Au cours des deux derni¨¨res d¨¦cennies, la demande alimentaire n'a cess¨¦ de cro¨ªtre avec l'accroissement de la population mondiale, l'am¨¦lioration des revenus et la diversification des r¨¦gimes alimentaires. Jusqu'en 2000, les prix des denr¨¦es alimentaires ont baiss¨¦ gr?ce ¨¤ des r¨¦coltes records. Simultan¨¦ment, les investissements publics et priv¨¦s en agriculture (surtout dans la production d'aliments de base) ont diminu¨¦ et conduit ¨¤ la stagnation ou ¨¤ la baisse de la croissance des r¨¦sultats des r¨¦coltes dans la plupart des pays en d¨¦veloppement1. L'urbanisation rapide a conduit ¨¤ la conversion des terres agricoles en terres non agricoles. En outre, la faiblesse des prix a encourag¨¦ les agriculteurs ¨¤ se tourner vers d'autres cultures alimentaires ou non alimentaires. L'utilisation instable des terres a ¨¦galement caus¨¦ la d¨¦gradation des terres, l'¨¦rosion des sols, l'¨¦puisement des ¨¦l¨¦ments nutritifs, la raret¨¦ de l'eau, la d¨¦sertification et la perturbation des cycles biologiques.
? partir de 2004, les prix des denr¨¦es alimentaires ont commenc¨¦ ¨¤ augmenter, et la production s'est accrue, mais plus lentement que la demande2. En 2005, l'extr¨ºme gravit¨¦ des intemp¨¦ries dans les grands pays producteurs ont entra¨ªn¨¦ une baisse de la production c¨¦r¨¦ali¨¨re mondiale de 2,1 % en 20063. En 2007, l'augmentation rapide du prix du p¨¦trole a non seulement entra¨ªn¨¦ une hausse du prix des engrais et autres facteurs de production alimentaire, mais a cr¨¦¨¦ aussi un climat favorable ¨¤ une expansion des biocarburants ¨¤ partir de c¨¦r¨¦ales, essentiellement de c¨¦r¨¦ales secondaires et d'ol¨¦agineux. Un grand nombre de pays ont impos¨¦ des restrictions aux exportations des produits de base tandis que certains importateurs cl¨¦s ont achet¨¦ des c¨¦r¨¦ales ¨¤ n'importe quel prix pour maintenir leurs stocks alimentaires. Ceci s'est traduit par une certaine panique et volatilit¨¦ dans les march¨¦s de c¨¦r¨¦ales internationaux, a attir¨¦ des investissements sp¨¦culatifs et contribu¨¦ ¨¤ l'envol¨¦e des prix.
Alors que certains prix semblent se stabiliser, la plupart devraient demeurer ¨¦lev¨¦s. Les bonnes r¨¦coltes anticip¨¦es dans les principaux pays producteurs de c¨¦r¨¦ales et des indications selon lesquelles quelques grands producteurs sont pr¨ºts ¨¤ assouplir les restrictions aux exportations ont commenc¨¦ ¨¤ calmer les march¨¦s de c¨¦r¨¦ales. Les prix internationaux ont commenc¨¦ ¨¤ descendre des sommets qu'ils avaient atteints. Cependant, dans le moyen ¨¤ long terme la dynamique de l'offre et la demande, le prix ¨¦lev¨¦ des carburants, des menaces mondiales comme le changement climatique4, le stress hydrique et la d¨¦gradation des ressources en eau, devraient maintenir les prix des denr¨¦es alimentaires bien au-dessus de leurs niveaux de 2004.
UN TRIPlE D?FI
La crise alimentaire mondiale actuelle est un ¨¦norme d¨¦fi. Pour y faire face efficacement et ¨¦viter une paup¨¦risation massive ainsi que le recul des progr¨¨s si difficilement obtenus dans le domaine du d¨¦veloppement, il faudra un engagement politique soutenu aux plus hauts niveaux pendant des ann¨¦es. Cette crise ne peut ¨ºtre abord¨¦e isol¨¦ment. En effet, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies, Ban Ki-moon, a identifi¨¦ la crise alimentaire mondiale, les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦velopement et les changements climatiques comme un triple d¨¦fi pour le monde au cours des prochaines ann¨¦es.
Mais la communaut¨¦ internationale est-elle capable de travailler de concert pour promouvoir un d¨¦veloppement durable, compte tenu de la croissance d¨¦mographique rapide et de l'¨¦puisement des ressources hydriques, fonci¨¨res et ¨¦nerg¨¦tiques ?
Pour r¨¦pondre ¨¤ cette crise alimentaire, les Nations Unies ont cr¨¦¨¦ une ?quipe sp¨¦ciale de haut niveau sur la crise mondiale de la s¨¦curit¨¦ alimentaire, pr¨¦sid¨¦e par Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral Ban Ki-moon. Elle est compos¨¦e des responsables des institutions sp¨¦cialis¨¦es, des fonds et des programmes des Nations Unies, des institutions de Bretton Woods et des parties concern¨¦es du Secr¨¦tariat des Nations Unies5. Son objectif a ¨¦t¨¦ de cr¨¦er un plan d'action face ¨¤ la crise et de coordonner sa mise en ?uvre. Ce plan, connu sous le nom de Cadre global d'action, propose des moyens pour faire face aux menaces et saisir les opportunit¨¦s li¨¦es ¨¤ la hausse des prix des denr¨¦es alimentaires; encourager les changements de politique afin d'¨¦viter de futures crises alimentaires; et contribuer ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle aux niveaux national, r¨¦gional et international.
Bien que ce Cadre d'action soit un produit concert¨¦ des membres de l'?quipe sp¨¦ciale, il a fait l'objet de larges consultations avec d'autres parties du syst¨¨me des Nations Unies, des sp¨¦cialistes et des groupes de r¨¦flexion internationaux, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et les principales ong internationales. Il ne pr¨¦tend pas apporter une solution magique ¨¤ tous les probl¨¨mes de la crise alimentaire mondiale, encore moins au triple d¨¦fi. Je crois cependant qu'il met en place un programme d'actions coordonn¨¦es et propose des recommandations qui peuvent faire la diff¨¦rence sur le long terme, dans un domaine fondamental, la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle.
LES CAUSES DU PROBL?ME
Les prix ont commenc¨¦ ¨¤ augmenter en 2004, avec une mont¨¦e en fl¨¨che particuli¨¨rement marqu¨¦e en 2006. Selon les pr¨¦visions de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations Unies, les importations alimentaires mondiales pourraient s'¨¦lever ¨¤ 1 035 milliards de dollars en 2008, soit une augmentation de pr¨¨s de 215 milliards de dollars par rapport ¨¤ 20076. Cela co?tera tr¨¨s cher aux pays ¨¤ faible revenu et au d¨¦ficit vivrier dont les d¨¦penses alimentaires augmenteront de plus de 40 % en 2008 et entra¨ªnera ¨¦galement une inflation, le d¨¦s¨¦quilibre de la balance des paiements et l'augmentation de la dette d'un grand nombre de pays ¨¤ faible revenu.
