51吃瓜

Les secours alimentaires de l鈥櫭﹖ranger arrivent parfois trop tard, une fois que la faim a fait de nombreuses victimes.

Photo: UN / Eskinder Debebe

Y a-t-il quelque chose qui ne va pas dans la fa莽on dont la communaut茅 internationale r茅agit aux famines, aux s茅ismes et aux inondations? Demandez donc 脿 Josephine Kachebe. Cette grand-m猫re de 83 ans de la communaut茅 de Tiki Mwiinga, dans le sud de la Zambie, fait partie des quelque 12 millions d鈥檋abitants de l鈥橝frique australe qui ont d茅sesp茅r茅ment besoin d鈥檜ne aide alimentaire d鈥檜rgence, selon le Programme alimentaire mondial (PAM). En juin 2005, le PAM a lanc茅 un appel pour que la r茅gion re莽oive suffisamment de vivres jusqu鈥櫭� la moisson d鈥檃vril 2006.

Mais cinq mois de famine plus tard, cet objectif n鈥檃 茅t茅 que tr猫s partiellement atteint. En novembre, Mme Kabeche a racont茅 aux inspecteurs du PAM que son seul repas ce jour-l脿 avait 茅t茅 compos茅 de cosses de graines r茅cup茅r茅es, de noix sauvages et de racines d鈥檃rbre qu鈥檈lle avait m茅lang茅es avec des cendres dans un gruau amer. La veille, elle n鈥檃vait rien mang茅. Si jamais les secours arrivent,听鈥澝�a sera trop tard pour moi. Je serai morte鈥�, ajouta-t-elle.

Malheureusement, il faudra peut-锚tre que Mme Kabeche et des milliers de ses amis et voisins meurent pour que la communaut茅 internationale se d茅cide 脿 agir. Trop souvent, les donateurs ignorent les mises en garde jusqu鈥櫭� ce que des images de famine soient diffus茅es sur les 茅crans de t茅l茅vision, a affirm茅 en ao没t James Morris, Directeur ex茅cutif du PAM, devant un public am茅ricain. Ce n鈥檈st qu鈥櫭� ce moment-l脿 que les cordons de la bourse se d茅lient et qu鈥檜ne aide vitale est achemin茅e aux survivants.

鈥淣ous ne pouvons pas attendre que nos postes de t茅l茅vision projettent ces images effroyables dans nos salons pour r茅agir, a-t-il d茅clar茅.

R茅former le dispositif international d鈥檌ntervention humanitaire d鈥檜rgence est une obligation morale. C鈥檈st aussi une obligation morale. Alors m锚me que le d茅but et la fin de 2005 ont 茅t茅 marqu茅s par deux des pires catastrophes naturelles des derni猫res ann茅es 鈥� le tsunami de l鈥橭c茅an indien et l鈥檈ffroyable s茅isme du Pakistan, tout effort visant 脿 rendre le dispositif d鈥檌ntervention plus rapide, pourrait sauver la vie de millions de victimes de catastrophes 脿 venir.

Le plan de longue dur茅e de l鈥橝frique, le Nouveau Partenariat pour le d茅veloppement de l鈥橝frique (NEPAD), affirme qu鈥檌l ne sera pas possible d鈥櫭﹍iminer la famine et l鈥檌ns茅curit茅 alimentaire g茅n茅ralis茅es du continent tant que la production agricole locale ne sera pas renforc茅e et les conditions de vie rurale am茅lior茅es. Mais dans l鈥檌mm茅diat, 鈥渄es interventions humanitaires rapides suivies d鈥檜n programme de reconstruction sont indispensables avant toute relance du processus de d茅veloppement鈥�, peut-on lire dans le Programme int茅gr茅 du NEPAD pour le d茅veloppement de l鈥檃griculture en Afrique.

Trop peu, trop tard

Bien qu鈥檃gents humanitaires, organisations non gouvernementales (ONG) et donateurs ne soient pas d鈥檃ccord quant 脿 la mani猫re d鈥檃m茅liorer les services d鈥檜rgence, tout le monde s鈥檃ccorde 脿 reconna卯tre que le dispositif actuel ne facilite pas les interventions rapides et ne permet pas d鈥檕btenir des ressources suffisantes. D鈥檃pr猫s une r茅cente 茅tude d鈥橭xfam International, l鈥檃ide d鈥檜rgence 鈥渘e satisfait toujours pas tous les besoins. Elle arrive souvent en retard et est tributaire du degr茅 de m茅diatisation ou de consid茅rations politiques plus que des besoins humanitaires鈥�.

