En Inde, la faim et la malnutrition sont des probl¨¨mes chroniques qui s¨¦vissent sur une vaste ¨¦chelle. La pr¨¦valence de la malnutrition y est un des probl¨¨mes les plus importants au monde, plus important que dans certains pays pauvres de l'Afrique subsaharienne. Selon le rapport 2007 : Progr¨¨s pour les enfants : bilan statistique du Fonds des Nations Unies pour l'enfance1, la proportion des enfants de moins de cinq ans souffrant d'insuffisance pond¨¦rale - un signe de malnutrition - ¨¦tait de 28 % en Afrique subsaharienne et 42 % en Asie du Sud (43 % en Inde). Le Rapport 2006 sur l'?tat de l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire dans le monde2 de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture confirme que l'Inde est le pays qui compte le plus grand nombre de personnes souffrant de sous-alimentation chronique au monde*.
Selon l'Enqu¨ºte nationale sur la sant¨¦ de la famille3 r¨¦alis¨¦e en 2005/06, 45,9 % d'enfants de moins de trois ans souffraient d'insuffisance pond¨¦rale ou de malnutrition calcul¨¦e en comparant le rapport poids-?ge. La proportion correspondante ¨¦tait de 46,7 % en 1998/99. Au cours des sept derni¨¨res ann¨¦es, l'am¨¦lioration de cet indicateur de base de malnutrition des enfants a ¨¦t¨¦ n¨¦gligeable. De plus, le taux de pr¨¦valence de l'an¨¦mie (une r¨¦duction du nombre de globules rouges dans le sang qui transportent l'oxyg¨¨ne) a augment¨¦ passant de 52 % en 1998/99 ¨¤ 56 % en 2005/06 chez les femmes de 15 ¨¤ 49 ans, un ¨¦tat qui touche 58 % des femmes enceintes. Le taux de pr¨¦valence de l'an¨¦mie a ¨¦galement augment¨¦ chez les enfants ?g¨¦s de 6 ¨¤ 36 mois : 74 % ¨¦taient an¨¦miques en 1998/99 et 79 % en 2005/06. Les donn¨¦es fournies par le National Nutrition Monitoring Bureau en 1993-94 indiquaient que 48,5 % de la population adulte avait un indice de masse corporelle au-dessous de la normale. Ces indicateurs indiquent que pr¨¨s de la moiti¨¦ de la population indienne souffre aujourd'hui de malnutrition. Le nombre absolu de personnes sous-aliment¨¦es a un peu diminu¨¦, mais ¨¤ un rythme plus faible que le but fix¨¦ lors du Sommet mondial sur l'alimentation qui s'est tenu ¨¤ Rome en 1996. L'Inde n'a pas atteint les Objectifs du d¨¦veloppement pour le Mill¨¦naire qu'elle s'¨¦tait fix¨¦s.
Ces r¨¦sultats sont un reflet non seulement de la situation pr¨¦sente de l'Inde mais aussi de son avenir. L'¨¦chec de la politique nationale a des cons¨¦quences d¨¦sastreuses sur cette g¨¦n¨¦ration, car les enfants sous-aliment¨¦s ont peu de chances de r¨¦aliser pleinement leur potentiel, et aussi sur la g¨¦n¨¦ration suivante, les jeunes filles an¨¦miques et sous-aliment¨¦es risquant plus tard de donner naissance ¨¤ des nourrissons qui souffrent d'insuffisance pond¨¦rale.
? la fin de juillet 2008, la situation s'est probablement aggrav¨¦e par la hausse rapide des prix des produits alimentaires de base. Le taux d'inflation, qui a atteint pr¨¨s de 12 %, est au plus haut depuis 13 mois, mais certains produits alimentaires comme le riz, certains l¨¦gumes secs, les l¨¦gumes, le th¨¦ et les huiles comestibles, ont encore plus augment¨¦. ? New Delhi par exemple, entre mai 2007 et mai 2008, les prix au d¨¦tail ont augment¨¦ : 20 % pour l'huile d'arachide, 21 % pour l'huile de moutarde et 10,5 % pour les lentilles jaunes. Selon une ¨¦tude de la National Sample Survey Organization, un organisme du gouvernement central, les prix ¨¦lev¨¦s actuels des denr¨¦es alimentaires et du p¨¦trole risquent de pousser 5 % de la population indienne au bord de la famine4.
Cet article examine les interventions politiques importantes men¨¦es en Inde pour am¨¦liorer la s¨¦curit¨¦ alimentaire. Je me concentrerai davantage sur les politiques qui concernent les m¨¦nages et les consommateurs plut?t que les producteurs. L'intervention la plus importante en Inde est le syst¨¨me public de distribution de produits alimentaires, un programme visant ¨¤ fournir aux m¨¦nages l'acc¨¨s ¨¤ des produits alimentaires bon march¨¦ dans l'ensemble du pays. Deux autres programmes d'aide alimentaire sont Midday Meal, un repas gratuit distribu¨¦ dans les ¨¦coles primaires et le Programme pour le d¨¦veloppement int¨¦gr¨¦ de l'enfant (icds) qui vise ¨¤ am¨¦liorer l'¨¦tat nutritionnel des jeunes enfants et des femmes enceintes et de celles qui allaitent. En 2006/07, 31,6 millions de tonnes de c¨¦r¨¦ales (riz et bl¨¦) ont ¨¦t¨¦ fournis par le biais du syst¨¨me public de distribution (pds). Les autres programmes d'aide alimentaire ont re?u 5,1 millions de tonnes5,6.
LES POLITIQUES DE S?CURIT? ALIMENTAIRE : R?PONDRE AUX FAMINES OU ? LA FAIM CHRONIQUE
Dans leur ouvrage innovant intitul¨¦ Hunger and Public Action et les volumes de l'Institut mondial de recherche sur les aspects ¨¦conomiques du d¨¦veloppement de la s¨¦rie de l'Universit¨¦ des Nations Unies, Jean Dr¨¨ze et Amartya Sen ont ¨¦tabli une nette distinction ? entre la faim chronique (la privation persistante de nourriture) et la famine (la privation de nourriture ¨¤ grande ¨¦chelle et une mortalit¨¦ ¨¦lev¨¦e)7 ?. En s'appuyant sur des ¨¦tudes de cas dans plusieurs pays, les auteurs discutent des diff¨¦rentes strat¨¦gies et politiques n¨¦cessaires pour traiter ces deux probl¨¨mes8. Dans le cas de l'Inde, il existe de nombreux ¨¦l¨¦ments expliquant la nature des interventions du gouvernement pendant les famines, dont la derni¨¨re - la famine au Bengale en 1943 durant l'¨¦poque coloniale - qui a fait environ 3 millions de morts9. MM. Dr¨¨ze et Sen d¨¦montrent de mani¨¨re convaincante qu'apr¨¨s l'ind¨¦pendance, l'Inde a fait face avec efficacit¨¦ aux p¨¦riodes de p¨¦nuries alimentaires, de s¨¦cheresse et aux autres crises alimentaires de fa?on ¨¤ pr¨¦venir les risques de famine. Je consid¨¨re toutefois que le pays n'a pas r¨¦ussi ¨¤ garantir l'acc¨¨s de tous les Indiens ¨¤ la nourriture.
LE SYST?ME PUBLIC DE DISTRIBUTION ALIMENTAIRE DE L'INDE
Le syst¨¨me public de distribution (pds) en Inde est un m¨¦canisme qui permet aux m¨¦nages d'avoir acc¨¨s ¨¤ des denr¨¦es de base ¨¤ des prix subventionn¨¦s par le gouvernement. Ces denr¨¦es sont vendues dans un r¨¦seau de magasins ¨¤ prix ¨¦quitables. Dans de nombreuses r¨¦gions du pays, le pds ¨¦tait universel jusqu'en 1977, et tous les m¨¦nages ruraux et urbains pouvant prouver leur adresse avaient droit ¨¤ des rations alimentaires. Les m¨¦nages ¨¦ligibles recevaient une carte qui leur permettait d'acheter une quantit¨¦ d¨¦termin¨¦e de denr¨¦es alimentaires. Les modalit¨¦s exactes (quantit¨¦, choix des denr¨¦es et prix) varient selon les r¨¦gions. En 2006, on comptait 480 000 magasins ¨¤ prix ¨¦quitables dans le pays. La plupart ¨¦taient g¨¦r¨¦s par des agents et des coop¨¦ratives priv¨¦s, seuls quelques-uns ¨¦taient nationalis¨¦s. Au total, 222,2 millions de familles indiennes d¨¦tenaient des cartes de ration et avaient acc¨¨s ¨¤ un magasin ¨¤ prix ¨¦quitable qui servait en moyenne 454 personnes.
Le programme de distribution a ¨¦t¨¦ lanc¨¦ en 1939 en tant que mesure de rationnement durant la guerre. Le gouvernement britannique a introduit cette initiative ¨¤ Bombay puis l'a ¨¦tendue ¨¤ six autres villes et ¨¤ d'autres r¨¦gions. La s¨¦cheresse et la p¨¦nurie alimentaire qui ont s¨¦vi au milieu des ann¨¦es 1960 ont soulign¨¦ la n¨¦cessit¨¦ de renforcer et de poursuivre la mise en place d'un syst¨¨me de distribution alimentaire et le pds est devenu un programme universel dans les ann¨¦es 1970. Con?u au d¨¦part comme un programme de rationnement dans les grandes villes pendant la Deuxi¨¨me Guerre mondiale, le pds est donc devenu un programme universel de distribution de nourriture ¨¤ un prix raisonnable et a ¨¦t¨¦ int¨¦gr¨¦ ¨¤ la strat¨¦gie de r¨¦duction de la pauvret¨¦.
Historiquement, le syst¨¨me de distribution alimentaire avait plusieurs objectifs10 : maintenir la stabilit¨¦ des prix, augmenter les programmes d'aide aux pauvres en leur donnant acc¨¨s ¨¤ des produits de base ¨¤ un prix avantageux et en leur assurant des rations alimentaires pendant les p¨¦riodes de p¨¦nurie et exercer un contr?le sur le commerce priv¨¦11 pour pr¨¦venir les risques de sp¨¦culation et la vente sur le march¨¦ noir. Il est clair que certains de ces objectifs sont moins importants aujourd'hui. Alors que le rationnement n'est plus pertinent aujourd'hui, le maintien de la stabilit¨¦ des prix a ¨¦t¨¦ crucial apr¨¨s la lib¨¦ralisation du commerce (dans les ann¨¦es 1990 et encore plus dans les ann¨¦es 2000) o¨´ les n¨¦gociants priv¨¦s ont eu libre cours et o¨´ les variations internationales des prix pouvaient facilement affecter les prix int¨¦rieurs. Face ¨¤ l'ampleur de la malnutrition et ¨¤ l'inflation des prix de denr¨¦es alimentaires, l'acc¨¨s aux produits alimentaires de base ¨¤ un prix raisonnable continue d'¨ºtre une initiative politique importante.
L'histoire du syst¨¨me public de distribution en Inde11 comporte quatre phases. Durant la premi¨¨re phase, qui d¨¦bute de la cr¨¦ation du syst¨¨me jusqu'en 1960, le syst¨¨me a ¨¦t¨¦ ¨¦tendu ¨¤ d'autres villes, et la distribution alimentaire d¨¦pendait g¨¦n¨¦ralement des importations de c¨¦r¨¦ales alimentaires. La deuxi¨¨me phase, de 1960 ¨¤ 1978, a connu d'importants changements d'organisation. En r¨¦ponse ¨¤ la crise alimentaire qui a apparu au milieu des ann¨¦es 1960, le gouvernement a adopt¨¦ une approche globale de la s¨¦curit¨¦ alimentaire et mis en place la Commission des prix agricoles et la Food Corporation of India (FCI) afin d'am¨¦liorer le syst¨¨me d'achats et le stockage des c¨¦r¨¦ales au niveau national. La troisi¨¨me phase, qui va de 1978 ¨¤ 1991, a ¨¦t¨¦ marqu¨¦e par une expansion ¨¤ grande ¨¦chelle du pds, appuy¨¦e par les achats et les stocks nationaux. Dans la quatri¨¨me phase, de 1991 ¨¤ nos jours, la politique du pds pour tous a ¨¦t¨¦ remplac¨¦e par une politique cibl¨¦e conforme aux objectifs de la lib¨¦ralisation ¨¦conomique. Cr¨¦¨¦ au d¨¦part dans quelques villes, le pds est devenu un programme national de distribution alimentaire pour tous, puis une politique en faveur des pauvres.
L'IMPACT DU SYST?ME PUBLIC DE DISTRIBUTION ALIMENTAIRE
En 1997, suite ¨¤ une recommandation de la Banque mondiale12, le gouvernement indien a introduit le Targeted pds (tpds - pds cibl¨¦) dans le but de r¨¦duire les subventions alimentaires13. La politique visait ¨¤ d¨¦marquer les m¨¦nages ? pauvres ? des m¨¦nages ? non pauvres ?. Ce syst¨¨me est diff¨¦rent des autres variantes du syst¨¨me public de distribution ¨¤ plusieurs ¨¦gards.
* D'apr¨¨s le recensement indien, la population de l'Inde comptait 1,02 milliard d'habitants en d¨¦cembre 2003 -- ed.
Le ciblage : La caract¨¦ristique la plus importante du tpds par rapport ¨¤ politique pr¨¦c¨¦dente est l'introduction d'une politique cibl¨¦e, en particulier la division de la population en deux cat¨¦gories : les m¨¦nages au-dessous du seuil de pauvret¨¦ et les m¨¦nages au-dessus du seuil de pauvret¨¦, telles qu'elles sont d¨¦termin¨¦es par la Commission de la planification de l'Inde, un centre d'¨¦tudes du gouvernement central. Les deux groupes ont acc¨¨s ¨¤ des quantit¨¦s et ¨¤ des prix diff¨¦rents. Avec cette formule, le gouvernement a mis en place une politique de ciblage des m¨¦nages vivant au-dessous du seuil de pauvret¨¦.
Un double (multiple) syst¨¨me de prix : La deuxi¨¨me caract¨¦ristique importante est le double syst¨¨me de prix pour les deux cat¨¦gories de m¨¦nages. Un troisi¨¨me prix a ¨¦t¨¦ introduit en 2001 pour les b¨¦n¨¦ficiaires du projet Antyodaya qui fournissait aux familles les plus pauvres des c¨¦r¨¦ales plus largement subventionn¨¦es. En mars 2000, le gouvernement a annonc¨¦ un changement de politique majeur. Les prix auxquels la fci vend les c¨¦r¨¦ales pds aux ?tats seront ¨¦tablis ¨¤ la moiti¨¦ du ? prix ¨¦conomique ? encouru par la fci pour les m¨¦nages vivant au-dessous du seuil de pauvret¨¦ et au ? prix ¨¦conomique ? fort pour les m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦14. En somme, les m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ ne b¨¦n¨¦ficieraient plus de subventions.
Le contr?le du gouvernement central : Un troisi¨¨me ¨¦l¨¦ment important concerne les responsabilit¨¦s du gouvernement central et des gouvernements des ?tats concernant les droits et les allocations au pds. Le syst¨¨me con?u et g¨¦r¨¦ par les ?tats est diff¨¦rent d'un ?tat ¨¤ l'autre en ce qui concerne les droits ¨¤ la nourriture, les produits offerts et les prix au d¨¦tail fix¨¦s. Auparavant, les ?tats recevaient une partie de leur ravitaillement ¨¤ partir des stocks centraux et, en fonction de certains facteurs, en particulier les besoins ant¨¦rieurs et le r¨¦gime de rationnement statutaire, le gouvernement central allouait aux ?tats des c¨¦r¨¦ales et autres produits de base pour alimenter leurs syst¨¨mes publics de distribution. Avec le tpds cependant, c'est le gouvernement central qui d¨¦cide du nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvret¨¦ et qui recense les b¨¦n¨¦ficiaires, tandis que les quantit¨¦s destin¨¦es ¨¤ la population vivant au-dessus du niveau de pauvret¨¦, ou les quantit¨¦s suppl¨¦mentaires pour les deux cat¨¦gories, sont d¨¦cid¨¦es de mani¨¨re assez arbitraire en fonction des besoins ant¨¦rieurs et des demandes faites par les ?tats.
Il est clair que le tpds n'a pas r¨¦ussi ¨¤ assurer la s¨¦curit¨¦ alimentaire des plus d¨¦munis. Selon une ¨¦valuation de la performance r¨¦alis¨¦e en 2005 par la Commission de planification de l'Inde15, ? la transition entre le pds et le tpds n'a ni ¨¦t¨¦ dans l'int¨¦r¨ºt des pauvres ni permis de r¨¦duire les subventions alimentaires budg¨¦taires ?. De fait, le ciblage du tpds a entra¨ªn¨¦ l'exclusion du r¨¦seau pds d'un grand nombre de familles dans le besoin et provoqu¨¦ l'effondrement des syst¨¨mes de distribution, le tpds n'a pas r¨¦ussi ¨¤ maintenir la stabilit¨¦ des prix en transf¨¦rant les c¨¦r¨¦ales des r¨¦gions exc¨¦dentaires aux r¨¦gions d¨¦ficitaires du pays et les c¨¦r¨¦ales ont parfois ¨¦t¨¦ d¨¦tourn¨¦es de leur destination finale, le consommateur.
