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Lutte contre la sécheresse au Burkina Faso

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Lutte contre la sécheresse au Burkina Faso

Responsables politiques, paysans et activistes se préparent à la bataille
Afrique Renouveau: 
Ouagadougou
Panos / Jeremy Hartley
Planting trees along a stone line Plantation d’arbres le long d’un cordon de pierres pour empêcher l’érosion provoquée par les pluies torrentielles.
Photo: Panos / Jeremy Hartley

La vague de chaleur qui déferle sur l’ensemble du pays depuis le mois de mars, n’est pas encore prête de s’estomper en ce début de mois de mai où les pluies tardent véritablement à s’installer dans toutes les régions. A part quelques pluies isolées ça et là dans les régions de l’Ouest, du Sud-ouest et de l’Est.

Les paysans, à travers le pays, se sont affairés depuis quelques semaines à préparer leurs champs et nombreux sont ceux qui n’attendent plus que les premières pluies pour commencer les semailles, à l’image d’Abel Raogo, cultivateur d’une soixantaine d’années dans le village d’Ipelcé, localité située à une cinquantaine de kilomètres de Ouagadougou.

Assis dans son champ, à l’ombre d’un karité, le vieux Raogo se souvient : “Elles sont bien loin derrière nous les années fastes et généreuses où, déjà en avril, la campagne agricole était installée à la faveur d’une arrivée précoce des pluies. Nous n’étions pas tourmentés il y a une quarantaine d’années par l’angoisse permanente d’une issue incertaine de la saison."

Hamadou Tamboura, originaire de la région, s’apprête à regagner les terres fertiles de la province du Ziro à 100 kilomètres de Ouagadougou au sud du pays où il a émigré depuis 5 ans avec une partie de sa famille pour développer des activités d’élevage et agricoles. “J’ai choisi de m’installer dans la zone de Sapouy pour échapper aux conditions rigoureuses d’adaptation aux contraintes de l’environnement hostile et des terres fortement dégradées du Sahel où l’on ne peut jamais être maître de son destin agricole."

Ces deux paysans sont conscients que leurs conditions de vie et d’existence ne sont plus les mêmes car ils vivent les dures réalités des changements atmosphériques dont ils n’arrivent pas toujours à expliquer l’origine. Ils ne demandent pas qu’on leur parle de concept de changements climatiques pour en comprendre forcément la nature. Ils veulent plutôt qu’on leur trouve des solutions concrètes à la dégradation et à la perte de la fertilité de leurs sols, à la diminution des ressources en eau dans leurs terroirs, au tarissement précoce des cours d’eau.

Drawing water in rural Burkina Faso Au puits dans la campagne du Burkina Faso : Le gouvernement aide les villageois à forer des puits et à construire de petits réservoirs pour faire un meilleur usage des maigres ressources en eau du pays.
Photo: Peter Arnold Inc. / Glen Christian

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L’économie du Burkina est principalement fondée sur l’agriculture qui fournit 80 % des emplois de la population. Les contraintes naturelles telles que la dégradation des sols, les sécheresses récurrentes, le déboisement et l’extension du désert y ont des conséquences graves.

Depuis quatre décennies, le Burkina connaît des variations climatiques extrêmes. La séche­resse des années 70 a provoqué une grave famine qui a coûté de nombreuses vies humaines et causé d’importantes pertes de cheptel.

Depuis plusieurs décennies, les zones désertiques du Burkina s’étendent. Ce processus de “désertification” est pour les chercheurs difficile à isoler des changements climatiques.

Une étude de 2006, produite par le Conseil National pour l’Environnement et le Développement Durable (CONEDD), organe de coordination interministériel qui comprend également des experts indépendants et des représentants de la société civile, a identifié les quatre secteurs qui sont le plus vulnérables aux changements climatiques : l’eau, l’agriculture, l’élevage et la foresterie.

Des pluies moins abondantes et des températures plus élevées ont contribué à l’ensablement et à l’envasement des lacs et des rivières, qui subissent de plus une très forte évaporation, ainsi qu’à un déclin à long terme de la capacité des retenues d’eau. Selon les chiffres du gouvernorat local, dans la région du Plateau central, trois quarts des 84 barrages et retenues sont ensablés et plus de la moitié ont besoin d’une réhabilitation. Les populations rurales rapportent que certains barrages et retenues d’eau ne conservent plus assez d’eau pendant la saison sèche pour leur permettre d’irriguer leurs récoltes.

Albert Bouda cultive des légumes dans des champs alimentés par la retenue du barrage de Goué, près de Ouagadougou mais connaît aujourd’hui des difficultés. “Nous sommes obligés de creuser des puits pour les besoins complémentaires de nos cultures en eau afin de sauver nos activités,” a-t-il déclaré à Afrique Renouveau.

Les températures plus élevées provoquent une évaporation plus forte des plans d’eau tout en dégradant la qualité des sols, contribuent à la propagation de certaines espèces nuisibles à l’agriculture en provenance du Nord du pays, comme les criquets pèlerins, à la baisse des rendements agricoles et à la réduction de la biodiversité. Les experts agricoles estiment que 30 % des terres du Burkina souffrent d’une sérieuse dégradation.

Les régions de l’Est et du Sud-ouest du pays, qui sont riches en ressources naturelles et qui bénéficient généralement de conditions climatiques plus favorables, sont de plus en plus touchées par les températures élevées et des poches de sécheresse. Les activités humaines — déboisement excessif par la récolte de bois de chauffage, surpâturage et cultures plus intensives — contribuent également à la dégradation de l’environnement.

Dans l’Est, “nous constatons les prémices d’une pression grandissante sur la terre, spécialement en ce qui concerne des ressources stratégiques comme les aires protégées, les rivières et les lacs,” note Antoinette Ouédraogo, présidente d’une association de développement féminine et membre d’un groupe national d’experts sur les changements climatiques. Ces pressions, a-t-elle expliqué à Afrique Renouveau, comprennent le défrichement incontrôlé, le braconnage de la faune et la migration du bétail des pasteurs du Nord à la recherche de nouveaux pâturages. Ces pratiques nuisibles à l’environnement aggravent les effets des changements climatiques.

Paradoxalement, le Nord, qui a habituellement la moyenne de précipitations la plus basse du Burkina Faso, a reçu ces dernières années des pluies très fortes complètement inattendues. En août 2006, par exemple, des pluies torrentielles ont provoqué de graves inondations dans la province d’Oudalan. Pendant ce temps, les tempêtes de sable, qui normalement ne frappent que le Nord, sont apparues dans d’autres régions.

Un plan d’adaptation

En 1992, le Burkina a été l’un des premiers signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, négociée la même année. Fin 2006, un groupe interdisciplinaire de spécialistes, travaillant sous l’autorité du Ministère de l’environnement, a dressé un Programme d’action national d’adaptation aux changements climatiques (PANA), destiné à lancer des initiatives concrètes en réponse aux défis que présentent les changements climatiques. Ce plan a été adopté par le gouvernement.

Elaboré en consultation avec des organisations de la société civile et des représentants locaux, le PANA a pour but d’identifier les besoins et les projets les plus urgents pour aider les communautés à faire face aux conséquences négatives des changements climatiques.

“Même si la situation au Burkina n’est pas catastrophique, il y a lieu de se préoccuper et de dégager les moyens financiers et humains nécessaires pour s’attaquer aux impacts du phénomène” explique Mamadou Nadia, membre du comité de pilotage du PANA.

Tel qu’il est conçu, le PANA ne servira pas simplement à remédier aux effets négatifs actuels des changements climatiques; il servira aussi à prévenir leurs conséquences futures et à se préparer à l’apparition de nouvelles menaces. Selon les experts nationaux, l’on observera un réchauffement continu avec des températures plus élevées qui connaîtront une hausse de 0,8% d’ici à 2025 et de 1,7% d’ici à 2050. La pluviométrie connaîtra quant à elle une diminution de 3,4% en 2025 et de 7,3% en 2050.

