La COVID-19 a eu des r¨¦percussions catastrophiques sur le quotidien et l¡¯emploi de nombreuses personnes. Tandis que les gouvernements mobilisent d¡¯¨¦normes sommes d¡¯argent pour contrer le ralentissement ¨¦conomique d? au coronavirus, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral a d¨¦clar¨¦ que nous devons ? cr¨¦er de nouveaux emplois et de nouvelles entreprises dans le cadre d¡¯une transition propre et ¨¦cologique ?.
Selon le FMI, I¡¯¨¦conomie mondiale devrait reculer de pr¨¨s de 3,2 % cette ann¨¦e, ce qui repr¨¦senterait la plus forte contraction de l¡¯activit¨¦ ¨¦conomique depuis la Grande D¨¦pression, sans commune mesure avec la crise financi¨¨re mondiale de 2008-2009. Rien qu¡¯en 2020, des millions de personnes ¡ª entre 35 et 60 millions ¡ª pourraient sombrer dans l¡¯extr¨ºme pauvret¨¦, inversant de fait la tendance mondiale ¨¤ la baisse observ¨¦e au cours des vingt derni¨¨res ann¨¦es. On estime que quelque 1,6 milliard de personnes travaillant dans le secteur informel, dont beaucoup dans l¡¯¨¦conomie des ? emplois pr¨¦caires ?, risquent de perdre leurs moyens de subsistance, beaucoup d¡¯entre elles ne b¨¦n¨¦ficiant par ailleurs d¡¯aucune forme de protection sociale.
Forc¨¦s d¡¯instaurer un confinement mondial sans pr¨¦c¨¦dent en vue d¡¯endiguer la propagation de la COVID-19, les gouvernements ont rapidement pris conscience qu¡¯il leur fallait prendre des mesures fortes pour ¨¦viter d¡¯aggraver la situation sur le plan ¨¦conomique et social. Pour relancer leurs ¨¦conomies, nombre d¡¯entre eux ont adopt¨¦ des mesures fiscales et mon¨¦taires d¡¯une ampleur sans pr¨¦c¨¦dent, ¨¤ hauteur plus de 9 000 milliards de dollars ¨¤ l¡¯¨¦t¨¦ 2020. S¡¯il est naturel de souhaiter r¨¦tablir l¡¯¨¦conomie telle qu¡¯elle se portait avant la pand¨¦mie de COVID-19, il appara?t d¨¦sormais ¨¦vident que nous ne pouvons pas continuer ¨¤ proc¨¦der comme avant.
Le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral a ainsi insist¨¦ sur l¡¯alternative ¨¤ laquelle sont confront¨¦s les gouvernements en d¨¦clarant : ? Nous pouvons revenir au point o¨´ nous en ¨¦tions, ou alors investir dans un avenir meilleur et plus durable. Nous pouvons investir dans les combustibles fossiles, dont les march¨¦s sont volatils et dont les ¨¦missions entra?nent une pollution atmosph¨¦rique mortelle, ou nous pouvons au contraire investir dans les ¨¦nergies renouvelables, qui sont fiables, propres et judicieuses sur le plan ¨¦conomique. ?
Le passage ¨¤ une ¨¦conomie durable permettra de cr¨¦er beaucoup plus de nouveaux emplois. Des emplois d¡¯ailleurs plus sains et plus s?rs que ceux du secteur des combustibles fossiles. L¡¯Organisation internationale du Travail (OIT) a indiqu¨¦ que l¡¯action pour le climat, en particulier dans le secteur de l¡¯¨¦nergie, est susceptible de cr¨¦er 24 millions d¡¯emplois d¡¯ici ¨¤ 2030. L¡¯Agence internationale de l¡¯¨¦nergie (AIE) estime pour sa part que neuf millions d¡¯emplois pourraient ¨ºtre cr¨¦¨¦s chaque ann¨¦e au cours des trois prochaines ann¨¦es en investissant massivement dans le domaine de l¡¯¨¦nergie durable. Les conclusions du rapport ? New Nature Economy ? indiquent ¨¦galement qu¡¯un nouveau mod¨¨le ¨¦conomique ax¨¦ non pas sur le travail contre, mais avec la nature pourrait g¨¦n¨¦rer jusqu¡¯¨¤ 10 100 milliards de dollars de valeur ajout¨¦e par an et cr¨¦er 395 millions d¡¯emplois d¡¯ici ¨¤ 2030.
