1 ao?t 2009

Dans un petit village situ¨¦ ¨¤ l'ouest de la Zambie, le roi des Lozi - le Litunga - demande ¨¤ son peuple de quitter les terres basses et de se joindre ¨¤ lui pour participer ¨¤ une c¨¦r¨¦monie afin de c¨¦l¨¦brer la saison des pluies qui fertilisent leurs terres. Mais ces deux derni¨¨res ann¨¦es, il n'y a pas eu de c¨¦l¨¦brations. Les pluies sont arriv¨¦es plus t?t que pr¨¦vu, provoquant des inondations d¨¦vastatrices. Les Lozi consid¨¨rent que cette situation est due aux changements climatiques. ?Les saisons ont chang¨¦. C'est une v¨¦ritable catastrophe?, commente Bennet Imutongo Sondo, l'induna de 74 ans ou chef du village de Liyoyelo dans le district de Mongu, en Zambie.
Dans un petit village situ¨¦ ¨¤ l'ouest de la Zambie, le roi des Lozi - le Litunga - demande ¨¤ son peuple de quitter les terres basses et de se joindre ¨¤ lui pour participer ¨¤ une c¨¦r¨¦monie afin de c¨¦l¨¦brer la saison des pluies qui fertilisent leurs terres. Mais ces deux derni¨¨res ann¨¦es, il n'y a pas eu de c¨¦l¨¦brations. Les pluies sont arriv¨¦es plus t?t que pr¨¦vu, provoquant des inondations d¨¦vastatrices. Les Lozi consid¨¨rent que cette situation est due aux changements climatiques. ?Les saisons ont chang¨¦. C'est une v¨¦ritable catastrophe?, commente Bennet Imutongo Sondo, l'induna de 74 ans ou chef du village de Liyoyelo dans le district de Mongu, en Zambie.

Les scientifiques froncent les sourcils lorsqu'ils ¨¦tudient l'impact du changement climatique en Afrique. Les r¨¦sultats ne sont pas encourageants : l'Afrique conna¨ªtra probablement des p¨¦riodes de s¨¦cheresse, des inondations et d'autres effets climatiques extr¨ºmes, alors qu'elle contribue le moins aux ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre - moins de 4% des ¨¦missions totales mondiales. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'¨¦volution du climat (GIEC), la situation n'est pas pr¨¨s de changer. En raison de l'augmentation continue des ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre, 1,8 milliard de personnes suppl¨¦mentaires pourraient ¨ºtre victimes du stress hydrique d'ici ¨¤ 2050. Les terres arides et semi-arides risquent d'augmenter jusqu'¨¤ 8 %, mena?ant la s¨¦curit¨¦ alimentaire. Le GIEC avertit ¨¦galement que l'¨¦l¨¦vation du niveau de la mer, en particulier les r¨¦gions c?ti¨¨res de l'Afrique de l'Est, pourrait augmenter les risques d'inondation. Les mesures d'adaptation pourraient repr¨¦senter jusqu'¨¤ 10%des produits int¨¦rieurs bruts conjugu¨¦s de tous les pays africains.

