La Journ茅e mondiale du sida est c茅l茅br茅e chaque ann茅e le 1er d茅cembre pour sensibiliser 脿 la maladie. Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) est l'entit茅 de l'ONU charg茅e de lutter contre les infections par le VIH, la discrimination et les d茅c猫s li茅s au sida. Zipporah Musau听d'Afrique Renouveau, s'茅tait entretenue avec la Directrice ex茅cutive de l'ONUSIDA, Mme Winnie Byanyima, au sujet des priorit茅s de l'organisation et de sa r茅ponse 脿 la COVID-19 en Afrique. Extraits :
Comment la pand茅mie COVID-19 a-t-elle affect茅 les personnes vivant avec le VIH en Afrique ?
Il est prouv茅 que le nombre de d茅c猫s li茅s au sida pourrait doubler en Afrique subsaharienne entre 2020 et 2021 si les services de lutte contre le VIH sont gravement perturb茅s - ce qui signifierait 500 000 d茅c猫s suppl茅mentaires li茅s au sida. Mais ce n'est pas tout : les nouvelles infections chez les enfants par transmission de la m猫re 脿 l'enfant pourraient m锚me augmenter de plus de 100 % dans certains pays d'Afrique. Nous pourrions voir les progr猫s r茅alis茅s dans la lutte contre le sida s'inverser de dix ans. Et c'est dangereux. C'est pourquoi il est si important de faire passer le message que nous devons poursuivre les deux luttes, celle contre le VIH et celle contre le COVID-19. Ne laissez pas tomber l'un pour l'autre.
La th茅rapie antir茅trovirale a permis de sauver des vies et de pr茅venir la transmission du VIH. Le blocage de COVID-19 a-t-il affect茅 l'approvisionnement en m茅dicaments des plus de 24,5 millions de personnes dans le monde qui suivent un traitement contre le VIH, dont la majorit茅 se trouve en Afrique ?
Dans de nombreux pays, certaines des mesures de verrouillage ont port茅 atteinte aux droits des personnes vivant avec le VIH, comme la possibilit茅 d'aller chercher leurs m茅dicaments. Nous avons donc fait pression sur les gouvernements pour qu'ils fournissent aux personnes vivant avec le VIH des m茅dicaments pour une p茅riode de trois 脿 six mois, au lieu de quelques semaines seulement. Nous avons 茅galement 茅t茅 t茅moins de violations des droits de l'homme : des homosexuels et des travailleurs du sexe ont 茅t茅 arr锚t茅s - accus茅s de propager le Coronavirus - et des transsexuels se sont vu refuser de la nourriture et des services parce qu'ils n'avaient pas de carte d'identit茅. Nous d茅fendons leurs droits en travaillant avec les gouvernements et en collaborant avec la soci茅t茅 civile.
Quels sont vos projets pour mettre plus de personnes sous antir茅troviraux (ARV) en Afrique ?
Le fait que nous soyons le continent le plus touch茅 par le VIH et le sida et que la plupart des ARV soient fabriqu茅s ailleurs est une perte pour nous. M锚me les produits de pr茅vention sont import茅s. Ces produits devraient 锚tre fabriqu茅s en Afrique, ce qui permettrait de cr茅er des emplois et d'augmenter les imp么ts pour les remettre dans nos syst猫mes de sant茅.
Il est important que nous renforcions notre capacit茅 de production en Afrique. Il y en a peut-锚tre en Afrique du Sud, quelques uns au Nigeria et peut-锚tre en 脡gypte, mais nous devons nous regrouper, produire nos propres m茅dicaments et nous partager le march茅 africain. C'est une chose qui nous tient 脿 c艙ur 脿 l'ONUSIDA.
Nous travaillons avec l'Union africaine et avons quelques collaborations avec la Chine pour promouvoir la fabrication locale. C'est une priorit茅 pour nous.
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Quelles sont vos priorit茅s dans la lutte contre le VIH/SIDA pour les 10 prochaines ann茅es ?
L'ONUSIDA a 茅t茅 cr茅茅 pour lutter contre le VIH/SIDA 脿 l'茅chelle mondiale. Nous avons environ 24,5 millions de personnes sous traitement antir茅troviral (ARV) et 15 millions de personnes s茅ropositives qui n'ont pas encore 茅t茅 test茅es.
Notre rapport montre qu'il y a eu 1,7 million de nouvelles infections par le VIH dans le monde rien qu'en 2018 et que 770 000 personnes sont mortes du sida la m锚me ann茅e. Bien que le taux d'infection soit en baisse, ces chiffres restent 茅lev茅s.
