1 ao?t 2009

La formation du trou d'ozone dans l'Antarctique montre la rapidit¨¦ avec laquelle nous pouvons changer l'atmosph¨¨re de notre plan¨¨te. Il y a de nombreuses autres questions environnementales auxquelles nous faisons face aujourd'hui et nous devons les lier entre elles pour comprendre les causes sous-jacentes et en d¨¦battre au lieu de traiter chaque question de mani¨¨re isol¨¦e. L'Antarctique est un continent magnifique. Les glaciers descendent jusqu'¨¤ la mer, royaume des pingouins et des baleines. Bien que 70% de l'eau douce du monde se trouve dans la calotte polaire, le continent est un v¨¦ritable d¨¦sert o¨´ l'eau douce y est pratiquement inexistante. La glace prend diverses couleurs, du blanc ¨¦tincelant de la neige fra¨ªche au bleu indigo profond au bas d'une crevasse b¨¦ante. C'est dans cette terre de contrastes que l'on a d¨¦couvert le trou d'ozone.

L'ozone est une forme d'oxyg¨¨ne similaire au gaz que nous respirons, mais est form¨¦ de trois atomes au lieu de deux. C'est donc un gaz tr¨¨s r¨¦actif et toxique en concentrations ¨¦lev¨¦es. Quand il est engendr¨¦ par la pollution pr¨¨s de la surface de la Terre, il peut provoquer des crises d'asthme mais, dans les couches sup¨¦rieures de l'atmosph¨¨re, il forme une protection contre les rayons du soleil. Il s'agit de la couche d'ozone, une zone situ¨¦e ¨¤ une altitude comprise entre 10 et 35 km o¨´ la concentration naturelle de l'ozone est tr¨¨s ¨¦lev¨¦e. ? cette altitude, l'ozone r¨¦sulte de l'action des rayons ultraviolets sur l'oxyg¨¨ne dans la stratosph¨¨re et les rayons ultraviolets les plus dangereux sont totalement absorb¨¦s durant ce processus. Certains de ces rayons atteignent la surface de la Terre et l'intensit¨¦ est contr?l¨¦e par la quantit¨¦ d'ozone-plus la couche d'ozone est ¨¦paisse, plus l'intensit¨¦ des rayonnements UV est diminu¨¦, et vice-versa. Lorsque la couche d'ozone s'appauvrit, les rayons ultraviolets peuvent la traverser, ce qui a des effets n¨¦fastes en augmentant les risques de coups de soleil, de cancer de la peau et de cataracte.

Les recherches sur l'ozone dans l'Antarctique ont d¨¦but¨¦ il a plus de 50 ans avec l'Ann¨¦e g¨¦ophysique internationale de 1957-58. Dans le cadre de cette entreprise scientifique, un r¨¦seau d'observatoires a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦ dans l'Antarctique, dont plusieurs ont mesur¨¦ l'ozone. La station de recherche britannique Halley fut l'une des premi¨¨res ¨¤ faire part de ses d¨¦couvertes : les r¨¦sultats obtenus pendant la premi¨¨re ann¨¦e de l'op¨¦ration ont montr¨¦ une diff¨¦rence surprenante avec ceux de l'Arctique ¨¤ une altitude ¨¦quivalente. On s'est vite rendu compte que cela ¨¦tait d? au fait que la circulation stratosph¨¦rique ¨¦tait diff¨¦rente au-dessus des deux p?les : au nord, la circulation est relativement complexe, alors qu'au sud, elle est relativement simple avec un vortex (tourbillon) circumpolaire de longue dur¨¦e ou un cyclone continu de grande ampleur.

Ces mesures d'ozone ¨¤ Halley se sont poursuivies en utilisant le m¨ºme type d'instrument, le spectrophotom¨¨tre d'ozone de Dobson, con?u dans les ann¨¦es 1920 par un professeur de physique d'Oxford, Gordon Dobson. Il demeure aujourd'hui encore l'instrument standard pour l'observation de l'ozone. Il utilise les rayonnements ultraviolets qui traversent la couche d'ozone pour mesurer la quantit¨¦ d'ozone. Cet instrument n¨¦cessite de nombreuses manipulations manuelles et les calculs n¨¦cessaires pour d¨¦terminer la quantit¨¦ d'ozone ¨¤ partir des observations sont complexes si bien que, dans les ann¨¦es 1970, une pile d'observations commen?aient ¨¤ s'accumuler.

Lorsque j'ai rejoint le Groupe d'¨¦tudes britanniques de l'Antarctique, l'une de mes premi¨¨res t?ches a ¨¦t¨¦ de cr¨¦er des programmes informatiques pour traiter les observations apr¨¨s qu'elles eurent ¨¦t¨¦ saisies ¨¦lectroniquement. La premi¨¨re ¨¦tape a consist¨¦ ¨¤ s'assurer que les donn¨¦es saisies ¨¦taient correctes, puis ¨¤ v¨¦rifier le logiciel. Ce fut aussi ¨¤ cette ¨¦poque que l'on a commenc¨¦ ¨¤ se poser des questions sur l'effet des a¨¦rosols et du supersonique Concorde sur la couche d'ozone. Lorsque le Groupe d'¨¦tudes britanniques de l'Antarctique a tenu sa ?Journ¨¦e porte ouverte?, on pensait que ce serait une bonne occasion de r¨¦assurer le public en affirmant que la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique n'avait pas chang¨¦. Or, ¨¤ la surprise g¨¦n¨¦rale, les donn¨¦es semblaient indiquer que les mesures de l'ozone au printemps de cette ann¨¦e-l¨¤ ¨¦taient tr¨¨s inf¨¦rieures ¨¤ celles relev¨¦es dix ans auparavant, mais il me restait ¨¤ traiter les donn¨¦es recueillies depuis. Une fois fait, il ¨¦tait ¨¦vident qu'il existait un effet syst¨¦matique. C'est alors que Joe Forman, Brian Gardiner et moi-m¨ºme avons ¨¦crit un article exposant ce ph¨¦nom¨¨ne inattendu au-dessus de l'Antarctique.

