫭ヽole, ch茅tif et 茅puis茅 par la diarrh茅e. Il 茅tait manifestement, comme ses parents d茅c茅d茅s, porteur du virus de l鈥檌mmunod茅ficience humaine qui provoque le sida. Il 茅tait tout aussi 茅vident qu鈥檌l serait bient么t enterr茅 dans une tombe minuscule 脿 c么t茅 des siens, comme quelque 370 000 Sud-Africains morts de la maladie cette ann茅e-l脿.

Mais quand le journaliste, Martin Plaut de la BBC, est revenu l鈥檃nn茅e suivante, il a trouv茅 Bongani en bonne sant茅, souriant, absorb茅 par ses devoirs d鈥櫭ヽolier. 鈥淟a transformation est remarquable鈥�, a-t-il 茅crit en d茅cembre.

Un couple re莽oit un traitement antir茅troviral au Cap, Afrique du Sud.

Photo : iAfrika Photos / Eric Miller

Cette transformation, et la survie de Bongani et d鈥檜n nombre croissant de personnes qui vivent avec le VIH et le sida en Afrique, s鈥檈xplique par l鈥檃cc猫s aux m茅dicaments antir茅troviraux qui attaquent le virus et contribuent ainsi 脿 r茅duire sensiblement le nombre de d茅c猫s provoqu茅s par le sida. Pendant des ann茅es, leur co没t prohibitif avait consid茅rablement frein茅 leur usage en Afrique. Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a estim茅 qu鈥檈n 2002, seuls 50 000 Africains environ avaient pu en b茅n茅ficier, sur les quatre millions qui en avaient besoin. Mais avec la baisse du co没t de ces m茅dicaments, 脿 la suite des appels lanc茅s pour en g茅n茅raliser l鈥檃cc猫s et de la concurrence des versions g茅n茅riques de m茅dicaments brevet茅s, les dimensions politiques et 茅conomiques du traitement anti-sida ont finalement 茅volu茅.

En d茅cembre 2003, l鈥橭rganisation mondiale de la sant茅 (OMS) a annonc茅 le lancement d鈥檜ne campagne sans pr茅c茅dent visant 脿 administrer un traitement antir茅troviral avant la fin de 2005 脿 trois millions de personnes vivant avec le VIH/sida dans les pays en d茅veloppement : la Campagne 鈥�3x5鈥�. Deux mois plus tard, les Etats-Unis lan莽aient leur propre programme ambitieux : le plan d鈥檃ide d鈥檜rgence 脿 la lutte contre le sida (PEPFAR) du Pr茅sident am茅ricain, une initiative sur cinq ans, dot茅e d鈥檜ne quinzaine de milliards de dollars, visant 脿 offrir des antir茅troviraux 脿 deux millions de personnes et 脿 pr茅venir sept millions de nouveaux cas d鈥檌nfection d鈥檌ci 脿 2008 dans 15 pays, dont 12 en Afrique.

Un objectif 鈥渋rr茅aliste鈥� mais proche

Les premiers r茅sultats sont encourageants. En janvier 2005, l鈥橭MS, 脿 laquelle se sont joints des repr茅sentants du Gouvernement am茅ricain, de l鈥橭NUSIDA et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ont annonc茅 que le nombre de personnes recevant un traitement antir茅troviral dans les pays en d茅veloppement avait augment茅 de 75 % en 2004 pour d茅passer 700 000, dont 325 000 en Afrique subsaharienne. De l鈥檃vis de nombreux experts en sant茅 publique, cette hausse rapide confirme la validit茅 de la Campagne 鈥�3x5鈥� de l鈥橭MS que certains critiques avaient jug茅e 鈥渋rresponsable鈥� et irr茅aliste.

Ces r茅sultats semblent par ailleurs d茅mentir les pr茅visions selon lesquelles les programmes de traitement seraient impossibles 脿 coordonner avec des fonds multilat茅raux et bilat茅raux et ne feraient qu鈥檃lourdir les syst猫mes de sant茅 d茅j脿 trop sollicit茅s des pays les plus touch茅s. L鈥橝frique du Sud, le Nig茅ria et l鈥橧nde comptent plus de 40 % du nombre total de personnes ayant encore besoin de traitements antir茅troviraux, et les experts estiment qu鈥檜n effort particulier dans ces trois pays entra卯nerait en peu de temps des progr猫s consid茅rables en mati猫re d鈥檃cc猫s au traitement.