Erreurs d'exclusion et de ciblage : L'un des arguments avanc¨¦s par les partisans du tpds est que ce programme permettra de mieux toucher les pauvres et les plus d¨¦munis que le pds universel. Deux types d'erreur sont inh¨¦rents aux programmes d'aide sociale cibl¨¦e dus ¨¤ un mauvais calcul : les erreurs d'exclusion (type I) c'est-¨¤-dire le nombre de personnes ou de m¨¦nages pauvres qui ne participent pas au programme et les erreurs d'inclusion (type II) c'est-¨¤-dire le nombre de personnes ou de m¨¦nages pauvres qui ne remplissent pas les conditions d'¨¦ligibilit¨¦ mais qui participent au programme.
Ces deux types d'erreur ont des avantages et des inconv¨¦nients. Dans les programmes universels, les erreurs d'exclusion sont probablement peu importantes et les erreurs d'inclusion importantes. En revanche, un programme cibl¨¦ sur un groupe sp¨¦cifique comportera des erreurs d'inclusion peu importantes mais des erreurs d'exclusion importantes. Quand un type d'erreur diminue, l'autre augmente. Il faudrait donc r¨¦tablir l'¨¦quilibre. Les partisans d'une r¨¦forme ¨¦conomique orthodoxe n'ont implicitement attach¨¦ aucune importance aux erreurs d'inclusion et sont surtout concern¨¦s par la r¨¦duction des erreurs d'exclusion. Cette ¨¦chelle de valeurs implicite devrait ¨ºtre reconnue ouvertement et d¨¦battue, car il y a de bonnes raisons de soutenir un syst¨¨me qui accorde une plus grande importance aux erreurs d'exclusion qu'aux erreurs d'inclusion16.
Toute d¨¦cision concernant le ciblage doit ¨ºtre donc r¨¦gie avec discernement pour ¨¦viter ce type d'erreur. Il est ¨¤ noter qu'il existe une diff¨¦rence fondamentale dans les co?ts attribu¨¦s ¨¤ ces deux types. Les erreurs d'inclusion entra¨ªnent des co?ts fiscaux et financiers, c'est-¨¤-dire des d¨¦penses qui sont caus¨¦es par l'inclusion de b¨¦n¨¦ficiaires qui ne r¨¦pondent pas aux crit¨¨res d'¨¦ligibilit¨¦. Les erreurs d'exclusion cependant entra¨ªnent des co?ts sociaux, c'est-¨¤-dire des co?ts pour les contribuables et la soci¨¦t¨¦ dus ¨¤ une alimentation insuffisante, la malnutrition, une mauvaise sant¨¦, etc. Tandis que les co?ts fiscaux sont connus et faciles ¨¤ mesurer, il est plus difficile d'¨¦valuer les co?ts sociaux caus¨¦s par la malnutrition, bien qu'ils risquent d'¨ºtre ¨¦lev¨¦s et d'avoir un impact n¨¦gatif d'une g¨¦n¨¦ration ¨¤ l'autre. De plus, l'importance relative des deux types d'erreur d¨¦pendra de la taille du groupe cibl¨¦.
Comme l'indiquent les ¨¦tudes mentionn¨¦es ci-dessus, le nombre de personnes souffrant de malnutrition en Inde est tr¨¨s ¨¦lev¨¦. Il est donc important de d¨¦terminer le niveau d'erreurs d'exclusion dans le pds cibl¨¦ et ses cons¨¦quences sociales. D'apr¨¨s les r¨¦sultats du 61e questionnaire de la National Sample Survey r¨¦cemment publi¨¦s dans un rapport intitul¨¦ Public Distribution System and Other Sources of Household Consumption 2004-2005 17, le ciblage dans l'Inde rurale a augment¨¦ le niveau d'exclusion des m¨¦nages pauvres du syst¨¨me de distribution alimentaire et entra¨ªn¨¦ une nette d¨¦t¨¦rioration de la couverture des services dans des ?tats comme le Kerala o¨´ le pds universel ¨¦tait le plus efficace.
La premi¨¨re ¨¦tape de l'exclusion est l'exclusion des m¨¦nages qui ne sont pas titulaires d'une carte de ration alimentaire. Les m¨¦nages sont r¨¦partis en quatre cat¨¦gories : les titulaires d'une carte Antyodaya; les titulaires de cartes dont les revenus sont situ¨¦s au-dessous du seuil de pauvret¨¦; les titulaires d'autres cartes (principalement pour les m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦) et ceux ne d¨¦tenant aucune carte. En excluant les ?tats du Nord-Est (o¨´ la fiabilit¨¦ des donn¨¦es est discutable), c'est dans l'?tat de l'Orissa, situ¨¦ ¨¤ l'est de l'Inde, que l'on rencontre la proportion la plus ¨¦lev¨¦e de m¨¦nages non-titulaires de carte (33 %). Dans l'?tat de l'Orissa, caract¨¦ris¨¦ par une ins¨¦curit¨¦ alimentaire grave, un tiers de m¨¦nages ruraux ne relevaient pas de la comp¨¦tence du pds18. Dans dix autres ?tats, plus de 20 % des m¨¦nages ruraux n'¨¦taient pas titulaires d'une carte de ration. L'?tat du Tamil Nadu, situ¨¦ au sud de l'Inde, est un cas ¨¤ part, car c'est le seul ?tat o¨´ le pds est universel.
? partir de mars 2000, les prix des c¨¦r¨¦ales ont augment¨¦ pour les m¨¦nages au-dessus du seuil de pauvret¨¦ et l'¨¦cart entre les prix des deux cat¨¦gories de m¨¦nages s'est creus¨¦. Dans de nombreux ?tats, les prix des c¨¦r¨¦ales pour les m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ ¨¦taient pratiquement similaires aux prix du march¨¦, ce qui les a exclus de fait du pds. Ceci s'est imm¨¦diatement traduit dans une baisse des achats de ces m¨¦nages. ? quelques exceptions, la majorit¨¦ des m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ ¨¦taient titulaires d'une carte dans 19 ?tats : 60 % dans le Bihar, 57 % dans le Kerala, 63 % dans l'Assam, 65 % dans l'Uttar Pradesh et 78 % au Rajasthan.
Dans la grande majorit¨¦ des ?tats, 60 % ou plus de la population a effectivement ¨¦t¨¦ exclue du pds. Ceci comprend les ?tats du Bihar, de Madhya Pradesh, du Rajasthan et de l'Uttar Pradesh - consid¨¦r¨¦s relativement en retard ¨¤ la fois en termes de revenus et d'industrialisation et d'indicateurs de d¨¦veloppement humain - ainsi que d'autres ?tats comme le Kerala, qui ¨¦tait un mod¨¨le pour le reste du pays avant l'introduction du tpds. Seules exceptions : les ?tats de l'Andhra Pradesh et du Karnataka o¨´ une majorit¨¦ des m¨¦nages ruraux poss¨¦daient une carte de pauvret¨¦ ou une carte Antyodaya. Il est important de comprendre les cons¨¦quences de cette exclusion des m¨¦nages pratiqu¨¦e sur une grande ¨¦chelle. Le rapport de la National Sample Survey fournit des donn¨¦es sur les titulaires de cartes selon plusieurs crit¨¨res : type d'emplois des m¨¦nages, appartenance au groupe social, propri¨¦t¨¦ fonci¨¨re et niveau des d¨¦penses. ? partir de ces donn¨¦es, il est possible d'identifier les caract¨¦ristiques des m¨¦nages qui sont exclus du pds.
Prenons d'abord les m¨¦nages agricoles, puisque ce sont eux qui ont le plus besoin du pds19. Les r¨¦sultats ¨¦taient impressionnants. Dans quatre ?tats seulement (l'Andhar Pradesh, le Kanarnataka, le Jammu-Cachemire et le Tripura, sauf le Tamil Nadu), deux tiers ou plus des m¨¦nages de travailleurs agricoles ¨¦taient inclus au pds et 33 % ou moins en ¨¦taient exclus. Pour la moyenne nationale, 52 % des travailleurs agricoles poss¨¦daient la carte d¨¦livr¨¦e aux m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ ou aucune. Le taux d'exclusion ¨¦tait de 71 % dans le Bihar et de 73 % dans l'Uttar Pradesh.
