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Rwanda : l'économie dopée par les nouvelles technologies

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Rwanda : l'économie dopée par les nouvelles technologies

Le pays ambitionne de devenir le carrefour technologique régional
Masimba Tafirenyika
Afrique Renouveau: 
Redux / Tadej Znidarcic
ICT bus, RwandaLa croissance des TIC stimule l'innovation dans tous les secteurs de la société.
Photo : Redux / Tadej Znidarcic

L'autobus se gare le long du trottoir. Devant l'arrêt, des passagers attendent. Une jeune femme monte. De son portefeuille, elle sort une carte à puce qu'elle glisse dans un appareil placé près du chauffeur. Un signal sonore indique que le paiement a bien été effectué. La jeune femme avance et prend place près d'une fenêtre, avant que le bus ne redémarre… Cette scène banale en Occident, se déroule au Rwanda, minuscule pays enclavé qui compte parmi les plus pauvres du monde. En 1994 , le Rwanda a connu un génocide.

Le système de paiement par carte magnétique — connu au Rwanda sous le nom de twende — a été introduit début 2011 à Kigali. C'est la dernière en date d'une série d'avancées technologiques qui transforment rapidement l'économie du pays. Le Rwanda est ainsi en passe de devenir le carrefour régional des technologies de l'information et de la communication. Ces innovations modifient la façon dont les Rwandais communiquent, font leurs achats et vivent au quotidien.

Deux images pour résumer : juillet 1994, au lendemain d'un génocide qui a fait environ 800 000 victimes, le Rwanda est une société profondément meurtrie, avec une population traumatisée et une économie en lambeaux. Le nouveau gouvernement fait face à d'énormes défis : des millions de réfugiés et de déplacés à réinstaller, des victimes du génocide qui attendent que justice soit rendue, l'économie à rebâtir… Dix sept ans plus tard, en 2011 : de judicieuses politiques sont en train de faire d'une société agraire une économie du savoir, tout en s'efforçant d'inculquer aux Rwandais un sentiment d'identité et d'unité nationale.

Un cadre favorable aux entreprises

Les bons résultats de l'économie rwandaise attirent peu à peu l'attention des investisseurs. Selon la Banque mondiale, il est maintenant plus facile, plus rapide et moins coûteux de créer et de gérer une entreprise au Rwanda que dans la plupart des autres pays d'Afrique. Le Rwanda est au cette année au 58e rang (sur 183 pays) des destinations affaires selon la Banque mondiale. Il occupait le 143e rang en 2009. En Afrique, seuls l'Île Maurice, l'Afrique du Sud, le Botswana et la Tunisie sont mieux classés.

La Banque explique que les pays bien classés sont ceux qui ont adopté des lois favorables à la création et à la gestion d'entreprises, qui facilitent par exemple l'accès au crédit, l'enregistrement des cessions de biens et le règlement des taxes et impôts et garantissent l'exécution des contrats commerciaux. En 2005, il fallait remplir neuf formalités pour créer une entreprise au Rwanda, à un coût équivalent à 223 % du revenu par habitant du pays. Aujourd'hui, observe la Banque mondiale, il n'y a que deux démarches à effectuer en trois jours, pour un coût qui équivaut à 8,9 % du revenu par habitant.

Les investisseurs réagissent favorablement à ces changements. Entre 2005 et 2009, toujours selon la Banque mondiale, les flux d'investissements étrangers directs (IED) vers le Rwanda ont presque été multipliés par 15, passant de 8 à 118,7 millions de dollars.

Les politiques de développement des technologies de l'information et de la communication adoptées par le gouvernement stimulent également la création d'entreprise et la croissance économique. Le produit intérieur brut (PIB) du pays a augmenté l'an dernier de 7,4 %, après avoir progressé de 7,5 %, en moyenne, entre 2004 et 2009. Ces chiffres sont proches du taux de croissance annuelle d'environ 8 % que le gouvernement rwandais projette d'atteindre entre 2000 et 2020, dans le cadre du plan Vision 2020.