A l鈥檕ccasion d鈥檜ne conf茅rence de presse qui s鈥檈st tenue au Forum 茅conomique mondial de Davos le 26 janvier, le Directeur g茅n茅ral de l鈥橭MS, le Dr. Lee-Jong-wook, a soulign茅 que cette r茅ussite 茅tait surtout attribuable aux efforts des pays en d茅veloppement. 鈥淣ous saluons les pays qui nous prouvent qu鈥檌l est possible de dispenser et de g茅n茅raliser ce traitement, m锚me dans les conditions les plus d茅favorables鈥�, a-t-il dit, avant d鈥檃jouter que 鈥渓鈥檃cc猫s au traitement anti-sida progresse tous les jours gr芒ce au travail d茅vou茅 des m茅decins, des infirmi猫res, des agents sanitaires et des personnes qui vivent avec le VIH et le sida, qui oeuvrent souvent dans des conditions difficiles pour faire du r锚ve d鈥檜n traitement universel une r茅alit茅鈥�. Les repr茅sentants de l鈥橭MS affirment qu鈥檃u rythme actuel les objectifs fix茅s par la Campagne 鈥�3x5鈥� pourraient 锚tre atteints.

Ce constat optimiste est cependant temp茅r茅 par les deux milliards de dollars qui manquent pour atteindre l鈥檕bjectif : soigner trois millions de personnes aux antir茅troviraux d鈥檌ci la fin de l鈥檃nn茅e. Cette somme fait partie des six milliards de dollars suppl茅mentaires qu鈥檌l faut mobiliser, selon l鈥橭NUSIDA, pour financer l鈥檌nt茅gralit茅 des programmes anti-VIH/sida dans les r茅gions en d茅veloppement. La campagne en faveur du traitement antir茅troviral est frein茅e dans de nombreux pays par une grave p茅nurie d鈥櫭﹒uipement et de personnel m茅dical qualifi茅 et par des controverses permanentes autour des prix et des brevets des m茅dicaments. 鈥淪i ces questions et d鈥檃utres aussi pressantes ne sont pas r茅gl茅es rapidement, de nombreuses personnes qui vivent avec le VIH/sida dans les pays en d茅veloppement n鈥檃uront jamais acc猫s aux traitements permettant de survivre ou risquent de ne pas survivre bien longtemps apr猫s le d茅but du traitement鈥�, affirme l鈥檃ssociation non gouvernementale M茅decins sans fronti猫res (MSF).

Cette association et d鈥檃utres groupes de lutte contre le sida soulignent aussi que les 700 000 personnes actuellement trait茅es aux antir茅troviraux ne repr茅sentent que 12 % environ des six millions de personnes des pays en d茅veloppement qui en ont besoin. L鈥櫭﹑id茅mie faisant 8 000 victimes par jour et plus de cinq millions de nouveaux cas d鈥檌nfection ayant 茅t茅 enregistr茅s l鈥檃n dernier seulement, MSF estime que 鈥渓es perspectives globales sont sombres鈥� et que l鈥橭MS鈥� et d鈥檃utres institutions devraient tirer la sonnette d鈥檃larme鈥�.

鈥淯ne formidable d茅termination鈥�

Qu鈥檕n juge le verre 脿 moiti茅 plein ou 脿 moiti茅 vide, l鈥檕ffre croissante de m茅dicaments anti-sida en Afrique est une tr猫s bonne nouvelle. Bien que les Africains qui re莽oivent des m茅dicaments prolongeant la vie ne repr茅sentent encore que 8% de ceux qui en ont besoin 鈥� le traitement antir茅troviral n鈥櫭﹖ant prescrit qu鈥檃ux malades en phase terminale 鈥� la moyenne du continent masque des progr猫s consid茅rables dans certains pays.

Au Botswana, deuxi猫me pays au monde pour les taux d鈥檌nfection au VIH, 50 % des malades b茅n茅ficient de traitements antir茅troviraux, principalement gr芒ce 脿 la d茅cision sans pr茅c茅dent prise en 2002 par les autorit茅s de fournir gratuitement des antir茅troviraux dans le cadre du syst猫me de sant茅 public.

Au Botswana, deuxi猫me pays au monde pour son taux d'infection au VIH, environ 50 % des personnes qui en ont besoin suivent un traitement antir茅troviral.

