51吃瓜

Teshoma Abera, cultivateur 茅thiopien, d茅plore le manque de pluie et sa mauvaise r茅colte.

Photo: Panos / Sven Torfinn

La vie n鈥櫭﹖ait pas facile pour Mohammadu Bello, p锚cheur de son 茅tat ni pour ses neuf enfants, mais ils subsistaient gr芒ce aux eaux peu profondes du lac Tchad, un large plan d鈥檈au douce aux confins du Niger, du Tchad, du Nig茅ria et du Cameroun. Le poisson-chat se vendait bien au march茅 de Doron Baga, lui permettant de nourrir sa famille. Mais cette 茅poque est r茅volue. Lae retrait progressif des eaux a mis M. Bello et ses voisins en grande difficult茅 et risque de mener 脿 la disparition pure et simple d鈥檜n lac consid茅r茅 autrefois comme l鈥檜n des plus grands d鈥橝frique. 鈥淚l y a 27 ans, quand j鈥檃i commenc茅 ma vie de p锚cheur, on attrapait du poisson de la taille d鈥檜n homme, confiait M. Bello en janvier 脿 la British Broadcasting Corporation. A pr茅sent, dit-il, les poissons sont petits et le peu qui reste est transport茅 au march茅 par camions qui traversent le lit du lac 脿 sec."

Les scientifiques et les chercheurs affirment que la baisse du niveau des eaux est partiellement imputable 脿 leur utilisation croissante 脿 des fins d鈥檌rrigation et de consommation. Mais plus inqui茅tants 脿 leur avis sont les changements climatiques qui affectent la r茅gion, r茅duisant les pr茅cipitations qui remplissaient autrefois le lac et ses affluents. Ces changements, qui surviennent partout dans le monde, sont听aujourd鈥檋ui commun茅ment attribu茅s aux activit茅s humaines, en particulier celles qui consomment du p茅trole et d鈥檃utres combustibles fossiles polluants. Les gaz produits s鈥檃ccumulent dans l鈥檃tmosph猫re, retenant la chaleur solaire et faisant monter la temp茅rature de la terre. Ce ph茅nom猫ne, connu sous le nom de r茅chauffement plan茅taire, a des incidences sur les chutes de pluies et autres ph茅nom猫nes atmosph茅riques et climatiques, mettant en danger la vie humaine, animale et v茅g茅tale du fait des cons茅quences potentiellement catastrophiques des changements climatiques.

Certes, ces notions scientifiques sont un peu abstraites pour des p锚cheurs comme Mohammadu Bello, mais leurs cons茅quences sont bien r茅elles. 鈥淛e n鈥檃i aucune id茅e de ce qu鈥檈st le r茅chauffement de la plan猫te, admet-il. Mais je vois bien que le lac dispara卯t et nous avec lui.鈥�

Certaines r茅gions de l鈥橝frique recevront moins de pr茅cipitations, alors que d鈥檃utres conna卯tront des inondations plus graves.

Photo: Alamy Images / Roger Hutchings

En v茅rit茅, Mohammadu s鈥檈st adapt茅 ; il travaille 脿 pr茅sent, avec sa famille, le sol fertile abandonn茅 par le retrait des eaux du lac et vend ses l茅gumes sur le march茅 de Doron Baga. Mais l鈥檃venir des quelque 20 millions de personnes qui d茅pendent de l鈥檈au du lac et de ses affluents est moins assur茅.

Alors que l鈥檕n se pr茅pare partout dans le monde 脿 lutter contre les effets in茅vitables du r茅chauffement plan茅taire et que de nouveaux moyens sont 脿 l鈥櫭﹖ude pour tenter de r茅duire les 茅missions de gaz qui en sont la cause, des millions de personnes devront, comme M. Bello, s鈥檃dapter 脿 la situation 鈥� un d茅fi particuli猫rement redoutable en Afrique.

