Les effets des changements climatiques sont bien r¨¦els. Ils ont ¨¦t¨¦ confirm¨¦s par des ¨¦tudes et des rapports internationaux au cours des deux derni¨¨res d¨¦cennies. Une catastrophe climatique, qui menacera l'ensemble de notre ¨¦cosyst¨¨me tel que nous le connaissons, est possible, mais pas encore probable. Elle risque de se produire si nous ne changeons pas de voie et continuons d'ignorer les preuves :la hausse des temp¨¦ratures entra¨ªnera l'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer et la lib¨¦ration de m¨¦thane dans la toundra nous conduira vers un point de non-retour o¨´ les cr¨¦atures vivantes n'arriveront plus ¨¤ s'adapter.
Mais m¨ºme les sc¨¦narios moins extr¨ºmes, dont beaucoup sont consid¨¦r¨¦s aujourd'hui optimistes, indiquent des effets ¨¤ tr¨¨s long terme. Les cons¨¦quences de ces changements climatiques sont g¨¦n¨¦ralement bien comprises et accept¨¦es par le plus grand nombre. La hausse des temp¨¦ratures moyennes est seulement un aspect des changements climatiques. Nous serons probablement confront¨¦s ¨¤ des variations importantes des conditions climatiques, comme les s¨¦cheresses et les inondations, ¨¤ des ¨¦v¨¦nements climatiques plus fr¨¦quents et extr¨ºmes, comme les ouragans et les temp¨ºtes ainsi qu'¨¤ une plus grande variabilit¨¦ saisonni¨¨re avec des hivers doux ou rudes et des ¨¦t¨¦s secs ou tr¨¨s humides. En Afrique en particulier, les saisons agricoles seront plus courtes dans pratiquement tout le continent, avec des changements positifs dans quelques zones seulement.
Dans ce contexte, L'Afrique sera plus touch¨¦e que la plupart des autres r¨¦gions. Il est particuli¨¨rement r¨¦voltant que les Africains qui ont le moins contribu¨¦ aux changements climatiques soient ceux qui en souffriront le plus.
Quelles que soient les mesures juridiques prises, l'indemnisation est due.
La capacit¨¦ de l'Afrique ¨¤ s'adapter est compromise par la faiblesse des gouvernements. Cependant, certains exemples remarquables m¨¦ritent notre admiration et notre soutien: Le prix Mo Ibrahim de la bonne gouvernance en Afrique, par exemple, a reconnu les qualit¨¦s de leadership de certains acteurs comme Mandela, Chissano, Masire ou Moghaye - pour n'en citer que quelques-uns. Mais malgr¨¦ les performances spectaculaires de certains pays et de certaines r¨¦gions, la situation g¨¦n¨¦rale dans de nombreuses parties du continent est caract¨¦ris¨¦e par des institutions fragiles et faibles, particuli¨¨rement vuln¨¦rables aux chocs ext¨¦rieurs. Aux niveaux bas d'¨¦ducation et de sant¨¦ s'ajoutent l'¨¦pid¨¦mie du sida, le paludisme et d'autres maladies qui emportent d'innombrables vies. La m¨¦diocrit¨¦ de l'infrastructure et l'insuffisance des moyens de communication sont un frein ¨¤ la comp¨¦titivit¨¦ internationale. La gouvernance est probl¨¦matique pratiquement partout. Les institutions sont min¨¦es par la corruption. Les soci¨¦t¨¦s sont marqu¨¦es par le tribalisme et par des troubles qui, dans de nombreuses parties de l'Afrique, d¨¦g¨¦n¨¨rent en guerres violentes et cr¨¦ent une totale anarchie, comme en Somalie ou en R¨¦publique d¨¦mocratique du Congo. L'instabilit¨¦ et le manque de capitaux emp¨ºchent d'entreprendre les projets n¨¦cessaires au d¨¦veloppement. L'inaptitude ¨¤ l'encadrement et le manque de comp¨¦tences professionnelles limitent l'efficacit¨¦ des projets qui sont entrepris. De nombreuses r¨¦gions du continent sont confront¨¦es ¨¤ un exode pr¨¦occupant des talents.
Dans un tel contexte, l'impact du changement climatique sera d¨¦vastateur. Il exacerbera les probl¨¨mes existants et posera de nouveaux d¨¦fis aux institutions et aux soci¨¦t¨¦s qui ne sont ni organis¨¦es ni ¨¦quip¨¦s pour y faire face. Les probl¨¨mes auxquels les gouvernements et le peuple africains sont confront¨¦s sont multiples : l'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer qui menace les villes c?ti¨¨res, l'inondation des deltas par l'eau sal¨¦e, la succession de p¨¦riodes de s¨¦cheresse et de fortes pluies, l'urbanisation rapide et la propagation des maladies end¨¦miques. Je me concentrerai ici seulement sur un aspect de la crise future : la s¨¦curit¨¦ alimentaire.