L鈥橭uganda, dont la campagne de pr茅vention anti-sida est d鈥檕res et d茅j脿 consid茅r茅e comme un mod猫le d鈥檈fficacit茅, fournit 脿 pr茅sent un traitement antir茅troviral 脿 40 % des quelque 114 000 personnes qui en ont besoin. Au Cameroun, selon l鈥橭MS, la volont茅 politique des dirigeants, assortie d鈥檜ne aide financi猫re accrue et d鈥檜ne baisse sensible des prix des m茅dicaments, a permis 脿 quelque 12 000 personnes de suivre ce type de traitement. Les autorit茅s ont l鈥檌ntention de tripler ce chiffre d鈥檌ci 脿 la fin 2005.

Globalement, estime l鈥橭MS dans son rapport de d茅cembre 2004 sur la Campagne 3x5, les antir茅troviraux sont 脿 pr茅sent disponibles dans plus de 700 endroits de la r茅gion. L鈥櫭﹖ude indique que les patients africains sont autant, sinon plus, enclins que ceux des pays d茅velopp茅s 脿 respecter la stricte posologie quotidienne. Cette observation a surpris les critiques qui pr茅tendaient que le manque de discipline des patients du continent acc茅l茅rerait l鈥檃pparition de souches virales r茅sistantes aux m茅dicaments.

L鈥橭MS indique par ailleurs qu鈥檋ommes et femmes b茅n茅ficient quasiment du m锚me acc猫s aux antir茅troviraux dans le cadre des nouveaux programmes anti-sida en Afrique. Cela signifie que les femmes, qui repr茅sentent environ 57 % de la population s茅ropositive du continent, sont sous-repr茅sent茅es dans certains pays ; ces statistiques ont toutefois apais茅, du moins pour le moment, les craintes de voir les femmes exclues des programmes de soins anti-sida au niveau national.

Les succ猫s des premiers stades de la campagne en faveur du traitement antir茅troviral s鈥檈xpliquent par la convergence d鈥檜n certain nombre de facteurs, comme l鈥檃llocation de nouvelles ressources par le Fonds mondial et le Gouvernement am茅ricain, l鈥檃ssistance technique et le dynamisme de la Campagne 3x5 de l鈥橭MS et le nouveau sentiment d鈥檜rgence de certains gouvernements et de la soci茅t茅 civile du continent, estime Stephen Lewis, Envoy茅 sp茅cial de l鈥橭NU pour le VIH /sida. Ancien diplomate canadien connu pour ses critiques des mesures prises par les donateurs et les gouvernements africains face 脿 la pand茅mie, M. Lewis a d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau qu鈥檃u cours des derniers mois 鈥渋l y a eu un 茅norme changement en mieux鈥� parmi les dirigeants et responsables sanitaires du continent : 鈥淐鈥檈st le jour et la nuit. Il y a une formidable d茅termination 脿 atteindre les objectifs de la Campagne 3x5."

La raison de ce changement brutal, pr茅cise-t-il, est que la pr茅sence du VIH/sida dans les pays les plus touch茅s ne peut plus 锚tre ignor茅e. Pour certains responsables politiques, 鈥渋l y a la crainte de voir leur pays se d茅sint茅grer, l鈥檌mpression que tous les indicateurs 茅conomiques reculaient, depuis l鈥檈sp茅rance de vie aux niveaux de pauvret茅, en passant par les taux de mortalit茅 infantile et maternelle, ajoute-t-il. Cela a fait dire aux dirigeants : Mon Dieu, il nous faut enrayer cette tendance鈥�. Dans les r茅gions les plus touch茅es, 鈥渓鈥檕mnipr茅sence de la mort est presque incroyable. Ces pays sont engag茅s dans une lutte sans merci, et tout le monde en est maintenant conscient鈥�.

D茅velopper une infrastructure

Malgr茅 les progr猫s, d鈥檌mportants obstacles subsistent. Le principal est l鈥檃bsence d鈥櫭﹒uipement sanitaire 鈥� h么pitaux et cliniques, centres d鈥檃nalyse et laboratoires, personnel m茅dical qualifi茅 鈥� pour administrer les puissants traitements antir茅troviraux aux millions de patients. Bien que, selon M. Lewis, l鈥橝frique ait d茅j脿 la possibilit茅 de prodiguer ce traitement 脿 deux fois plus de personnes qu鈥檃ctuellement, 鈥渓e besoin de d茅velopper l鈥檌nfrastructure est immense, et il y a une volont茅 implacable et farouche d鈥檡 arriver鈥�.