Incidences locales

Apr猫s des dizaines d鈥檃nn茅es de controverses sur les causes et incidences possibles du r茅chauffement plan茅taire, des 茅tudes publi茅es par 2 500 scientifiques de 130 pays dans le cadre des travaux du Groupe d鈥檈xperts intergouvernemental sur l鈥櫭﹙olution du climat, 茅tabli par les Nations Unies, ont finalement tranch茅 la question. En f茅vrier 2007, le Groupe a prouv茅 de fa莽on scientifique et irr茅futable que l鈥檜tilisation de combustibles fossiles comme le charbon, le p茅trole et le gaz naturel produisait tous les ans dans l鈥檃tmosph猫re des milliards de tonnes de gaz 脿 effet de serre.

Le Pr茅sident du Groupe d鈥檈xperts, Rajendra Pachauri, a affirm茅 en avril qu鈥檌l serait possible de diminuer la quantit茅 d鈥櫭﹎issions nocives et d鈥檈nrayer le r茅chauffement en ayant recours aux technologies 鈥渧ertes鈥� plus propres et en modifiant les habitudes des consommateurs. Il est trop tard en revanche, d鈥檃pr猫s lui, pour 茅viter les incidences parfois graves des changements climatiques sur notre plan猫te. 鈥淐e sont les populations les plus d茅munies qui en souffriront le plus鈥�, a-t-il pr茅venu.

Manifestation 脿 Nairobi (Kenya) contre le refus des pays d茅velopp茅s de limiter les 茅missions de gaz qui contribuent au r茅chauffement plan茅taire.

Photo: Associated Press / Khalil Senosi

Continent le plus pauvre et le moins avanc茅 du monde, l鈥橝frique aura du mal 脿 s鈥檃dapter. Bien que l鈥橝frique subsaharienne ne produise que moins de 4 % des gaz 脿 effet de serre de la plan猫te, les scientifiques estiment quasiment certain que les divers syst猫mes climatiques et 茅cologiques du continent ont d茅j脿 茅t茅 endommag茅s par le r茅chauffement plan茅taire.

Le r茅chauffement plan茅taire risque d鈥檃voir des cons茅quences particuli猫rement inqui茅tantes sur les r茅serves d鈥檈aux. Pour le moment, l鈥橝frique a la chance de disposer d鈥檌mportantes r茅serves d鈥檈aux inexploit茅es et on pr茅voit m锚me que certaines r茅gions arides du continent pourraient recevoir des pr茅cipitations plus fr茅quentes. En revanche,听le Sahel et d鈥檃utres r茅gions semi-arides risquent de souffrir d鈥檜ne aggravation de la s茅cheresse. Un tiers de la population du continent vit d茅j脿 dans des zones de s茅cheresse, et 75 脿 250 millions de personnes suppl茅mentaires pourraient perdre leurs moyens de subsistance du fait des changements climatiques d鈥檌ci la fin de la prochaine d茅cennie. Les r茅gions sujettes 脿 inondations de l鈥橝frique australe pourraient devenir plus humides encore du fait de l鈥櫭﹙olution des conditions climatiques, les inondations 茅tant plus fr茅quentes et plus graves.

Cultures et littoraux menac茅s

L鈥檃griculture du continent, qui souffre d茅j脿 de sa d茅pendance vis-脿-vis de l鈥檌rrigation pluviale, de la mauvaise qualit茅 des sols et de techniques et pratiques d茅pass茅es, risque d鈥櫭猼re durement touch茅e 脿 mesure que la s茅cheresse et les inondations s鈥櫭﹖endront, que les temp茅ratures et les saisons de v茅g茅tation changeront et que les 茅leveurs et bergers seront contraints de quitter leurs terres.

Un tel sc茅nario constituerait une catastrophe humanitaire et 茅conomique sur un continent o霉 les activit茅s agricoles repr茅sentent 70 % des emplois et sont souvent le moteur des 茅conomies nationales, sources de recettes d鈥檈xportation, de mati猫res premi猫res industrielles et de denr茅es alimentaires 脿 bas prix. Des 茅tudes pr茅voient que d鈥檌ci 脿 2020, les cultivateurs de certains pays ne r茅colteront que 50 % de leur production actuelle. Le secteur de la p锚che risque 茅galement de souffrir de l鈥檃ss猫chement des lacs et des fleuves et de la disparition d鈥檈sp猫ces commerciales de poisson.