Notre priorit茅 pour les dix prochaines ann茅es est de travailler extr锚mement dur sur la pr茅vention, en particulier parmi les groupes vuln茅rables. Pour les femmes et les jeunes filles, nous devons nous attaquer aux causes structurelles de leur vuln茅rabilit茅, qui incluent la culture, les traditions et la pauvret茅, entre autres. La violence sexuelle 茅tant si r茅pandue, nous devons nous y attaquer. Nous travaillerons en 茅troite collaboration avec nos autres partenaires - ONU Femmes, FNUAP, UNICEF, UNESCO, PNUD et autres - pour lutter contre les causes de la vuln茅rabilit茅 en Afrique.
D'autre part, nous devons travailler sur les droits de l'homme car tant que les homosexuels et les travailleurs du sexe resteront criminalis茅s, ils seront pouss茅s 脿 la clandestinit茅 et ne se pr茅senteront donc pas pour la pr茅vention ou le traitement. Il est important de supprimer ces lois p茅nales, afin que ces personnes puissent se pr茅senter pour des tests, de la pr茅vention et des traitements.
Qui est le plus expos茅 au risque de nouvelles infections ?
Les personnes les plus vuln茅rables en Afrique sont principalement les femmes et les filles. Dans d'autres parties du monde, ce sont les hommes homosexuels, les travailleurs du sexe, les prisonniers, les migrants et les personnes qui s'injectent des drogues. La pr茅vention n'est pas assez rapide. Jusqu'脿 1,7 million de nouvelles infections et 770 000 d茅c猫s en un an, c'est trop. Nous pouvons encore r茅duire consid茅rablement le nombre total de nouvelles infections et de d茅c猫s.
Que faut-il faire ?
Nous avons besoin de plus d'outils scientifiques, par exemple, nous avons besoin de plus de PrEP (prophylaxie pr茅-exposition o霉 les personnes 脿 risque ou celles qui ont 茅t茅 expos茅es au VIH prennent quotidiennement des m茅dicaments pour pr茅venir l'infection). R茅cemment, les PPrE ont fait l'objet d'un plus grand nombre d'innovations qui pourraient 锚tre utilis茅es davantage chez les hommes homosexuels et les travailleurs du sexe. Cependant, si dans certains endroits, ces personnes sont qualifi茅es d'"ill茅gales", elles ne peuvent pas aller chercher ces services.
Nous devons 茅galement faire face 脿 certaines contraintes, notamment l'absence d'une 茅ducation sexuelle compl猫te et adapt茅e 脿 l'芒ge dans les 茅coles pour permettre aux filles de comprendre leur corps et d'en prendre le contr么le.
Selon certaines informations, la violence fond茅e sur le sexe serait en augmentation pendant la pand茅mie COVID-19. Sommes-nous susceptibles d'assister 脿 une augmentation des infections par le VIH 脿 cause de cela ?
Absolument ! La violence sexuelle est un facteur cl茅 de l'infection par le VIH, en particulier chez les adolescentes et les jeunes femmes. Malheureusement, en Afrique, 5 400 jeunes femmes sont infect茅es par le VIH chaque semaine ! Le taux d'infection des filles est quatre fois plus 茅lev茅 que celui des gar莽ons du m锚me 芒ge. Les femmes et les filles sont beaucoup plus vuln茅rables 脿 l'infection et tout cela est d没 脿 la tol茅rance de la violence sexuelle, 脿 la culture d'acceptation d'une masculinit茅 n茅faste, au manque d'茅ducation sexuelle compl猫te dans les 茅coles. Cet environnement qui rend une fille dangereuse a 茅t茅 aggrav茅 par le COVID-19.
Donc, une fois de plus, nous demandons aux gouvernements de fournir des services. Les communaut茅s doivent 锚tre 脿 l'aff没t. Les dirigeants des communaut茅s doivent s'exprimer. L脿 o霉 il y a une menace, nous devons avoir des abris. Nous devons augmenter les services de sant茅 sexuelle et reproductive, qui ont 茅t茅 r茅duits alors que les gouvernements jonglent avec leurs ressources. Nous disons que les intervenants en mati猫re de violence sexiste, les conseillers, les travailleurs de la sant茅 sexuelle et reproductive doivent 锚tre consid茅r茅s comme des travailleurs essentiels dans le cadre de la r茅ponse COVID-19, et que leurs services doivent 锚tre maintenus.
Face 脿 COVID-19 d'un c么t茅 et au VIH et au SIDA de l'autre, que fait l'ONUSIDA pour aider les pays ?
L'ONUSIDA a 茅t茅 cr茅茅 pour lutter contre le sida 脿 l'茅chelle mondiale, mais une grande partie de notre travail se fait en Afrique. Actuellement, nous sommes confront茅s 脿 deux pand茅mies qui se heurtent, [le VIH et COVID-19], et nous r茅agissons en donnant des conseils aux gouvernements sur leurs r茅ponses.