Un autre probl猫me, selon une r茅cente 茅tude de l鈥橭MS et d鈥檃utres organisations sanitaires internationales, est 鈥渓鈥檈xode in茅luctable鈥� de professionnels de la sant茅 africains vers des emplois mieux r茅mun茅r茅s 脿 l鈥櫭﹖ranger. L鈥櫭﹖ude souligne qu鈥檌l y a plus de m茅decins malawiens qui exercent leur m茅tier dans la ville britannique de Manchester qu鈥檃u Malawi, alors que la Zambie, l鈥檜n des pays les plus touch茅s par le VIH dans le monde, a perdu 550 des 600 m茅decins form茅s depuis l鈥檌nd茅pendance pour cause de d茅part 脿 l鈥櫭﹖ranger.

Les appels en faveur de l'expansion du traitement anti-sida ont contribu茅 脿 acc茅l茅rer le lancement de programmes de th茅rapie antir茅trovirale.

Photo : AP Photo / Themba Hadebe

Le Malawi et ses partenaires de d茅veloppement ont r茅agi 脿 cette grave p茅nurie de personnel en proposant de meilleures r茅mun茅rations et conditions de travail aux professionnels de la sant茅 et une formation 脿 une nouvelle cat茅gorie d鈥檃gents sanitaires capables d鈥檃dministrer le traitement antir茅troviral et d鈥檕ffrir des services de sant茅 de base.

Toutefois, la remise sur pied des syst猫mes de sant茅 rudimentaires de l鈥橝frique prendra du temps, alors que, pour des millions de personnes en phase terminale de sida, le temps est compt茅. 鈥淒e l鈥檃vis quasi g茅n茅ral, le plus grand d茅fi a trait 脿 l鈥檌nfrastructure鈥�, d茅clare le Dr. Mark Dybul, coordinateur adjoint du programme am茅ricain anti-sida dans le monde et responsable m茅dical du Programme PEPFAR. Le programme am茅ricain, le Fonds mondial et l鈥橭MS s鈥檈fforcent donc 鈥渄鈥檃ider les nouveaux patients en traitement, tout en cr茅ant une nouvelle infrastructure. Car il serait faux d鈥檃ffirmer 脿 mon avis que tous les [nouveaux] traitements ont 茅t茅 dispens茅s dans le cadre d鈥檌nfrastructures existantes鈥�.

Une petite clinique financ茅e par le PEPFAR en Namibie, explique-t-il, avait les ressources suffisantes pour soigner plusieurs centaines de malades. 鈥淒茅sormais, l鈥櫭﹖ablissement peut traiter jusqu鈥櫭� 2 000 patients. Ils peuvent 脿 pr茅sent retirer des malades des listes d鈥檃ttente pour les soigner, parce qu鈥檌ls ont construit de nouvelles installations pour r茅pondre aux nouveaux besoins."

L鈥檃ppui financier, l鈥檃ide technique, les m茅dicaments et l鈥櫭﹒uipement peuvent venir de l鈥檈xt茅rieur, explique le Dr. Dybul 脿 Afrique Renouveau, mais pour que le programme se d茅veloppe, il faudra disposer de moyens 脿 l鈥檌nt茅rieur des pays. 鈥淎 commencer par la formulation d鈥檜ne strat茅gie nationale des gouvernements et des soci茅t茅s civiles des pays touch茅s. Nous les aiderons dans cette voie鈥�Nous devons [tous] faire plus, et on n鈥檡 est pas encore鈥� mais le d茅veloppement de l鈥檌nfrastructure a 茅t茅 spectaculaire l鈥檃n dernier."

Le programme am茅ricain 脿 lui seul a permis de soigner quelque 155 000 personnes de plus en huit mois 脿 peine dans les 15 pays b茅n茅ficiaires : le Botswana, la C么te d鈥橧voire, l鈥橢thiopie, le Kenya, le Mozambique, la Namibie, le Nig茅ria, l鈥橭uganda, le Rwanda, la Tanzanie, la Zambie, Ha茂ti, le Guyana et le Vietnam. De l鈥檃vis du Dr. Dybul, le programme devrait atteindre le seuil des 500 000 patients d鈥檌ci 脿 juin 2006.