La r茅organisation des dispositifs de secours vise 脿 faire parvenir rapidement des vivres en quantit茅 suffisante aux populations d茅munies.

Photo: Associated Press / Schalk Van Zuydam

L鈥檜n des probl猫mes est l鈥檃rgent. Bien que l鈥橭NU ait 茅tabli en 1991 des r茅serves de liquidit茅s de 50 millions de dollars destin茅es aux secours en cas de catastrophes 鈥� le Fonds central autorenouvelable d鈥檜rgence 鈥� le fait que des institutions comme le PAM ou le Fonds des Nations Unies pour l鈥檈nfance (UNICEF) doivent faire en sorte, avant m锚me de d茅bloquer des fonds, que les donateurs s鈥檈ngagent 脿 rembourser ces fonds freine le recours 脿 ce fonds. Dans ces conditions, il faut des mois pour que des pays victimes de la famine comme le Niger (voir Afrique Renouveau, octobre 2005) puissent trouver des donateurs.

Un autre dispositif, la Proc茅dure d鈥檃ppel global, a 茅galement 茅t茅 cr茅茅 en 1991 pour pr茅venir les donateurs des situations d鈥檜rgence et mobiliser des ressources rapidement. Administr茅 par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), ce m茅canisme a pour mission de lancer des appels 鈥溍ヽlairs鈥� en cas de crises soudaines. Mais l脿 aussi, la r茅action des donateurs a 茅t茅 in茅gale. Dans un rapport du 20 octobre pr茅sent茅 脿 l鈥橝ssembl茅e g茅n茅rale, M. Annan a affirm茅 que les appels 茅clairs ne recueillaient en moyenne que 16听% des montants sollicit茅s.

鈥淚maginez que la caserne de pompiers de votre localit茅 soit oblig茅e de demander de l鈥檃rgent au maire chaque fois qu鈥檈lle a besoin d鈥檈au pour 茅teindre un incendie, commentait au d茅but de l鈥檃nn茅e 2005 Jan Egeland, Secr茅taire g茅n茅ral adjoint aux affaires humanitaires. C鈥檈st la situation impossible dans laquelle se trouvent les humanitaires accabl茅s qui tentent de sauver des vies mais n鈥檕nt pas les moyens de payer l鈥檈au - ou les m茅dicaments, les abris ou les vivres, indispensables pour 茅teindre l鈥檌ncendie鈥� Ces retards sont fatals.鈥�

R茅former le dispositif international d鈥檌ntervention humanitaire d鈥檜rgence et l鈥檃ncrer plus solidement aux objectifs de d茅veloppement 脿 long terme constitue un volet important du programme de r茅forme de l鈥橭NU du Secr茅taire g茅n茅ral Kofi Annan. C鈥檈st aussi une obligation morale.

L鈥檃mpleur et la destination de l鈥檃ide humanitaire d茅pendent aussi dans une certaine mesure de consid茅rations politiques. Comme le rappelle dans une 茅tude de 2001 l鈥橭verseas Development Institute, organisme britannique ind茅pendant, pendant la guerre froide, l鈥檃ide humanitaire a 茅t茅 manipul茅e par les deux blocs pour former des alliances, r茅compenser des alli茅s et sanctionner des adversaires. La fin de la guerre froide a 茅limin茅, pour les pays du Nord, l鈥檌mportance strat茅gique de certains pays en d茅veloppement, dont des pays africains. Ces pays ont alors perdu de leur influence aupr猫s des donateurs.

鈥淟鈥檃ide humanitaire constitue depuis toujours une activit茅 茅minemment politique, qui se r茅percute sur l鈥櫭ヽonomie politique des pays b茅n茅ficiaires et est influenc茅e par les consid茅rations politiques des donateurs鈥� Des disparit茅s sensibles entre le volume et le type d鈥檃ide humanitaire accord茅e 脿 diff茅rents pays en situation de crise indiquent que l鈥檃ide humanitaire n鈥檃 jamais 茅t茅 consentie uniquement en fonction des besoins鈥�, concluent les auteurs de cette 茅tude.

Les statistiques confirment cette triste v茅rit茅. En juin, James Morris du PAM a indiqu茅 devant le Conseil de s茅curit茅 que les appels d鈥檜rgence lanc茅s en faveur de pays africains en crise n鈥檃vaient suscit茅 qu鈥檜ne r茅ponse mitig茅e. Seuls 17听% des montants sollicit茅s pour faire face aux inondations en R茅publique centrafricaine avaient 茅t茅 re莽us, les appels pour la R茅publique d茅mocratique du Congo (RDC) et la C么te d鈥橧voire n鈥檃yant suscit茅, pour leur part, que 35 et 30听%, respectivement, des contributions demand茅es.

鈥淛e pense parfois que le pire endroit o霉 un enfant affam茅 d鈥橝frique puisse vivre est un pays en paix avec ses voisins et relativement stable, car l鈥檃ide s鈥檃ccro卯t avec l鈥檌ntensification de la violence et la couverture m茅diatique鈥� A nos yeux, il y a peu d鈥檃ctes aussi politiques dans la vie moderne que l鈥檃ide humanitaire鈥�, a ajout茅 James Morris.

鈥淟oterie鈥� mortelle

Les reportages diffus茅s 脿 la t茅l茅vision et dans la presse sont parfois le seul moyen d鈥檌nciter les donateurs 脿 agir, mais rien ne dit que les m茅dias s鈥檌nt茅resseront 脿 une crise donn茅e ou que la couverture m茅diatique se traduira par des contributions.

Jan Egeland a compar茅 cette situation 脿 une 鈥渓oterie鈥� dans laquelle les victimes de catastrophes se disputent l鈥檃ttention des m茅dias, condition indispensable pour inciter des donateurs publics impr茅visibles 脿 fournir une assistance. 鈥淰ous avez 25 communaut茅s dans la m锚me situation d茅sesp茅r茅e qui participent toutes les semaines 脿 cette loterie visant 脿 attirer l鈥檃ttention, a-t-il d茅clar茅 en juillet au Columbia Journalism Review. A ce jeu, il y a 24 perdants et un vainqueur.鈥� En 2005, a-t-il pr茅cis茅, les rescap茅s du tsunami de l鈥橭c茅an indien et des crises humanitaires du Soudan occidental ont b茅n茅fici茅 d鈥檜ne large couverture m茅diatique et d鈥檜ne aide g茅n茅reuse. En revanche, les victimes des conflits du nord de l鈥橭uganda et de l鈥檈st de la RDC 鈥渟ont parmi les perdants 脿 ce jeu. Je ne comprends pas tr猫s bien, car il s鈥檃git de situations similaires, sur le plan des drames personnels, des besoins, des violences, des souffrances humaines et des efforts听h茅ro茂ques pour venir en aide鈥�, a ajout茅 M. Egeland.

R茅organisation du Fonds

Rem茅dier aux carences du dispositif d鈥檌ntervention humanitaire d鈥檜rgence figure en bonne place dans le plan de r茅formes de l鈥橭NU de M. Annan. Intitul茅 Dans une libert茅 plus grande, il a 茅t茅 rendu public en pr茅vision du Sommet mondial qui s鈥檈st tenu du 14 au 16 septembre (voir Afrique Renouveau, octobre 2005). Les propositions d茅taill茅es du Secr茅taire g茅n茅ral dans ce domaine, pr茅sent茅es 脿 l鈥橝ssembl茅e g茅n茅rale en octobre, visent 脿 r茅former de fond en comble le CERF. En voici quelques-unes听:

• multiplication par 10 du budget du Fonds 脿 hauteur de 500 millions de dollars, d鈥檌ci trois ans
• restructuration des cr茅dits, lesquels 脿 l鈥檈xception de 50 millions de dollars, seraient consentis sous forme de dons plut么t que de pr锚ts renouvelables
• affectation de deux tiers des dons aux programmes d鈥檌ntervention et d鈥檃ction rapides
• capacit茅 de d茅bloquer des fonds dans un d茅lai de 72 脿 96 heures
• allocation 脿 hauteur d鈥檜n tiers des d茅caissements annuels aux besoins d鈥檜rgence des op茅rations humanitaires dot茅es de fonds insuffisants.