L'envol¨¦e fulgurante des prix alimentaires mondiaux au cours des douze derniers mois, associ¨¦e ¨¤ une diminution des stocks et ¨¤ la mont¨¦e en fl¨¨che des prix du p¨¦trole, a gravement mis en danger la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle mondiale et a soulign¨¦ de nouveau l'importance de prendre les mesures n¨¦cessaires pour garantir le droit ¨¤ une alimentation suffisante. La faim et la malnutrition sont les plus grandes menaces pos¨¦es ¨¤ la sant¨¦ publique, faisant plus victimes que le vih/sida, le paludisme et la tuberculose conjugu¨¦s. Chaque jour, 25 000 personnes, dont plus de 10 000 enfants, meurent de la faim et des causes associ¨¦es. On estime que 854 millions de personnes sont sous-aliment¨¦es dans le monde et que la hausse des prix risque de faire basculer 100 millions de personnes suppl¨¦mentaires dans la pauvret¨¦ et la faim. Les risques sont particuli¨¨rement ¨¦lev¨¦s parmi ceux qui d¨¦pensent au moins 60 % de leurs revenus pour se nourrir : les pauvres et les populations d¨¦plac¨¦es dans les villes, les populations rurales sans terres, les ¨¦leveurs de troupeaux et la majorit¨¦ des petits exploitants agricoles.
L'urbanisation est une dynamique cruciale de l'offre alimentaire. Les pauvres des villes, qui comprennent environ 1,2 milliard d'habitants de taudis, sont tr¨¨s vuln¨¦rables aux augmentations actuelles des prix des aliments et de l'¨¦nergie. M¨ºme dans des conditions normales de prix, ils sont souvent incapables de produire ou d'acheter des aliments ou une ¨¦nergie domestique pour subsister. L'urbanisation est aussi en train de changer de mani¨¨re irr¨¦versible les modes de consommation et de production. Les modes alimentaires urbains changent et sont de plus en plus vuln¨¦rables aux chocs ext¨¦rieurs en raison de la d¨¦pendance ¨¤ l'¨¦gard des produits d'importation au d¨¦triment de ceux qui sont produits localement.
Les petits cultivateurs et leur famille repr¨¦sentent 2 milliards de personnes, soit environ un tiers de la population mondiale. On estime ¨¤ 85 % des exploitations (soit 450 millions) dans le monde de moins de deux hectares et la moyenne baisse. La majorit¨¦ des petits cultivateurs et des ouvriers agricoles sans terres vivent avec moins de deux dollars par jour et ach¨¨tent plus qu'ils ne produisent. Bon nombre d'entre eux sont des femmes qui sont d¨¦savantag¨¦es en ce qui concerne l'acc¨¨s ¨¤ la terre, les intrants agricoles, les services de vulgarisation, les march¨¦s et les financements. La capacit¨¦ des petites exploitations se heurte ¨¤ l'impossibilit¨¦ de se procurer des semences de qualit¨¦, des engrais ainsi que des m¨¦dicaments pour les b¨ºtes et les services connexes, ce qui aboutit ¨¤ une extension importante des zones utilis¨¦es pour l'agriculture ¨¤ des terres qui y sont moins appropri¨¦es, avec les graves cons¨¦quences que cela a pour les ¨¦cosyst¨¨mes.
Le Cadre global d'action veut ¨ºtre un catalyseur d'action en offrant aux gouvernements, aux institutions et organisations internationales et r¨¦gionales, ¨¤ la soci¨¦t¨¦ civile un ensemble de politiques et de mesures concr¨¨tes pour r¨¦pondre ¨¤ la crise. Il reconna¨ªt que toute r¨¦action doit prendre en compte les besoins, les capacit¨¦s et les situations propres ¨¤ tel pays ou r¨¦gion. Alors que de nombreuses actions n¨¦cessitent une aide ext¨¦rieure, les politiques et actions d¨¦finies dans le cadre d'action visent surtout ¨¤ am¨¦liorer la capacit¨¦ de r¨¦sistance des pays ¨¤ absorber les chocs futurs. La cl¨¦ de la r¨¦alisation des r¨¦sultats pr¨¦sent¨¦s dans le cadre d'action sera l'¨¦tablissement de partenariats ¨¦troits entre les gouvernements, les membres du Groupe d'action de haut niveau, les organisations de la soci¨¦t¨¦ civile et du secteur priv¨¦ et les donateurs.
LA MALNUTRITION ET LES MALADIES CHRONIQUES : UNE DOUBLE MENACE
Les cons¨¦quences imm¨¦diates des prix ¨¦lev¨¦s ont mis en ¨¦vidence la vuln¨¦rabilit¨¦ des m¨¦nages, des gouvernements et du syst¨¨me international ¨¤ l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle7. Les risques sont probablement plus prononc¨¦s dans les zones urbaines o¨´ les populations d¨¦pendent des march¨¦s pour l'alimentation. Toutefois, 75 % des pauvres du monde vivent dans les zones rurales et la plupart doivent acheter et produire des aliments. Beaucoup de petits exploitants, qui constituent la grande majorit¨¦ des producteurs agricoles, ne b¨¦n¨¦ficient pas de la hausse des prix. Ils sont incapables d'augmenter leur production faute d'acc¨¨s au financement, aux intrants agricoles, comme les semences, les engrais, l'¨¦nergie et les march¨¦s. Eux aussi ont du mal ¨¤ nourrir leur famille.
Le risque est que l'absence de mesures pour aider ces populations vuln¨¦rables ait un effet irr¨¦versible sur le d¨¦veloppement humain, en particulier pour les femmes et les enfants. Plus de 80 % de la population mondiale aujourd'hui n'ont pas acc¨¨s ¨¤ un syst¨¨me de protection sociale. Les plus vuln¨¦rables doivent se d¨¦brouiller du mieux qu'ils peuvent, souvent au d¨¦triment de leur sant¨¦ : ils r¨¦duisent le nombre de repas, consomment des aliments nutritifs, retirent leurs enfants de l'¨¦cole, vendent leur b¨¦tail et autres biens ou empruntent pour nourrir leur famille. La r¨¦duction de la ration nutritionnelle risque d'accro¨ªtre les taux de malnutrition pour des g¨¦n¨¦rations, aggrave l'¨¦tat de sant¨¦ des populations et r¨¦duit la r¨¦sistance aux maladies et aux chocs. La crise alimentaire est donc une double menace ¨¤ la sant¨¦ : la malnutrition, principalement chez les jeunes enfants, et les maladies chroniques (maladies cardiaques, diab¨¨te et certains cancers) est ¨¦troitement associ¨¦e ¨¤ un r¨¦gime alimentaire inad¨¦quat.