鈥淛e crois qu鈥檌l y a de nombreuses id茅es fausses sur les antir茅troviraux鈥�, dit le Dr. Dybul. 鈥淐e qui co没te cher dans le traitement, ce ne sont pas les m茅dicaments鈥� mais les frais relatifs 脿 l鈥檈ncadrement et 脿 la formation du personnel, ainsi que l鈥櫭﹒uipement de laboratoire et son fonctionnement."

Le Dr. Dybul estime que sur les 1 500 脿 2 500 dollars par an et par personne que co没te le traitement antir茅troviral en Afrique, les m茅dicaments ne repr茅sentent que 300 脿 600 dollars. 鈥淟e d茅bat autour du co没t des m茅dicaments n鈥檈st 脿 notre avis qu鈥檜n leurre, dit-il. Ce n鈥檈st pas le v茅ritable probl猫me.鈥�

Pol茅miques sur les brevets et co没ts

Pourtant, les pol茅miques autour de l鈥檌nnocuit茅, de la source et du co没t des m茅dicaments anti-sida se poursuivent. Contrairement 脿 l鈥檃vis du Dr. Dybul, l鈥橭MS estimait en d茅cembre dernier que 鈥渓e co没t 茅lev茅 des m茅dicaments antir茅troviraux continuait de freiner la g茅n茅ralisation du traitement et des soins anti-sida鈥�. Les co没ts de la prochaine g茅n茅ration de m茅dicaments anti-sida qu鈥檌l faudra produire 脿 mesure que s鈥檃ccro卯t la r茅sistance du virus aux m茅dicaments actuels 鈥渄emeurent excessivement 茅lev茅s dans la plupart des r茅gions du monde鈥�, remarque l鈥橭MS. L鈥檕rganisation pr茅vient qu鈥檌l faut agir maintenant pour ma卯triser les co没ts 脿 venir.

Pendant plus de 10 ans apr猫s la mise au point des premiers antir茅troviraux 脿 la fin des ann茅es 1980, leur co没t 茅lev茅 et la complexit茅 de leur posologie ont mis ces m茅dicaments qui prolongent la vie hors de la port茅e de la plupart des gens, 脿 l鈥檈xception d鈥檜ne infime minorit茅 tr猫s riche ou tr猫s chanceuse des pays pauvres. A 10 000, voire 15 000 dollars par an, le traitement antir茅troviral 茅tait simplement inabordable. Les efforts d茅ploy茅s par l鈥橭NUSIDA pour n茅gocier des r茅ductions de prix pour les pays en d茅veloppement ont eu un succ猫s limit茅 et les principaux laboratoires pharmaceutiques du Nord ont globalement refus茅 d鈥檃utoriser des versions g茅n茅riques 脿 bas prix de leurs produits brevet茅s.

En 2001, toutefois, la soci茅t茅 pharmaceutique indienne Cipla a lanc茅 un m茅dicament g茅n茅rique novateur qui r茅unissait trois des substances antir茅trovirales les plus efficaces en une seule pilule, connue sous le nom de comprim茅 脿 triple dose fixe. Non seulement il 茅tait plus facile 脿 administrer que ses concurrents brevet茅s 鈥� deux pilules par jour au lieu de six ou plus pour certains rem猫des brevet茅s 鈥� mais il a 茅t茅 propos茅 d猫s le d茅part pour la somme inou茂e de 350 dollars par an. A l鈥檌ssue d鈥檜ne enqu锚te de deux ans men茅e par le programme OMS de pr茅qualification des m茅dicaments, le comprim茅 a 茅t茅 certifi茅 s没r et analogue sur le plan m茅dical aux originaux brevet茅s, jouissant ainsi d鈥檜ne large popularit茅. Avec un prix aujourd鈥檋ui r茅duit 脿 140 dollars par an, le comprim茅 s鈥檈st av茅r茅 锚tre l鈥櫭﹍茅ment central de la campagne 3x5 et a permis de g茅n茅raliser les traitements antir茅troviraux.

Fabrication de m茅dicaments g茅n茅riques anti-sida en Afrique du Sud. Les r猫gles commerciales entraveront-elles cette production ?

Photo : AP Photo / John McConnico

Le PEPFAR exige cependant que ses clients n鈥檜tilisent que des m茅dicaments certifi茅s par la Food and Drug Administration (FDA), charg茅e de veiller 脿 l鈥檌nnocuit茅 des m茅dicaments commercialis茅s aux Etats-Unis. Cela signifie en pratique que le programme ne s鈥檃pprovisionne qu鈥檈n produits brevet茅s, surtout aupr猫s de fournisseurs am茅ricains. Les repr茅sentants de PEPFAR soutiennent que cette politique est n茅cessaire pour assurer l鈥檌nnocuit茅 et la qualit茅 des m茅dicaments et soulignent qu鈥檜n certain nombre de produits antir茅troviraux g茅n茅riques avaient 茅t茅 retir茅s de la liste pr茅-approuv茅e de l鈥橭MS en raison de certains probl猫mes li茅s aux proc茅dures de validation. Ils pr茅cisent par ailleurs que les fabricants 茅trangers d鈥檃ntir茅troviraux g茅n茅riques sont encourag茅s 脿 soumettre leurs produits 脿 la FDA dans le cadre d鈥檜ne proc茅dure sp茅ciale d鈥櫭﹙aluation acc茅l茅r茅e.

A ce jour, toutefois, aucun des m茅dicaments 脿 triple dose utilis茅s prioritairement dans les traitements 脿 l鈥櫭﹖ranger n鈥檃 re莽u l鈥檃val de la FDA. Selon l鈥檕ffice g茅n茅ral de comptabilit茅 des Etats-Unis, le PEPFAR d茅pense donc 脿 peu pr猫s deux fois plus en achat d鈥檃ntir茅troviraux que les programmes de traitement qui utilisent des m茅dicaments g茅n茅riques. L鈥檃gence estime en outre que ces co没ts risquent de s鈥櫭﹍ever 脿 des centaines de millions de dollars au cours des cinq ann茅es d鈥檈xistence de l鈥橧nitiative PEPFAR, r茅duisant ainsi le nombre de personnes susceptibles d鈥櫭猼re soign茅es.

Fin janvier, la FDA a approuv茅 le premier produit g茅n茅rique antir茅troviral, un compos茅 de deux comprim茅s administr茅s deux fois par jour. Par ailleurs, les demandes d鈥檋omologation d鈥檃utres g茅n茅riques, dont le comprim茅 脿 triple dose fixe, sont 脿 l鈥櫭﹖ude. Les partisans du traitement antir茅troviral saluent cette 茅volution, mais font valoir que le refus des Etats-Unis d鈥檃dopter le comprim茅 脿 triple dose qui a leur pr茅f茅rence contraint les pays participants 脿 recourir 脿 des circuits d鈥檃pprovisionnement et des syst猫mes de traitement disparates, compliquant ainsi l鈥檈xpansion des soins.

R猫gles commerciales contraignantes

Par ailleurs, la reconduction, le 1er janvier 2005, de la clause de protection de brevets adopt茅e il y a 20 ans 脿 tous les pays 脿 l鈥檈xception de ceux les moins avanc茅s, dans le cadre de l鈥橝ccord de l鈥橭rganisation mondiale du commerce sur les aspects des droits de propri茅t茅 intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPS), a suscit茅 l鈥檌nqui茅tude des militants et des autorit茅s sanitaires. Il est ainsi plus difficile pour l鈥橧nde et d鈥檃utres principaux pays exportateurs de produits pharmaceutiques g茅n茅riques de fournir des r茅troviraux peu co没teux et d鈥檃utres m茅dicaments essentiels aux pays en d茅veloppement.

La g茅n茅ration actuelle de m茅dicaments antir茅troviraux exp茅rimentaux 茅chappe 脿 la nouvelle r茅glementation sur les brevets, note Brook Baker, Professeur 脿 l鈥橴niversit茅 Northeastern (Etats-Unis) et membre d鈥檜ne association de promotion des traitements, Health Gap. 鈥淟e probl猫me viendra de la prochaine g茅n茅ration d鈥檃ntir茅troviraux en cours de d茅veloppement, car l鈥橝ccord TRIPS emp锚chera la concurrence des g茅n茅riques qui avait abouti 脿 la baisse des prix par le pass茅鈥�, pr茅voit-il.