La r茅organisation du Fonds central, qui aura d茅sormais pour nom 鈥淔onds central pour les urgences humanitaires鈥�, aura pour cons茅quence de lib茅rer les organismes humanitaires de leur d茅pendance vis-脿-vis des donateurs, et de r茅duire ainsi 脿 quelques jours les d茅lais d鈥檌ntervention apr猫s une catastrophe naturelle. Les travailleurs humanitaires estiment que cette capacit茅 d鈥檌ntervention rapide contribuera 脿 sauver des vies, mais aussi 脿 茅conomiser de l鈥檃rgent. Les retards de plusieurs mois observ茅s dans l鈥檃cheminement de l鈥檃ide humanitaire aux populations nig茅riennes affam茅es ont entra卯n茅 une demande accrue de services on茅reux de soins intensifs et contraint le PAM 脿 recourir aux avions pour l鈥檃cheminement des vivres.

Le Fonds permettra 茅galement de r茅pondre 脿 des besoins importants qui ne sont pas pris en charge par des contributions sp茅ciales, comme les campagnes de pulv茅risation contre les moustiques en p茅riode de reproduction, ou l鈥檃chat de semences et d鈥檈ngrais pendant la saison des plantations. Le rapport de M. Annan note que dans de nombreuses situations d鈥檜rgence o霉 les fonds ne sont pas suffisants, les donateurs ont tendance 脿 ne financer que certains programmes, au d茅triment d鈥檃utres tout aussi importants, comme l鈥檃pprovisionnement en eau salubre, les soins de sant茅 ou la cr茅ation d鈥檃bris.

Le Niger fournit un autre exemple saisissant de la mani猫re dont les imperfections du dispositif peuvent aggraver une situation d鈥檜rgence. L鈥檜ne des causes principales de la malnutrition dans ce pays a 茅t茅 la destruction des p芒turages par les criquets p猫lerins en 2004. L鈥橭rganisation des Nations Unies pour l鈥檃limentation et l鈥檃griculture (FAO) n鈥檃yant pas r茅ussi 脿 trouver des donateurs pour financer un projet d鈥櫭﹔adication des criquets p猫lerins, ces insectes se sont propag茅s et ont plong茅 certaines r茅gions du pays dans la crise.

鈥淰ous avez 25 communaut茅s dans la m锚me situation d茅sesp茅r茅e qui se disputent toutes les semaines l鈥檃ttention de la communaut茅 internationale. A ce jeu, il y a 24 perdants et un vainqueur鈥濃��

鈥� Jan Egeland, Secr茅taire g茅n茅ral adjoint aux affaires humanitaires

Les propositions de r茅forme du Secr茅taire g茅n茅ral ont suscit茅 la vive approbation des donateurs publics, des ONG et des organismes de secours, ainsi que des annonces de contributions de l鈥檕rdre de 200 millions de dollars 脿 la fin de l鈥檃nn茅e 2005. Annon莽ant en novembre une contribution de son pays de plus de 29 millions de dollars, l鈥橝mbassadrice norv茅gienne, Mona Jull, a r茅affirm茅 脿 l鈥橝ssembl茅e g茅n茅rale la volont茅 de son gouvernement de renforcer le CERF, car cela permettrait 脿 l鈥橭NU 鈥渄鈥檌ntervenir rapidement, voire m锚me d鈥檈mp锚cher, des crises鈥�.

Les Etats-Unis, de loin le principal pourvoyeur d鈥檃ide humanitaire, ont 茅galement approuv茅 le renforcement du CERF. Sichan Siv, repr茅sentant adjoint des Etats-Unis aupr猫s des Nations Unies, a salu茅 l鈥檌nitiative en novembre, soulignant qu鈥檜ne 鈥渟ource centralis茅e de fonds rapidement disponibles pourrait contribuer effectivement 脿 r茅pondre aux besoins urgents. Bien que les Etats-Unis n鈥檃ient pas encore contribu茅 au Fonds, le porte-parole de la Mission am茅ricaine, Benjamin Chang, a expliqu茅 脿 Afrique Renouveau que 鈥渃ela tient simplement 脿 notre processus budg茅taire, et non 脿 de quelconques r茅serves鈥�.

Le Fonds devrait commencer 脿 fonctionner au d茅but de 2006.

Argent ou ma茂s ?

Il existe d鈥檃utres propositions de r茅organisation des op茅rations d鈥檃cheminement de l鈥檃ide d鈥檜rgence. Une 茅tude r茅alis茅e en 2005 par l鈥橭rganisation pour la coop茅ration et le d茅veloppement 茅conomiques (OCDE) recommande en effet que les subventions se fassent en esp猫ces plut么t qu鈥檈n produits de base (bl茅, ma茂s, huile alimentaire). Aux Etats-Unis, par exemple, principal fournisseur d鈥檃ide alimentaire, la l茅gislation exige que les produits de base proviennent de ce pays et soient transport茅s par des navires ou avions am茅ricains, pratique qualifi茅e 鈥渄鈥檃ide li茅e鈥� (voir Afrique Renouveau, janvier 2004).