Aujourd¡¯hui, environ 1,2 milliard d¡¯emplois, soit 40 % du nombre total d¡¯emplois, sont tributaires d¡¯un environnement sain et 44 000 milliards de dollars de valeur ¨¦conomique ajout¨¦e ¡ª ¨¤ savoir plus de la moiti¨¦ du PIB total mondial ¡ª d¨¦pendent plus ou moins fortement de la nature. ? titre d¡¯exemple, la production agricole d¨¦pend largement de la pollinisation des abeilles, en particulier pour les fruits, les l¨¦gumes, les plantes ¨¤ fibres et les fruits ¨¤ coque. Sans cette contribution, notre capacit¨¦ ¨¤ produire suffisamment de nourriture serait fortement compromise.
Si les co?ts se rapportant ¨¤ des mesures ambitieuses en faveur du climat sont bien souvent consid¨¦r¨¦s comme un obstacle ¨¤ l¡¯action, les co?ts humains et ¨¦conomiques li¨¦s ¨¤ l¡¯inaction s¡¯av¨¨rent bien plus ¨¦lev¨¦s. L¡¯exc¨¨s de chaleur, par exemple, devrait ¨¤ lui seul r¨¦duire le nombre total d¡¯heures de travail dans le monde de 2,2 %, ce qui conduirait ¨¤ une baisse du PIB mondial de 2 400 milliards de dollars en 2030.
Les investissements publics dans certains domaines cl¨¦s peuvent toutefois contribuer ¨¤ stimuler la croissance ¨¦conomique et l¡¯emploi, tout en att¨¦nuant les changements climatiques. Les domaines propices ¨¤ ce type d¡¯investissements sont notamment les suivants :
- Les infrastructures, qui peuvent aussi bien concerner les actifs li¨¦s aux ¨¦nergies renouvelables (stockage, hydrog¨¨ne durable, modernisation des r¨¦seaux) que les soins de sant¨¦ et l¡¯aide sociale, ou encore le logement social et l¡¯¨¦conomie num¨¦rique.
- Les b?timents ¨¤ haut rendement ¨¦nerg¨¦tique, notamment au moyen de travaux de r¨¦novation et de modernisation garantissant une meilleure isolation et un mode de chauffage plus performant, tout en pr¨¦voyant des installations domestiques de stockage d¡¯¨¦nergie.
- L¡¯¨¦ducation et la formation, de fa?on ¨¤ permettre aux personnes qui ont perdu leur emploi du fait de la crise de la COVID-19 de trouver un nouvel emploi r¨¦mun¨¦rateur, tout en se pr¨¦parant aux changements structurels n¨¦cessaires ¨¤ la d¨¦carbonisation de l¡¯¨¦conomie.
- La nature, de fa?on ¨¤ favoriser la r¨¦silience et la r¨¦g¨¦n¨¦ration des ¨¦cosyst¨¨mes, ¨¤ restaurer les milieux riches en carbone et ¨¤ promouvoir une agriculture plus respectueuse du climat.
- La recherche et le d¨¦veloppement, de fa?on ¨¤ aider les ¨¦conomies rurales ¨¤ adopter des modes d¡¯agriculture durable et ¨¤ contribuer ¨¤ la r¨¦g¨¦n¨¦ration des ¨¦cosyst¨¨mes ou au d¨¦ploiement d¡¯installations de production d¡¯¨¦nergies renouvelables.