En ao没t 2003, le Conseil TRIPS de l鈥橭MS, instamment pri茅, notamment par les pays africains, de cr茅er une d茅rogation aux nouvelles r猫gles pour cause de sant茅 publique, a conclu un accord visant 脿 autoriser l鈥檈xportation de m茅dicaments g茅n茅riques en cas d鈥檜rgence de sant茅 publique. Toutefois la d茅rogation est limit茅e et le processus complexe. A ce jour, aucun pays n鈥檃 tent茅 d鈥檡 avoir recours.

M. Baker note par ailleurs que les n茅gociateurs am茅ricains cherchent 脿 obtenir, lors des pourparlers commerciaux r茅gionaux et bilat茅raux, une protection des brevets plus importante que ne le pr茅voient les dispositions de l鈥橭MC. Ces accords 鈥淭RIPS plus鈥�, notait l鈥檃n dernier Richard Feacham, Directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, ont pour cons茅quence 鈥渟oit de faire monter les prix [des m茅dicaments], soit de pr茅venir leur baisse鈥�, r茅duisant ainsi davantage l鈥檕ffre de m茅dicaments abordables.

Le Canada a r茅cemment modifi茅 sa r茅glementation en mati猫re de brevets pour permettre au secteur pharmaceutique d鈥檃voir recours 脿 la d茅rogation de l鈥橭MC, mais, selon Richard Elliot, Directeur de la recherche juridique et des politiques du R茅seau juridique canadien VIH/sida et membre du Conseil minist茅riel sur le sida, les dispositions de ces lois sont 茅galement complexes et restrictives. A ce jour, a-t-il d茅clar茅 脿 Afrique Renouveau, aucune soci茅t茅 canadienne n鈥檃 sollicit茅 une licence d鈥檈xportation dans le cadre de la nouvelle loi.

Peu de ressources, beaucoup de besoins

L鈥檈xpansion rapide des programmes de traitement anti-sida s鈥檈st accompagn茅e de besoins aussi pressants de nouvelles ressources. Car m锚me si la Campagne 3x5 et le programme am茅ricain poursuivent des objectifs 脿 court terme, ils cr茅ent des obligations 脿 long terme vis-脿-vis des millions de personnes suivant ces traitements, qui doivent se prendre 脿 vie. A son lancement en 1996, notait r茅cemment l鈥橭NUSIDA, les d茅penses mondiales consacr茅es 脿 l鈥檈nsemble des initiatives contre le VIH/sida dans les pays 脿 revenus faibles et interm茅diaires 茅taient de l鈥檕rdre de 300 millions de dollars. L鈥檃n dernier, selon la Kaiser Family Foundation de Washington, ces d茅penses d茅passaient six milliards de dollars.

Pourtant m锚me ce chiffre impressionnant ne repr茅sente, rappelle M. Lewis de l鈥橭NU, que la moiti茅 des 12 milliards de dollars qui sont n茅cessaires cette ann茅e, de l鈥檃vis de l鈥橭NUSIDA, 脿 l鈥檈xpansion des programmes de traitement et aux besoins d鈥櫭ヾucation, de pr茅vention, de conseils et de recherche. Le Fonds mondial 脿 lui seul a besoin cette ann茅e d鈥檜n milliard de dollars, pr茅cise-t-il. 鈥淚l manque 60 millions de dollars 脿 l鈥橭MS pour un dernier effort d茅cisif dans la Campagne 3x5. Je ne comprends pas l鈥檃ttitude des pays occidentaux qui augmentent leurs contributions au compte-gouttes, car, pendant ce temps, le nombre de victimes est effarant."

L鈥橭NUSIDA estime que d鈥檌ci 脿 2007, 20 milliards de dollars seront n茅cessaires 脿 la lutte contre le sida. M. Lewis invite les gouvernements des pays riches 脿 annoncer de nouveaux engagements substantiels 脿 l鈥檕ccasion de la prochaine r茅union du Groupe des Huit. 鈥淥n a plus d鈥檃rgent maintenant, mais dans quelques ann茅es nous en serons 脿 nouveau 脿 nous battre pour quelques dollars. Les co没ts des futurs m茅dicaments sont tr猫s, tr猫s 茅lev茅s. Il faudra les n茅gocier 脿 la baisse et trouver le moyen de produire des g茅n茅riques."

鈥淧artout, il y a des difficult茅s鈥�, reconna卯t-il. 鈥淢ais il y a aussi un 茅lan irr茅sistible. J鈥檈n vois des manifestations partout en Afrique. La volont茅 de r茅ussir est formidable.鈥