Les groupes qui sont victimes de l'exclusion sociale seront probablement plus vuln¨¦rables ¨¤ l'augmentation des prix des denr¨¦es alimentaires. Ils comprennent les communaut¨¦s autochtones, les minorit¨¦s ethniques, les handicap¨¦s, les populations d¨¦plac¨¦es, les apatrides et les migrants. Beaucoup de r¨¦fugi¨¦s et de personnes d¨¦plac¨¦es dans leur pays ont besoin d'une aide alimentaire pour vivre et manquent d'acc¨¨s ¨¤ une terre ¨¤ cultiver, ¨¤ l'emploi et ¨¤ des activit¨¦s g¨¦n¨¦ratrices de revenus. En effet, la crise alimentaire mondiale met en danger la vie de millions de personnes les plus vuln¨¦rables au monde entier et menace de compromettre les avanc¨¦es importantes vers la r¨¦alisation des Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement visant ¨¤ r¨¦duire la pauvret¨¦ et la faim8.
LA R?ACTION DES GOUVERNEMENTS Face ¨¤ la hausse des prix des denr¨¦es alimentaires, plusieurs gouvernements ont envisag¨¦ des mesures de politique commerciale et fiscale pour compl¨¦ter ou remplacer les filets de s¨¦curit¨¦ sociale interne. Toutefois, certaines politiques, comme un contr?le direct des prix, les restrictions aux exportations, des subventions g¨¦n¨¦ralis¨¦es ou des augmentations des salaires, peuvent fausser encore plus les march¨¦s, finir par ¨ºtre inefficaces ou ne pas ¨ºtre budg¨¦tairement viables. Le contr?le des prix pourra initialement stabiliser les attentes, mais ¨¤ long terme il aura un effet dissuasif sur les producteurs et les commer?ants. Il pourra ¨ºtre difficile ¨¤ appliquer et risquera d'entra¨ªner une p¨¦nurie alimentaire et une augmentation des activit¨¦s du march¨¦ noir. De m¨ºme, les restrictions ¨¤ l'importation peuvent augmenter la volatilit¨¦ des prix, resserrer les stocks et les disponibilit¨¦s alimentaires dans les march¨¦s internationaux et dissuader les exploitants d'investir dans le renforcement de la productivit¨¦.
Les prix ¨¦lev¨¦s ont contribu¨¦ ¨¤ la forte mont¨¦e de l'inflation dans de nombreux pays et aggrav¨¦ la balance des paiements des pays importateurs nets de produits alimentaires. On a calcul¨¦ que l'augmentation des prix des denr¨¦es alimentaire est entr¨¦e pour 44 % environ dans l'inflation mondiale au cours de l'ann¨¦e 2007. Ceci risque de compromettre la croissance d'un grand nombre de pays qui ont r¨¦ussi ¨¤ contr?ler l'inflation au prix de grands efforts. L'inflation fait baisser le niveau de vie, en particulier des populations pauvres, et mine la croissance et le d¨¦veloppement.
UN EFFET DE DOMINO
La hausse des prix alimentaires est une menace de troubles et d'instabilit¨¦ politique. Cette menace se fait particuli¨¨rement sentir dans les pays en proie ¨¤ un conflit ou qui en sortent, dans lesquels les institutions politiques et sociales sont fragiles et moins aptes ¨¤ calmer les mouvements de panique sociale. Sont particuli¨¨rement pr¨¦occupants les pays engag¨¦s dans une transition politique d¨¦licate ou qui comptent des groupes organis¨¦s pr¨ºts ¨¤ exploiter les frustrations populaires pour d¨¦fier l'?tat et son autorit¨¦. D'autres pays ¨¤ surveiller comprennent ceux qui souffrent d¨¦j¨¤ de graves situations humanitaires ou qui sont soumis ¨¤ des sanctions ou ¨¤ des embargos ¨¦conomiques. Il faut noter cependant que la vaste majorit¨¦ de ceux qui ont faim dans le monde souffrent en silence. On risque, en m¨¦nageant ceux qui sont dangereux, de perdre de vue les pacifiques.
La crise alimentaire actuelle menace aussi les march¨¦s alimentaires internationaux. La r¨¦duction mondiale des stocks nationaux de c¨¦r¨¦ales observ¨¦e ces derni¨¨res ann¨¦es a ¨¦t¨¦ due ¨¤ l'augmentation de la confiance dans le fait que les prix demeureraient relativement stables et que le commerce mondial permettrait aux pays d'acqu¨¦rir rapidement et facilement des c¨¦r¨¦ales sur les march¨¦s internationaux. La conjonction r¨¦cente des restrictions aux exportations et de la fermeture de l'acc¨¨s aux stocks alimentaires existants, aggrav¨¦e par la politique de subventions et de biocarburants de gros exportateurs, a contribu¨¦ ¨¤ miner cette confiance. Cela pourrait compromettre les progr¨¨s vers un syst¨¨me de commerce international juste et ¨¦quitable, les pays envisageant de revenir ¨¤ une autosuffisance alimentaire fond¨¦e uniquement sur leur propre production et leurs propres stocks - politiques connues pour avoir g¨¦n¨¦ralement sap¨¦ la croissance agricole.
LES LE?ONS TIR?ES DE LA CRISE
La flamb¨¦e des prix des denr¨¦es alimentaires peut profiter aux petits exploitants ¨¤ condition qu'ils b¨¦n¨¦ficient d'une aide appropri¨¦e. Les interventions devraient assurer l'acc¨¨s aux intrants (semences et engrais), la modernisation de l'infrastructure et l'application de m¨¦thodes pour r¨¦duire les pertes apr¨¨s les r¨¦coltes. Ceci augmentera les rendements, augmentera la protection des m¨¦nages ruraux et l'offre alimentaire locale. Il faudra compl¨¦ter ces mesures par des investissements accrus dans la recherche et l'infrastructure agricoles, ainsi que par des mesures tendant ¨¤ stimuler la productivit¨¦ des petites exploitations en appliquant des pratiques respectueuses de l'environnement9.
Les politiques et les programmes qui r¨¦pondent aux contraintes auxquelles font face les petits cultivateurs encourageront les investissements priv¨¦s dans le d¨¦velopement agricole et urbain dans de nombreux pays ¨¤ faible revenu et ¨¤ d¨¦ficit vivrier. Appliqu¨¦es de mani¨¨re syst¨¦matique, ces mesures accompagn¨¦es d'un meilleur acc¨¨s aux syst¨¨mes de financement et aux march¨¦s, augmenteront de mani¨¨re significative la contribution de l'agriculture ¨¤ la croissance ¨¦conomique et au recul de la pauvret¨¦.