Selon l鈥橭CDE, cette pratique rend ces articles jusqu鈥櫭� 50听% plus chers que ceux achet茅s sur place, dissuade les agriculteurs locaux d鈥檃ugmenter leur production, rallonge les d茅lais d鈥檃cheminement et risque de d茅truire les 茅conomies rurales en inondant les pays b茅n茅ficiaires de produits alimentaires gratuits.

Cette question pr茅occupe m锚me l鈥橭rganisation mondiale du commerce (OMC), o霉 les pays europ茅ens en particulier ont qualifi茅 l鈥檃ide alimentaire li茅e des Etats-Unis de subventions agricoles et commerciales d茅guis茅es.

La pol茅mique de 鈥渓鈥檃ide en esp猫ces contre l鈥檃ide en nature鈥� a suscit茅 l鈥檃ttention de la presse internationale, plut么t favorable 脿 l鈥檕ctroi d鈥檜ne aide alimentaire sans conditions.

En mai, James Morris a fait 茅tat des pr茅occupations du PAM dans ce domaine 鈥淔ournir une aide alimentaire 脿 temps est une t芒che compliqu茅e, surtout dans les pays en d茅veloppement, a-t-il expliqu茅. Les achats massifs effectu茅s par les organismes de secours sur les march茅s c茅r茅aliers locaux poussent tr猫s souvent les prix des produits alimentaires 脿 la hausse, hors de la port茅e des pauvres, ce qui aggrave la famine. De plus, 茅tant donn茅 le pi猫tre 茅tat des routes et des voies ferr茅es dans ces pays, les frais de transport et d鈥檈ntreposage des c茅r茅ales achet茅es localement听sont parfois tr猫s co没teux鈥�, contrairement aux 茅conomies consid茅rables annonc茅es par les adversaires de l鈥檃ide li茅e.

鈥淢algr茅 notre pr茅f茅rence pour les dons en esp猫ces, force est de reconna卯tre que les dons en nature contribuent 脿 maintenir un certain appui dans les pays donateurs, ce qui est absolument indispensable pour nos b茅n茅ficiaires鈥�, a ajout茅 M. Morris. 鈥淒茅lier鈥� l鈥檃ide alimentaire risquerait, de l鈥檃vis de nombreuses agences et ONG humanitaires, de d茅stabiliser ce qu鈥檕n appelle parfois 鈥渓e triangle de fer鈥� des puissants groupes d鈥檌nt茅r锚ts nationaux 鈥� agriculteurs, compagnies de transport et organismes d鈥檃ssistance, qui offrent une protection politique aux budgets de l鈥檃ide. Une aide 鈥渘on li茅e鈥� risquerait 茅galement de rendre le principe de l鈥檃ide d鈥檜rgence moins int茅ressant pour les agriculteurs et les affr茅teurs de navires du Nord, qui en profiteraient moins.

Certains organismes d鈥檃ssistance estiment pour les m锚mes raisons que l鈥檃ide alimentaire ne devrait pas 锚tre soumise aux r猫gles de l鈥橭MC. Dans une lettre adress茅e en septembre 脿 Pascal Lamy, Directeur g茅n茅ral de l鈥橭MC, James Morris signale que l鈥檌nterdiction des dons en nature 鈥渁urait pour cons茅quence de r茅duire le volume total de l鈥檃ide et d鈥檈n diminuer la souplesse鈥� Lorsque l鈥檜n de nos principaux donateurs s鈥檈st converti au principe des dons en esp猫ces, le volume total, en tonnes, de son aide alimentaire a chut茅 de plus de 50听%鈥�, a-t-il mis en garde. De plus, une part croissante des dons alimentaires du PAM provient des pays en d茅veloppement 脿 revenu moyen, qui sont capables d鈥檕ffrir des produits de base mais non des dons en esp猫ces. Selon James Morris, la diversification des donateurs repr茅sente d茅sormais un objectif primordial pour les acteurs de l鈥檃ide d鈥檜rgence. 鈥淯ne politique de l鈥橭MC v茅ritablement en faveur des populations d茅munies devrait veiller 脿 ne pas s鈥檌mmiscer dans le financement et l鈥檃cheminement de l鈥檃ide alimentaire du PAM鈥�, a-t-il ajout茅.

