1 ao?t 2009


Les chasseurs inuits qui vivent dans le nord du Groenland marchent avec pr¨¦caution sur la glace dont l'¨¦paisseur diminue, alors qu'en m¨ºme temps les animaux dont ils d¨¦pendent - phoques, morses, narvals et ours polaires -s'¨¦loignent des zones o¨´ ils sont habituellement chass¨¦s, r¨¦pondant ¨¤ leur tour ¨¤ la transformation des ¨¦cosyst¨¨mes locaux. Dans les hautes montagnes de l'Himalaya, les Sherpas, les Tamang, les Kiranti, les Dolpali et d'autres groupes autochtones constatent que les glaciers fondent. Il est en de m¨ºme dans d'autres r¨¦gions montagneuses du monde, comme dans les Andes p¨¦ruviennes o¨´ les Quechua suivent avec inqui¨¦tude le recul des glaciers au sommet des montagnes. Dans le d¨¦sert de Kalahari, les San ont appris ¨¤ affronter les p¨¦riodes de faim et de pauvret¨¦, p¨¦riodiques mais bien trop fr¨¦quentes, r¨¦sultant de la combinaison d'¨¦v¨¦nements ¨¦conomiques, politiques, environnementaux et climatiques. Les San, comme d'autres groupes d'autochtones, ont d? adopter des strat¨¦gies ing¨¦nieuses pour affronter les changements climatiques et leurs cons¨¦quences, mais ils constatent aujourd'hui que ces changements sont diff¨¦rents de ceux dont ils se souviennent. Partout dans le monde, les peuples autochtones sont confront¨¦s ¨¤ des changements climatiques qui ont des effets sans pr¨¦c¨¦dent sur leurs terres, leurs cultures et leurs moyens de subsistance.

Les peuples autochtones d¨¦pendent des ressources naturelles et habitent souvent au sein d'¨¦cosyst¨¨mes divers mais fragiles. Parmi les habitants de la plan¨¨te, ils sont les plus marginalis¨¦s, les plus appauvris et les plus vuln¨¦rables. Alors qu'ils ont le moins contribu¨¦ aux ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre qui caract¨¦risent les changements climatiques caus¨¦s par les activit¨¦s humaines, ils supportent le choc de la crise climatique et ont moins acc¨¨s aux ressources et au soutien politique et institutionnel qui leur permettraient de faire face ¨¤ la situation. Ils doivent s'adapter ¨¤ un environnement changeant et cr¨¦er des strat¨¦gies pour pouvoir r¨¦pondre aux changements qui surviennent - de la diminution de la banquise et des chutes de neige dans l'Arctique, du recul des glaciers dans les r¨¦gions de haute altitude, de l'¨¦rosion des r¨¦gions c?ti¨¨res et de l'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer, de la diminution des pluies dans les zones temp¨¦r¨¦es, ¨¤ l'augmentation des incendies de for¨ºts tropicales.

Les ¨¦valuations scientifiques r¨¦gionales et mondiales, comme l'?valuation de l'impact du changement climatique dans l'Arctique (ACIA) et la Quatri¨¨me ?valuation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'¨¦volution du climat (GIEC), ont indiqu¨¦ sans ¨¦quivoque que le changement climatique pourrait avoir des effets irr¨¦versibles sur les ¨¦cosyst¨¨mes, les soci¨¦t¨¦s et les cultures qui demanderont une r¨¦ponse mondiale urgente et une action soutenue. Mais cette recherche scientifique refl¨¨te ¨¤ peine les ph¨¦nom¨¨nes observ¨¦s par les populations autochtones dans de nombreuses parties du monde, en particulier celles qui vivent dans l'Arctique, les r¨¦gions montagneuses, les terres semi-arides et les ¨ªles du Pacifique sud - des r¨¦gions qui sont des indicateurs sensibles des effets profonds qu'ont les activit¨¦s humaines sur le climat mondial. Dans l'Arctique, en particulier, le climat a connu des changements ¨¤ un rythme sans pr¨¦c¨¦dent au cours des 50 derni¨¨res ann¨¦es et les ¨¦tudes scientifiques indiquent une diminution rapide de la couverture de glace pluriannelle dans l'oc¨¦an Arctique ainsi que la disparition progressive de la calotte glaciaire au Groenland et d'autres masses de glace. Les images satellites haute r¨¦solution continuent de montrer que les glaciers et les coul¨¦es de glace fondent rapidement et que le mouvement s'acc¨¦l¨¨re. Les r¨¦sidents des ¨ªles du Pacifique sud n'ont pas besoin qu'on leur explique le lien entre ce ph¨¦nom¨¨ne et la mont¨¦e des eaux qui menacent d'engloutir leurs habitations.