La situation actuelle fournit une chance importante de porter une plus grande attention ¨¤ l'¨¦valuation des besoins, aux alertes rapides, ¨¤ la planification des mesures d'urgence, ¨¤ la gestion des risques et aux pratiques participatives. Ceci donne un moyen de pr¨¦venir et d'att¨¦nuer les risques li¨¦s ¨¤ la volatilit¨¦ du march¨¦ alimentaire. Des programmes internationaux d'aide alimentaire r¨¦pondent aux besoins des populations vuln¨¦rables et les emp¨ºchent de recourir ¨¤ des palliatifs dangereux. Toutefois, ces programmes ne peuvent pas toucher tous les mal nourris et les affam¨¦s du monde. Il faut mettre en place des syst¨¨mes cibl¨¦s de protection sociale qui assurent progressivement une couverture universelle aux groupes vuln¨¦rables pour renforcer la coh¨¦sion sociale et d¨¦velopper la capacit¨¦ ¨¤ absorber les chocs. Les programmes de protection pour les personnes ?g¨¦es, les personnes handicap¨¦es, les enfants, les r¨¦fugi¨¦s et les personnes d¨¦plac¨¦es devraient ¨ºtre reli¨¦s ¨¤ d'autres services sociaux de base. On pourra en outre entreprendre une expansion ou une r¨¦vision de programmes d'importance critique dans les domaines de la nutrition, de l'eau et de l'assainissement ainsi que de la sant¨¦, un pas crucial vers la r¨¦alisation du droit ¨¤ une alimentation suffisante et la promotion de pratiques nutritionnelles durables10.
Il est aujourd'hui possible de mettre en place une initiative internationale, d'adopter une position strat¨¦gique nouvelle sur le commerce agricole et d'¨¦valuer la mani¨¨re la plus efficace de faire face ¨¤ la volatilit¨¦ des march¨¦s alimentaires. Les prix ¨¦lev¨¦s peuvent conduire ¨¤ adopter, en mati¨¨re de commerce agricole, des politiques responsables qui b¨¦n¨¦ficieront aux pays ¨¤ faible revenu par exemple en cr¨¦ant un secteur d'agriculture commerciale viable. L'adoption d'engagements forts pour r¨¦former les programmes de subventions agricoles et l'acc¨¨s aux march¨¦s contribueraient ¨¤ ¨¦carter un obstacle majeur au progr¨¨s des n¨¦gociations commerciales de Doha dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (omc) tout en continuant ¨¤ appliquer les dispositions convenues pour prot¨¦ger les consommateurs dans les pays ¨¤ faible revenu importateurs de produits alimentaires11 et comprenant des dispositions tendant ¨¤ compl¨¦ter les efforts en vue d'accro¨ªtre l'investissement dans la petite agriculture des pays en d¨¦veloppement.
Dans le m¨ºme temps, un consensus est n¨¦cessaire sur les moyens d'assurer une plus grande compl¨¦mentarit¨¦ entre les priorit¨¦s de la production alimentaire, le d¨¦veloppement des biocarburants et la gestion de l'environnement, ce qui comprend une r¨¦¨¦valuation des politiques actuelles de subventions actuelles pour les biocarburants. En outre, il faut envisager des mesures pour redonner confiance dans les syst¨¨mes du commerce international et r¨¦gional, notamment pour savoir s'il faut (re)constituer des stocks de c¨¦r¨¦ales mondiaux et r¨¦gionaux bien g¨¦r¨¦s ou de faire davantage appel ¨¤ des instruments du march¨¦ financier susceptibles de prot¨¦ger les pays contre la volatilit¨¦ des march¨¦s alimentaires.
LE CADRE GLOBAL D'ACTION : AM?LIORER CE QUE NOUS AVONS
Le Cadre pr¨¦sente deux groupes d'action pour promouvoir une r¨¦action mondiale ¨¤ la crise alimentaire12. Tous deux exigent une attention urgente. Le premier vise ¨¤ r¨¦pondre aux besoins imm¨¦diats des populations vuln¨¦rables. Le second contribue ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle dans le monde. Ces actions ne sont ni exhaustives ni exclusives. Elles visent ¨¤ guider les ¨¦valuations et strat¨¦gies ¨¦labor¨¦es au niveau des pays et ¨¤ soutenir les efforts de coordination internationale.
Pour ¨ºtre plus efficaces, ces actions doivent ¨ºtre prises simultan¨¦ment aux niveaux national, r¨¦gional et international et ¨ºtre adapt¨¦es aux conditions nationales et locales, en prenant en compte des initiatives relatives aux changements climatiques et ¨¤ la r¨¦duction de la pauvret¨¦. Elles comprennent les efforts coordonn¨¦s de la part des principales parties prenantes, en particulier des gouvernements, de la soci¨¦t¨¦ civile et du secteur priv¨¦.
Action 1. R¨¦pondre aux besoins imm¨¦diats des populations vuln¨¦rables.
Le Cadre global d'action propose quatre r¨¦sultats de base pour r¨¦pondre aux menaces que posent les prix ¨¦lev¨¦s pour les populations vuln¨¦rables et les pays en d¨¦veloppement. Ceci contribuera ¨¤ r¨¦pondre aux besoins de ceux qui sont d¨¦j¨¤ appauvris et ¨¤ minimiser le nombre des nouvelles familles tombant dans l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire parce que leurs revenus ne peuvent plus leur permettre d'acheter suffisamment d'aliments. Ils visent ¨¤ r¨¦pondre aux demandes actuelles et futures de disponibilit¨¦s alimentaires. Ces r¨¦sultats assureront ¨¦galement :
a) le renforcement et l'augmentation de l'accessibilit¨¦ de l'aide alimentaire d'urgence, des interventions de nutrition et des filets de s¨¦curit¨¦; b) la stimulation de la production alimentaire des petits exploitants; c) l'ajustement de la politique commerciale et fiscale; d) la gestion des implications macro¨¦conomiques;
Ainsi, les r¨¦sultats embrassent l'ensemble d'actions n¨¦cessaires pour am¨¦liorer l'accessibilit¨¦ et la disponibilit¨¦ alimentaires.
La Cadre d'action souligne la n¨¦cessit¨¦ de partir des ressources et des capacit¨¦s disponibles, de renforcer des activit¨¦s d¨¦j¨¤ en cours et d'am¨¦liorer les interventions plut?t que d'en lancer de nouvelles. L'accent sera mis sur des actions qui peuvent donner des r¨¦sultats rapides, mais la dur¨¦e des activit¨¦s pourra d¨¦pendre d'un certain nombre de facteurs comme la suppression des interdictions d'exporter, la vitesse et l'ampleur de la r¨¦action de l'offre et les ajustements apport¨¦s aux prix des denr¨¦es alimentaires.