LA S?CURIT? ALIMENTAIRE - CE QU'IL FAUT FAIRE
L'Afrique importe d¨¦j¨¤ r¨¦guli¨¨rement des denr¨¦es alimentaires. Tous les sc¨¦narios indiquent que l'Afrique continuera de manquer de produits alimentaires, une situation que les changements climatiques risquent d'exacerber. La plupart des pays africains d¨¦pendent de l'agriculture pluviale, alors que le continent comprend de vastes d¨¦serts, des zones arides et semi-arides et souffre des effets de la d¨¦sertification. M¨ºme dans les zones tropicales, les pr¨¦cipitations varient d'une ann¨¦e ¨¤ l'autre et, les agriculteurs ¨¦tant tr¨¨s pauvres, ils sont incapables de survivre aux p¨¦riodes de s¨¦cheresse r¨¦p¨¦t¨¦es. ?tant donn¨¦ l'insuffisance de l'infrastructure et le mauvais ¨¦tat des routes rurales, il est difficile d'apporter l'aide quand il le faut ou de commercialiser le surplus des r¨¦coltes. Les pertes apr¨¨s r¨¦coltes sont immenses, dues en grande partie aux infrastructures insuffisantes ainsi qu'¨¤ la prolif¨¦ration des ravageurs.
Les changements climatiques ont augment¨¦ la vuln¨¦rabilit¨¦ des fermiers pauvres dans les r¨¦gions pluviales, ainsi que des populations qui en d¨¦pendent. Une attention particuli¨¨re doit ¨ºtre accord¨¦e ¨¤ la production de plantes plus r¨¦sistantes ¨¤ la s¨¦cheresse, au sel et absorbant moins d'eau qui atteignent leur maturit¨¦ dans une p¨¦riode courte. Il faudrait am¨¦liorer la gestion durable des terres et des for¨ºts pour remplacer les coupes et les br?lis, et les activit¨¦s de la recherche devraient ¨ºtre ax¨¦es sur l'am¨¦lioration de la productivit¨¦ dans les syst¨¨mes ¨¦cologiques complexes des petits agriculteurs. Ce type de recherche devrait ¨ºtre consid¨¦r¨¦ comme un bien public mondial et soutenu par des fonds publics, et les pauvres devraient pouvoir acc¨¦der gratuitement aux r¨¦sultats. Un tel investissement permettra de r¨¦duire l'aide humanitaire par la suite. L'augmentation de la productivit¨¦ doit ¨ºtre suffisamment rapide pour faire baisser les prix, ce qui am¨¦liorera l'acc¨¨s des populations urbaines pauvres aux denr¨¦es disponibles au moment o¨´ l'Afrique conna¨ªt une urbanisation rapide. Pour ce faire, il faut augmenter la productivit¨¦ des petits agriculteurs afin de relever leurs revenus, m¨ºme si les prix baissent.
Les chercheurs peuvent ¨¦galement am¨¦liorer la qualit¨¦ nutritionnelle des cultures vivri¨¨res, comme ils l'ont fait en enrichissant le riz en vitamine A. Les for¨ºts, ainsi que les p¨ºches en mer et en eau douce sont des questions qui m¨¦ritent aussi d'¨ºtres examin¨¦es. Il est aussi important d'augmenter les investissements dans la recherche ¨¤ haut risque. Par exemple, l'¨¦tude des caract¨¦ristiques biochimiques des mangroves qui leur permettent de prosp¨¦rer dans l'eau sal¨¦e pourrait ouvrir des possibilit¨¦s pour d'autres plantes.
Des travaux de recherche sont ¨¦galement n¨¦cessaires pour mettre au point des techniques visant ¨¤ diminuer les pertes apr¨¨s r¨¦colte et ¨¤ am¨¦liorer les conditions d'entreposage et de transport ainsi que la qualit¨¦ nutritionnelle des aliments de base. Ces mesures pourraient aider bon nombre des personnes qui souffrent de la faim dans les villes.
?tant donn¨¦ qu'il n'est pas possible d'assurer l'autosuffisance alimentaire pour chaque pays, nous devons maintenir un syst¨¨me commercial international ¨¦quitable qui permet l'acc¨¨s aux produits alimentaires et qui all¨¨ge la flamb¨¦e des prix des denr¨¦es alimentaires et des cultures vivri¨¨res sur les march¨¦s internationaux. Nous devons convaincre les gouvernements des pays riches de maintenir des stocks de r¨¦serve et d'assurer des quantit¨¦s suffisantes de nourriture pour l'aide humanitaire qui continuera in¨¦vitablement d'¨ºtre n¨¦cessaire dans les divers ??points chauds?? de la plan¨¨te, en particulier en Afrique.
UN APPEL A L'ACTION
C'est une honte que malgr¨¦ l'engagement de la communaut¨¦ mondiale de r¨¦duire de moiti¨¦ d'ici ¨¤ 2015 le nombre de personnes qui souffrent de la faim, leur nombre continue d'augmenter. C'est une honte que dans ce monde productif et interd¨¦pendant, un milliard de personnes souffrent de la faim. Nous savons que bon nombre d'entre elles vivent en Afrique et que les effets des changements climatiques exacerbent la gravit¨¦ des d¨¦fis auxquels est confront¨¦ ce continent. Nous avons donc le devoir d'aider l'Afrique ¨¤ r¨¦soudre ce probl¨¨me. Mais les probl¨¨mes africains n¨¦cessiteront des solutions africaines. Les anciens dirigeants africains respect¨¦s, comme ceux qui ont re?u le prix Mo Ibrahim, devraient appeler leurs coll¨¨gues ¨¤ mettre de c?t¨¦ leurs diff¨¦rences et ¨¤ coop¨¦rer entre eux et avec d'autres pays et institutions afin de mener ¨¤ bien quelques-unes des mesures susmentionn¨¦es.
L'Afrique, qui a vu na¨ªtre l'esp¨¨ce humaine, ne courbera pas l'¨¦chine. Gr?ce au talent africain - et avec l'aide d'un monde humain et g¨¦n¨¦reux - l'Afrique pourra relever les d¨¦fis pos¨¦s par les changements climatiques.
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