1 ao?t 2009

Lorsque l'on parle d'¨¦nergie au Moyen-Orient, on pense instinctivement au p¨¦trole-l'or noir qui a ¨¦t¨¦ la source des ¨¦conomies stables et saines dans la r¨¦gion. Or, cela est sur le point de changer. Avec la Conf¨¦rence des Nations Unies sur le climat qui doit bient?t avoir lieu ¨¤ Copenhague, les gouvernements r¨¦alisent que face ¨¤ la menace imminente pos¨¦e par le changement climatique, il n'y a pas d'autre choix que d'agir vite. Selon l'?tude sur la situation ¨¦conomique et sociale dans le monde, 2009 : promouvoir le d¨¦veloppement, prot¨¦ger la plan¨¨te 1, nous devons transformer notre ¨¦conomie ¨¤ un niveau similaire ¨¤ celui des p¨¦riodes de guerre. Lorsqu'il a annonc¨¦ qu'un sommet sans pr¨¦c¨¦dent sur le climat aurait lieu au si¨¨ge de l'ONU le 22 septembre 2009, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies Ban Ki-moon a dit qu'il nous restait moins de dix ans pour enrayer la hausse des ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre si nous voulions ¨¦viter des cons¨¦quences catastrophiques pour les populations et la plan¨¨te. Les petits ?tats insulaires en d¨¦veloppement, qui sont directement menac¨¦s par l'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer, demandent de fixer un seuil d'¨¦missions d'ici ¨¤ la fin de 2010 afin de limiter d¨¨s que possible la concentration de gaz ¨¤ effet de serre ¨¤ 350 parties par million (PPM) d'¨¦quivalent CO2.

Cette rapide transformation a, bien entendu, suscit¨¦e de vives inqui¨¦tudes dans les pays de la r¨¦gion arabe riche en p¨¦trole. Le co?t du changement climatique est trop ¨¦lev¨¦. M¨ºme la r¨¦gion arabe souffrira, en particulier dans le secteur agricole et le secteur des ressources en eau. L'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer menacera ¨¦galement les pays ¨¤ faible ¨¦l¨¦vation et les r¨¦gions agricoles de la r¨¦gion comme le Bahre?n, le Qatar, les ?mirats arabes unis et le bassin du Nil. Au Liban, les incendies qui sont de plus en plus fr¨¦quents d¨¦truisent les for¨ºts. Il est donc n¨¦cessaire de transformer nos soci¨¦t¨¦s et de d¨¦velopper une ¨¦conomie ¨¤ faible ¨¦mission de carbone. La question est de savoir quel r?le la r¨¦gion pourra jouer dans la campagne en faveur d'une telle ¨¦conomie.

Si la r¨¦gion arabe est le principal producteur de p¨¦trole au monde, elle est aussi l'une des r¨¦gions les plus riches en ressources pour d¨¦velopper la production d'¨¦nergies renouvelables. Si seulement 1% des d¨¦serts de la r¨¦gion ¨¦taient utilis¨¦s pour produire de l'¨¦nergie solaire, cette r¨¦gion pourrait approvisionner l'Europe, l'Afrique et une partie de l'Asie. Cette id¨¦e n'est pas nouvelle. Des rapports et des ¨¦tudes ont ¨¦t¨¦ d¨¦j¨¤ r¨¦alis¨¦s ¨¤ cette fin et des bureaux d'¨¦tudes ont ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦s comme DESERTEC Industrial Initiative qui a pour objet l'analyse et la mise en place d'?un cadre technique, ¨¦conomique, politique, social et ¨¦conomique en faveur d'une production d'¨¦nergie sans ¨¦mission de CO2 dans les d¨¦serts d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient?. Le concept DESERTEC est ax¨¦ essentiellement sur la construction de centrales thermiques solaires qui concentrent les rayons du soleil ¨¤ l'aide d'immenses miroirs install¨¦s pour cr¨¦er de la chaleur qui, ¨¤ son tour, produit de la vapeur pour une turbine. ? l'avenir, des centrales solaires thermiques seront construites dans les d¨¦serts d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient et plusieurs projets pilotes ont d¨¦j¨¤ vu le jour. En juillet 2009, douze grandes entreprises europ¨¦ennes ont sign¨¦ un m¨¦morandum d'accord2 ¨¤ Munich pour lancer l'Initiative DESERTEC. M¨ºme si ces initiatives visent principalement ¨¤ fournir de l'¨¦nergie solaire ¨¤ l'Europe, elles peuvent ¨ºtre facilement d¨¦velopp¨¦es et un r¨¦seau ¨¦lectrique intelligent pourrait ¨ºtre construit pour acheminer l'¨¦nergie solaire vers les pays africains et de l'Asie de l'Ouest.

La r¨¦gion arabe pourrait donc continuer ¨¤ jouer un r?le d¨¦cisif dans le secteur ¨¦nerg¨¦tique de demain, dont l'importance d¨¦pendra des d¨¦cisions prises aujourd'hui. Les premiers ¨¤ investir dans ce secteur seront ceux qui vendront leur technologie ou l'¨¦nergie produite par celle-ci, comme cela a ¨¦t¨¦ le cas de la technologie ¨¦olienne dans certains pays europ¨¦ens. Les ¨¦nergies renouvelables offrent une occasion unique ¨¤ la r¨¦gion arabe. Si les pays arabes exportateurs de p¨¦trole nouvellement industrialis¨¦s investissent leurs revenus p¨¦troliers dans la technologie solaire, ils contribueront non seulement ¨¤ prot¨¦ger la vie sur la plan¨¨te, mais assureront aussi que leurs ¨¦conomies profiteront de l'exportation de l'¨¦nergie solaire propre. Cela leur permettra aussi de diversifier leur ¨¦conomie et de ne pas ¨¦puiser leurs ressources p¨¦troli¨¨res qui seront m¨ºme plus pr¨¦cieuses ¨¤ l'avenir.

Certains pays arabes exportateurs de p¨¦trole commencent ¨¤ voir les avantages que pr¨¦sentent ces projets. Les ?tats arabes unis se sont ¨¦tablis comme un des leaders des ¨¦nergies renouvelables en lan?ant l'Initiative Masdar3 qui a pour objet de construire la premi¨¨re ville totalement neutre en ¨¦missions de CO2. Cette initiative a rassembl¨¦ des chercheurs et des entreprises du monde entier. Masdar est aujourd'hui le si¨¨ge de l'Agence internationale pour les ¨¦nergies renouvelables (IRENA), une agence intergouvernementale dont la mission est de promouvoir les ¨¦nergies renouvelables ¨¤ l'¨¦chelle mondiale. La d¨¦cision de faire des ?mirats arabes unis la plate-forme pour les ¨¦nergies renouvelables montre que les Gouvernements reconnaissent le r?le que cette r¨¦gion peut jouer dans ce secteur.

La r¨¦gion arabe peut ¨¦galement jouer un r?le important pour faciliter la transition entre les combustibles fossiles et les ¨¦nergies renouvelables. Il est peu probable que ce passage se fera rapidement. Il y aura une p¨¦riode de transformation durant laquelle de nombreux pays continueront d'augmenter leur production ¨¦nerg¨¦tique, surtout dans les ¨¦conomies ¨¦mergentes comme la Chine et l'Inde o¨´ la demande augmente rapidement et o¨´ il sera n¨¦cessaire de construire des centrales traditionnelles. Le choix du combustible peut toutefois faire une ¨¦norme diff¨¦rence. En choisissant le gaz naturel-le combustible le plus propre-pour produire de l'¨¦lectricit¨¦, les pays pourront r¨¦duire significativement leurs ¨¦missions de CO2. Le gaz naturel produit 30% de moins de dioxyde de carbone que le charbon. Pendant la p¨¦riode de transformation, il faudrait donc accorder une plus grande priorit¨¦ aux centrales fonctionnant au gaz naturel qu'¨¤ celles qui fonctionnent au charbon et au p¨¦trole. Ici aussi, la r¨¦gion arabe a un r?le important ¨¤ jouer : selon les estimations, le Qatar d¨¦tient les troisi¨¨mes r¨¦serves de gaz naturel du monde suivi par l'Arabie saoudite et les ?mirats arabes unis, l'Alg¨¦rie et l'Irak occupant le neuvi¨¨me et le dixi¨¨me rang.

Quoi qu'il arrive ¨¤ l'avenir, la r¨¦gion arabe continuera de jouer un r?le important dans la production mondiale d'¨¦nergie. Produire une ¨¦nergie propre et durable qui prot¨¦gera la plan¨¨te contre le changement climatique est un choix qui ne d¨¦pend pas seulement de la r¨¦gion mais aussi des dirigeants mondiaux. Nous aurons l'occasion de faire ce choix ¨¤ Copenhague dans seulement un mois.


Notes 1
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