8 avril 2020

8 avril 2020 ¡ª La pand¨¦mie de COVID-19 menace de cr¨¦er une p¨¦nurie alimentaire pour des centaines de millions de personnes dans le monde, principalement en Afrique : c¡¯est l¡¯avertissement que lance le Programme alimentaire mondial (PAM), agence des Nations Unies en premi¨¨re ligne dans le combat contre l¡¯ins¨¦curit¨¦ alimentaire et la faim.

Aujourd¡¯hui, plus de 821 millions de personnes se couchent r¨¦guli¨¨rement le ventre vide et, parmi elles, des millions souffrent de faim aigu?, du fait notamment des conflits, du changement climatique et du ralentissement ¨¦conomique, rappelle le PAM dans un sur les implications de la COVID-19 pour la s¨¦curit¨¦ alimentaire. ? Ce sont ces personnes qui vont conna?tre l¡¯impensable en raison des cons¨¦quences ¨¦conomiques ou logistiques de la pand¨¦mie ?, pr¨¦vient-il, anticipant une aggravation de la faim ¨¤ l¡¯¨¦chelle mondiale.

Tout en maintenant son assistance ¨¤ 87 millions de personnes vuln¨¦rables ¨¤ travers la plan¨¨te, l¡¯agence estime que l¡¯ampleur de la crise pourrait n¨¦cessiter une extension de ses op¨¦rations ¨¤ 120 millions de personnes dans plus de 80 pays. Elle pr¨¦voit pour cela d¡¯¨¦tablir des ? hubs strat¨¦giques ? ¨¤ Shanghai, Li¨¨ge, Duba? et Atlanta ainsi que des zones de transit r¨¦gionales afin de soutenir le trafic mondial des marchandises et venir en aide aux pays jug¨¦s prioritaires par le Plan mondial de r¨¦ponse humanitaire ¨¤ la maladie, lanc¨¦ le 25 mars par l¡¯ONU.

Craintes pour la cha?ne d¡¯approvisionnement mondiale

Dans son rapport, le PAM observe que, pour l¡¯heure, les stocks de c¨¦r¨¦ales sont bien approvisionn¨¦s, les perspectives de r¨¦colte encourageantes et les prix relativement bas. Les restrictions de mouvement impos¨¦es pour contenir l¡¯avanc¨¦e du virus pourraient toutefois changer la situation.

? Nous nous attendons ¨¤ voir bient?t des perturbations dans la cha?ne d¡¯approvisionnement ?, confirme Elizabeth Byrs, porte-parole du PAM. Si les principaux importateurs perdent confiance dans l¡¯acheminement fiable des denr¨¦es alimentaires, avertit-elle, il pourrait s¡¯en suivre un mouvement de panique sur les march¨¦s, et donc une augmentation des prix.

De l¡¯avis d¡¯un analyste de l¡¯Organisation des Nations Unies pour l¡¯alimentation et l¡¯agriculture (FAO), cit¨¦ dans le rapport, le probl¨¨me rel¨¨ve d¡¯abord d¡¯un ? changement de comportement ? ¨¤ l¡¯¨¦gard de la s¨¦curit¨¦ alimentaire.  ? Qu¡¯adviendra-t-il si les gros acheteurs pensent ne pas pouvoir recevoir des arrivages de bl¨¦ ou de riz en mai ou en juin ? C¡¯est ce qui pourrait conduire ¨¤ une crise mondiale de l¡¯approvisionnement alimentaire ?, rel¨¨ve-t-il.

Pour les pays ¨¤ bas revenu, les cons¨¦quences seraient catastrophiques. Leur ¨¦conomie d¨¦j¨¤ fragile serait durablement affect¨¦e, aux d¨¦pens de secteurs essentiels comme la sant¨¦ et l¡¯¨¦ducation. Compte tenu de leur d¨¦pendance aux importations alimentaires et aux exportations de mati¨¨res premi¨¨res comme le p¨¦trole, les minerais et les m¨¦taux, dont les cours sont en baisse, les pays les plus ¨¤ risque se trouvent en Afrique et au Moyen-Orient, pr¨¦cise le PAM.

L¡¯Afrique particuli¨¨rement vuln¨¦rable

Le continent africain abrite la majorit¨¦ des quelque 212 millions de personnes dans le monde qui souffrent d'ins¨¦curit¨¦ alimentaire chronique et les 95 millions qui vivent dans une ins¨¦curit¨¦ alimentaire aigu?, note l¡¯agence dans son rapport. C¡¯est particuli¨¨rement le cas du , qui englobe le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Une r¨¦gion extr¨ºmement vuln¨¦rable pour laquelle l¡¯aide alimentaire est cruciale en cette p¨¦riode de soudure, o¨´ les stocks sont ¨¦puis¨¦s.

Avec la propagation continue de la maladie de COVID-19, qui a d¨¦j¨¤ fait une trentaine de morts dans la r¨¦gion, ? c¡¯est une crise qui s¡¯ajoute ¨¤ une autre, et la situation pourrait devenir incontr?lable ?, alerte Chris Nikoi, Directeur r¨¦gional du PAM pour l¡¯Afrique de l¡¯Ouest.

Dans des pays pauvres comme ceux d¡¯Afrique subsaharienne, diff¨¦rents facteurs li¨¦s ¨¤ la pand¨¦mie pourraient amplifier l¡¯ins¨¦curit¨¦ alimentaire. Les p¨¦nuries de main d¡¯?uvre risquent de mettre ¨¤ mal la production et la transformation des cultures. A cela s¡¯ajoutent les perturbations dues aux blocages de voies de transport et les mesures de quarantaine qui pourraient emp¨ºcher l¡¯acc¨¨s des agriculteurs aux march¨¦s.

Pour l¡¯instant, l¡¯agence onusienne suit de pr¨¨s les cours des denr¨¦es et pr¨¦conise des transferts d¡¯argent en esp¨¨ces pour pallier les probl¨¨mes de distribution qui s¡¯annoncent en Afrique.  Elle surveille en outre la vuln¨¦rabilit¨¦ alimentaire et ¨¦conomique des pays, tout en diffusant ses informations et donn¨¦es, notamment par le biais de sa plateforme mondiale actualis¨¦e en temps r¨¦el.

Compenser l¡¯absence de cantine scolaire

Le PAM se pr¨¦occupe ¨¦galement de l¡¯impact alimentaire des fermetures d¡¯¨¦coles et d¡¯universit¨¦s. Selon l¡¯Organisation des Nations Unies pour l¡¯¨¦ducation, la science et la culture (UNESCO), pr¨¨s de 1,6 milliard d¡¯enfants et de jeunes, soit dans le monde, sont ¨¦cart¨¦s de leurs lieux d¡¯apprentissage pour cause de COVID-19. Or plus de 368 millions d¡¯entre eux d¨¦pendent de ces ¨¦tablissements pour se nourrir.

Une mise en ligne par le PAM pour r¨¦pertorier les principales donn¨¦es de ce probl¨¨me mondial fait appara?tre que 12 millions d¡¯¨¦coliers dans 51 pays ne re?oivent plus les repas qu¡¯elle leur distribue d¡¯ordinaire. Sa r¨¦ponse concerne toutefois l¡¯ensemble des 195 pays concern¨¦s.

En collaboration avec la FAO et le Fonds des Nations Unies pour l¡¯enfance (UNICEF), l¡¯agence fournit des aux gouvernements et travaille avec ces derniers et des partenaires locaux ¨¤ des solutions alternatives destin¨¦es ¨¤ garantir un apport alimentaire et nutritionnel aux ¨¦coliers. