La p¨¦riode qui s¡¯est ¨¦coul¨¦e depuis f¨¦vrier 2022, d¨¦but de la guerre totale men¨¦e par la Russie contre l¡¯Ukraine, a ¨¦t¨¦ ¨¦prouvante pour le Conseil de s¨¦curit¨¦ et l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale des Nations Unies. Si les deux organes ont ¨¦t¨¦ le th¨¦?tre de nombreux d¨¦bats houleux, ils ont aussi fait preuve d¡¯une certaine r¨¦silience pendant la crise et montr¨¦ comment les instances multilat¨¦rales peuvent att¨¦nuer les cons¨¦quences des conflits majeurs.
Malgr¨¦ les profondes divergences sur l¡¯Ukraine, les membres permanents du Conseil de s¨¦curit¨¦ ont utilis¨¦ cet organe comme un canal de coop¨¦ration diplomatique pour traiter d¡¯autres crises. En quinze mois, le Conseil a m¨ºme r¨¦ussi ¨¤ innover sur un certain nombre de dossiers, et en adoptant sa premi¨¨re . Ses membres ont ¨¦t¨¦ lents ¨¤ r¨¦agir ¨¤ certaines crises et sont aux prises avec des d¨¦fis, comme la mont¨¦e de la violence djihadiste au Sahel. Toutefois, il s¡¯est av¨¦r¨¦ ¨ºtre un espace o¨´ une certaine coop¨¦ration entre les grandes puissances reste possible.
Cela s¡¯explique en partie par le fait que les cinq membres permanents du Conseil consid¨¨rent que les travaux des Nations Unies soutiennent leurs int¨¦r¨ºts nationaux. Ils restent aussi unis par l¡¯objectif commun de le conserver comme une institution au sein de laquelle ils ont ¨¦tabli des avantages en mati¨¨re de prise de d¨¦cisions. Ses membres ¨¦lus ont ¨¦galement montr¨¦ un niveau d¡¯unit¨¦ important en essayant de poursuivre des efforts diplomatiques, tels que la fourniture de l¡¯aide humanitaire ¨¤ la Syrie, qui sont importants pour sa r¨¦putation. ?
Ces facteurs signifient que toutes les parties ont int¨¦r¨ºt ¨¤ conclure des accords par l¡¯interm¨¦diaire du Conseil de s¨¦curit¨¦, qui pourraient ¨ºtre impossibles ¨¤ obtenir et ¨¤ l¨¦gitimer dans des pourparlers bilat¨¦raux. Cet organe reste beaucoup plus actif qu¡¯il ne l¡¯a ¨¦t¨¦ pendant de longues p¨¦riodes de la guerre froide; il convient de rappeler qu¡¯il n¡¯a r¨¦ussi ¨¤ adopter qu¡¯une seule r¨¦solution pendant toute l¡¯ann¨¦e 1959. Mais, d¡¯une certaine fa?on, il joue le r?le qu¡¯il a jou¨¦ durant cette p¨¦riode de tension internationale, en tant qu¡¯espace o¨´ les grandes puissances peuvent faire certains compromis sur des crises.
De son c?t¨¦, l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale est devenue un forum o¨´ les ?tats peuvent faire d¡¯importantes d¨¦clarations de principe sur la guerre en Ukraine, en affirmant la souverainet¨¦ de Kiev et, dans une , en d¨¦finissant les param¨¨tres d¡¯une paix juste, durable et globale. Elle n¡¯a, cependant, pas jou¨¦ un r?le comparable et direct dans le r¨¨glement du conflit. Par exemple, elle n¡¯a recommand¨¦ ni la nomination d¡¯un envoy¨¦ des Nations Unies, comme elle l¡¯avait fait en 2012, lors de la guerre en Syrie, ni d¡¯autres m¨¦canismes possibles qui pourraient contribuer ¨¤ mettre fin ¨¤ la guerre en Ukraine.
Cela est principalement d? au fait qu¡¯¨¤ ce jour, il n¡¯y a eu aucune ouverture politique ni aucune voie pour que les Nations Unies prennent l¡¯initiative de mettre fin ¨¤ la guerre. Le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral, qui a jou¨¦ un r?le important dans la diplomatie li¨¦e ¨¤ l¡¯Initiative sur le transport s¨¦curis¨¦ de c¨¦r¨¦ales et de denr¨¦es alimentaires depuis les ports ukrainiens ainsi que dans les efforts d¨¦ploy¨¦s pour g¨¦rer les retomb¨¦es de la guerre, a, jusqu¡¯¨¤ pr¨¦sent, d¨¦courag¨¦ les discussions portant sur une solution de m¨¦diation. Toutefois, certains membres de l¡¯Assembl¨¦e estiment que celle-ci devrait aspirer ¨¤ un plus grand r?le dans le r¨¨glement du conflit.
