1 mars 2007

?dit¨¦ par Daniel A. Bell et Jean-Marc Coicaud
Publi¨¦ par Cambridge University Press, 2007
Compte rendu par Mark Gibney
Ethics in Action apporte une contribution intelligente, provocatrice et importante aux domaines des droits de l'homme et de l'¨¦thique. L'ouvrage a ¨¦t¨¦ con?u ¨¤ partir d'une s¨¦rie de r¨¦unions--apparemment plut?t dynamiques--organis¨¦es sur plusieurs ann¨¦es, auxquelles ont particip¨¦ des universitaires et des repr¨¦sentants de diverses organisations non gouvernementales internationales (ONGI). Le texte est souvent pr¨¦sent¨¦ sous la forme d'une conversation anim¨¦e entre les auteurs, mais, surtout, le lecteur se sent pleinement inform¨¦ des nombreuses discussions et des nombreux d¨¦bats qui ont eu lieu auparavant, et qui mettent en sc¨¨ne des individus qui n'ont pas particip¨¦ ¨¤ la r¨¦daction de ce livre. Les ¨¦diteurs (Daniel Bell et Jean-Marc Coicaud) pr¨¦sentent un texte engageant qui soul¨¨ve autant de questions d¨¦licates qu'il apporte de r¨¦ponses.


Ethics in Action est divis¨¦ en trois sections : La premi¨¨re intitul¨¦e ? ONGI du Nord et b¨¦n¨¦ficiaires du Sud : le d¨¦fi du pouvoir in¨¦gal ? et le dernier chapitre ? La pornographie de la pauvret¨¦ : un r¨¦cit ¨¦difiant sur la collecte de fonds ? donnent le ton. Les auteurs Betty Plewes et Ricky Stuart posent la question de savoir s'il est appropri¨¦ pour les campagnes commerciales lanc¨¦es par les organisations qui ? font le bien ? d'utiliser les souffrances humaines pour ¨¦mouvoir le public. Ce type de campagnes ? se vend ? apparemment, car elles permettent d'accro¨ªtre le soutien financier. Mais qu'en est-il sur le long terme ? Quelles autres cons¨¦quences importantes ce type de campagne utilisant la notion de ? victime ? a-t-il ? Un autre chapitre qui m¨¦rite d'¨ºtre mentionn¨¦ est celui o¨´ Bonny Ibhawoh examine les tensions entre les ONG autochtones dans le Sud et les ONGI qui se trouvent pratiquement toutes dans le Nord. Leur concurrence est rarement discut¨¦e ouvertement, et I.


Ibhanowah non seulement pr¨¦sente le probl¨¨me de mani¨¨re convaincante, mais offre aussi diff¨¦rentes approches pour examiner la question qui pourraient ¨ºtre utiles ¨¤ toutes les personnes concern¨¦es.
La deuxi¨¨me section traite du d¨¦fi pos¨¦ par les ?tats qui limitent les activit¨¦s des ONGI. Deux ¨¦tudes de cas sont propos¨¦es, l'une sur la guerre en Irak et l'autre sur la Chine. Dans la premi¨¨re, l'un des probl¨¨mes ¨¦pineux concerne les ONGI qui se sont oppos¨¦es ¨¤ la guerre--comme l'ont ¨¦t¨¦ la plupart d'entre elles--et comment cette opposition influence leurs activit¨¦s en Irak. Ce qui rend la situation encore plus complexe est le fait que ces ONGI sont presque totalement d¨¦pendantes des forces de la coalition pour leur s¨¦curit¨¦. M¨ºme sans apporter de r¨¦ponse d¨¦finitive, le chapitre ¨¦crit par Lyla Sunga montre tr¨¨s bien comment ces organisations sont parfois forc¨¦es de travailler dans des conditions contraires ¨¤ leur choix. Les trois chapitres suivants sont consacr¨¦s ¨¤ la difficult¨¦ pour les ONGI de travailler avec l'autoritarisme du gouvernement chinois. Dans un chapitre, des chercheurs de l'Institut danois des droits de l'homme montrent comment l'Institut a tent¨¦ de faire ce qui ¨¦tait ? possible ?, principalement en ¨¦vitant de faire ce qui ¨¦tait impossible, ¨¤ savoir s'attaquer au programme des droits de l'homme en Chine.