Dans au moins 11 pays, l'ONUSIDA dirige le syst猫me des Nations unies au sein du groupe de travail sur COVID-19. Nous conseillons aux gouvernements que la r茅ponse 脿 COVID-19 doit 锚tre multisectorielle car une pand茅mie n'est pas seulement un probl猫me de sant茅. C'est une question de communaut茅s, de comportements et de normes sociales, de syst猫mes juridiques et de droits de l'homme, car elle s'attaque aux personnes les plus vuln茅rables. Elle se nourrit des in茅galit茅s existantes. C'est l'optique que nous avons adopt茅e pour lutter contre le sida. Si vous regardez nos commissions nationales de lutte contre le sida, elles rassemblent tous les secteurs du gouvernement pour lutter contre le sida, et pas seulement contre la sant茅.
Nous conseillons 茅galement aux gouvernements de placer les communaut茅s au centre de la lutte contre les pand茅mies, car il faut commencer et gagner 脿 la base. Ce sont les membres de leur propre communaut茅 qui fa莽onnent et dirigent leur vie et se battent pour elle, les commander d'en haut ne fonctionne pas. Leur donner les moyens de diriger, c'est ce qui fonctionne.
Troisi猫mement, il faut lutter contre les droits de l'homme, la stigmatisation et la discrimination. Nous insistons sur le respect des droits de l'homme. Ces verrouillages doivent respecter les droits des personnes, m锚me en limitant leurs d茅placements.
Et puis, bien s没r, nous faisons intervenir nos infrastructures, les laboratoires de d茅pistage du VIH qui sont maintenant utilis茅s pour tester le COVID-19. Certains de nos meilleurs scientifiques sp茅cialis茅s dans le VIH travaillent maintenant au sein d'茅quipes qui luttent contre COVID-19 dans diff茅rents pays.
Le travail avec l'Union africaine est 茅galement d'une importance capitale. Nous travaillons avec les Centres africains de contr么le et de pr茅vention des maladies (Africa CDC) dont le directeur, le Dr John Nkengasong, a invit茅 l'ONUSIDA 脿 faire partie d'un partenariat pour acc茅l茅rer le d茅pistage de COVID-19.
Enfin, d'apr猫s ce que nous avons appris du VIH, nous faisons partie d'un mouvement de lutte pour le traitement. Souvenez-vous, lorsque les m茅dicaments antir茅troviraux ont 茅t茅 d茅couverts, les gens en Europe et en Am茅rique les recevaient, mais en Afrique, des millions de personnes mouraient encore parce que les prix 茅taient 茅lev茅s. Nous avons d没 nous battre pendant des ann茅es pour faire baisser les prix. Nous faisons donc 脿 nouveau partie d'une campagne de la soci茅t茅 civile qui demande que des r猫gles soient 茅tablies avant qu'un vaccin ne soit d茅couvert, qu'un brevet soit un bien public mondial, distribu茅 茅quitablement 脿 toutes les r茅gions et utilis茅 gratuitement pour les riches et les pauvres.
Quels sont vos conseils aux populations africaines pendant cette p茅riode COVID-19 ?
Mon premier conseil est aux personnes vivant avec le VIH, et 脿 celles qui sont vuln茅rables 脿 COVID-19, celles qui souffrent de maladies sous-jacentes telles que les maladies respiratoires, le diab猫te - soyez prudents. Suivez le conseil de rester chez vous, ob茅issez aux r猫gles de l'enfermement, lavez-vous les mains pour vous prot茅ger car vous 锚tes vuln茅rable.
Pour les personnes vivant avec le VIH, nous n'avons pas encore toutes les donn茅es scientifiques pour nous dire 脿 quel point elles sont vuln茅rables 脿 COVID-19. Mais ce que je vous conseille, c'est de faire le test si vous n'avez pas fait de test et que vous pensez avoir le VIH, car votre immunit茅 peut 锚tre si faible que vous risquez d'锚tre facilement infect茅 par le coronavirus.
Pour les autres, il est dans notre propre int茅r锚t de rester 脿 la maison autant que possible et de respecter une hygi猫ne personnelle. Mais il est 茅galement temps d'锚tre un bon voisin, de soutenir les autres. Si vous avez de la nourriture et que votre voisin n'en a pas, partagez. Si quelqu'un est malade, donnez l'alerte et laissez-les se faire aider. Il est temps de se regrouper, d'锚tre gentils les uns avec les autres. Faites attention, soyez en s茅curit茅, ob茅issez aux r猫gles, soyez un bon voisin, aidez les autres, et tout ira bien.
