Il y a 25 ans, en octobre 1996, le ¨¦tait inaugur¨¦ dans la ville libre et hans¨¦atique de Hambourg, en Allemagne. Sa cr¨¦ation en tant que cl¨¦ de vo?te de la proc¨¦dure de r¨¨glement des diff¨¦rends, pr¨¦vue dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (la Convention), a ouvert un nouveau chapitre dans le r¨¨glement pacifique des diff¨¦rends. Pour la premi¨¨re fois, un tribunal sp¨¦cialis¨¦, compos¨¦ de 21 juges, a ¨¦t¨¦ constitu¨¦ pour aider les parties ¨¤ r¨¦gler les diff¨¦rends li¨¦s ¨¤ l¡¯interpr¨¦tation et ¨¤ l¡¯application de la Convention, voire de tout autre accord lui conf¨¦rant une comp¨¦tence.
Un an seulement apr¨¨s son entr¨¦e en fonction, Saint-Vincent-et-les Grenadines a invoqu¨¦ la comp¨¦tence obligatoire du Tribunal dans une affaire concernant la prompte mainlev¨¦e de l¡¯immobilisation du p¨¦trolier M/V ??Saiga?? et la d¨¦tention de son ¨¦quipage par les autorit¨¦s guin¨¦ennes. Depuis cette premi¨¨re affaire, les diff¨¦rends qui lui sont soumis ont consid¨¦rablement vari¨¦s en ce qui concerne leur objet et les proc¨¦dures utilis¨¦es. Le vingt-cinqui¨¨me anniversaire de sa cr¨¦ation offre une bonne occasion de r¨¦fl¨¦chir aux travaux qu¡¯il a accomplis jusqu¡¯ici et de reconna?tre sa contribution au r¨¨glement des diff¨¦rends dans le cadre de la Convention ainsi qu¡¯au d¨¦veloppement progressif du droit de la mer.?
Lorsqu¡¯on passe en revue 25 ans de jurisprudence, des moments forts viennent ¨¤ l¡¯esprit. Certains ont trait ¨¤ la r¨¦solution d¡¯un diff¨¦rend dans lequel le Tribunal a clairement contribu¨¦ ¨¤ ramener les ?tats ¨¤ la table des n¨¦gociations ou leur a permis de travailler ensemble de mani¨¨re pacifique et constructive. Un tel exemple peut ¨ºtre observ¨¦ dans l¡¯Affaire relative ¨¤ la r¨¦cup¨¦ration des terres (Malaisie c. Singapour) dans laquelle le Tribunal a prescrit des mesures conservatoires pour promouvoir un ¨¦change d¡¯informations entre les parties et leur coop¨¦ration. Il leur a ¨¦galement demand¨¦ de cr¨¦er un groupe d¡¯experts ind¨¦pendants afin de d¨¦terminer les cons¨¦quences des travaux de remise en ¨¦tat des terres effectu¨¦s par Singapour et de proposer des mesures appropri¨¦es pour y faire face. Sur cette base, les parties sont parvenues ¨¤ un accord mettant fin aux proc¨¦dures se rapportant au fond. Donc, en guidant la conduite future des parties et en les aidant ¨¤ jeter les bases d¡¯un r¨¨glement n¨¦goci¨¦, la r¨¦solution du diff¨¦rend a ¨¦t¨¦ obtenue par la seule prescription des mesures conservatoires.
D¡¯autres faits marquants comprennent les d¨¦cisions qui ont soulign¨¦ le d¨¦veloppement progressif du droit international en apportant des ¨¦claircissements dans des domaines qui ne sont pas sp¨¦cifiquement trait¨¦s par la Convention. Toute personne lisant les d¨¦cisions du Tribunal trouvera des ¨¦claircissements importants sur des notions fondamentales comme ??le navire en tant qu¡¯unit¨¦??, le ??lien effectif?? et la ??nationalit¨¦ des r¨¦clamations?? dans le but d¡¯exercer la protection de l¡¯?tat du pavillon et de prendre connaissance des obligations qui lui incombent. De m¨ºme, les d¨¦cisions rendues par le Tribunal?dans les diff¨¦rends relatifs ¨¤ la d¨¦limitation concernant le droit d¡¯un ?tat c?tier ¨¤ un plateau continental au-del¨¤ de 200 milles marins ainsi que la notion de prolongement naturel sont ¨¤ noter.