Action 2. Mettre en place une capacit¨¦ de r¨¦sistance ¨¤ long terme et contribuer ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle dans le monde.
Le Cadre d'action propose quatre r¨¦sultats de base pour cerner les possibilit¨¦s offertes par la flamb¨¦e des prix, mettre en place une capacit¨¦ d'adaptation, contribuer ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle en s'attaquant aux facteurs fondamentaux qui sont ¨¤ l'origine de la crise des prix. Les r¨¦sultats proposent :
a) l'expansion des syst¨¨mes de protection sociale; b) le maintien de la croissance de la production alimentaire des petits exploitants; c) l'am¨¦lioration des march¨¦s internationaux de produits alimentaires; et d) le d¨¦veloppement du consensus international sur les biocarburants.
Ces r¨¦sultats reconnaissent que la satisfaction des besoins imm¨¦diats doit ¨ºtre compl¨¦t¨¦e par des actions qui contribueront ¨¤ accro¨ªtre le degr¨¦ d'autosuffisance des populations vuln¨¦rables, des exploitants et des pays. La r¨¦alisation de ces r¨¦sultats permettra aux populations et aux pays de mieux absorber les chocs futurs des prix des produits alimentaires et des carburants tout en faisant en sorte que de tels chocs se produisent le moins possible. Ces r¨¦sultats contribuent aussi directement ¨¤ la r¨¦alisation de l'objectif de r¨¦duction de la pauvret¨¦ des OMD13 et concernent des actions de soutien des petits exploitants ainsi que des femmes rurales, des populations pauvres des zones rurales et urbaines. Cela dit, de nombreuses actions soutiennent la mise en place d'infrastructures et autres biens publics, de sorte que les gros exploitants en profiteront ¨¦galement. Le but est d'inciter le secteur priv¨¦ ¨¤ investir davantage et de mani¨¨re plus soutenue dans les petites exploitations.
Ces mesures refl¨¨teront le besoin d'une viabilit¨¦ ¨¤ long terme et la n¨¦cessit¨¦ d'¨¦viter d'aggraver les dommages caus¨¦s ¨¤ l'environnement. Elles devront ¨ºtre agr¨¦¨¦es et promues par les gouvernements, la soci¨¦t¨¦ civile et le secteur priv¨¦. Elles appellent ¨¦galement des engagements concert¨¦s ¨¤ long terme de la part de toutes les parties prenantes et exigent des actions qui soient modulables et qui s'ajustent ¨¤ mesure que les conditions ¨¦voluent.
SYST?MES D'ALERTE RAPIDE
A l'appui de ces deux groupes d'actions, le Cadre d'action sugg¨¨re de renforcer les syst¨¨mes de coordination, d'¨¦valuation, de contr?le et de surveillance. Des informations plus fiables et plus soutenues permettront de mieux se pr¨¦munir contre les nouveaux chocs et de minimiser les risques et les effets des prix des denr¨¦es alimentaires ¨¦lev¨¦s sur les plus vuln¨¦rables.
Il se fait d¨¦j¨¤, au niveau national et mondial, un gros travail qui peut ¨ºtre ¨¦largi. Les syst¨¨mes de contr?le et d'information sont contr?l¨¦s et harmonis¨¦s en vue de saisir les ¨¦volutions concernant l'acc¨¨s aux aliments, leur existence et leur utilisation, et de d¨¦terminer l'ampleur des besoins parmi diff¨¦rentes cat¨¦gories de moyens de subsistance. D'autres ressources sont n¨¦cessaires pour renforcer le suivi des ¨¦volutions au niveau des collectivit¨¦s, des m¨¦nages, des march¨¦s ainsi que des ¨¦changes avec l'¨¦tranger pour permettre une bonne gestion de la crise actuelle.
Les pays ¨¤ risques ¨¦lev¨¦s et qui sont, de ce fait, appel¨¦s ¨¤ voir les plus grands changements dans leur profil de s¨¦curit¨¦ alimentaire font l'objet d'une grande attention. Ce sont les pays qui : a) montrent une faible capacit¨¦ de r¨¦action et des niveaux ¨¦lev¨¦s d'ins¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle ainsi que de pauvret¨¦; b) ont des importations ¨¦lev¨¦es de produits alimentaires et de carburants en comparaison avec le total de leurs importations, exportations et r¨¦serves en devises; c) ont des populations urbaines relativement nombreuses; d) connaissent d¨¦j¨¤ de fortes pressions inflationnistes et un climat politique instable; e) dont les populations d¨¦pensent une part importante du revenu des m¨¦nages en nourriture et qui sont expos¨¦s ¨¤ une ins¨¦curit¨¦ alimentaire; f) sont de plus en plus expos¨¦s ¨¤ des conditions atmosph¨¦riques extr¨ºmes li¨¦es au changement climatique.
COMMENT R?ALISER LE CADRE GLOBAL D'ACTION
La responsabilit¨¦ incombe aux gouvernements nationaux qui, de ce fait, sont au centre de l'action. Ils y sont rejoints par des organismes priv¨¦s, par des organisations d'agriculteurs/producteurs, par des organisations de la soci¨¦t¨¦ civile, par des instances politiques et financi¨¨res r¨¦gionales, par des organismes donateurs ainsi que par des institutions des Nations Unies et de Bretton Woods. Ces parties prenantes ont d¨¦j¨¤ commenc¨¦ ¨¤ faire face aux cons¨¦quences les plus urgentes de la crise. Elles ont r¨¦allou¨¦ les ressources de programmes et mobilis¨¦ des fonds nouveaux pour assurer l'acheminement de l'aide alimentaire ainsi que des soins et du soutien nutritionnels (y compris la pr¨¦vention et la gestion de la sous-nutrition et le soutien de filets de s¨¦curit¨¦ sociale pour les plus vuln¨¦rables). Elles fournissent aux petits exploitants des semences, des engrais et autres intrants de base.
La volont¨¦ d'action des gouvernements sera essentielle pour stimuler la r¨¦action au niveau des pays. Pour permettre des r¨¦actions bien r¨¦fl¨¦chies, cibl¨¦es et efficaces, les institutions internationales travaillent de concert avec les autorit¨¦s nationales ¨¤ la r¨¦alisation d'¨¦valuations sur la situation des pays concernant la s¨¦curit¨¦ alimentaire. L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, le Fonds international pour le d¨¦veloppement agricole, le Programme alimentaire mondial et la Banque mondiale ont d¨¦j¨¤ fini leur ¨¦valuation commune de 22 pays et des ¨¦valuations entreprises par diverses institutions ont ¨¦t¨¦ faites dans plus de 60 autres. Utilisant les bases de donn¨¦es mondiales sur la nutrition, l'Organisation mondiale de la sant¨¦ a de son c?t¨¦ ¨¦valu¨¦ la vuln¨¦rabilit¨¦ des pays. Celles-ci ont mis au jour l'augmentation importante des co?ts d'ex¨¦cution et le surcro¨ªt de soutien financier et technique n¨¦cessaire pour r¨¦pondre ¨¤ la crise, tant en milieu rural qu'en milieu urbain. Des efforts sont en cours pour axer le travail du groupe d'action de haut niveau sur les pays ¨¤ partir de ces ¨¦valuations.
Au cours des six prochains mois, la crise devrait s'aggraver et les membres du groupe d'action de haut niveau pr¨ºteront une attention concert¨¦e ¨¤ plusieurs priorit¨¦s mondiales : r¨¦pondre aux besoins d'aide alimentaire et de protection sociale ¨¦largie; distribuer des facteurs de production et autres aides ¨¤ agriculture; infl¨¦chir les orientations; et mobiliser les concours et r¨¦pondre aux demandes de soutien.
POUR UN PARTENARIAT GLOBAL POUR L'ALIMENTATION
Pour soutenir les gouvernements dans leur r?le de direction, le Groupe d'action de haut niveau envisage de cr¨¦er un partenariat large essentiel pour le Cadre global d'action et consid¨¨re qu'il sera un facteur cl¨¦ pour assurer la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle. C'est pourquoi ses membres s'engagent en faveur d'une approche plus unifi¨¦e, d'une action plus concert¨¦e et d'une coordination plus forte au niveau des pays. Ce partenariat englobera le secteur priv¨¦, les organisations d'agriculteurs/producteurs, les bailleurs de fonds, les organisations non gouvernementales, la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge. Le groupe d'action encouragera les partenariats avec les organisations r¨¦gionales, les banques r¨¦gionales de d¨¦veloppement et autres banques multilat¨¦rales pour renforcer la coordination de l'analyse et des r¨¦actions ¨¤ la crise alimentaire.
Le Cadre global d'action servira de cadre organisateur pour la coordination. Les modalit¨¦s de cette coordination varieront d'un pays ¨¤ l'autre, mais elles se caract¨¦riseront g¨¦n¨¦ralement par une ¨¦troite et syst¨¦matique action. Une coop¨¦ration ¨¦troite sur leurs ¨¦valuations et la planification ainsi que des consultations r¨¦guli¨¨res et de partage des analyses contribueront ¨¤ renforcer le partenariat global pour l'alimentation de mani¨¨re ¨¤ aider les gouvernements et leurs partenaires ¨¤ ¨¦viter les empi¨¨tements et les lacunes.
Le Groupe d'action de haut niveau facilitera la formation d'un partenariat global pour l'alimentation et assurera le contr?le et l'¨¦valuation des progr¨¨s r¨¦alis¨¦s dans la mise en ?uvre du Cadre global d'action. Il travaillera avec les ?tats Membres des Nations Unies ¨¤ communiquer r¨¦guli¨¨rement leurs id¨¦es aux parties prenantes et ¨¤ faire le point sur les progr¨¨s obtenus. D'autres fonctions comprennent la fourniture d'une saine analyse de l'¨¦volution de la situation alimentaire, une coordination suivie aux niveaux les plus ¨¦lev¨¦s et un ¨¦largissement des partenariats avec les parties prenantes cl¨¦s.
LES IMPLICATIONS FINANCI?RES
Les d¨¦fis financiers actuels sont la cons¨¦quence d'un certain nombre de facteurs et de tendances, notamment l'existence de d¨¦s¨¦quilibres dans la dynamique de l'offre et de la demande, la limitation de la couverture et de la capacit¨¦ des filets de s¨¦curit¨¦ en place pour les pauvres, le sous-investissement en agriculture ainsi que dans les transports et les march¨¦s au cours des derni¨¨res d¨¦cennies, venant s'ajouter ¨¤ des politiques non incitatives qui ont amplifi¨¦ les d¨¦fis14. Par exemple, dans de nombreux pays, la part de l'agriculture dans les d¨¦penses publiques est seulement de 4,5 % pour l'Afrique15, soit environ une baisse de 13 milliards de dollars16. Au niveau mondial, la part de l'agriculture dans l'aide publique au d¨¦veloppement (apd) est aussi tomb¨¦e de 18 % en 1979 ¨¤ 3,4 % en 2006, soit environ une baisse de 4 milliards de dollars17.
Un soutien financier accru viendra d'un ensemble de sources - budgets nationaux, apd, secteur priv¨¦, agriculteurs et soci¨¦t¨¦ civile. L'emploi d'instruments plus novateurs (comme les fondations priv¨¦es et les fonds souverains) pourrait aussi ¨ºtre ¨¦tudi¨¦s. Pour sa part, le Groupe d'action axera son action sur les d¨¦penses et les investissements publics n¨¦cessaires. Il faut noter deux ¨¦l¨¦ments:
Ordre de grandeur : Il n'est pas encore possible de donner une estimation fiable du surcro¨ªt global de concours financiers n¨¦cessaire pour la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle, la protection sociale, le d¨¦veloppement agricole et le fonctionnement des march¨¦s alimentaires ou de d¨¦terminer le montant ¨¤ mobiliser par des financements publics, notamment les d¨¦penses publiques nationales et l'apd. Les r¨¦centes ¨¦tudes et estimations pr¨¦liminaires font ¨¦tat de 25 ¨¤ 40 milliards de dollars par an18.
D¨¦composition des fonds n¨¦cessaires : Environ un tiers du montant global est n¨¦cessaire pour financer les besoins imm¨¦diats, en termes d'aide alimentaire, d'intrants agricoles ainsi que de soutien aux budgets et ¨¤ la balance des paiements, et deux tiers pour investir dans la mise en place d'une capacit¨¦ d'adaptation ¨¤ plus long terme et en contribution ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle19. D'une mani¨¨re g¨¦n¨¦rale, au moins 50 % du montant total devront ¨ºtre allou¨¦s ¨¤ l'agriculture ainsi qu'au transport local et aux march¨¦s20. La plus grande partie du montant restant sera consacr¨¦e aux interventions d'aide alimentaire et de nutrition ainsi qu'¨¤ la protection sociale21. Ces chiffres sont conformes aux co?ts d'investissements estimatifs en protection sociale et en agriculture qui sont n¨¦cessaires ¨¤ l'Afrique pour atteindre l'Objectif du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement d'¨¦radiquer l'extr¨ºme pauvret¨¦ et la faim22.