LE CONTINENT LE PLUS VULN?RABLE

Mis ¨¤ part le GIEC qui fait autorit¨¦ pour les questions climatiques, de nombreuses ¨¦tudes mettent en ¨¦vidence les cons¨¦quences graves pour l'Afrique. ? une conf¨¦rence tenu au Cap en septembre 2009, Oli Brown de l'Institut international pour le d¨¦veloppement durable a d¨¦clar¨¦ au cours d'une discussion sur la s¨¦curit¨¦ et le changement climatique que ?l'Afrique est le premier continent ¨¤ ressentir pleinement les effets des changements climatiques sur la stabilit¨¦ politique et ¨¦conomique qui sont exacerb¨¦s par ses conflits ethniques et politiques et autour des ressources environnementales ainsi que par sa d¨¦pendance vis-¨¤-vis de secteurs sensibles comme l'agriculture pluviale.?
L'organisation d'aide internationale Oxfam estime qu'avec la hausse des temp¨¦ratures, l'Afrique sub-saharienne perdra 2 milliards de dollars par an, simplement parce que la viabilit¨¦ d'une seule culture, le ma?s, est en d¨¦clin. Une ¨¦tude du Forum humanitaire mondial situ¨¦ ¨¤ Gen¨¨ve indique que 15 ¨¤ 20 pays les plus vuln¨¦rables au changement climatique se trouvent en Afrique.
Selon le Rapport sur le d¨¦veloppement dans le monde 2010 : d¨¦veloppement et changement climatique, un r¨¦chauffement de seulement 2°C par rapport aux temp¨¦ratures de la p¨¦riode pr¨¦industrielle pourrait provoquer des r¨¦ductions permanentes du PIB de 4 ¨¤ 5%en Afrique. L'eau sera une pr¨¦occupation majeure pour les pays africains, et plusieurs commentateurs ont fait savoir que des guerres de l'eau pourraient ¨¦clater parce que les populations seront en concurrence pour les ressources disponibles. Certains ont d¨¦j¨¤ sugg¨¦r¨¦ que le conflit au Darfour pourrait ¨ºtre en partie d? ¨¤ une p¨¦nurie d'eau dans la r¨¦gion.
En juillet 2009, dans un article paru dans Scientific American, l'¨¦conomiste Jeffrey Sachs a ¨¦crit que ? les ann¨¦es r¨¦centes ont montr¨¦ que l'¨¦volution dans la configuration des pr¨¦cipitations peut faire tomber un gouvernement et m¨ºme d¨¦clencher des guerres. Le Sahel africain, juste au-dessous du Sahara, en est un exemple dramatique et poignant. Par exemple, les attaques sanglantes qui ont ¨¦t¨¦ perp¨¦tr¨¦es au Darfour, au Soudan, qui sont presque toujours d¨¦battues en termes politiques et militaires, prennent naissance dans une crise ¨¦cologique directement li¨¦e aux chocs climatiques ?.
En ao?t 2009, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies, Ban Ki-moon, a dit dans une tribune libre intitul¨¦e Le climat coupable au Darfour : ?Parmi les diverses causes sociales et politiques, la crise du Darfour est d'abord une crise ¨¦cologique, caus¨¦e en partie par le r¨¦chauffement climatique.?
L'ass¨¨chement du lac Tchad est directement li¨¦ ¨¤ 80% au changement climatique depuis les ann¨¦es 1980. Ce ph¨¦nom¨¨ne touche le Nigeria, le Tchad, le Cameroun et le Niger qui partagent le lac, et plusieurs organisations non gouvernementales ont mis en garde contre les risques de conflits concernant les ressources en eau disponibles.
Actuellement, 20 pays en Afrique souffrent de la p¨¦nurie d'eau et le Rapport sur le d¨¦veloppement dans le monde 2010 note que 12 pays suppl¨¦mentaires pourraient conna¨ªtre la m¨ºme situation dans les 25 prochaines ann¨¦es.
Les 63 bassins transfrontaliers de l'Afrique repr¨¦sentent plus de 90%de ses eaux de surface, et aucun trait¨¦ n'aborde la question du partage des eaux en Afrique. L'Afrique du Sud, l'¨¦conomie la plus dynamique du continent, pourrait aussi conna¨ªtre un stress hydrique d'ici ¨¤ 2025.

Les chercheurs de la Communaut¨¦ de d¨¦veloppement de l'Afrique australe (CDAA) ont indiqu¨¦ que l'Afrique australe a enregistr¨¦ en 2007-08 une perte de plus de 4 millions de tonnes de ma?s destin¨¦es ¨¤ la consommation. D¨¦j¨¤, les configurations des pr¨¦cipitations ont chang¨¦ en Afrique et les p¨¦riodes de s¨¦cheresse sont plus fr¨¦quentes, ce qui pourrait menacer les moyens d'existence de pr¨¨s de 75% de la population du continent qui pratiquent l'agriculture.
LES PUITS DE CARBONE
Mais l'Afrique a ¨¦galement la possibilit¨¦ d'apporter une contribution importante ¨¤ l'att¨¦nuation des effets du changement climatique en investissant dans les for¨ºts pluviales du monde qui constituent des ?puits de carbone?.

Les plus grandes zones de for¨ºts pluviales d'Afrique se trouvent en Afrique centrale, en Afrique de l'Ouest, en Afrique de l'Est et ¨¤ Madagascar. Mais pour r¨¦pondre aux besoins des communaut¨¦s locales et des pays d¨¦velopp¨¦s, l'exploitation foresti¨¨re commerciale, l'exploitation mini¨¨re, l'exploitation du bois de combustible et l'agriculture ont entra¨ªn¨¦ une d¨¦forestation importante.

Alors que 2% des for¨ºts pluviales mondiales ont ¨¦t¨¦ ras¨¦es, la deuxi¨¨me for¨ºt tropicale humide contigu? la plus ¨¦tendue se trouve dans le bassin du Congo en Afrique. Cette vaste zone de verdure couvre une large superficie englobant le Cameroun, la R¨¦publique centrafricaine, la R¨¦publique d¨¦mocratique du Congo (RDC), la Guin¨¦e ¨¦quatoriale, le Gabon et la R¨¦publique du Congo. Depuis les ann¨¦es 1980, cette for¨ºt a connu les taux d'exploitation foresti¨¨re et de d¨¦frichement les plus ¨¦lev¨¦s au monde.La Feuille de route de Bali, adopt¨¦e par les Gouvernements en 2007, comprend un programme appel¨¦ REDD, R¨¦duction des ¨¦missions li¨¦es ¨¤ la d¨¦forestation et ¨¤ la d¨¦gradation de la for¨ºt, qui fera l'objet d'?pres d¨¦bats lors de la Conf¨¦rence des Nations Unies sur le changement climatique ¨¤ Copenhague. L'ONU esp¨¨re que, dans le cadre de REDD, les incitations financi¨¨res offertes aux pays en d¨¦veloppement les encourageront ¨¤ pr¨¦server leurs for¨ºts qui peuvent absorber les gaz ¨¤ effet de serre. L'une des propositions de ce programme consiste ¨¤ verser des compensations aux propri¨¦taires forestiers pour pr¨¦server les r¨¦gions bois¨¦es. La proposition est particuli¨¨rement int¨¦ressante pour les pays forestiers comme la RDC. Mais comme seulement les for¨ºts pluviales sont actuellement comprises, d'autres pays moins bois¨¦s, comme la Tanzanie, pourraient ne pas tirer profit de cette incitation. Il est aussi ¨¤ craindre que des grandes corporations ach¨¨tent des terres foresti¨¨res et tirent profit de l'incitation.