"Singapour africain"

L'ambition du gouvernement de faire du pays un carrefour technologique régional, un "Singapour africain", fascine de nombreux observateurs. Pour y parvenir, le gouvernement a lancé des plans quinquennaux. Le premier plan (2000-2005) avait pour objectif de créer un environnement favorable aux initiatives dans les TIC. Le second (2006-2010) a mis en place l'infrastructure de base des TIC, un réseau de fibre optique en particulier. Le troisième, qui s'étale de 2011 à 2015, vise à introduire plus rapidement des services exploitant ces nouvelles technologies et — les autorités en sont convaincues — permettra au Rwanda de distancer ses concurrents régionaux.

Ignace Gataré, le ministre chargé des TIC au sein du cabinet du Président estime que cette troisième phase renforcera les centres de formation spécialisés et développera dans les écoles une "culture des TIC" qui permettra de produire « une masse critique de professionnels » de ce domaine.

Début 2011, le Rwanda a annoncé qu'il avait terminé la pose d'un réseau national de 2300 kilomètres de fibre optique. Ce réseau relie le Rwanda au reste du monde par l'intermédiaire du câble sous-marin Seacom installé le long des côtes de l'Afrique de l'Est et fournit un accès Internet rapide à divers services. Il remplace les liaisons par satellite coûteuses et plus lentes.

Cyber cafe in KigaliUn cybercafé dans un centre commercial de Kigali. De plus en plus de Rwandais ont accès à des connections internet rapides.
Photo : Panos / Sven Torfinn

De plus en plus de téléphones portables

Les trois opérateurs de téléphonie mobile, Rwandatel, MTN et Tigo, exploitent déjà le réseau de fibre optique. Bien qu'il soit en hausse, le taux de pénétration de la téléphonie mobile reste faible. En 2010, selon l'organisme de réglementation des services publics du Rwanda (RURA), environ 2,4 millions de personnes — un Rwandais sur quatre — possédaient un téléphone portable. Les analystes prévoient que ce nombre dépassera les 6 millions d'ici 2015.

L'organisme de réglementation rwandais négocie actuellement avec les opérateurs afin de réduire le prix des connexions, de 14 à environ 3,50 dollars. Il propose de prendre en charge la moitié du coût d'achat d'un téléphone portable et souhaite que les opérateurs contribuent à hauteur de 30 %. Les consommateurs ne paieraient donc plus que 20 % du prix actuel. Des pourparlers sont en cours avec la banque de développement du Rwanda en vue d'offrir des micro-crédits pour l'achat de téléphones portables.

Un des métiers en expansion parmi les jeunes est la vente de cartes prépayées, souvent au coin des rues. Les "cafés Internet" connaissent également un succès croissant, avec la généralisation de l'usage des "médias sociaux", Facebook et Twitter notamment.

Santé, agriculture et nouvelles technologies

Les innovations technologiques ne se limitent pas à l'informatisation des titres de transport. Elles touchent aujourd'hui, directement ou indirectement, presque tous les aspects de la vie quotidienne au Rwanda, de la santé et l'éducation aux services bancaires.

Le Rwanda distribue actuellement des milliers de téléphones cellulaires aux agents de santé communautaires. Ces téléphones servent à suivre l'état de santé des femmes enceintes, alerter sur les situations d'urgence, appeler une ambulance ou informer par des messages textes les dispensaires locaux des dernières informations sanitaires disponibles. TRACNET, un système d'information géré par le Centre de traitement et de recherche pour le Sida, recueille et traite les informations concernant les patients et la distribution de médicaments contre le VIH/sida.

Avec le Ghana, le Kenya et le Nigéria, le Rwanda a récemment mis à l'essai un système de contrôle des médicaments du nom de mPedigree. L'Organisation mondiale de la santé a en effet averti que les médicaments de contrefaçon et ceux de qualité insuffisante posent "un problème de santé publique au niveau mondial", particulièrement en Afrique, où de 8 à 10 % des médicaments sont des produits de contrefaçon. Le système mPedigree permet aux consommateurs d'envoyer un code par SMS à un numéro spécial et de recevoir, généralement quelques secondes plus tard, un message indiquant si le médicament répond aux normes.

Les Rwandais profitent aujourd'hui des avantages des services bancaires par téléphone mobile, qui sont déjà offerts dans plusieurs pays africains. Au début de l'année, MTN s'est associé avec la Banque commerciale du Rwanda pour lancer un service d'opérations bancaires par téléphone mobile. Il permet à des milliers d'abonnés de virer de l'argent d'un compte à l'autre, de retirer de l'argent et de payer leurs factures d'électricité et de télévision au moyen de SMS.

Les agriculteurs peuvent aussi recevoir les dernières informations sur le cours des produits agricoles qu'ils cultivent grâce au programme e-Soko (c'est-à-dire "e-marché") accessible par SMS, qui élimine les intermédiaires et leur permet donc d'augmenter leur marge. Les candidats au permis de conduire peuvent utiliser l'application SMS du ministère des Transports pour prendre rendez-vous pour leur examen ou pour recevoir leurs résultats. Une application similaire est reliée à la base de données nationale des cartes d'identité, ce qui permet de faciliter l'inscription sur les listes électorales.

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Pour répondre à la demande croissante d'accès Internet à plus haut débit, un ensemble de télécentres relié au réseau de fibre optique fait son apparition dans les 30 districts du pays. Un journal américain, le Christian Science Monitor, rapporte que ces télécentres — des lieux publics où les gens peuvent avoir accès à Internet et aux autres technologies numériques à des prix raisonnables — vont offrir à toutes les villes du Rwanda un accès Internet haut débit. Les Rwandais de la classe moyenne pourraient ainsi envisager de nouvelles activités commerciales, les personnes qualifiées trouver un emploi et les agriculteurs obtenir de meilleurs prix pour leurs récoltes.

En dépit des progrès économiques et sociaux accomplis par le Rwanda, le gouvernement est de plus en plus critiqué dans le domaine des droits de l'homme. Des défenseurs des droits de l'homme, l'ONU, Amnesty International et Human Rights Watch se sont notamment déclarés préoccupés par la façon dont étaient traités les détracteurs du gouvernement, particulièrement au cours de la campagne électorale de l'élection présidentielle de 2010. Accusés d'incitation à la haine raciale, au négationnisme, ou à l'incitation au génocide, des membres de l'opposition et des journalistes ont récemment été condamnés à de lourdes peines de prison, parfois en leur absence.

Le gouvernement nie cependant les accusations de violations des droits de l'homme. Ses sympathisants, principalement les bailleurs de fonds occidentaux qui financent la moitié du budget de l'État, mettent l'accent sur la volonté du président Paul Kagamé de sortir le pays de la pauvreté et de maintenir la stabilité du pays après le génocide de 1994.

Mobile phones in Rwanda

Dans l'ensemble, la politique économique et sociale du Rwanda est appréciée des analystes. Le Rwanda obtient d'assez bonnes notes dans la plupart des évaluations de la gouvernance — ayant par exemple pour critères la transparence, la corruption ou l'amélioration de la situation des femmes. Philip Gourevitch, un journaliste américain de renom qui couvre régulièrement le pays depuis 1994, déclare que le président Kagamé a créé "un des pays d'Afrique les plus sûrs et où l'ordre est le mieux maintenu".

Dans le numéro de janvier-février de la Columbia Journalism Review, un magazine américain qui s'adresse aux professionnels du journalisme, le reporter Tristan McConnell présente une liste des réalisations du président Kagamé établie par Gourevitch : progression du PIB par habitant, assurance-maladie nationale et éducation primaire gratuite pour tous, reprise du tourisme, une capitale propre, accès Internet et téléphonie mobile à travers tout le pays, conducteurs bouclant leur ceinture de sécurité, fonctionnaires arrivant à l'heure au bureau, industrie du bâtiment active, État de droit et administration de la justice.

Les Rwandais ne font que commencer à profiter des retombées des nouvelles technologies. L'informatisation des bus de Kigali représente un pas de plus sur le difficile chemin de la prospérité économique.      

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