Comment est-il possible que 70 % des m¨¦nages agricoles ne r¨¦pondent pas aux crit¨¨res d'¨¦ligibilit¨¦ ¨¤ un syst¨¨me de subventions alimentaires comme le pds ?
Nous avons class¨¦ dans la cat¨¦gorie des ?tats qui pr¨¦sentent un niveau ¨¦lev¨¦ d'exclusion du pds les ?tats o¨´ plus de 50 % des m¨¦nages ont une carte pour m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ ou aucune carte. Nous avons class¨¦ dans la cat¨¦gorie des ?tats pr¨¦sentant un niveau d'exclusion ¨¦lev¨¦ parmi les travailleurs agricoles ceux o¨´ plus de 33 % des m¨¦nages agricoles sont titulaires d'une carte pour personnes vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ ou d'aucune carte. Il existe une relation claire entre l'exclusion g¨¦n¨¦rale des m¨¦nages et l'exclusion des m¨¦nages agricoles : les ?tats pr¨¦sentant de faibles niveaux d'exclusion de l'ensemble des m¨¦nages ont de faibles niveaux d'exclusion des m¨¦nages agricoles, et vice-versa. Il n'y a que deux ?tats qui pr¨¦sentent un faible niveau d'exclusion des m¨¦nages agricoles et ¨¦galement un niveau ¨¦lev¨¦ d'exclusion de l'ensemble des m¨¦nages : l'Andhra Pradesh et Karnataka. Il y a toutefois deux exceptions, le Tripura et le Jammu-et-Cachemire.
Pour illustrer le contexte social des m¨¦nages en Inde, j'ai choisi les ?tats o¨´ la population rurale des castes r¨¦pertori¨¦es repr¨¦sentait plus de 10 % de la population. Dans les zones rurales, un fort chevauchement existe entre la situation des castes r¨¦pertori¨¦es, le fait de ne pas avoir de terres et la pauvret¨¦. Selon les donn¨¦es de la National Sample Survey, moins de 30 % des m¨¦nages des castes r¨¦pertori¨¦es ¨¦taient titulaires d'une carte Antyodaya ou d'une carte pour personnes vivant au-dessous du seuil de pauvret¨¦ dans les ?tats de l'Assam, du Bihar, de l'Himachal Pradesh, du Jammu et Cachemire, du Punjab, du Rajasthan et de l'Uttar Pradesh. En d'autres termes, dans ces ?tats, parmi lesquels seul le Punjab a un surplus de c¨¦r¨¦ales, 70 % ou plus des m¨¦nages des castes r¨¦pertori¨¦es ¨¦taient titulaires d'une carte pour les familles vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ ou bien d'aucune carte. Au niveau national, 60 % des m¨¦nages des castes r¨¦pertori¨¦es dans les zones rurales ¨¦taient exclus du pds. L'Andhra Pradesh, le Karnataka et le Kerala ¨¦taient les seuls ?tats qui affichaient un niveau ¨¦lev¨¦ d'inclusion des castes r¨¦pertori¨¦es.
Enfin, j'ai ¨¦tabli une classification selon les d¨¦penses des m¨¦nages par habitant. En utilisant le seuil de pauvret¨¦ officiel (revenu mensuel de 360 roupies par habitant), tous les m¨¦nages dont les d¨¦penses par habitant ¨¦taient inf¨¦rieures ¨¤ 365 roupies ont ¨¦t¨¦ class¨¦s dans la cat¨¦gorie des m¨¦nages ? pauvres ?. Il faut noter que le seuil de pauvret¨¦ officiel en Inde correspond ¨¤ un ¨¦tat de p¨¦nurie grave20. Nous avons demand¨¦ combien de m¨¦nages pauvres avaient re?u une carte destin¨¦e ¨¤ la population vivant au-dessous du seuil de pauvret¨¦ ou bien une carte Antyodaya. Prenons cinq ?tats, le Bihar, l'Orissa, le Madhya Pradesh, le Jharkhand et le Chhatisagarh o¨´ plus de 40 % des m¨¦nages ruraux font partie de la cat¨¦gorie ? pauvres ?. La majorit¨¦ des m¨¦nages consid¨¦r¨¦s pauvres dans quatre ?tats, ¨¤ l'exception de l'Orissa, n'¨¦taient titulaires d'aucune des deux cartes. Le niveau d'exclusion du pds ¨¦tait de 77 % dans le Bihar, 67 % dans le Jharkland, 54 % dans le Madhya Pradesh et 54 % dans le Chhatisagarh; dans l'Orissa, il ¨¦tait de 44 %. Au c?ur de l'Inde, le ciblage a eu des effets pervers, il a exclu une grande proportion des m¨¦nages vivant au-dessous du seuil de pauvret¨¦.
De plus, dans 13 ?tats sur 27 (¨¤ l'exception du Tamil Nadu), il y avait plus de m¨¦nages non titulaires d'une carte de pauvret¨¦ ou d'une carte Antyodaya que ceux poss¨¦dant une carte. ? force de rechercher l'efficacit¨¦ en effectuant un ciblage ¨¦troit, les m¨¦nages ¨¤ qui l'on devrait garantir une s¨¦curit¨¦ alimentaire de base par le biais du pds ont ¨¦t¨¦ laiss¨¦s de c?t¨¦. L'analyse des donn¨¦es de la National Sample Survey montre clairement qu'une vaste proportion des m¨¦nages des travailleurs agricoles et des travailleurs manuels, les m¨¦nages qui font partie des castes et des tribus r¨¦pertori¨¦es, ceux qui poss¨¨dent peu ou pas de terres et ceux qui figurent dans la cat¨¦gorie ? tr¨¨s faibles d¨¦penses ?, sont aujourd'hui exclus du pds. Les exceptions sont le Tamil Nadu, qui est le seul ?tat ¨¤ avoir un syst¨¨me de pds qui couvre toute la population et les deux ?tats, au sud de l'Inde, l'Andhra Pradesh et Karnatak, o¨´ les m¨¦nages vivant au-dessous du seuil de pauvret¨¦ et figurant dans les cat¨¦gories Antyodaya b¨¦n¨¦ficient d'une couverture importante.
Quantit¨¦s des rations : Comme nous ne pouvons pas comparer les quantit¨¦s achet¨¦es au pds par les m¨¦nages titulaires d'une carte de pauvret¨¦ et les m¨¦nages titulaires d'une carte au-dessus du deuil de pauvret¨¦ car ces derniers n'utilisent probablement pas r¨¦guli¨¨rement le pds au prix courant, je porterai mon attention sur les m¨¦nages qui d¨¦tiennent une carte de pauvret¨¦ et une carte Antyodaya pour ¨¦valuer dans quelle mesure le pds a contribu¨¦ ¨¤ la consommation des m¨¦nages. Pour ce faire, je m'appuierai sur les donn¨¦es du 61e questionnaire de la National Sample Survey.
M¨ºme avec la d¨¦t¨¦rioration du syst¨¨me de rations alimentaires, la consommation mensuelle de c¨¦r¨¦ales (riz et bl¨¦) achet¨¦es par le biais du pds a ¨¦t¨¦ sup¨¦rieure aux autres sources pour les m¨¦nages titulaires de la carte de pauvret¨¦ et la carte Antyodaya dans sept ?tats : l'Himachal Pradesh, le Jammu-et-Cachemire, le Karnataka, le Maharashtra, le Sikkim, le Tamil Nadu et le Tripura (voir tableau). Dans l'Hymachal Pradesh, l'Arunachal Pradesh, le Jammu-et-Cachemire, le Karnataka, le Mizoram, le Sikkim, le Tamil Nadu, le Tripura et l'Uttar Pradesh, les d¨¦tenteurs de carte ont consomm¨¦ 20 kilogrammes ou plus par mois. De plus, le pds a fourni 15 kg ou plus de c¨¦r¨¦ales par mois et par m¨¦nage dans 17 ?tats. En conclusion, les m¨¦nages d¨¦tenteurs de la carte de pauvret¨¦ et de la carte Antyodaya ont achet¨¦ une quantit¨¦ importante de c¨¦r¨¦ales alimentaires par l'interm¨¦diaire du pds. La classification erron¨¦e des m¨¦nages pauvres dans la cat¨¦gorie des m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ a sans aucun doute contribu¨¦ ¨¤ l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire de la population de l'Inde.