Pas de plans de sauvetage pour les industries polluantes
? moins qu¡¯elles ne s¡¯engagent ¨¤ respecter l¡¯Accord de Paris, les industries polluantes ne doivent pas b¨¦n¨¦ficier de plans de sauvetage.
Comme l¡¯a d¨¦clar¨¦ Ant¨®nio Guterres, ? [l]orsque l¡¯argent des contribuables est utilis¨¦ pour sauver des entreprises, il doit permettre de cr¨¦er des emplois verts et une croissance durable et inclusive. Il ne doit pas servir ¨¤ sauver des industries d¨¦pass¨¦es, polluantes et ¨¤ forte consommation de carbone ?.
Les entreprises qui ont conscience que les changements climatiques constituent une menace pour leurs r¨¦sultats et qui sont en mesure de trouver des moyens de basculer vers des mod¨¨les ¨¦conomiques durables ont plus de chances que d¡¯autres de se montrer p¨¦rennes financi¨¨rement et de cr¨¦er davantage de valeur pour leurs actionnaires, leurs clients et la collectivit¨¦. Au cours des dix derni¨¨res ann¨¦es, les titres de soci¨¦t¨¦s qui m¨¨nent leurs activit¨¦s de mani¨¨re ¨¦coresponsable ont ¨¦t¨¦ mieux c?t¨¦s que les actions li¨¦es aux combustibles fossiles, et les entreprises les plus investies dans les domaines environnementaux, sociaux et de la gouvernance d¡¯entreprise ont syst¨¦matiquement mieux r¨¦sist¨¦ ¨¤ la crise et leurs titres ont d¨¦pass¨¦ ceux des portefeuilles traditionnels sur les march¨¦s financiers.
Un financement public durable ¡ª sous la forme de subventions directes ou d¡¯autres formes d¡¯aides financi¨¨res, comme les garanties de pr¨ºts ¡ª devrait donc ¨ºtre soumis ¨¤ des engagements climatiques fermes de la part des entreprises. Il conviendrait ¨¤ tout le moins que les ? plans de sauvetage ? publics imposent un certain nombre d¡¯obligations aux entreprises. Ces mesures pourraient ainsi pr¨¦voir l¡¯obligation de fournir des informations sur les risques financiers li¨¦s au climat ou encore de fixer des objectifs de d¨¦carbonisation initiaux clairement d¨¦finis ¨¤ l¡¯horizon 2030, dans l¡¯optique d¡¯¨¦missions nettes nulles d¡¯ici ¨¤ 2050. En outre, les entreprises qui b¨¦n¨¦ficient de fonds publics doivent ¨ºtre dot¨¦es d¡¯un plan d¡¯investissement d¨¦crivant en quoi les nouveaux investissements sont susceptibles de contribuer ¨¤ l¡¯objectif de r¨¦duction des ¨¦missions de l¡¯entreprise.
Dans les principaux secteurs ¨¤ fortes ¨¦missions, des mesures sp¨¦cifiques peuvent ¨ºtre mises en ?uvre pour am¨¦liorer les conditions de travail et aider les entreprises ¨¤ adopter une strat¨¦gie de r¨¦duction des ¨¦missions de carbone. L¡¯aide apport¨¦e au secteur du transport a¨¦rien pourrait par exemple ¨ºtre conditionn¨¦e ¨¤ un engagement en faveur du recours ¨¤ du k¨¦ros¨¨ne plus durable, tandis que l¡¯appui aux activit¨¦s manufacturi¨¨res gourmandes en ¨¦nergie pourrait d¨¦pendre d¡¯un engagement ¨¤ s¡¯approvisionner en ¨¦nergie 100 % renouvelable.