Il serait plus pr¨¦cis de dire que nous sommes au milieu d'une crise climatique mondiale. On ne saurait trop insister sur la n¨¦cessit¨¦, et l'opportunit¨¦ offerte, d'un accord historique sur le changement ¨¤ Copenhague en d¨¦cembre 2009. Le changement climatique a toutefois une dimension r¨¦gionale - son impact n'est pas universel. Certains environnements et certaines populations sont plus expos¨¦s en fonction des facteurs g¨¦ographiques, environnementaux et socio¨¦conomiques et, en cons¨¦quence, sont beaucoup plus vuln¨¦rables aux effets du changement climatique que d'autres. Mais si le changement climatique est une r¨¦alit¨¦ pour les peuples autochtones, d'autres probl¨¨mes importants existent. Le changement climatique amplifie les probl¨¨mes existants : la pauvret¨¦, la marginalisation, la perte et la d¨¦gradation des terres, l'exclusion sociale et la mise ¨¤ l'¨¦cart dans les processus de prise de d¨¦cision aux niveau national et international. Le changement climatique est une question qui rel¨¨ve des droits de l'homme et des in¨¦galit¨¦s - il doit ¨ºtre compris dans le contexte des facteurs de contrainte multiples qui affectent les populations autochtones et les communaut¨¦s locales.

Les changements ¨¤ l'¨¦chelle des ¨¦cosyst¨¨mes ont de lourdes cons¨¦quences pour les peuples autochtones, la protection et la gestion de la faune, des p¨ºcheries, des for¨ºts, des mangroves, de la savane, des terres humides, des montagnes et des ¨¦cosyst¨¨mes des petites ¨ªles et ont des effets dramatiques sur l'utilisation traditionnelle et coutumi¨¨re des esp¨¨ces et des ressources qui sont importantes pour leur vie ¨¦conomique. Pour ces populations, les cons¨¦quences des changements climatiques ne sont pas simplement physiques. Beaucoup consid¨¨rent que ces changements menacent leurs moyens d'existence, leur ¨¦conomie et leurs ressources et entra¨ªnent une ¨¦rosion de la vie sociale et culturelle ainsi que la perte des savoirs traditionnels. Tandis que les discours prononc¨¦s ¨¤ l'¨¦chelle mondiale se concentrent sur la recherche de solutions d'adaptation et d'att¨¦nuation par des moyens scientifiques et technologiques, les perspectives du changement climatique auxquelles les peuples autochtones font face posent un d¨¦fi suppl¨¦mentaire ¨¤ leur capacit¨¦ de s'adapter, de r¨¦pondre aux changements environnementaux et sociaux. La cl¨¦ des n¨¦gociations efficaces et fructueuses - et d'un accord assorti de solutions - est d'assurer que les peuples autochtones puissent y participer pleinement. Mais il n'en reste pas moins que les contributions cruciales que ces peuples et leur savoir traditionnel peuvent apporter aux discussions et aux n¨¦gociations mondiales sont souvent ignor¨¦es.Dans les processus nationaux, r¨¦gionaux et internationaux, comme la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), o¨´ les politiques d'att¨¦nuation des changements climatiques sont d¨¦battues et ¨¦labor¨¦es, les peuples autochtones ont beaucoup de mal ¨¤ faire entendre leurs voix et ¨¤ faire reconna¨ªtre leurs pr¨¦occupations, ce qui contraste radicalement avec la Convention sur la diversit¨¦ biologique (CDB) o¨´ le Forum international des peuples autochtones sur la biodiversit¨¦ (FIAB) est un organe consultatif de la Convention. En effet, la CCNUCC n'offre pas aux peuples autochtones un espace constitutionnel et un lieu de d¨¦bats similaires. Jusqu'ici, leurs pr¨¦occupations et leurs points de vue, en particulier les perspectives en mati¨¨re de rapports entre les sexes et entre les g¨¦n¨¦rations, n'ont pas ¨¦t¨¦ s¨¦rieusement examin¨¦es lors des n¨¦gociations et des d¨¦cisions li¨¦es au climat. La CCNUCC, par exemple, ne mentionne pas explicitement comment le changement climatique touche les peuples autochtones. La D¨¦claration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones reconna¨ªt que les peuples autochtones ont des droits - un accord mondial sur le changement climatique doit aussi se r¨¦f¨¦rer ¨¤ ces droits et les reconna¨ªtre. En outre, la protection des droits est une condition pr¨¦alable au renforcement de la capacit¨¦ des peuples et des communaut¨¦s autochtones ¨¤ faire face aux changements climatiques, tout comme la reconnaissance de l'importance des savoirs traditionnels pour la gestion des ¨¦cosyst¨¨mes. Si l'objectif le plus imm¨¦diat pour les peuples autochtones est l'adoption par la CCNUCC de la D¨¦claration sur les droits des peuples autochtones, apr¨¨s les discussions qui auront lieu ¨¤ Copenhague - et les r¨¦sultats qui en d¨¦couleront - le d¨¦fi constituera ¨¤ s'assurer que les strat¨¦gies et les priorit¨¦s locales des peuples autochtones seront refl¨¦t¨¦es et incorpor¨¦es dans les projets d'adaptation nationaux, les processus de prise de d¨¦cision et les strat¨¦gies d'action.

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