Viabilit¨¦ des magasins ¨¤ prix ¨¦quitables : La viabilit¨¦ ¨¦conomique des magasins ¨¤ prix ¨¦quitables, qui a ¨¦t¨¦ affect¨¦e par l'exclusion du pds de la population vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦, est une pr¨¦occupation institutionnelle importante. Cette exclusion virtuelle a conduit ¨¤ une baisse importante des achats des m¨¦nages. Par exemple, la quantit¨¦ totale de c¨¦r¨¦ales (riz et bl¨¦) distribu¨¦e par l'interm¨¦diaire du pds est pass¨¦e de 20,8 millions de tonnes en 1991 ¨¤ 11,3 millions en 2001. Avec la r¨¦duction du nombre de b¨¦n¨¦ficiaires, la baisse des ventes et des marges b¨¦n¨¦ficiaires ¨¦troites, les propri¨¦taires de magasins ¨¤ prix ¨¦quitables et les interm¨¦diaires ont r¨¦alis¨¦ des profits inf¨¦rieurs avec le Tpds. Puisque des ¨¦conomies d'¨¦chelle existent par exemple concernant le co?t du transport, la distribution de plus petites quantit¨¦s risque de n'¨ºtre pas rentable pour de nombreux magasins. Quand les magasins ¨¤ prix ¨¦quitables sont viables sur le plan ¨¦conomique, les incitations ¨¤ tricher sont moins importantes.
Distribution r¨¦gionale des c¨¦r¨¦ales alimentaires : L'un des objectifs du pds a ¨¦t¨¦ d'assurer la stabilit¨¦ des prix dans le pays en transf¨¦rant les c¨¦r¨¦ales des r¨¦gions exc¨¦dentaires aux r¨¦gions d¨¦ficitaires. Or le tpds n'a pas rempli cet objectif car, dans le cadre de ce programme, la demande en c¨¦r¨¦ales n'est plus d¨¦termin¨¦e par le gouvernement des ?tats (en fonction de leurs besoins et de l'utilisation pass¨¦e), mais par le gouvernement central (sur la base de statistiques sur la pauvret¨¦ pr¨¦par¨¦es par la Commission de la planification de l'Inde). Comme l'a fait remarquer le Comit¨¦ de haut niveau pour une politique c¨¦r¨¦ali¨¨re sur le long terme21, le nouveau syst¨¨me d'allocation a cr¨¦¨¦ un d¨¦s¨¦quilibre entre les allocations r¨¦elles et ? les allocations n¨¦cessaires pour combler l'¨¦cart entre la production c¨¦r¨¦ali¨¨re et les besoins c¨¦r¨¦aliers ?. Le Comit¨¦ de haut niveau a ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦ pour r¨¦viser un large ¨¦ventail des politiques concernant la gestion des c¨¦r¨¦ales alimentaires, notamment le prix de soutien minimum et la fixation des prix, les questions li¨¦es ¨¤ la Food Corporation of India, le fonctionnement du pds, l'allocation des c¨¦r¨¦ales aux programmes d'aide sociale et la mise en place d'un syst¨¨me de stocks r¨¦gulateurs.
Quand le pds couvre toute la population, la stabilit¨¦ des prix est automatiquement assur¨¦e, la demande en c¨¦r¨¦ales des magasins ¨¤ prix ¨¦quitables augmentant quand l'¨¦cart entre le prix pds et le prix du march¨¦ augmente. Dans le nouveau syst¨¨me, toutefois, avec les quotas des m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ exclus du pds ¨¤ cause des prix et les quotas bas et fix¨¦s des m¨¦nages vivant au-dessous du seuil de la pauvret¨¦, le pds n'a pas assur¨¦ son r?le de stabilisateur.
Gaspillages : Il est clair que dans de nombreuses r¨¦gions de l'Inde, le syst¨¨me de distribution actuel comporte des lacunes qui ont donn¨¦ lieu ¨¤ d'importants gaspillages ¨¤ diff¨¦rents stades. Comme le fait remarquer la Commission de la planification15, ? le retrait des stocks centraux s'est accompagn¨¦ d'un gaspillage anormalement ¨¦lev¨¦, ¨¤ l'exception des ?tats du Bengale occidental et du Tamil Nadu ?. Elle identifie ¨¦galement les facteurs associ¨¦s aux gaspillages relativement bas au niveau des magasins ¨¤ prix ¨¦quitables et conclut que ? la prise de conscience g¨¦n¨¦rale des b¨¦n¨¦ficiaires, le niveau ¨¦lev¨¦ de l'alphab¨¦tisation et les organisations au niveau local, en particulier les institutions du Panchayat Raj (un comit¨¦ ¨¦lu g¨¦r¨¦ par les villageois) ont permis aux ?tats comme le Bengale occidental et l'Hymachal Pradesh de r¨¦duire les gaspillages au niveau des magasins ¨¤ prix ¨¦quitables et dans l'?tat du Tamil Nadu d'¨¦liminer les points de vente de d¨¦tail priv¨¦s ?. Il n'est pas possible de r¨¦duire les gaspillages en effectuant un ciblage encore plus ¨¦troit. La r¨¦duction du gaspillage n¨¦cessite en engagement politique et la participation des personnes au processus de distribution.
LE KERALA : UN MOUVEMENT SOCIAL POUR ACC?DER ? LA NOURRITURE
C'est un fait av¨¦r¨¦ qu'avant la lib¨¦ralisation le Kerala poss¨¦dait l'un des r¨¦seaux de pds le mieux g¨¦r¨¦ et le plus efficace de l'Inde. Il est important de rappeler que la mise en place d'un pds efficace a ¨¦t¨¦ le r¨¦sultat d'un mouvement social de masse. ? Malabar et ¨¤ Travancore, ? le syst¨¨me public de distribution a vu le jour gr?ce ¨¤ un mouvement social important et ¨¤ la r¨¦ponse du gouvernement pendant la p¨¦riode de la crise alimentaire22?. Dans un entretien, E.M.S Namboodiripad, leader communiste et premier Ministre principal du Kerala [le bureau politique ¨¦lu le plus ¨¦lev¨¦ dans un ?tat], a d¨¦crit comment les ? kisan sabhas [coop¨¦ratives d'agriculteurs], les syndicats et d'autres organisations communautaires ont insist¨¦ pour que les c¨¦r¨¦ales soient achet¨¦es aux agriculteurs et que la distribution soit assur¨¦e par les magasins de ration ?, si bien que la demande publique f?t tr¨¨s forte. Plus tard, apr¨¨s 1957, le premier minist¨¨re communiste s'est attel¨¦ ¨¤ la t?che de fournir un syst¨¨me de distribution de c¨¦r¨¦ales alimentaires efficace dans l'ensemble de l'?tat. En 1964, pendant la p¨¦nurie alimentaire, sous la pression du public, le syst¨¨me de magasins ¨¤ prix ¨¦quitables a ¨¦t¨¦ ¨¦tendu. Les combats politiques ont donc particip¨¦ ¨¦troitement ¨¤ la mise en place et au renforcement du pds au Kerala.
Avant l'introduction du ciblage, le pds au Kerala pr¨¦sentait les caract¨¦ristiques suivantes :
♦ Le Kerala ¨¦tait le seul ?tat indien ¨¤ proposer un pds ¨¤ pratiquement toute la population. Tous les m¨¦nages qui ne poss¨¦daient pas suffisamment de terres pour produire des c¨¦r¨¦ales pour leur propre consommation ont re?u une carte de ration. En 1991, environ 95 % de l'ensemble des m¨¦nages faisaient partie du pds et poss¨¦daient une carte de ration23.
♦ Chaque adulte avait droit ¨¤ 13,8 kg de c¨¦r¨¦ales par mois (ou 460 g par jour), ce qui r¨¦pondait ¨¤ la proportion minimum de 370 grammes de c¨¦r¨¦ales par jour et par personne recommand¨¦e par le Conseil indien de la recherche m¨¦dicale.
♦ La quantit¨¦ de c¨¦r¨¦ales alimentaires achet¨¦e au pds a ¨¦t¨¦ plus importante que dans la plupart des autres ?tats, contribuant de mani¨¨re significative ¨¤ la nutrition des m¨¦nages. En 1991, l'achat annuel de c¨¦r¨¦ales au pds ¨¦tait en moyenne de 69,6 kg de c¨¦r¨¦ales par personne au Kerala. L'achat annuel de c¨¦r¨¦ales au pds a permis de r¨¦pondre ¨¤ pr¨¨s de la moiti¨¦ des besoins en c¨¦r¨¦ales par personne.
♦ Alors que le programme couvrait toute la population, le syst¨¨me ¨¦tait progressif et les pauvres ¨¦taient relativement plus d¨¦pendants du pds que les riches24,25.
♦Le fonctionnement des magasins de rations et du syst¨¨me de distribution a ¨¦t¨¦ plus efficace que dans les autres parties r¨¦gions du pays, ce qui s'est refl¨¦t¨¦ dans les sondages aupr¨¨s des consommateurs.
De par l'ampleur et l'efficacit¨¦ du pds, il a ¨¦t¨¦ not¨¦ que le syst¨¨me a contribu¨¦ ¨¤ l'am¨¦lioration de la consommation et de la nutrition au Kerala.
Le ciblage introduit dans le cadre de la lib¨¦ralisation ¨¦conomique dans les ann¨¦es 1990 a nui au pds du Kerala de plusieurs fa?ons :
♦ Premi¨¨rement, alors que selon la Commission de la planification 25 % de la population du Kerala vit au-dessous du seuil de pauvret¨¦, l'allocation de c¨¦r¨¦ales garantie et subventionn¨¦e pour les m¨¦nages de cette cat¨¦gorie repr¨¦sente dans le cadre du pds cibl¨¦ seulement 10 % des ressources du pds pr¨¦c¨¦dent. ?tant donn¨¦ que le Kerala est un ?tat d¨¦ficitaire en produits alimentaires, dans la p¨¦riode qui a pr¨¦c¨¦d¨¦ le tpds, la production locale couvrait 20 % des besoins en c¨¦r¨¦ales, le pds 32% et le reste ¨¦tait assur¨¦ par le commerce priv¨¦. Si l'allocation aux m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ est supprim¨¦e, la distribution faite au Kerala par le pds couvrira environ 3,8 % des besoins en c¨¦r¨¦ales de l'?tat26. Le tpds a donc consid¨¦rablement chang¨¦ la part du pds dans la couverture des besoins en c¨¦r¨¦ales du Kerala, ce qui a des cons¨¦quences pour la disponibilit¨¦ des c¨¦r¨¦ales et les prix au niveau national.
♦ Deuxi¨¨mement, le gouvernement du Kerala a identifi¨¦ 42 % de m¨¦nages vivant au-dessous du seuil de pauvret¨¦ (alors que le ratio de pauvret¨¦ ¨¦tabli par le gouvernement est de 25 %) et octroie sur le budget de l'?tat des subventions ¨¤ ces m¨¦nages.
♦ Troisi¨¨mement, le gouvernement du Kerala a continu¨¦ de distribuer des c¨¦r¨¦ales aux m¨¦nages vivant au-dessous de la pauvret¨¦, ainsi qu'¨¤ maintenir les droits des m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦. L'?tat subventionne le prix des denr¨¦es alimentaires destin¨¦es ¨¤ ces m¨¦nages.
♦ Quatri¨¨mement, l'achat des m¨¦nages du riz et du bl¨¦ au pds a baiss¨¦. Alors qu'il ¨¦tait d'environ 2 millions de tonnes en 1991 et en 1992, il a chut¨¦ ¨¤ 1,6 million de tonnes en 1999 pour n'atteindre que 0,71 million de tonnes en 2000. En 2006/07, les rations des m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦ ont subi des r¨¦ductions importantes.
♦ Enfin, n'¨¦tant pas rentables, les magasins ¨¤ prix ¨¦quitables ont ferm¨¦27. Avant l'introduction du tpds, tous les magasins ¨¤ prix ¨¦quitables vendaient en moyenne 7 500 kg de riz et 2 000 kg de bl¨¦ par mois. En 2001, ils ne vendaient plus que 1 400 kg de riz et 200 kg de bl¨¦, entra¨ªnant des pertes. Selon les estimations du gouvernement du Kerala, les revenus bruts par magasin sont pass¨¦s de 3 711 roupies en mars 2000 ¨¤ 1 493 roupies en ao?t 2001, et le revenu net d'un marchand ¨¦tait n¨¦gatif. En termes de participation au pds et de quantit¨¦ de c¨¦r¨¦ales distribu¨¦es, le Kerala ¨¦tait exemplaire. Il a souffert de la politique de ciblage introduite en 1996.
LE TAMIL NADU : UN SYST?ME DE DISTRIBUTION ALIMENTAIRE EFFICACE
Le Tamil Nadu se distingue nettement de tous les autres ?tats et, de fait, est unique aujourd'hui pour son pds qui couvre presque toute la population. Il existe au Tamil Nadu une classification de la population vivant au-dessus et au-dessous du seuil de pauvret¨¦. Dans le pass¨¦, une politique de ciblage a ¨¦t¨¦ mise en ?uvre, des coupons alimentaires ont ¨¦t¨¦ attribu¨¦s aux personnes aux faibles revenus remplissant les crit¨¨res d'¨¦ligibilit¨¦, mais un grand nombre de personnes ¨¦tant exclues, cette politique a ¨¦t¨¦ abandonn¨¦e sous la pression du public. Le syst¨¨me fonctionnait mal et cette question est devenue un enjeu ¨¦lectoral. Aujourd'hui, avec son pds couvrant presque toute la population, le Tamil Nadu a introduit une option pour les m¨¦nages qui ne veulent pas acheter du riz au pds en leur donnant la possibilit¨¦ d'acheter plus de sucre et de k¨¦ros¨¨ne. Au total, 100 000 titulaires de cartes ont choisi cette option et 52 000 autres se sont retir¨¦s compl¨¨tement du pds. Les 17,8 millions de titulaires de cartes restants (malgr¨¦ les diff¨¦rents types de cartes) sont tous trait¨¦s sur un pied d'¨¦galit¨¦ et ach¨¨tent du riz au m¨ºme prix - 2 roupies le kg depuis juin 2006. Comme le Tamil Nadu ach¨¨te des c¨¦r¨¦ales au gouvernement central ¨¤ des prix plus ¨¦lev¨¦s (les volumes allou¨¦s aux m¨¦nages vivant au-dessous du seuil de pauvret¨¦ aux prix fix¨¦s pour cette cat¨¦gorie et vice-versa pour les m¨¦nages vivant au-dessus du seuil de pauvret¨¦), il a d? verser une subvention suppl¨¦mentaire pour maintenir un prix bas. En 2006/07, les subventions lui ont co?t¨¦ 15 milliards de roupies.
Un autre ¨¦l¨¦ment int¨¦ressant du r¨¦seau de distribution du Tamil Nadu est le fait qu'il n'existe pas de magasins ¨¤ prix ¨¦quitables priv¨¦s. Le secteur des coop¨¦ratives g¨¨re 96 % de ces magasins et le reste est g¨¦r¨¦ par les panchayats et les groupes d'entraide. La District Central Cooperative Bank propose des cr¨¦dits en esp¨¨ces aux entreprises pour acheter des c¨¦r¨¦ales pour le pds. La Commission de planification a not¨¦ que le gaspillage dans les magasins ¨¤ prix ¨¦quitables et la distribution de fausses cartes sont peu importantes au Tamil Nadu. Selon une ¨¦tude d¨¦taill¨¦e du pds, le succ¨¨s du pds est d? ¨¤ un engagement politique fort de l'?tat et au contr?le minutieux exerc¨¦ par la bureaucratie28.
Bien que les r¨¦sultats nutritionnels ne soient pas directement attribu¨¦s au pds seul, il est ¨¤ noter que le Tami Nadu a montr¨¦ une am¨¦lioration continue des r¨¦sultats nutritionnels au cours des dix derni¨¨res ann¨¦es. Les donn¨¦es de l'Enqu¨ºte nationale sur la sant¨¦ de la famille montrent que la proportion d'enfants de moins de trois ans souffrant d'insuffisance pond¨¦rale est pass¨¦e de 46 % en 1992/93 ¨¤ 37 % en 1998/99 et a m¨ºme chut¨¦ ¨¤ 33 % en 2005/06 contre 46 % pour la moyenne nationale. De m¨ºme, la malnutrition parmi les femmes, mesur¨¦e par la proportion de femmes ayant un indice de masse corporelle inf¨¦rieur ¨¤ la normale, ¨¦tait de 23,5% au Tamil Nadu en 2005/06 en comparaison de 33 % dans l'ensemble du pays. Il faut reconna¨ªtre au Tamil Nadu le m¨¦rite d'avoir r¨¦ussi ¨¤ g¨¦rer un syst¨¨me universel de distribution de denr¨¦es alimentaires ¨¤ un prix avantageux dans cette ¨¦poque de lib¨¦ralisation.