Ne plus subventionner les combustibles fossiles
Il est imp¨¦ratif de ne plus subventionner les combustibles fossiles. Le prix du carbone doit encourager les march¨¦s ¨¤ passer ¨¤ une ¨¦conomie d¨¦carbonis¨¦e. Les pollueurs doivent assumer le co?t de la pollution qu¡¯ils g¨¦n¨¨rent et qui porte pr¨¦judice aux collectivit¨¦s, aux employ¨¦s ainsi qu¡¯aux consommateurs.
Selon l¡¯AIE, 320 milliards de dollars de subventions ont ¨¦t¨¦ vers¨¦s dans le secteur des combustibles fossiles en 2019, dont 150 milliards dans les produits p¨¦troliers, 115 milliards dans l¡¯¨¦lectricit¨¦, 50 milliards dans le gaz naturel et 2,5 milliards dans le charbon. Ces estimations ne tiennent pas pleinement compte de toutes les autres formes d¡¯aides publiques destin¨¦es ¨¤ ces secteurs, ni des subventions directes. L¡¯argent durement gagn¨¦ par les contribuables sert par cons¨¦quent ¨¤ accro?tre la rentabilit¨¦ de soci¨¦t¨¦s multimilliardaires. De fait, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU a appel¨¦ ¨¤ plusieurs reprises les gouvernements ¨¤ ? taxer les pollueurs, pas les citoyens ?.
La r¨¦forme de la tarification du carbone et des subventions aux combustibles fossiles est susceptible de consid¨¦rablement augmenter les recettes publiques et de garantir un meilleur usage des ressources. Selon la Banque mondiale, les programmes de tarification du carbone ¡ª qui visent ¨¤ garantir que le prix des combustibles fossiles corresponde ¨¤ leur co?t r¨¦el, en tenant compte des ¨¦missions ¡ª ont g¨¦n¨¦r¨¦ environ 44 milliards de dollars de recettes publiques en 2018.
Porteuse de nouvelles sources de financement public, la tarification du carbone est en mesure d¡¯aider les gouvernements ¨¤ investir davantage dans d¡¯autres domaines prioritaires, tels que la sant¨¦, l¡¯¨¦ducation ou les infrastructures, tout en permettant ¨¤ la main-d¡¯?uvre de s¡¯adapter comme il se doit. Il convient ainsi de tenir compte des travailleurs dont l¡¯emploi pourrait ¨ºtre menac¨¦ par une transition vers un monde aliment¨¦ par une ¨¦nergie durable, tels que ceux qui ¨¦voluent dans le secteur des combustibles fossiles. Il convient en revanche de les aider ¨¤ trouver de nouveaux et de meilleurs moyens de g¨¦n¨¦rer des revenus.
De nombreux pays s¡¯emploient ¨¤ r¨¦duire les subventions aux combustibles fossiles, bon nombre d¡¯entre eux faisant partie des pays en d¨¦veloppement. Le Nig¨¦ria, par exemple, a r¨¦cemment modifi¨¦ son r¨¦gime d¡¯octroi de subventions aux combustibles fossiles.
Au cours des derniers mois, les march¨¦s du p¨¦trole et du gaz ont connu une chute de la demande sans pr¨¦c¨¦dent et une guerre des prix qui ont conduit ¨¤ un prix du baril inf¨¦rieur au seuil de rentabilit¨¦ pour de nombreux producteurs. En cons¨¦quence, les prix du charbon, du p¨¦trole et du gaz devraient rester bas pendant un certain temps. Il s¡¯agit donc pour les gouvernements de saisir cette opportunit¨¦ pour supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles et redoubler d¡¯efforts pour s¡¯¨¦loigner de l¡¯industrie des combustibles fossiles.
Dans les pays producteurs de p¨¦trole et de gaz et les pays qui d¨¦pendent fortement de leurs ressources houill¨¨res, il conviendrait d¡¯axer la relance budg¨¦taire sur l¡¯¨¦limination progressive des actifs les moins comp¨¦titifs, sur la diversification de leur ¨¦conomie, ainsi que sur des mesures de soutien aux travailleurs et aux r¨¦gions qui sont appel¨¦s ¨¤ p?tir de la transition.