AUGMENTER LA PART DE L'AGRICULTURE DANS LES D?PENSES
Ces estimations montrent l'ampleur consid¨¦rable du d¨¦fi actuel. Elles indiquent que les besoins financiers sont consid¨¦rables et d¨¦passent de loin le niveau actuel de la r¨¦action. D'o¨´ la n¨¦cessit¨¦ d'accro¨ªtre imm¨¦diatement et substantiellement les d¨¦penses et les investissements publics. ? cet ¨¦gard, le groupe d'action encourage :
? les pays en d¨¦veloppement ¨¤ pr¨¦voir un surcro¨ªt de ressources budg¨¦taires pour le renforcement des syst¨¨mes de protection sociale et plus particuli¨¨rement pour augmenter la part de l'agriculture dans les d¨¦penses publiques; ? les pays donateurs ¨¤ doubler l'apd pour les programmes d'aide alimentaire, d'autres types de soutien nutritionnel et des programmes de filets de s¨¦curit¨¦ et ¨¤ augmenter le pourcentage d'apd allou¨¦ au d¨¦veloppement alimentaire et agricole du montant actuel de 3 % ¨¤ 10 % en l'espace de 5 ans (et au-del¨¤, s'il le faut) pour inverser le sous-investissement constant en agriculture; ? les pays en d¨¦veloppement et les pays donateurs ¨¤ am¨¦liorer la gestion des risques relatifs ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle par un meilleur usage des disponibilit¨¦s alimentaires locales, ¨¤ soutenir le d¨¦veloppement de l'infrastructure, des march¨¦s et des syst¨¨mes de pr¨¦servation des aliments et ¨¤ ¨¦tudier la possibilit¨¦ d'utiliser de mani¨¨re novatrice les exc¨¦dents de production alimentaire locale et des instruments financiers nouveaux; ? l'augmentation des allocations qui repr¨¦sente un v¨¦ritable compl¨¦ment et ne d¨¦tourne pas d'autres secteurs sociaux d'importance capitale pour atteindre les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement et autres priorit¨¦s nationales de d¨¦veloppement, comme l'¨¦ducation et la sant¨¦.
Le Groupe d'action demande aussi davantage de souplesse et de pr¨¦visibilit¨¦ dans le financement de l'aide et des filets de s¨¦curit¨¦ alimentaire, une exemption des restrictions aux exportations pour les achats humanitaires de produits alimentaires, la libert¨¦ de mouvement de l'aide alimentaire humanitaire de part et d'autre et ¨¤ l'int¨¦rieur des fronti¨¨res et un meilleur acc¨¨s aux stocks alimentaires par la constitution de r¨¦serves alimentaires humanitaires physiques ou virtuelles.
S'ASSURER QUE LES ACTIONS SONT MEN?ES A BIEN
Le Groupe d'action de haut niveau sur la crise alimentaire mondiale a ¨¦t¨¦ ¨¦tabli le 29 avril 2008 avec un mandat des responsables des institutions, des fonds et des programmes des Nations Unies. Bien qu'il n'ait pas ¨¦t¨¦ envisag¨¦ comme une instance permanente, ou comme une raison de cr¨¦er de nouveaux m¨¦canismes, il favorisera les relations entre parties prenantes en s'appuyant sur des initiatives en cours et des capacit¨¦s en place, puisant dans le savoir des organisations nationales, r¨¦gionales et internationales comp¨¦tentes, de groupes de la soci¨¦t¨¦ civile, de la communaut¨¦ scientifique et du secteur priv¨¦ et axant son action sur une r¨¦action coordonn¨¦e coh¨¦rente et active. Le Cadre d'action agira comme un centre de gravit¨¦ pour encourager les parties prenantes ¨¤ travailler en partenaires.
Il envisage les prochaines ¨¦tapes : comment assurer le mieux possible la coordination des activit¨¦s au niveau des pays, le financement et les progr¨¨s; le suivi des informations, notamment le financement dans et entre les pays; et la mobilisation des ressources.
Reconnaissant le r?le important du secteur priv¨¦ et de la soci¨¦t¨¦ civile, le Groupe d'action ¨¦tudie les m¨¦canismes pour les engager plus syst¨¦matiquement ¨¤ r¨¦aliser les r¨¦sultats Cadre global d'action. Les r¨¦sultats et actions d¨¦finis dans ce cadre ne pourront se r¨¦aliser que par un partenariat ¨¤ tous les niveaux.
Le Groupe d'action continuera ¨¤ jouer un r?le de premier plan et de coordination pour aider les gouvernements et les communaut¨¦s touch¨¦es ¨¤ affronter la crise alimentaire mondiale. Surtout, les politiques, les actions et les r¨¦sultats sont parfaitement r¨¦alisables, ¨¤ condition d'y consacrer la volont¨¦ politique et les ressources n¨¦cessaires et d'¨ºtre pr¨ºts ¨¤ travailler ensemble.
Les techniques sont toutes plus ou moins connues et test¨¦es. Les montants financiers concern¨¦s, bien qu'importants dans un sens, sont peu compar¨¦s ¨¤ ce qui est en jeu ou aux flux de capitaux qui sont ¨¦chang¨¦s chaque jour dans les march¨¦s financiers ou des carburants. Chaque pays dans le monde est touch¨¦, bien qu'¨¤ divers degr¨¦s. En d'autres termes, nous savons ce qu'il faut faire pour surmonter la crise. Nous devons ¨ºtre s?rs de le faire.
Cet article est fond¨¦ sur les travaux du Groupe d'action de haut niveau sur la crise alimentaire mondiale et en particulier du Cadre global d'action.