PROGRAMMES DE NUTRITION POUR LES ENFANTS
Programme de repas ¨¤ midi : Bien que la distribution des repas scolaires ait commenc¨¦ plus t?t dans certains ?tats, cette initiative a ¨¦t¨¦ lanc¨¦e en 1995 dans le cadre de la politique nationale. Appel¨¦ le Programme national de soutien nutritionnel ¨¤ l'¨¦ducation primaire, il vise ¨¤ fournir un repas ¨¤ midi ou 3 kg de c¨¦r¨¦ales par enfant, avec comme condition un taux de fr¨¦quentation scolaire de 80%29. En 2001, en r¨¦ponse ¨¤ une action intent¨¦e pour la d¨¦fense de l'int¨¦r¨ºt public, la Cour supr¨ºme indienne a ordonn¨¦ de ? mettre en ?uvre un programme de repas ¨¤ midi en fournissant ¨¤ chaque enfant de chaque ¨¦cole gouvernementale ou b¨¦n¨¦ficiant d'une aide gouvernementale un repas quotidien qui devait contenir au minimum 300 calories et 8 ¨¤ 12 g de prot¨¦ines pendant un minimum de 200 jours ?. Si cette initiative a ¨¦t¨¦ suivie ¨¤ divers degr¨¦s selon les r¨¦gions, elle a ¨¦t¨¦ concluante dans deux ?tats, le Tamil Nadu et le Gujarat30. Examinant la performance de ce programme apr¨¨s l'ordre de la Cour supr¨ºme, Reetika Khera note que celui-ci a eu un effet positif sur la fr¨¦quentation scolaire, en particulier celle des filles. L'effet de ce programme sur l'¨¦tat nutritionnel des enfants est toutefois plus difficile ¨¤ ¨¦valuer.
Le Tamil Nadu a ¨¦t¨¦ le premier ?tat ¨¤ cr¨¦er un programme national de repas scolaire. En 1982, le Ministre principal, M.G. Ramachandran, a lanc¨¦ un programme de repas ¨¤ midi pour les enfants de moins de cinq ans. Puis, ce programme a ¨¦t¨¦ ¨¦tendu aux enfants d'?ge pr¨¦scolaire, aux enfants d'¨¦cole primaire, aux adolescents jusqu'¨¤ l'?ge de 15 ans dans les zones rurales, aux retrait¨¦s ?g¨¦s, aux plus d¨¦munis, aux veuves et ¨¤ partir de 1995 ¨¤ toutes les femmes enceintes. En 1999/2000, les repas ¨¤ midi ont ¨¦t¨¦ servis tous les jours au Tamil Nadu ¨¤ 8,3 millions de personnes, dont 7,7 millions d'enfants. Alors que tous les enfants de 2 ¨¤ 15 ans peuvent b¨¦n¨¦ficier d'un repas scolaire, les donn¨¦es indiquent que la participation est plus importante parmi les enfants relativement plus pauvres31.
Le programme de repas ¨¤ midi existe au Tamil Nadu depuis de nombreuses ann¨¦es et a touch¨¦ un grand nombre de personnes. En m¨ºme temps, divers indicateurs de malnutrition montrent une tendance ¨¤ la baisse dans cet ?tat. Par exemple, l'incidence de la malnutrition aigu? (3e et 4e degr¨¦s) parmi les enfants jusqu'¨¤ 36 mois a diminu¨¦ de 12,3 % en 1983 ¨¤ 0,3 % en 2000.
Il n'est pas dans mon intention d'attribuer enti¨¨rement le m¨¦rite aux politiques alimentaires et nutritionnelles mises en vigueur au Tamil Nadu, mais il faut reconna¨ªtre qu'elles ont consid¨¦rablement particip¨¦ ¨¤ am¨¦liorer l'¨¦tat nutritionnel des enfants.
Programme pour le d¨¦veloppement int¨¦gr¨¦ de l'enfant (ICDS) : Lanc¨¦ comme programme pilote en 1975, c'est aujourd'hui le seul programme national qui ? fournit un ensemble de services int¨¦gr¨¦s ? aux enfants de moins de six ans32. Les services fournis par le r¨¦seau de centres de l'icds ou Anganwadis sont centr¨¦s sur la nutrition, la sant¨¦ et l'¨¦ducation pr¨¦scolaire. Ces derni¨¨res ann¨¦es, une forte demande a ¨¦t¨¦ formul¨¦e pour encourager l'? universalisation de l'icds de qualit¨¦ ?. La Cour supr¨ºme a ¨¦galement ordonn¨¦ au gouvernement indien d'universaliser le programme33. Cette initiative comprendrait la cr¨¦ation d'un centre Anganwadi dans chaque village ou ¨¦tablissement humain, l'extension des services de l'icds ¨¤ tous les enfants de moins de six ans, ainsi qu'aux femmes qui r¨¦pondent aux crit¨¨res d'¨¦ligibilit¨¦ (femmes enceintes et qui allaitent) et l'accroissement du nombre et de la qualit¨¦ des services.
Comme pour les autres programmes sociaux, la mise en ?uvre et l'impact de l'icds varient selon les r¨¦gions. On constate des diff¨¦rences dans le contenu du programme ainsi que dans la mise en ?uvre. Des ?tats fournissent des repas complets, d'autres des collations pr¨ºtes ¨¤ la consommation29. D'apr¨¨s une ¨¦valuation faite en 2000, l'offre alimentaire a ¨¦t¨¦ irr¨¦guli¨¨re dans environ 67 % des centres. Les ?tats les plus touch¨¦s ont ¨¦t¨¦ les ?tats situ¨¦s au nord-est de la r¨¦gion, les mieux lotis ¨¦tant l'Himachal Pradesh, le Maharastra, le Tamil Nadu et Goa.
LE?ONS POLITIQUES
Le r?le de l'Inde en tant que puissance ¨¦conomique grandissante a ¨¦t¨¦ reconnu au cours des derni¨¨res ann¨¦es. Pourtant, de par sa forte population, le nombre de personnes souffrant de la faim chronique et de malnutrition y est plus ¨¦lev¨¦ que dans les autres nations en d¨¦veloppement. Les politiques et leur mise en ?uvre ont ¨¦chou¨¦ ¨¤ r¨¦soudre cette crise alimentaire ¨¤ grande ¨¦chelle.
Au milieu des ann¨¦es 1960, une s¨¦rie de politiques ont ¨¦t¨¦ introduites dans les domaines de la production, de l'entreposage et de la distribution pour r¨¦pondre au probl¨¨me de l'ins¨¦curit¨¦ alimentaire. Elles ont connu un certain succ¨¨s et ont permis en particulier d'accro¨ªtre la production de c¨¦r¨¦ales alimentaires et de garantir des prix de c¨¦r¨¦ales bas et stables. ? partir de 1991, la lib¨¦ralisation ¨¦conomique a affaibli les politiques de s¨¦curit¨¦ alimentaire et a eu des cons¨¦quences d¨¦sastreuses sur la consommation et la nutrition. Aujourd'hui, la situation est m¨ºme plus cruciale du fait du taux d'inflation ¨¦lev¨¦.
La p¨¦riode de lib¨¦ralisation ¨¦conomique a port¨¦ un coup dur ¨¤ nos programmes de s¨¦curit¨¦ alimentaire. Les trois objectifs importants des r¨¦formes ¨¦conomiques - qui sont ¨¦nonc¨¦s de mani¨¨re tr¨¨s explicite dans de nombreux documents politiques, y compris les ?tudes ¨¦conomiques officielles r¨¦alis¨¦es tous les ans - ont ¨¦t¨¦ de r¨¦duire les subventions alimentaires, de confier au march¨¦ la distribution des denr¨¦es alimentaires et de r¨¦duire les programmes de politiques et de subventions alimentaires destin¨¦s aux plus pauvres. En s'adressant au Conseil national pour le d¨¦veloppement en d¨¦cembre 2007, le Premier ministre Manmohan Singh a estim¨¦ que le gouvernement devait ? veiller ¨¤ ce que les c¨¦r¨¦ales subventionn¨¦es soient seulement destin¨¦es aux d¨¦favoris¨¦s et aux pauvres34 ?. De fait, le montant absolu et relatif des subventions alimentaires - dont la totalit¨¦ n'est bien s?r pas destin¨¦e ¨¤ la consommation - a diminu¨¦ de mani¨¨re constante. Pendant les ann¨¦es 2002/07, le budget allou¨¦ par le gouvernement indien ¨¤ l'aide alimentaire a diminu¨¦ en termes nominaux et r¨¦els. La part du produit int¨¦rieur brut consacr¨¦e ¨¤ l'aide alimentaire est pass¨¦e de 0,99 % en 2002/03 ¨¤ 0,6 % en 2006/07.