? titre personnel, je consid¨¨re que les avis consultatifs rendus sur les responsabilit¨¦s et les obligations des ?tats patronnants concernant les activit¨¦s men¨¦es dans la Zone (le fond des mers et des oc¨¦ans ainsi que leur sous-sol au-del¨¤ des limites de la juridiction nationale) sont une ¨¦tape d¨¦cisive. Donn¨¦ en 2011 par une d¨¦cision unanime de la Chambre pour le r¨¨glement des diff¨¦rends relatifs aux fonds marins du Tribunal, l¡¯avis consultatif ¨¦nonce les obligations des ?tats patronnants et ¨¦tablit les conditions dans lesquelles leur responsabilit¨¦ est engag¨¦e. Elle a ainsi apport¨¦ des ¨¦claircissements sur certains des aspects les plus difficiles de la Convention concernant l¡¯exploration et l¡¯exploitation des ressources min¨¦rales des grands fonds marins. Cet avis consultatif a ¨¦t¨¦ largement salu¨¦ dans le cadre de l¡¯Autorit¨¦ internationale des fonds marins et a eu une influence majeure sur la volont¨¦ des ?tats de patronner des activit¨¦s dans la Zone.
L¡¯avis consultatif, donn¨¦ par le Tribunal aux ?tats Membres de la Commission sous-r¨¦gionale des p¨ºches, clarifiant les obligations et la responsabilit¨¦ des ?tats du pavillon dont les navires se livrent ¨¤ des activit¨¦s de p¨ºche illicite, non d¨¦clar¨¦e et non r¨¦glement¨¦e dans leurs zones ¨¦conomiques exclusives, a ¨¦t¨¦ une autre ¨¦tape essentielle. Une fois de plus, l¡¯avis consultatif a ¨¦t¨¦ bien re?u et consid¨¦r¨¦ comme une contribution importante ¨¤ la pr¨¦vention de la p¨ºche illicite, non d¨¦clar¨¦e et non r¨¦glement¨¦e ainsi qu¡¯¨¤ la gestion durable des p¨ºches.
Ces deux avis consultatifs ont contribu¨¦ ¨¤ renforcer la protection de l¡¯environnement marin. ? mon avis, le champ?de la comp¨¦tence consultative du Tribunal n¡¯a pas encore ¨¦t¨¦ pleinement exploit¨¦. Dans de nombreuses situations, une d¨¦cision contraignante n¡¯est pas n¨¦cessairement un outil appropri¨¦ pour clarifier certaines questions juridiques. Je pense qu¡¯il y aura un int¨¦r¨ºt croissant pour ce genre de cas dans les 25 prochaines ann¨¦es.?
Si l¡¯on compare le Tribunal de 1996 ¨¤ celui d¡¯aujourd¡¯hui, il est ¨¦vident que beaucoup de choses ont chang¨¦. Parmi les 21 juges qui ont pr¨ºt¨¦ serment lors de la c¨¦r¨¦monie d¡¯inauguration ¨¤ l¡¯h?tel de ville de Hambourg, en pr¨¦sence du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies Boutros Boutros-Ghali, beaucoup d¡¯entre eux peuvent ¨ºtre d¨¦crits comme des architectes de la Convention en raison de leur engagement de longue date dans le processus d¡¯¨¦laboration. Si la diversit¨¦ g¨¦ographique des juges a toujours ¨¦t¨¦ assur¨¦e, conform¨¦ment au statut du Tribunal, le groupe est maintenant encore plus h¨¦t¨¦rog¨¨ne. Aujourd¡¯hui, le Tribunal refl¨¨te une plus grande diversit¨¦, non seulement en termes de sexe et d¡¯?ge, mais aussi en ce qui concerne les syst¨¨mes judiciaires, l¡¯¨¦ducation et l¡¯exp¨¦rience que les juges apportent. C¡¯est une tr¨¨s bonne chose.
Nos oc¨¦ans n¡¯ont jamais jou¨¦ un r?le aussi important qu¡¯aujourd¡¯hui dans toutes les sph¨¨res de la vie et des activit¨¦s humaines. Ce n¡¯est que par une bonne gouvernance des oc¨¦ans que nous continuerons ¨¤ tirer parti de ce bien commun tout en le pr¨¦servant pour les g¨¦n¨¦rations ¨¤ venir. Les probl¨¨mes graves qui les affectent comprennent les effets du changement climatique, tels que l¡¯¨¦l¨¦vation du niveau de la mer, l¡¯acidification des oc¨¦ans et leur r¨¦chauffement; l¡¯int¨¦r¨ºt croissant pour les ressources des grands fonds, des nodules polym¨¦talliques aux ressources g¨¦n¨¦tiques marines; l¡¯¨¦volution vers l¡¯exploitation de l¡¯¨¦nergie bleue; et la protection ainsi que la pr¨¦servation de l¡¯environnement marin. Tous ces sujets, et bien d¡¯autres encore, pourraient bien ¨ºtre des raisons pour les ?tats ou les organisations intergouvernementales de demander au Tribunal d¡¯exercer sa comp¨¦tence contentieuse ou consultative.
Je sais que je parle au nom de tous les juges du Tribunal en disant que nous sommes pr¨ºts ¨¤ servir la communaut¨¦ internationale en aidant ¨¤ faire respecter la gouvernance mondiale des oc¨¦ans telle qu¡¯elle est incarn¨¦e dans la Convention et ¨¤ la sauvegarder.
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