Le GIEC estime que la d¨¦forestation contribue ¨¤ 17%des ¨¦missions de gaz mondiales ¨¤ effet de serre, ce qui en fait la deuxi¨¨me source d'¨¦missions la plus importante apr¨¨s les ¨¦missions provenant du secteur de la production d'¨¦nergie. Selon les estimations, les ¨¦missions de carbone provenant de la d¨¦forestation dans les ann¨¦es 1990 repr¨¦sentent 5,8 gigatonnes par an.

Pour bon nombre de pays africains, la d¨¦forestation est l'activit¨¦ qui contribue le plus aux ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre. La RDC et la Zambie sont particuli¨¨rement vuln¨¦rables. On estime que pr¨¨s d'un demi-million d'hectares de for¨ºts sont d¨¦truits chaque ann¨¦e en Zambie. Les ¨¦tudes men¨¦es par la Rainforest Foundation en 2007 ont r¨¦v¨¦l¨¦ que les for¨ºts du Bassin du Congo contiennent entre 25 ¨¤ 30 milliards de tonnes de carbone - soit l'¨¦quivalent de quatre ans d'¨¦missions anthro¬piques. Plus de la moiti¨¦ de ce carbone est stock¨¦e dans les for¨ºts de la RDC.

LES N?GOCIATIONS ? COPENHAGUE

Au Sommet de l'Union africaine (UA) qui a eu lieu ¨¤ Sirte en juillet 2009, 53 nations africaines se sont r¨¦unies pour n¨¦gocier d'une seule voix ¨¤ Copenhague. Les dirigeants africains ont adopt¨¦ une position commune sur les changements climatiques qui pr¨¦voit notamment :

? le financement des efforts d'att¨¦nuation par la communaut¨¦ internationale ¨¤ hauteur de 67 milliards de dollars par an d'ici ¨¤ 2020;

? l'augmentation du nombre de projets du m¨¦canisme de d¨¦veloppement propre (MDP) en Afrique. Sur les 1 800 projets MDP, seulement 30 projets sont mis en place en Afrique, soit environ 2% au niveau mondial;

?le versement d'indemnisations aux pays qui conservent leurs for¨ºts;

? le transfert des technologies pour aider l'Afrique ¨¤ limiter ses ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre et ¨¤ s'adapter aux changements climatiques.

Meles Zenawi, Premier Ministre ¨¦thiopien, a ¨¦t¨¦ choisi pour pr¨¦sider un nouveau Comit¨¦ de haut niveau compos¨¦ des chefs d'?tat qui conduira le processus de n¨¦gociation africain.

Jean Ping, Pr¨¦sident de la Commission de l'Union africaine, a r¨¦guli¨¨rement soulign¨¦ que l'Afrique ne pouvait pas se permettre d'occuper une place de second rang dans les n¨¦gociations, mais doit ?peser de tout son poids? pour ¨¦viter qu'¨¤ Copenhague, les pays d¨¦velopp¨¦s concluent un accord sans l'Afrique. En septembre 2009, l'Africa Progress Panel a pr¨¦par¨¦ un document d'information destin¨¦ aux chefs d'?tat de l'Union africaine, aux ministres des finances et de l'environnement ainsi qu'aux partenaires internationaux. Ce document appelle l'Afrique ¨¤ faire peser ses 54 voix lors la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique sur des questions autres que le financement du carbone, comme l'¨¦tablissement d'objectifs pr¨¦cis en mati¨¨re d'¨¦missions, la compensation des ¨¦missions de carbone pour l'Afrique et le transfert des technologies.

M¨ºme si l'Afrique a affirm¨¦ sa capacit¨¦ de s'exprimer d'une seule voix, il reste ¨¤ voir quel poids aura cette voix ¨¤ Copenhague dans les derni¨¨res heures des n¨¦gociations lorsqu'il faut donner une forte impulsion vers la conclusion d'un accord contraignant. Les pays influents les ignoreront-ils, les consid¨¦rant comme des acteurs de peu d'importance?Ou cette voix unifi¨¦e pour la premi¨¨re fois donnera-t-elle ¨¤ l'Afrique les moyens de lui assurer une position dominante dans un tel accord crucial?R¨¦ponse ¨¤ Copenhague.

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