Le climat au c?ur de toutes les d¨¦cisions
Il faut tenir compte des risques et des perspectives li¨¦s au climat dans l¡¯ensemble des d¨¦cisions financi¨¨res et strat¨¦giques.
L¡¯action pour le climat doit d¨¦sormais ¨ºtre au centre de toutes les pr¨¦occupations, aussi bien des gouvernements que des entreprises. Les entreprises et les investisseurs ¨¦clair¨¦s s¡¯emploient d¡¯ores et d¨¦j¨¤ ¨¤ mieux ¨¦valuer les co?ts li¨¦s aux risques climatiques. Les gouvernements, en revanche, doivent s¡¯investir davantage.
Comme l¡¯a r¨¦cemment d¨¦clar¨¦ le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral aux ministres : ? Les effets d¨¦vastateurs de la crise de la COVID-19 sont dus ¨¤ nos manquements d¡¯hier et d¡¯aujourd¡¯hui ?.
Il est ainsi notamment fait r¨¦f¨¦rence au fait de ne pas avoir suffisamment tenu compte des objectifs de d¨¦veloppement durable ou des mises en garde concernant les dommages que nous infligeons ¨¤ notre milieu naturel, ainsi qu¡¯aux risques qui sont pris face au d¨¦r¨¨glement climatique. ? Nous avons tol¨¦r¨¦ des in¨¦galit¨¦s au sein des pays et entre eux qui ont conduit ¨¤ exposer des milliards de personnes ¨¤ la pauvret¨¦ et ¨¤ la faillite en cas de nouvelle crise. Nous n¡¯avons pas suffisamment investi dans nos capacit¨¦s de r¨¦silience, ¨¤ savoir dans l¡¯assurance-maladie universelle, l¡¯enseignement de qualit¨¦, la protection sociale, l¡¯eau potable ou l¡¯assainissement. Nous n¡¯avons toujours pas rem¨¦di¨¦ aux d¨¦s¨¦quilibres de pouvoir qui font que les femmes et les filles sont syst¨¦matiquement les premi¨¨res ¨¤ p?tir des crises. ?
Pour ¨ºtre en mesure d¡¯¨¦valuer l¡¯ampleur des risques climatiques sur le syst¨¨me financier, il convient de mettre au point de nouveaux outils d¡¯analyse permettant par exemple de tenir compte de sc¨¦narios climatiques dans le cadre de ? simulations de crise ? p¨¦riodiques. Les autorit¨¦s de r¨¦gulation ont d¨¦j¨¤ recours ¨¤ ce type de simulations pour ¨¦valuer la r¨¦silience et la solidit¨¦ des ¨¦tablissements bancaires en p¨¦riode de tourmente.
Les banques centrales et les autorit¨¦s de contr?le financier doivent s¡¯assurer que les risques li¨¦s au climat sont bien int¨¦gr¨¦s aux strat¨¦gies et aux proc¨¦dures de gestion des risques des institutions financi¨¨res. Si la communication volontaire de renseignements sur les risques li¨¦s au climat, telle que recommand¨¦e dans les lignes directrices de l¡¯?quipe sp¨¦ciale des informations financi¨¨res ayant trait au climat, constitue une premi¨¨re ¨¦tape bienvenue, il devient de plus en plus urgent d¡¯en faire une mesure obligatoire pour pouvoir renforcer et syst¨¦matiser la prise en compte des risques li¨¦s au climat.