L'un des instruments importants de la politique alimentaire indienne a ¨¦t¨¦ le syst¨¨me public de distribution. Une le?on importante de ces derni¨¨res ann¨¦es est que la politique de ciblage introduite dans le cadre de la lib¨¦ralisation n'a pas r¨¦ussi ¨¤ nourrir les personnes qui souffrent de la faim chronique. J'ai montr¨¦ dans cet article qu'¨¤ cause du ciblage ¨¦troit utilis¨¦ pour am¨¦liorer l'efficacit¨¦ du programme de s¨¦curit¨¦ alimentaire, les m¨¦nages qui auraient d? en b¨¦n¨¦ficier ont ¨¦t¨¦ exclus du pds. Les donn¨¦es de la National Sample Survey r¨¦alis¨¦e en 2004/05, indiquent clairement qu'une grande proportion de m¨¦nages de travailleurs agricoles et d'autres travailleurs manuels, les m¨¦nages appartenant aux castes et tribus r¨¦pertori¨¦es, les m¨¦nages poss¨¦dant peu ou pas de terres, ainsi que les m¨¦nages des classes ¨¤ revenus bas sont aujourd'hui exclus du pds. Le pds cibl¨¦ a donc entra¨ªn¨¦ l'exclusion du syst¨¨me public de distribution d'un grand nombre de personnes qui sont v¨¦ritablement dans le besoin. Il a eu un effet n¨¦gatif sur le fonctionnement et la viabilit¨¦ ¨¦conomique du r¨¦seau du pds et a entra¨ªn¨¦ la d¨¦t¨¦rioration du syst¨¨me de distribution. Il a ¨¦chou¨¦ ¨¤ stabiliser les prix en transf¨¦rant les c¨¦r¨¦ales des r¨¦gions exc¨¦dentaires vers les r¨¦gions d¨¦ficitaires de l'Inde.
En r¨¦ponse aux pressions venant de la base et ¨¤ celles venant de hauts lieux (par exemple de l'appareil judiciaire), des programmes de nutrition suppl¨¦mentaires, destin¨¦s en particulier aux nourrissons et aux enfants d'?ge scolaire, ont ¨¦t¨¦ cr¨¦¨¦s au cours de ces derni¨¨res ann¨¦es. Il existe une forte demande pour assurer l'? universalisation de l'icds de qualit¨¦ ? et distribuer ¨¤ tous les enfants d'?ge scolaire un repas ¨¦quilibr¨¦.
La t?che la plus importante aujourd'hui est de garantir un acc¨¨s suffisant ¨¤ la nourriture afin d'assurer la s¨¦curit¨¦ alimentaire et d'endiguer la faim end¨¦mique. Un syst¨¨me public de distribution efficace couvrant toute la population peut ¨ºtre le moyen d'assurer cet acc¨¨s aux niveaux local et des m¨¦nages. Ces propositions - la mise en place d'un syst¨¨me public de distribution pour tous, l'universalisation du Programme pour le d¨¦veloppement int¨¦gr¨¦ de l'enfant et la distribution d'un repas ¨¤ midi ¨¤ tous les enfants des ¨¦coles primaires et secondaires n¨¦cessiteront probablement des subventions suppl¨¦mentaires. Privil¨¦gier la rigueur financi¨¨re ¨¤ la s¨¦curit¨¦ alimentaire de base aura un co?t social tr¨¨s ¨¦lev¨¦ pour cette g¨¦n¨¦ration et la suivante.
Notes 1 Voir 2 Voir 3 L'Enqu¨ºte nationale sur la sant¨¦ de la famille a effectu¨¦e trois questionnaires : NFHS -1 en 1992-1993, NFHS -2 en 1998-1999 et NFHS -3 en 2005-2006 (see ). 4 Srinivas, A., 2008, "Starvation threat looms as food, fuel prices shoot up", Businessline, 14 juillet (¨¤ partir d'un article de K. Thomas sur la National Sample Survey Organization). 5 Un autre programme, appel¨¦ Annapurna, fournit des c¨¦r¨¦ales aux personnes pauvres ?g¨¦es (voir Medrano, 2004). 6 Gouvernement de l'Inde, 2008, minist¨¨re des Finances, Enqu¨ºte ¨¦conomique 2007-08 (). 7 Dreze, J and Amartya Sen, 1989, Hunger and Public Action, Oxford: Clarendon Press. 8 Dreze, J and Amartya Sen, 1989, The Political Economy of Hunger, Vol. 1; 1990, The Political Economy of Hunger, Vol. 2; 1991, The Political Economy of Hunger, Vol. 3, Oxford: Clarendon Press. 9 Sen, Amartya K, 1981, Poverty and Famines, Oxford: Clarendon Press. 10 Bapna, S. 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"India's Public Distribution System: A National and International Perspective", Poverty and Social Policy Department, novembre (r¨¦imprim¨¦ sous le titre Radhakrishna, R. and Subbarao, K. 1997, World Bank Discussion Paper No 380). 13 Gouvernement de l'Inde, 1997, Focus on the Poor, Minist¨¨re des affaires des consommateurs, de l'alimentation et de la distribution publiques, New Delhi. 14 Le co?t ¨¦conomique est le co?t total support¨¦ par la Food Corporation of India et la somme des prix d'achat (y compris le prix pay¨¦ aux agriculteurs) et des prix de distribution (y compris l'entreposage et le transport). 15 Commission de la planification, Organisation de la planification et de l'¨¦valuation, 2005, Performance Evaluation of Targeted Public Distribution System, mars, New Delhi. 16 Cornia, G. A. and F. Stewart, 1993, "Two Errors of Targeting", Journal of International Development, vol. 5, n° 5, pp 459-490. 17 Gouvernement de l'Inde, 2007, Minist¨¨re des statistiques et mise en ?uvre du programme, NSSO, Public Distribution System and Other Sources of Household Consumption 2004-05, volume I, 61e questionnaire de La National Sample Survey, juillet. 18 MSSRF (Fondation de recherche M. S. Swaminathan) et Programme alimentaire mondial, 2001, Food Insecurity Atlas of Rural India, Chennai. 19 La National Sample Survey d¨¦finit cinq types de m¨¦nages ruraux selon les informations sur les sources de revenus : emploi ind¨¦pendant (agricole), emploi ind¨¦pendant (non agricole), travail agricole, autres emplois et autres m¨¦nages. 20 Saith, A., 2005, "Of Calories and Things: Reflections on Nutritional Norms, Poverty Lines and Consumption Behaviour in India", Economic and Political Weekly, vol. 40, n° 43, octobre 22-28, pp 4611-4618. 21 Gouvernement de l'Inde, 2002, Final Report of the High-Level Committee on Long-Term Grain Policy, New Delhi, July (pr¨¦sid¨¦ par Abhijit Sen). 22 Ramachandran, V. K., 1996, "Kerala's Development Achievements: A Review", in J. Dreze and Amartya Sen (eds.), Indian Development: Selected Regional Perspectives, Oxford University Press. 23 Kannan, K. 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Reinventing Public Service Delivery in India, New Delhi: Sage Publications. 29 Medrano, P., 2004, "The Experience with Food Safety Nets in India", M. S. Swaminathan, Pedro Medrano, Daniel J. Gustafson and Pravesh Sharma (eds.), Sommet national sur la s¨¦curit¨¦ alimentaire 2004, articles s¨¦lectionn¨¦s, New Delhi: Programme alimentaire mondial. 30 Khera, Reetika, 2006, "Mid-day Meals in Primary Schools", Economic and Political Weekly, Nov. 18, pp 4742-4750. 31 Rajivan, Anuradha K., 2001, "Nutrition Security in Tamil Nadu", in S. Mahendra Dev, P. Antony, V. Gayathri and R. P. Mamgain (eds.) Social and Economic Security in India, New Delhi: Institute for Human Development. 32 Citizen's Initiative for the Rights of Children under Six, 2006, Focus on Children Under Six, rapport abr¨¦g¨¦, d¨¦cembre, New Delhi. 33 Un groupe de travail de la Commission de la planification a ¨¦galement fait la m¨ºme recommandation (voir projet de rapport du troisi¨¨me sous-groupe, groupe de travail sur la s¨¦curit¨¦ alimentaire et nutritionnelle, octobre 2006). 34 Le discours du Premier ministre Manmohan Singh est disponible ¨¤
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