La mont茅e des temp茅ratures risque en outre d鈥檈ntra卯ner la fonte des calottes glaci猫res polaires, provoquant la mont茅e du niveau des oc茅ans et mena莽ant les littoraux et les 卯les de la plan猫te, en particulier les 卯les et zones c么ti猫res de basse altitude de l鈥橝frique de l鈥橢st, qui risquent d鈥櫭猼re fr茅quemment inond茅es ou d茅finitivement submerg茅es.

Le r茅chauffement des eaux pourrait en outre avoir des incidences sur les ouragans et autres violentes temp锚tes oc茅aniques, intensifiant leur force et leur fr茅quence. Les activit茅s de p锚che en zone c么ti猫re et leurs 茅cosyst猫mes fragiles pourraient aussi p芒tir d鈥檜ne 茅ventuelle mont茅e du niveau des mers.

鈥淒茅plac茅s climatiques鈥�

L鈥橭NU estime que, du fait de la d茅t茅rioration des conditions de vie, quelque 50 millions de personnes 鈥渄茅plac茅es climatiques鈥� de par le monde pourraient se joindre aux flux de migrants qui traversent les fronti猫res et les oc茅ans 脿 la recherche de nouveaux moyens d鈥檈xistence. Bon nombre d鈥檈ntre eux s鈥檌nstalleront dans des villes surpeupl茅es qui ont d茅j脿 du mal 脿 offrir des emplois, des logements et des services de base.

Les grandes for锚ts d鈥橝frique aident 脿 absorber les gaz nocifs dans l鈥檃tmosph猫re et les gouvernements s鈥檈fforcent de r茅duire l鈥檈xploitation foresti猫re sauvage et autres pratiques qui acc茅l猫rent la d茅forestation.

Photo: Peter Arnold Inc. / BIOS Gunther Michel

Ce ph茅nom猫ne se r茅percutera 茅galement sur des parasites comme la mouche ts茅-ts茅 et des maladies parasitaires comme le paludisme. Le paludisme est la maladie qui tue le plus d鈥檈nfants en Afrique et prive les 茅conomies du听continent de quelque 12 milliards de dollars par an. Compte tenu de la propension des moustiques porteurs de la maladie 脿 prosp茅rer dans des conditions de temp茅rature et d鈥檋umidit茅 bien pr茅cises, certaines r茅gions touch茅es pourraient voir dispara卯tre ce fl茅au 脿 mesure que la s茅cheresse s鈥檌ntensifie. A l鈥檌nverse, d鈥檃utres zones non contamin茅es pourraient le devenir. L鈥橭rganisation mondiale de la sant茅 pr茅voit que 80 millions de personnes dans le monde risquent d鈥櫭猼re infect茅es 脿 mesure que l鈥櫭﹑id茅mie se propage dans des populations d茅pourvues de protection naturelle.

Les diff茅rentes esp猫ces v茅g茅tales et animales de l鈥橝frique ne seraient pas 茅pargn茅es non plus. Une 茅tude r茅alis茅e sur pr猫s de 5 200 esp猫ces v茅g茅tales du continent pr茅voit que le cadre naturel d鈥檈nviron 5 000 d鈥檈ntre elles aura largement disparu en raison des changements climatiques et 2 100 d鈥檈ntre elles seront compl猫tement priv茅es de leur habitat naturel d鈥檌ci 脿 2085. La faune africaine n鈥檈st pas mieux lotie. D鈥檃pr猫s certaines 茅tudes, les deux-tiers des espaces animales du parc animalier Kruger d鈥橝frique du Sud, bien connu, sont mena颅c茅s d鈥檈xtinction.