Il faut que les institutions financi¨¨res prennent davantage conscience des risques li¨¦s au climat et qu¡¯elles en tiennent compte dans le cadre de leurs proc¨¦dures de gestion des risques et de leurs choix d¡¯investissement, mais aussi dans leurs strat¨¦gies ¨¤ plus long terme. L¡¯¨¦volution des politiques climatiques, les nouvelles technologies et l¡¯augmentation des risques physiques vont conduire ¨¤ une revalorisation de pratiquement tous les actifs financiers. Les entreprises qui adaptent leurs mod¨¨les d¡¯activit¨¦ ¨¤ la transition en faveur d¡¯un monde sans ¨¦missions seront r¨¦compens¨¦es, tandis que les autres seront lourdement p¨¦nalis¨¦es.
Si, ¨¤ quelques rares exceptions pr¨¨s, les entreprises se sont montr¨¦es tr¨¨s int¨¦ress¨¦es par l¡¯adoption de plans commerciaux durables et d¡¯objectifs scientifiques compatibles avec le sc¨¦nario d¡¯un r¨¦chauffement de 1,5 ¡ãC, les march¨¦s et les principales institutions financi¨¨res n¡¯ont pas encore pleinement pris la mesure des risques climatiques.
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Il faut ?uvrer tous ensemble pour reconstruire, mais en mieux.
Tout comme le coronavirus, les gaz ¨¤ effet de serre ne connaissent pas de fronti¨¨res. Aucun pays, aucune entreprise ne saurait parvenir ¨¤ r¨¦gler le probl¨¨me isol¨¦ment.
L¡¯Accord de Paris repose sur la coop¨¦ration entre les pays. Les ¨¦missions, d¡¯o¨´ qu¡¯elles proviennent, affectent tout le monde, en tout lieu, c¡¯est pourquoi il est crucial que les pays ?uvrent tous ensemble pour r¨¦duire les ¨¦missions, renforcer la r¨¦silience et att¨¦nuer les effets les plus graves des changements climatiques.
L¡¯Accord de Paris tient compte du fait que tous les pays ne b¨¦n¨¦ficient pas des m¨ºmes ressources financi¨¨res et des m¨ºmes technologies. Plus pr¨¦cis¨¦ment, les pays ¨¤ revenu faible ou interm¨¦diaire ¡ª qui sont les moins responsables du probl¨¨me ¡ª ont g¨¦n¨¦ralement besoin de l¡¯appui des pays ¨¤ revenu plus ¨¦lev¨¦ pour se doter de sources d¡¯¨¦nergie renouvelables, plus propres et plus vertes, ainsi que pour adopter des mesures leur permettant de s¡¯adapter aux effets des changements climatiques. L¡¯aide internationale est cruciale pour garantir un d¨¦veloppement durable.
La coop¨¦ration internationale et le multilat¨¦ralisme sont ¨¦galement essentiels pour sortir de la crise ¨¦conomique provoqu¨¦e par la pand¨¦mie de COVID-19. Du fait de la pand¨¦mie, la plupart des pays ont connu une baisse de leurs recettes et une augmentation simultan¨¦e de leurs d¨¦penses. Pour bon nombre de pays en d¨¦veloppement, il en r¨¦sulte une augmentation de la dette publique et un accroissement du d¨¦ficit. La pression exerc¨¦e sur les gouvernements, en particulier dans les pays en d¨¦veloppement, pour qu¡¯ils remboursent ces dettes ext¨¦rieures croissantes, limite leur capacit¨¦ ¨¤ adopter des mesures politiques qui favorisent les investissements dans des moyens de production durables (comme les ¨¦nergies renouvelables ou les modes de d¨¦placements durables). Il convient de r¨¦gler ce probl¨¨me end¨¦mique de la dette souveraine afin de donner aux gouvernements les moyens budg¨¦taires et strat¨¦giques n¨¦cessaires pour investir dans une reprise vigoureuse, d¨¦carbonis¨¦e, ¨¦quitable et r¨¦siliente.