De nombreuses ONG partagent cette position. Will Lynch, conseiller principal d鈥檜ne importante association humanitaire am茅ricaine, Catholic Relief Services (CRS), a pr茅cis茅 脿 Afrique Renouveau que l鈥檃ide alimentaire mondiale ne repr茅sentait que 0,03听% du volume total des 茅changes commerciaux agricoles dans le monde; 鈥減ourtant, dit-il, la controverse porte sur les interventions d鈥檜rgence et le commerce. Ce n鈥檈st pas le propos.

L鈥橝frique affam茅e

Les associations humanitaires ont toutefois salu茅 les efforts de d茅veloppement et de r茅organisation du CERF. Le Directeur des communications du PAM, Neil Gallagher, a confi茅 en novembre 脿 Afrique Renouveau qu鈥櫶�鈥漣l serait merveilleux d鈥檃voir ce type de fonds鈥�. A son avis, la capacit茅 脿 intervenir d猫s les premiers signes de danger permettrait d鈥櫭﹑argner des vies, d鈥檃tt茅nuer des souffrances et d鈥檃cc茅l茅rer les efforts de reconstruction et de relance.

Toutefois, a-t-il indiqu茅, les programmes d鈥檜rgence les mieux financ茅s et les mieux administr茅s ne sauraient jamais remplacer les initiatives de d茅veloppement acc茅l茅r茅 des secteurs agricole et 茅conomique. De meilleures conditions de vie et des r茅coltes plus abondantes rendent les couches pauvres de la population moins vuln茅rables aux al茅as climatiques et aux fluctuations des cours. L鈥檃pport de capitaux suppl茅mentaires 脿 la cr茅ation d鈥檜ne infrastructure agricole et rurale 鈥� projets d鈥檌rrigation, construction de routes, acc猫s aux engrais et aux semences de meilleure qualit茅 鈥� pourrait all茅ger consid茅rablement les effets des s茅cheresses et autres catastrophes naturelles.

Malheureusement, constate M. Gallagher, l鈥檃ssistance des donateurs aux projets de d茅veloppement agricole a diminu茅 sensiblement, passant de 12听% du montant total de l鈥檃ide il y a une dizaine d鈥檃nn茅es 脿 4听% seulement en 2004. 鈥淥n est ballott茅s d鈥檜ne crise 脿 l鈥檃utre et on esp猫re que les 茅quipes de t茅l茅 en captureront les images, d茅plore-t-il. Pendant ce temps, le nombre de personnes qui souffrent constamment de la faim augmente, surtout en Afrique, tandis que le volume de l鈥檃ide alimentaire accord茅e par les donateurs baisse."

D鈥檃pr猫s le PAM, la faim et la malnutrition chroniques ont 茅t茅 脿 l鈥檕rigine de 92听% des 10 millions de d茅c猫s li茅s 脿 la famine dans le monde en 2004, 8听% 茅tant dus aux crises humanitaires. Malgr茅 l鈥檈ngagement de la communaut茅 internationale de r茅duire de moiti茅 la faim dans le monde d鈥檌ci 脿 2015, le nombre de personnes souffrant de malnutrition a augment茅 consid茅rablement ces 10 derni猫res ann茅es, passant de 790 millions au d茅but des ann茅es 1990 脿 environ 852 millions en 2005, dont plus de 300 millions en Afrique. Malgr茅 les besoins croissants dans ce domaine, la quantit茅 de dons alimentaires a chut茅, passant de plus de 15 millions de tonnes en 1999 脿 seulement 7,5 millions en 2004.

Les d茅fenseurs de l鈥檃ide alimentaire d茅noncent par ailleurs certaines d茅cisions des donateurs qui ont eu pour cons茅quence, 脿 leur avis, de nuire aux programmes nationaux d鈥檃ssistance d鈥檜rgence. C鈥檈st ainsi qu鈥檃u Malawi, de nombreuses associations humanitaires, des repr茅sentants de donateurs et certains responsables locaux estiment que les pressions exerc茅es par le Fonds mon茅taire international (FMI) et la Banque mondiale ont forc茅 les dirigeants du pays 脿 mettre en vente la plus grande partie des r茅serves c茅r茅ali猫res strat茅giques du Malawi. Sur ce est arriv茅e la famine de 2001-2002 qui a fait des milliers de victimes.