Adaptation

Conscients de la vuln茅rabilit茅 du continent, les dirigeants africains soutiennent depuis longtemps la lutte de la communaut茅 internationale contre le r茅chauffement plan茅taire et les changements climatiques. Les gouvernements du continent ont jou茅 un r么le d茅terminant dans l鈥櫭﹍aboration de la Convention des Nations Unies de 1994 sur la lutte contre la d茅sertification, ph茅nom猫ne particuli猫rement pr茅occupant pour un continent o霉 les deux-tiers des sols sont arides ou semi-arides. De nombreux pays africains ont par ailleurs sign茅 la Convention-cadre de 1992 sur les changements climatiques et le Protocole de Kyoto de 1997.

鈥淟es changements climatiques repr茅sentent la faillite la plus grave des march茅s que le monde ait jamais connu.鈥�

鈥� M. Nicholas Stern, ancien 茅conomiste en chef de la Banque mondiale

Mais la r茅duction des 茅missions n鈥檃 jamais constitu茅 la priorit茅 absolue d鈥檜n continent dont les rares industries et r茅seaux de transport et d鈥櫭﹍ectricit茅 ne produisent que de faibles quantit茅s de gaz 脿 effet de serre. Les gouvernements du continent s鈥檈fforcent plut么t de se pr茅parer aux bouleversements climatiques 脿 venir et d鈥檃ider les communaut茅s vuln茅rables 脿 s鈥檡 adapter. En septembre 2006, le secr茅tariat de la Convention-cadre a organis茅 un atelier consacr茅 脿 l鈥檃daptation aux changements climatiques avec la participation de 33 gouvernements africains et d鈥檕rganisations internationales et associations de la soci茅t茅 civile. La r茅union a soulign茅 la n茅cessit茅 d鈥櫭﹖ablir de meilleurs m茅canismes de surveillance et d鈥檃lerte rapide et a appel茅 脿 l鈥檌nt茅gration de strat茅gies d鈥檃daptation 脿 long terme dans les programmes de d茅veloppement et de planification en pr茅vision des catastrophes.

Les programmes de d茅veloppement de l鈥橝frique comportent en effet de nombreux 茅l茅ments susceptibles de renforcer les moyens de lutte des communaut茅s et des pays contre les changements climatiques. Les r茅seaux d鈥檌rrigation, par exemple, contribuent fortement aux efforts visant 脿 renforcer la s茅curit茅 alimentaire et am茅liorer l鈥檈xistence des agriculteurs de nombreux pays du continent. Compte tenu du fait que 4 % seulement des terres arables africaines sont irrigu茅es, les plans de d茅veloppement agricole insistent sur la n茅cessit茅 d鈥檃rroser de plus grandes superficies. L鈥檌rrigation est 茅galement un excellent rem猫de lorsque les saisons pluvieuses se font plus impr茅visibles et moins fr茅quentes 脿 cause des changements climatiques.

La principale difficult茅 est d鈥檕rdre financier. C鈥檈st ce qu鈥檃 affirm茅 脿 Afrique Renouveau l鈥檈xpert sierra-l茅onais de la m茅t茅orologie Ogunlade Davidson de son bureau de Freetown. 鈥淟es changements climatiques auront des incidences consid茅rables pour l鈥檃griculture africaine. Mais sans un financement suffisant, elle n鈥檈n sera pas capable, car l鈥檌rrigation, les engrais, les techniques agricoles modernes et les semences de bonne qualit茅 co没tent beaucoup d鈥檃rgent, dit-il. En v茅rit茅, comme l鈥橝frique n鈥檃 jamais profit茅 des avantages financiers qui ont caus茅 au d茅part la production de gaz 脿 effet de serre dans l鈥檃tmosph猫re, elle n鈥檃 jamais accumul茅 les richesses n茅cessaires pour lutter contre les bouleversements climatiques.鈥�

鈥淟鈥檋eure d鈥檃gir鈥�

L鈥橝frique re莽oit n茅anmoins de l鈥檃ide de la part de deux fonds administr茅s par le Fonds mondial pour l鈥檈nvironnement, organisme de financement 茅tabli en 1991 pour participer aux projets de pr茅servation de l鈥檈nvironnement des pays en d茅veloppement. Le Fonds pour les pays les moins avanc茅s (PMA) est r茅serv茅 aux Etats de cette cat茅gorie, alors que le Fonds sp茅cial pour les changements climatiques finance les projets d鈥檃daptation, de gestion 茅nerg茅tique, de transfert technologique et de diversification 茅conomique li茅s aux conditions climatiques dans tous les pays en d茅veloppement. Depuis son lancement en 2001, le Fonds a re莽u pr猫s de 116 millions de dollars d鈥檃nnonces de contribution, dont moins de la moiti茅 a 茅t茅 effectivement vers茅e. Le Fonds sp茅cial pour les changements climatiques a re莽u des annonces de contribution de l鈥檕rdre de 62 millions de dollars, dont plus de 52 millions lui sont parvenus.

Les pays participant 脿 ces projets doivent formuler, en consultation avec le secteur priv茅 et la soci茅t茅 civile, des plans d鈥檃ction nationaux pour l鈥檃daptation, qui recensent les secteurs vuln茅rables, pr茅cisent les besoins et fixent les priorit茅s d鈥檃ction de chaque pays. Les projets ainsi d茅finis peuvent ensuite 锚tre financ茅s. Le Fonds mondial pour l鈥檈nvironnement est administr茅 par le Programme des Nations Unies pour l鈥檈nvironnement, la Banque mondiale et le Programme des Nations Unies pour le d茅veloppement.

L鈥橢thiopie a re莽u du fonds sp茅cial 1 million de dollars pour l鈥檃ider 脿 financer un programme de 3 millions de dollars visant 脿 lancer des projets pilotes de lutte contre l鈥櫭﹔osion des sols dans les r茅gions arides du nord du pays. Le projet consiste 茅galement 脿 offrir aux 茅leveurs et agriculteurs les moyens de lutter contre la s茅cheresse. Le Kenya a re莽u 6,5 millions de dollars pour l鈥檃ider 脿 mener un projet de 51 millions de dollars qui lui permettra d鈥櫭﹖ablir, aux niveaux national, r茅gional et local, des m茅canismes capables de d茅tecter et de g茅rer les changements climatiques et d鈥檈ncourager la participation du secteur priv茅 aux projets d鈥檃daptation 脿 ces changements.

Cependant, d鈥檃pr猫s M. Davidson, sp茅cialiste des questions 茅nerg茅tiques et co-pr茅sident du rapport sur la r茅duction des 茅missions des gaz 脿 effet de serre du Groupe d鈥檈xperts intergouvernemental sur l鈥櫭﹙olution du climat, les financements consentis sont trop faibles听pour v茅ritablement changer la situation des communaut茅s vuln茅rables. Jusqu鈥櫭� tr猫s r茅cemment, a-t-il soulign茅, l鈥檃rgent d茅bours茅 par la communaut茅 internationale 脿 cet effet 茅tait essentiellement r茅serv茅 脿 la recherche scientifique sur les causes du r茅chauffement plan茅taire et aux moyens d鈥檈n att茅nuer les cons茅quences plut么t qu鈥檃ux programmes d鈥檃daptation sur le plan local.

A son avis, la solution passe par l鈥檈ngagement de la communaut茅 internationale, car 鈥渃鈥檈st elle qui a les moyens d鈥檌ntervenir. Mais si cette aide est assortie d鈥檜ne longue liste d鈥檕bstacles et de conditions bureaucratiques, les pays demandeurs n鈥檡 auront pas acc猫s et les probl猫mes perdureront,听pr茅voit-il. Le temps des 茅tudes et des projets pilotes est r茅volu. Il est temps d鈥檃gir鈥�, conclut-il.

Le NEPAD pour la croissance verte

Reste 脿 savoir si ces ressources seront v茅ritablement disponibles, car, malgr茅 des dizaines d鈥檃nn茅es d鈥檈fforts, l鈥橝frique n鈥檃 jamais r茅ussi 脿 r茅unir les capitaux n茅cessaires 脿 la lutte pour la r茅duction de la pauvret茅.