Historiquement, l¡¯Assembl¨¦e a jou¨¦ un r?le important en mati¨¨re de paix et de s¨¦curit¨¦ lorsque le Conseil de s¨¦curit¨¦ ¨¦tait tr¨¨s divis¨¦. Ses membres ont mandat¨¦ la premi¨¨re force de maintien de la paix ¨¤ grande ¨¦chelle ¨¤ Suez, en 1956, et ont pes¨¦ de tout leur poids dans la lutte contre l¡¯apartheid en Afrique du Sud pendant la derni¨¨re guerre froide, ¨¦vitant, dans les deux cas, des tensions au sein du Conseil.
L¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale a souvent ¨¦t¨¦ tr¨¨s ambitieuse dans ses propositions. que dans la , elle a r¨¦pondu au refus du Portugal de lib¨¦rer ses colonies africaines en exhortant les membres des Nations Unies ¨¤ ??rompre les relations diplomatiques avec le Portugal, ¨¤ fermer leurs ports aux vaisseaux portugais, ¨¤ interdire ¨¤ leurs navires d¡¯entrer dans les ports portugais, ¨¤ refuser le droit d¡¯atterrissage et les facilit¨¦s de transit aux avions du gouvernement portugais et ¨¤ boycotter les ¨¦changes commerciaux avec le Portugal??.
Il n¡¯est pas certain que les membres actuels de l¡¯Assembl¨¦e souhaitent jouer un r?le aussi actif dans la gestion d¡¯un grand nombre de controverses et de conflits actuels. Lorsque l¡¯organe a discut¨¦ du coup d¡¯?tat de 2021 au Myanmar, il lui a fallu des mois pour formuler une recommandation en faveur d¡¯un embargo sur les armes, ce qui n¡¯a eu que peu d¡¯effets. Cependant, de nombreux membres des Nations Unies partagent le sentiment que, compte tenu des incertitudes g¨¦opolitiques actuelles, l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale devrait explorer les options qui s¡¯offrent ¨¤ elle pour g¨¦rer leurs crises futures. Celle-ci a pris une mesure importante dans ce sens en avril 2022 lorsqu¡¯elle a approuv¨¦ une initiative, initialement lanc¨¦e par le Liechtenstein, appelant les membres permanents du Conseil de s¨¦curit¨¦ ¨¤ expliquer leur veto ¨¤ l¡¯Assembl¨¦e dans les dix jours qui suivent.
? New York, les diplomates se demandent maintenant comment tirer parti de cette initiative. L¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale pourrait, notamment, faire des recommandations au Conseil de s¨¦curit¨¦ concernant la r¨¦ponse ¨¤ apporter ¨¤ des crises en cas de veto ou recommander des actions sp¨¦cifiques, telles que la nomination d¡¯envoy¨¦s sp¨¦ciaux ou l¡¯¨¦tablissement de missions politiques sp¨¦ciales, lorsque les membres du Conseil ne parviennent pas ¨¤ se mettre d¡¯accord.
L¡¯un des obstacles est que peu de diplomates des Nations Unies connaissent la gamme d¡¯outils que l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale a d¨¦ploy¨¦ dans le pass¨¦ ou savent comment les mettre en ?uvre. Lors de discussions r¨¦centes avec des diplomates s¡¯occupant des affaires de l¡¯Assembl¨¦e, j¡¯en suis venu ¨¤ penser qu¡¯il serait utile que le Pr¨¦sident de l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale ¨¦labore un manuel accessible expliquant quand, pourquoi et comment l¡¯organe peut prendre part ¨¤ des activit¨¦s de r¨¨glement des conflits.
Certes, un manuel ne suffirait pas ¨¤ susciter chez ses membres la volont¨¦ politique d¡¯agir dans les crises futures; cela d¨¦pendrait toujours des circonstances sp¨¦cifiques de chaque cas. Mais des informations suppl¨¦mentaires sur les options offertes pourraient au moins faciliter les d¨¦bats ¨¤ New York.
Dans l¡¯ensemble, les exp¨¦riences r¨¦centes ont montr¨¦ que le Conseil de s¨¦curit¨¦ et l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale ont encore la capacit¨¦ de d¨¦finir la mani¨¨re dont les ?tats r¨¦pondent aux crises majeures et de limiter leurs cons¨¦quences mondiales. On est encore loin des ambitions de la Charte des Nations Unies, mais cela sugg¨¨re au moins que la coop¨¦ration multilat¨¦rale a un r?le durable ¨¤ jouer dans la r¨¦duction des menaces mondiales.
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