Partout ailleurs en Antarctique, les observatoires ont continu¨¦ d'effectuer des mesures de l'ozone de mani¨¨re sporadique, mais sans disposer des techniques instrumentales disponibles ¨¤ Halley qui permettent d'assurer la continuit¨¦ des observations sur le long terme. Ce fut un facteur crucial dans notre d¨¦couverte et qui nous a enseign¨¦ comment surveiller l'environnement. En outre, le centre du trou dans la couche d'ozone pr¨¦sente souvent une polarisation vers l'Atlantique, permettant ¨¤ la station Halley de commencer les mesures plusieurs semaines avant que le soleil ne se l¨¨ve suffisamment au p?le Sud. Une fois que l'article a ¨¦t¨¦ publi¨¦ dans la revue Nature, les donn¨¦es satellites ont de nouveau ¨¦t¨¦ trait¨¦es et ont mis en ¨¦vidence un ?trou d'ozone? au-dessus du p?le Sud. Bien que les satellites donnent un excellent aper?u g¨¦n¨¦ral des changements dans la couche d'ozone, les observations au sol sont n¨¦cessaires pour permettre une calibration pr¨¦cise.

Nous savons aujourd'hui que ce trou est caus¨¦ par les chlorofluorocarbones (cfc) et les halons contenant du chlore et des gaz de brome qui d¨¦truisent l'ozone. La raison pour laquelle la destruction est particuli¨¨rement importante au-dessus de l'Antarctique vient du fait qu'il existe un tourbillon polaire stable avec des temp¨¦ratures de dix degr¨¦s inf¨¦rieures ¨¤ celles de l'Arctique. En hiver, une masse de nuages inhabituelle se forme dans la couche d'ozone antarctique et les r¨¦actions chimiques ¨¤ la surface se produisent dans les nuages et ont un effet sur les substances chimiques qui appauvrissent la couche d'ozone. Lorsque le soleil r¨¦appara¨ªt, des r¨¦actions catalytiques se produisent qui d¨¦truisent l'ozone.

Le Protocole de Montr¨¦al a ¨¦t¨¦ une r¨¦ponse tr¨¨s efficace au changement de la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique. Ratifi¨¦ par tous les ?tats Membres de l'ONU ¨¤ l'exception d'un seul, il a permis de r¨¦duire la quantit¨¦ de substances nocives. Ces substances et autres substances associ¨¦es ¨¦tant, toutefois, tr¨¨s stables, leur concentration atmosph¨¦rique diminue tr¨¨s lentement et ne retrouvera pas le niveau qui existait avant l'apparition du trou avant 2070. Il faudra probablement compter plusieurs ann¨¦es avant que le trou dans la couche d'ozone ne r¨¦tr¨¦cisse et de nombreuses d¨¦cennies avant de retrouver les concentrations du d¨¦but des ann¨¦es 1970. La r¨¦duction de ces substances nocives a eu comme cons¨¦quence involontaire de r¨¦duire le r¨¦chauffement de la plan¨¨te, les substances chimiques ¨¦tant souvent des gaz ¨¤ effet de serre puissants.

Le probl¨¨me du trou dans la couche d'ozone a ¨¦t¨¦ trait¨¦ de mani¨¨re relativement simple, chacun ayant g¨¦n¨¦ralement pris conscience du probl¨¨me et reconnu la n¨¦cessit¨¦ de trouver une solution en utilisant d'autres produits. Un autre sympt?me environnemental-celui du changement climatique-suscite actuellement de nombreux d¨¦bats, mais en termes d'¨¦mission de gaz ¨¤ effet de serre dans l'atmosph¨¨re, on est au-del¨¤ du pire sc¨¦nario pr¨¦dit par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'¨¦volution du climat (giec). En outre, il existe de nombreux autres sympt?mes des contraintes exerc¨¦es sur l'environnement allant de la p¨¦nurie de l'eau et de la nourriture ¨¤ l'effondrement de la p¨ºche ¨¤ la d¨¦forestation et ¨¤ la destruction de l'habitat.

Lorsqu'un m¨¦decin traite un patient, il est essentiel qu'il prenne en compte tous les sympt?mes pour pouvoir ¨¦tablir un diagnostic. C'est exactement la m¨ºme chose lorsqu'on examine la sant¨¦ de la plan¨¨te. Mon diagnostic est que nous devons de toute urgence d¨¦battre du probl¨¨me de l'ozone et prendre des mesures pour r¨¦duire les activit¨¦s humaines qui affectent la plan¨¨te, sinon d'autres sympt?mes risquent d'appara¨ªtre. Nous pourrions diminuer la consommation des ressources de notre plan¨¨te, en particulier dans les nations d¨¦velopp¨¦es; mais il nous faut probablement aussi r¨¦duire la population mondiale si nous voulons assurer la sant¨¦ de la plan¨¨te ¨¤ long terme. Pour ce faire, nous devons organiser sans d¨¦lai un d¨¦bat si nous voulons ¨¦viter un sort comme celui des habitants de l'¨ªle de P?ques qui ont ¨¦puis¨¦ toutes leurs ressources.

Malheureusement, ces avertissements, comme les pr¨¦dictions de Cassandre, ne seront pas entendus et il faudra peut-¨ºtre une catastrophe majeure avant que des mesures ne soient prises. Les Nations Unies sont le lieu o¨´ le d¨¦bat devrait d¨¦buter.

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