Il n鈥檈st donc pas 茅tonnant qu鈥檈n pr茅ambule, le plan d鈥檃ction pour l鈥檈nvironnement, partie int茅grante du Nouveau Partenariat pour le d茅veloppement de l鈥橝frique (NEPAD), cite les taux de pauvret茅 croissants et l鈥檃cc茅l茅ration de la d茅gradation de l鈥檈nvironnement comme deux maux interd茅pendants dont souffre l鈥橝frique.

Le plan d鈥檃ction, formul茅 en 2003 avec le concours du Programme des Nations Unies pour l鈥檈nvironnement, affirme par ailleurs qu鈥檈n Afrique, la pauvret茅 est 脿 la fois la premi猫re cause et la premi猫re cons茅quence de la d茅t茅rioration de l鈥檈nvironnement et de l鈥櫭﹑uisement des ressources. Le document insiste 茅galement sur la n茅cessit茅 absolue de lutter contre la pauvret茅.

Le plan d鈥檃ction souligne par ailleurs l鈥檌mportance des projets en faveur de l鈥檈nvironnement, de la mise en place de syst猫mes de surveillance de l鈥檈nvironnement plus perfectionn茅s, de la recherche et de l鈥櫭﹖ablissement de partenariats plus efficaces sur le plan international pour encourager les transferts de technologie 鈥渧erte鈥�, renforcer les capacit茅s d鈥檌ntervention et d鈥檃lerte rapide en cas de catastrophe et att茅nuer l鈥檌mpact des changements climatiques sur les populations les plus vuln茅rables.

L鈥橝frique participant peu au r茅chauffement plan茅taire, l鈥檃ccent est 茅galement mis sur la contribution de l鈥橝frique au ralentissement de la mont茅e des temp茅ratures dans le monde, gr芒ce notamment aux for锚ts africaines, qui absorbent et retiennent le gaz carbonique, principal facteur de r茅chauffement. L鈥橝frique compte 17 % des for锚ts de la plan猫te et 25 % des for锚ts tropicales, qui contribuent 脿 purifier l鈥檃ir des 茅missions polluantes produites 脿 des milliers de kilom猫tres. Les for锚ts abritent par ailleurs une extraordinaire vari茅t茅 de flore et de faune, 1,5 million d鈥檈sp猫ces diff茅rentes selon les estimations, qui assure la subsistance de millions de personnes.

For锚ts en extinction

D鈥檃pr猫s le NEPAD, toutefois, les for锚ts d鈥橝frique disparaissent actuellement au rythme de plus de 5 millions d鈥檋ectares par an, victimes d鈥檜ne exploitation commerciale excessive et non viable, et des m茅thodes de d茅frichage par br没lis. Pr猫s des deux-tiers de l鈥櫭﹏ergie produite par le continent provient du bois de chauffage utilis茅 surtout 脿 des fins de cuisine et de chauffage, ce qui repr茅sente une menace suppl茅mentaire pour les surfaces bois茅es.

Bien que les gouvernements africains et la communaut茅 internationale aient r茅cemment redoubl茅 d鈥檈fforts pour pr茅server et remettre en 茅tat les for锚ts du continent, les r茅sultats sont maigres.

D鈥檃pr猫s le plan d鈥檃ction du NEPAD, la meilleure mani猫re de pr茅server les for锚ts d鈥橝frique consiste 脿 formuler et faire respecter une l茅gislation viable en mati猫re d鈥檈xploitation foresti猫re et 脿 am茅liorer les rendements agricoles pour ralentir le d茅frichage 脿 des fins agricoles. Mais cela n鈥檈st pas 茅vident, car le bois constitue un produit d鈥檈xportation pris茅 pour certains pays et la r茅duction de ces exportations se solderait par un manque 脿 gagner difficile, voire impossible 脿 combler. Malgr茅 la priorit茅 accord茅e par le NEPAD 脿 l鈥檃ugmentation de la production agricole et 脿 la valorisation des revenus agricoles, la r茅forme rurale du continent demeure co没teuse et laborieuse, les progr猫s obtenus dans ce domaine ayant 茅t茅 trop lents pour emp锚cher le nombre de personnes souffrant de la faim d鈥檃ugmenter d鈥檜n million par an.