Les banques publiques de d¨¦veloppement du monde entier, aux ¨¦chelons national, r¨¦gional et multilat¨¦ral, devront ?uvrer de concert pour aider les pays ¨¤ d¨¦terminer quelles activit¨¦s ¨¤ faible intensit¨¦ de carbone et ¨¤ haute productivit¨¦ il convient de financer, tout en les orientant vers les politiques industrielles leur permettant d¡¯accro?tre leurs ressources en faveur d¡¯infrastructures durables et d¡¯aider les travailleurs et la collectivit¨¦ ¨¤ s¡¯adapter ¨¤ une transition juste. Ces institutions joueront par ailleurs un r?le essentiel en fournissant le financement n¨¦cessaire au renforcement de la r¨¦silience et en aidant les pays ¨¤ s¡¯adapter aux changements climatiques.
Les effets des changements climatiques se font d¨¦sormais sentir dans tous les pays, mais tous les peuples ne sont pas pour autant touch¨¦s de fa?on analogue. Les changements climatiques touchent davantage les plus pauvres et les plus vuln¨¦rables, dont beaucoup de femmes. Il s¡¯agit des personnes qui vivent dans des zones inondables, de celles qui sont confront¨¦es ¨¤ l¡¯¨¦l¨¦vation du niveau de la mer ou encore de celles qui sont les plus touch¨¦es par l¡¯augmentation des temp¨¦ratures ou par les p¨¦nuries d¡¯eau. En 2019, les ph¨¦nom¨¨nes m¨¦t¨¦orologiques extr¨ºmes et les catastrophes naturelles ont entra?n¨¦ trois fois plus de d¨¦placements de personnes que les conflits. Les catastrophes li¨¦es aux conditions m¨¦t¨¦orologiques telles que les temp¨ºtes et les inondations ont ¨¦t¨¦ responsables de plus de 95 % de ces ph¨¦nom¨¨nes.
Les plans de relance doivent donner la priorit¨¦ aux efforts d¡¯adaptation (protection contre les inondations, construction de routes et de b?timents r¨¦silients, am¨¦lioration de la r¨¦silience des populations, etc.). Les programmes de travaux publics destin¨¦s ¨¤ assurer un revenu aux m¨¦nages modestes pourraient par exemple privil¨¦gier les projets qui pr¨¦sentent des avantages connexes en mati¨¨re d¡¯adaptation, tels que la protection contre les inondations et les incendies, la restauration des ¨¦cosyst¨¨mes ou l¡¯irrigation par ¨¦gouttement.
Le passage ¨¤ une ¨¦conomie neutre en carbone pourrait en revanche avoir des r¨¦percussions n¨¦gatives sur les moyens de subsistance des personnes qui travaillent depuis toujours dans des industries tr¨¨s polluantes et extr¨ºmement nocives pour la sant¨¦, comme l¡¯industrie houill¨¨re. Il faut donc veiller ¨¤ une transition juste qui assure des possibilit¨¦s d¡¯emploi pour toutes et tous. Il convient par ailleurs de faire en sorte que ces mesures de lutte contre les changements climatiques n¡¯engendrent pas de nouveaux co?ts pour ceux et celles qui ne peuvent pas se les permettre ¨¤ d¨¦faut d¡¯aides publiques. Les co?ts li¨¦s ¨¤ la lutte contre les changements climatiques doivent ¨ºtre support¨¦s par ceux qui sont responsables de la pollution.
Les efforts d¨¦ploy¨¦s pour att¨¦nuer les changements climatiques s¡¯inscrivent dans le cadre de la r¨¦alisation des objectifs de d¨¦veloppement durable. Ces objectifs ont ¨¦t¨¦ d¨¦finis pour tous les pays et tous les peuples. Il est toujours possible de les atteindre, pour peu que les gouvernements, les entreprises, les municipalit¨¦s et les repr¨¦sentants de la soci¨¦t¨¦ civile soient d¨¦termin¨¦s, tout comme chacun et chacune d¡¯entre nous, ¨¤ exiger des r¨¦sultats de toute urgence, tout en veillant ¨¤ ce que personne ne soit laiss¨¦ pour compte.