Notes 1 L'aide ext¨¦rieure ¨¤ l'agriculture est pass¨¦e de 18 % de l'aide publique au d¨¦veloppement en 1978 ¨¤ 3 % en 2007. 2 On pr¨¦voit pour 2007/08 une chute de 18,7 % des stocks c¨¦r¨¦aliers mondiaux, le niveau le plus faible depuis 30 ans. 3 FAO, ? Perspectives des r¨¦coltes et situation alimentaire ?, avril 2008. 4 Le groupe intergouvernemental sur le changement climatique calcule qu'¨¤ lui seul le changement climatique pourrait conduire ¨¤ une augmentation du nombre de mal nourris de 40 ¨¤ 170 millions. 5 Les participants au groupe d'action de haut niveau sont les suivants : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Fonds international de d¨¦veloppement agricole (FIDA), Fonds mon¨¦taire international (FMI), Office du Haut repr¨¦sentant des Nations Unies pour les pays les moins avanc¨¦s, les pays en d¨¦veloppement enclav¨¦s et les petits ?tats insulaires en d¨¦veloppement, Conf¨¦rence des Nations Unies sur le commerce et le d¨¦veloppement (CNUCED), Programme des Nations Unies pour le d¨¦veloppement (PNUD), Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), Haut commissariat des Nations Unies pour les r¨¦fugi¨¦s (HCR), Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Programme alimentaire mondial (PAM), Organisation mondiale de la sant¨¦ (OMS), Banque mondiale, Organisation mondiale du commerce (OMC), D¨¦partement des affaires ¨¦conomiques et sociales, D¨¦partement des affaires politiques, D¨¦partement de l'information, D¨¦partement des op¨¦rations de maintien de la paix, Conseiller sp¨¦cial sur les objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD) et Organisation de coop¨¦ration et de d¨¦veloppement ¨¦conomiques (ocde). 6 FAO, Perspectives alimentaires, mai 2008. 7 La s¨¦curit¨¦ alimentaire comprend les questions d'acc¨¨s, de disponibilit¨¦ et d'utilisation. Il y a s¨¦curit¨¦ nutritionnelle quand la s¨¦curit¨¦ d'acc¨¨s ¨¤ une alimentation nutritive de base est garantie ainsi que les conditions d'hygi¨¨ne, les services de sant¨¦ et une protection sanitaire de nature ¨¤ assurer une vie saine et active ¨¤ tous les membres du m¨¦nage. 8 Voir 9 L'augmentation de la production agricole est fortement tributaire de l'existence de sols riches, de ressources en eau et d'aires d'alimentation comme les for¨ºts; c'est pourquoi il faut suivre une d¨¦marche soucieuse de la sauvegarde de l'environnement afin d'¨¦viter que se produise une autre crise alimentaire par suite de l'¨¦puisement des sources d'eau, de la salinisation des sols et des nappes phr¨¦atiques et une perte permanente de biodiversit¨¦ et d'¨¦cosyst¨¨mes. 10 Le droit ¨¤ l'alimentation n'est pas le droit d'¨ºtre nourri, mais principalement le droit de se nourrir dans la dignit¨¦. C'est seulement si, pour des raisons qui ¨¦chappent ¨¤ sa volont¨¦, un individu est incapable de subvenir ¨¤ ses besoins que l'?tat est dans l'obligation de lui fournir des aliments ou les moyens d'en acheter. Le droit ¨¤ l'alimentation est reconnu par l'article 25 de la D¨¦claration universelle des droits de l'homme et par l'article 11 du Pacte international relatif aux droits ¨¦conomiques, sociaux et culturels. 11 Voir le site de l'OMS : 12 Voir 13 Objectif du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement 1 : ?radiquer l'extr¨ºme pauvret¨¦ et la faim, dont r¨¦duire de moiti¨¦ la proportion de personnes qui souffrent de la faim. Voir 14 Le rapport 2008 de la Banque mondiale pour le d¨¦veloppement, L'agriculture au service du d¨¦veloppement, explique que la chute de l'investissement agricole au cours des 25 derni¨¨res ann¨¦es est largement due ¨¤ l'¨¦chec ¨¤ faire face aux parti pris de la politique macro-¨¦conomique et sectorielle ¨¤ l'encontre l'agriculture; de la d¨¦pendance ¨¤ l'¨¦gard des ?tats dans des activit¨¦s comme la fourniture d'intrants et la distribution qui ont trop demand¨¦ aux capacit¨¦s publiques tout en ¨¦vin?ant le secteur priv¨¦; et du peu de possibilit¨¦s laiss¨¦es aux agriculteurs et aux autres parties prenantes rurales pour influer sur les priorit¨¦s d'investissement public ou pour tenir l'?tat responsable de la mise en ?uvre. En outre, les institutions donatrices n'ont pas investi suffisamment de temps ¨¤ d¨¦finir des approches coordonn¨¦es ¨¤ l'¨¦chelle du secteur afin de renforcer la fourniture des services publics. En outre, les organismes donateurs n'ont pas pass¨¦ assez de temps ¨¤ travailler vers des approches sectorielles coordonn¨¦es du renforcement de l'action du service public. Les institutions internationales aussi tendaient vers d'¨¦troites approches sp¨¦cialis¨¦es qui ne tenaient pratiquement aucun compte des articulations entre recherche, marketing, environnement et finances publiques. Enfin, il n'y a pas eu de bonnes ¨¦valuations de l'impact des programmes pour influer sur leur conception ou en relever les difficult¨¦s. 15 FAO ? financement de l'agriculture : probl¨¨mes, contraintes et perspectives, ? 2007. 16 Stephen Akroyd et Lawrence Smith (2007), Review of Public Spending to Agriculture. ?tude conjointe du d¨¦partement du d¨¦veloppement international et de la Banque mondiale, page 2. Le rapport 2008 de la Banque mondiale sur le d¨¦veloppement dans le monde indique que la part des d¨¦penses publiques dans les pays ¨¤ base agricole (la plupart en Afrique) est sensiblement moindre (4 % en 2004) que dans les pays en transformation au moment de la forte pouss¨¦e de leur croissance agricole (10 % en 1980), page 40. 17 En 2006, la part de l'agriculture a repr¨¦sent¨¦ 3,4 % des engagements d'APD ou environ 3,99 milliards de dollars et seulement 2,6 % ou environ 2,3 milliards de dollars en termes de d¨¦caissement d'APD (donn¨¦es extraites de la Banque de donn¨¦es statistiques de l'OCDE). 18 Ceci est fond¨¦ sur des estimations pr¨¦alables des organismes membres du GAHN ainsi que d'organisations internationales de recherche. Ces chiffres seront actualis¨¦s ¨¤ mesure que para¨ªtront des informations tir¨¦es des ¨¦valuations faites au niveau des pays. 19 Rapport sur le d¨¦veloppement dans le monde, ? l'agriculture au service du d¨¦veloppement ? 2008; IFPRI, ? Rising food prices, What should be done? ? avril 2008; note d'orientation de l'IFPRI ? Investing in agriculture to overcome food crisis and reduce poverty and hunger, ? juin 2008; FMI, ? Food and Fuel Prices - Recent Developments, Microeconomic Impact, and Policy Responses," juin 2008; ? The Balance of Payments Impact of the Food and Fuel Price Shocks on Low-Income African Countries; et "Country by Country Assessment ?, juin 2008.). 20 Selon l'IFPRI (S.Fan et M. Rosegrant, 2008), l'investissement public n¨¦cessaire pour que l'agriculture des pays en d¨¦veloppement puisse atteindre le premier objectif des OMD (notamment recherche, routes rurales et irrigation et subventions partielles de facteurs de production pour les cultivateurs les plus pauvres) est estim¨¦ ¨¤ 16,3 milliards de dollars. 21 Les besoins annuels du PAM, qui devraient atteindre 6 milliards de dollars par an, repr¨¦sentent traditionnellement 55 % de l'aide alimentaire mondiale, les ONG et l'aide bilat¨¦rale repr¨¦sentant le reste (R¨¦f. 2007 rapport Interfais). 22 Agriculture and Food Security Thematic Working Group, MDG-Africa Working Group - Business Plan, 15 mai 2008.
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