Fin mai 2007, le secr茅tariat du NEPAD a fait savoir qu鈥檜n collectif de 800 experts afri颅cains de l鈥檈nvironnement, de la pr茅servation et de l鈥櫭ヽonomie avaient 茅labor茅 une s茅rie de mesures d茅taill茅es d鈥檃daptation aux changements climatiques pour chaque sous-r茅gion du continent. Ces mesures seront pr茅sent茅es par les chefs d鈥橢tat africains 脿 la prochaine r茅union de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques qui se tiendra 脿 la fin de l鈥檃nn茅e 脿 Bali.

March茅s plus verts

M锚me si elle est plus urgente en Afrique, la question de concilier les besoins environnementaux pressants avec les dures r茅alit茅s 茅conomiques se pose partout. Les d茅penses qu鈥檈ntra卯ne la r茅duction des 茅missions de gaz 脿 effet de serre ont frein茅 les initiatives envisag茅es depuis une dizaine d鈥檃nn茅es, m锚me dans les pays riches. Lorsque les scientifiques expliquent qu鈥檌l serait moins co没teux d鈥櫭﹍iminer d猫s 脿 pr茅sent les 茅missions pour pr茅venir les cons茅quences les plus graves des changements climatiques, certains gouvernements r茅pliquent qu鈥檌l faut proc茅der 脿 des r茅ductions plus progressives et plus modestes, 茅tant donn茅 le co没t de ces mesures pour les entreprises et les consommateurs et les pr茅judices possibles pour l鈥櫭ヽonomie mondiale.

Dans une 茅tude importante r茅alis茅e en 2006 sur les aspects 茅conomiques des changements climatiques au Royaume-Uni, Sir Nicholas Stern, ancien 茅conomiste en chef 脿 la Banque mondiale, explique que la nature m锚me des march茅s lib茅ralis茅s les emp锚che d鈥櫭猼re naturellement plus verts. Et de fournir l鈥檈xemple suivant : les b茅n茅fices provenant de la production d鈥檜ne tonne d鈥檃cier sont partag茅s par une poign茅e d鈥檌ndividus 鈥� les propri茅taires de l鈥檃ci茅rie, les ouvriers et les actionnaires, alors que, calcul茅 en termes d鈥櫭﹎ission de gaz 脿 effet de serre et de dommages inflig茅s 脿 l鈥檈nvironnement, le co没t de cette tonne d鈥檃cier se r茅partit entre des milliards de personnes dans le monde sur de nombreuses g茅n茅rations. C鈥檈st pr茅cis茅ment pourquoi, poursuit-il, les propri茅taires de l鈥檃ci茅rie n鈥檃uront aucune motivation pour augmenter leurs co没ts de production de fa莽on 脿 r茅duire la pollution. 鈥淟es changements climatiques repr茅sentent la faillite la plus grave des march茅s que le monde ait jamais connu鈥�, a estim茅 Sir Stern.

Toute r茅forme 茅conomique devra donc sanctionner plus s茅v猫rement les pollueurs si l鈥檕n veut enrayer la progression du r茅chauffement plan茅taire. Certains ont propos茅 l鈥檌mposition d鈥檜ne taxe sur les 茅missions de gaz 脿 effet de serre 鈥� de telle sorte que la pr茅vention serait moins co没teuse que la production d鈥櫭﹎issions. Cet 鈥渋mp么t sur le gaz carbonique鈥� se heurte toutefois 脿 une vive opposition dans de nombreux pays et n鈥檃 茅t茅 adopt茅 que par une poign茅e de pays.