Le FMI rejette formellement cette accusation. Pourtant, une 茅tude r茅alis茅e en 2005 par l鈥橝gency for International Development des Etats-Unis confirme qu鈥檜ne fois que les r茅serves c茅r茅ali猫res du Malawi avaient atteint 180 000 tonnes, 鈥渓e FMI a estim茅 que, pour diff茅rentes raisons, le maintien des r茅serves 脿 ce niveau n鈥檃vait plus de sens 鈥� le FMI a donc recommand茅 鈥� un niveau de r茅serves bien plus faible鈥�.

Lorsque la famine a frapp茅, il a 茅t茅 constat茅 que l鈥檌nt茅gralit茅 des r茅serves avait 茅t茅 vendue discr猫tement, ce qui a d茅clench茅 une enqu锚te officielle et contraint les autorit茅s et les organismes d鈥檃ssistance 脿 consacrer de l鈥檃rgent et du temps 脿 l鈥檌mportation d鈥檜rgence de vivres.

R茅parer les filets de s茅curit茅

De l鈥檃vis de M. Gallagher, les programmes d鈥檃limentation suivis et durables, comme la distribution de repas 脿 midi dans les 茅coles et les projets de nutrition des m猫res et des nourrissons, constituent une solution 脿 la faim bien moins on茅reuse et plus efficace que les op茅rations de secours d鈥檜rgence. Les enfants notamment souffrent de s茅quelles durables de la malnutrition, qui peuvent 锚tre 茅vit茅es seulement gr芒ce 脿 un apport nutritionnel fiable, durable et cibl茅.

Il y a 20 ans, a-t-il rappel茅, 80听% des envois alimentaires du PAM 茅taient destin茅s aux programmes continus, appel茅s aussi 鈥渇ilets de s茅curit茅 sociale鈥�, et 20听% aux situations de crise. En 2004, en revanche, 557 500 seulement des quelque 5,1 millions de tonnes de vivres achemin茅es par le PAM sont destin茅es aux 鈥渇ilets de s茅curit茅鈥�.

鈥淟es donateurs ne trouvent pas [ce type de programme] exaltant, explique M. Gallagher. Ce n鈥檈st pas assez grisant, ce n鈥檈st pas comme se trouver au milieu d鈥檜ne situation de crise aigu毛. Ils disent que l鈥檃ide alimentaire distribu茅e 脿 ce type de programme n鈥檈st pas une solution 脿 long terme. C鈥檈st pourtant une solution 脿 long terme pour l鈥檈nfant qui consomme au moins un repas valable par jour. Si vous ne nourrissez pas les gamins d猫s leur plus jeune 芒ge et les femmes lorsqu鈥檈lles sont enceintes, vous cr茅ez des 锚tres humains incapables d鈥檃utonomie par la suite, du point de vue physique et psychologique.鈥� L鈥檌d茅e que l鈥檃ide alimentaire n鈥檈st destin茅e qu鈥檃ux situations d鈥檜rgence 鈥渕猫ne 脿 plus de famine. Cela n鈥檃 pas de sens鈥� Nous n鈥檃rriverons pas 脿 茅liminer la faim tant que les donateurs n鈥檃dmettront pas que 鈥渢out le monde a droit 脿 une nutrition 茅l茅mentaire que nous allons assurer鈥�, affirme M. Gallagher.

M. Lynch du CRS note pour sa part que le refus des donateurs de soutenir les projets nutritionnels de longue dur茅e signifie que les associations caritatives ne sont plus en mesure d鈥檃dministrer les programmes alimentaires destin茅s 脿 800 000 personnes, dont des orphelins du sida, des m猫res enceintes, des 茅coliers et des habitants pauvres des zones rurales de l鈥橝ngola, du B茅nin, du Kenya, du Niger et du Rwanda. Il y a peu de chances que les autorit茅s de ces pays puissent prendre le relais de ces programmes, et aucune autre source de financement n鈥檃 茅t茅 trouv茅e 脿 ce jour.

鈥淐鈥檈st un aspect du probl猫me, conclut M. Lynch. Les b茅n茅ficiaires de ces programmes appartiennent aux couches les plus d茅munies de la plan猫te. Ils n鈥檈xistent pour personne.鈥