“La baisse de la pluviométrie, alliée à la hausse de la température, aura des répercussions négatives sur la production agricole en général et sur le couvert végétal, du fait de la diminution des ressources en eau de surface et souterraines. La satisfaction des besoins en eau des populations, du bétail et des cultures, connaîtra des difficultés car les disponibilités en eau seront faibles,” avertissent-ils.

Face à des problèmes énormes et avec des ressources limitées, le plan note qu’il faudra l’implication de tous les acteurs nationaux pour contrer les effets négatifs des changements climatiques ainsi qu’une aide suffisante de la communauté internationale.

Réservoirs, arbres et semences

Que ce soit contre l’impact des changements climatiques ou plus généralement contre la dégradation de l’environnement, le gouvernement a déjà lancé des initiatives sur plusieurs fronts. Dans son dernier “discours sur la situation de la nation” prononcé annuellement devant le parlement, le Premier ministre Paramanga Ernest Yonli a cité un certain nombre de mesures prises au cours de l’année écoulée :

  • Le développement de projets d’irrigation à petite échelle sur 26 000 hectares et la formation de milliers d’agriculteurs aux techniques d’irrigation et de gestion de l’eau dans le cadre d’un plan décennal de promotion de l’agriculture irriguée
  • Le début ou l’achèvement de travaux de construction de plus d’une vingtaine de barrages et de réservoirs de taille moyenne
  • “L’adaptation aux changements climatiques” par la prolongation d’un projet expérimental d’ensemencement des nuages dans les zones sahéliennes arides (Programme Saaga)
  • La production de plus de 8 millions de plants d’arbre destinés à reboiser 13 000 hectares
  • La mise en place de plus de 1 660 kilomètres de “haies vives” pour constituer des coupe-vents
  • La réhabilitation d’environ 4 000 hectares de terres dégradées
  • La fixation de près de 350 hectares de dunes dans le Sahel
  • Des mesures d’incitation aux agriculteurs pour qu’ils adoptent des variétés de semences nouvelles, améliorées et plus résistantes demandant moins d’eau, comme un manioc à haut-rendement et le Nouveau riz pour l’Afrique (NERICA)

De nombreux groupes de la société civile et d’ONG sont actifs au Burkina Faso en matière d’environnement. Ils aident à former les agriculteurs à la conservation de l’eau, de la couche arable du sol et de la végétation; ils introduisent des pratiques qui préservent l’environnement tout en augmentant les rendements.

Selon Henriette Ouédraogo, Présidente de l’association Ragussi, qui regroupe 60 femmes productrices de beurre de karité dans la région du centre du pays, il faut sensibiliser les femmes aux risques du déboisement anarchique et aux dangers de certains types de pesticides et d’engrais chimiques.

Dialogue et partenariats

Pour échanger leurs expériences et coordonner leurs domaines d’intervention, un grand nombre de ces groupes environnementaux ont formé le Réseau des ONG et associations de protection de l’environnement et de lutte contre la pauvreté (ROAPE). Paul Bayili, son coordonnateur, pense que la société civile a un rôle clé à jouer en matière de sensibilisation de la population aux changements climatiques.

“Le ROAPE se fixe comme défi de popu­lariser le concept” a déclaré M. Bayili à Afrique Renouveau.

En mars, le ROAPE a organisé un atelier régional sur les changements climatiques afin de définir une stratégie permettant de contrer leurs effets négatifs. Les participants ont reconnu qu’il importait de sensibiliser le grand public, les décideurs et les responsables des réserves forestières.

Selon M. Honadia, du comité de pilotage du PANA, des partenariats avec le gouvernement et des ONG similaires ainsi qu’avec des experts techniques, des producteurs ruraux et des organismes d’aide au développement sont essentiels.

“Il faut un dialogue qui permette de mettre au point des projets concertés qui tirent parti de l’expérience acquise sur le terrain et qui impliquent tous les acteurs, a-t-il déclaré à Afrique Renouveau.

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