Une autre m茅thode de quantification de la pollution 鈥� le m茅canisme d鈥櫭ヽhange des droits d鈥櫭﹎ission 鈥� a connu plus de succ猫s depuis l鈥檈ntr茅e en vigueur du Protocole de Kyoto. Ce dernier exige des pays industriels signataires qu鈥檌ls r茅duisent leur production de gaz 脿 effet de serre d鈥檈nviron 5 % par rapport aux niveaux des ann茅es 1990. Le Protocole a 茅galement 茅tabli le M茅canisme pour le d茅veloppement propre de la Conf茅rence-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui autorise les industries les plus polluantes 脿 acheter des droits de pollution de pays peu polluants en 茅change d鈥檌nvestissements dans les projets 茅cologiques de ces derniers.

A titre d鈥檈xemple, dans l鈥檋ypoth猫se o霉 les propri茅taires de l鈥檃ci茅rie susmentionn茅e seraient invit茅s par leur gouvernement respectueux du Protocole de Kyoto 脿 r茅duire leurs 茅missions de gaz carbonique de 10 tonnes, ils pourraient soit investir dans l鈥檃cquisition d鈥檜n mat茅riel de production moins polluant, soit faire planter suffisamment d鈥檃rbres en Afrique pour absorber 10 tonnes de gaz听carbonique, si cela est moins co没teux. Le m茅canisme autorise les propri茅taires de l鈥檃ci茅rie 脿 d茅duire la quantit茅 de gaz carbonique retenue par ces arbres de leurs objectifs de r茅duction des 茅missions polluantes, ce qui leur permet de r茅aliser des 茅conomies et les incite 脿 investir sur le continent.

Le m锚me principe s鈥檃ppliquerait 脿 un projet d鈥檌nstallation en Afrique d鈥檜ne centrale hydro茅lectrique ou de gaz naturel propre 脿 la place d鈥檜ne centrale 脿 charbon polluante. Dans ce cas, les investisseurs du Nord seraient autoris茅s 脿 tenir compte, dans leurs objectifs de r茅duction de la pollution sur le plan national, de la diminution de la pollution obtenue gr芒ce 脿听la centrale plus propre en Afrique. Le m茅canisme pr茅voit m锚me l鈥檃chat et la vente de 鈥渃r茅dits de gaz carbonique鈥�, un peu 脿 la mani猫re des actions boursi猫res.

Les transactions de gaz carbonique, dont l鈥檌d茅e remonte 脿 la fin de 1997, s鈥櫭﹍猫vent aujourd鈥檋ui 脿 22听milliards de dollars. L鈥橝frique, qui esp茅rait pouvoir tabler sur son image de petit pollueur pour inciter les capitaux du M茅canisme pour le d茅veloppement propre 脿 financer ses projets de d茅veloppement vert, n鈥檃 attir茅 脿 ce jour que moins de 2 % des projets financ茅s par le M茅canisme dans le monde. Ce manque d鈥檌nt茅r锚t s鈥檈xplique par la p茅nurie d鈥檕rganismes financiers et commerciaux performants et l鈥檌nsuffisance des moyens administratifs et de gestion du continent.

Le M茅canisme a suscit茅 d鈥檃utres critiques, ses d茅tracteurs affirmant que les pays riches et les milieux d鈥檃ffaires s鈥檈n servaient pour 茅viter d鈥檃voir 脿 r茅duire leurs 茅missions de gaz polluant et trahissaient leurs engagements de Kyoto en exag茅rant l鈥檌mportance de leurs projets environnementaux compensatoires.

Mais puisque l鈥檃ccord de Kyoto arrive 脿 茅ch茅ance en 2012 et qu鈥檌l est maintenant prouv茅 que le r茅chauffement plan茅taire est plus rapide que pr茅vu, il n鈥檈st听pas impossible que le d茅veloppement vert de l鈥橝frique profite des r茅formes 茅conomiques n茅cessaires pour lutter contre le r茅chauffement plan茅taire. 鈥淥n ne dispose que d鈥檜n minuscule cr茅neau pour renverser la courbe ascendante des 茅missions de gaz 脿 effet de serre, a d茅clar茅 脿 la presse Rajendra Pachauri en mai 脿 Bangkok. On ne peut pas se permettre d鈥檃ttendre.鈥