L'une des questions soulev¨¦es ¨¤ plusieurs reprises dans le livre est comment les ONGI d¨¦cident o¨´ mener leurs activit¨¦s et comment poursuivre leurs programmes et leurs politiques. Si cette question est ¨¦vidente, la r¨¦ponse ne l'est pas. Les activit¨¦s des ONGI sont ainsi peut-¨ºtre le mieux d¨¦crites dans le chapitre ? Driving without a map ? (conduire sans carte) ¨¦crit par Sophia Woodman. Les personnes qui travaillent pour les ONGI apprendront peut-¨ºtre de cet ouvrage, la n¨¦cessit¨¦ d'¨¦laborer une telle carte - m¨ºme dans de conditions o¨´ le terrain change constamment.


La derni¨¨re section aborde les droits ¨¦conomiques, et l'¨¦change de points de vue entre les auteurs est en lui-m¨ºme une raison suffisante pour lire l'ouvrage. Deux questions diff¨¦rentes sont essentiellement trait¨¦es : la premi¨¨re concerne les efforts d¨¦ploy¨¦s r¨¦cemment par les ONGI, comme Human Rights Watch et Amnesty International, pour traiter les droits ¨¦conomiques. Ce qui est frappant, c'est la diff¨¦rence entre ce que les ONGI pensent pouvoir accomplir dans le domaine des droits ¨¦conomiques et les attentes beaucoup plus ambitieuses des groupes qui travaillent en dehors des ONGI vis-¨¤-vis de ces derni¨¨res.
La deuxi¨¨me question, qui est abord¨¦e de front par les politologues Thomas Pogge et Joseph Carnes, porte sur les activit¨¦s des ONGI. T. Pogge consid¨¨re que ces organisations devraient concentrer leurs activit¨¦s sur l'¨¦radication de l'extr¨ºme pauvret¨¦. C'est ¨¦videmment un argument fort pour beaucoup, notamment pour les personnes qui travaillent pour les ONGI. Toutefois, J. Carnes r¨¦pond en demandant ce qu'il faut faire quand les autres acteurs--en particulier ceux qui apportent des contributions aux ONGI et les organisations elles-m¨ºmes--ont un sens diff¨¦rent des responsabilit¨¦s morales. La r¨¦ponse de Pogge est tout autant perspicace, disant qu'il est vital que les Occidentaux, les ?tats et les ONGI reconnaissent qu'ils ne sont pas engag¨¦s dans une entreprise caritative en faveur des ? moins chanceux ?, mais devraient plut?t voir leur travail comme un moyen modeste (et insuffisant) de rendre leur d? ¨¤ tous ceux qui ont ¨¦t¨¦ trait¨¦s injustement--par ? nous ?.
Il semble que les participants aux sessions sur lesquelles l'ouvrage est fond¨¦ ont appris beaucoup de l'entreprise elle-m¨ºme. Mais Ethics in Action devrait ¨ºtre aussi utile ¨¤ d'autres. D'abord, la question la plus ¨¦l¨¦mentaire ¨¤ laquelle toutes les ONGI font face--comment et pourquoi nous faisons ce que nous faisons--est trop rarement pos¨¦e. Ce qui entra¨ªne une autre question rarement pos¨¦e, celle de la prolif¨¦ration des ONGI. Est-ce un atout ou cela indique-t-il que plus de temps, d'efforts et d'argent sont consacr¨¦s ¨¤ soutenir sa propre organisation, au d¨¦triment des ? autres ? ?
L'ouvrage soul¨¨ve aussi des questions difficiles quant au r?le des universitaires. Les universitaires se sont-ils marginalis¨¦s au point o¨´ ils n'ont d'autre objectif que celui de devenir titulaires ? La le?on finale, il faut esp¨¦rer, est qu'il est important d'ouvrir un vrai dialogue. ? ce titre, j'esp¨¨re v¨¦ritablement qu'Ethics in Action ne sera que la premi¨¨re partie d'une conversation continue entre universitaires et ONG, qui pourrait aussi ¨ºtre enrichie par la participation de l¨¦gislateurs.

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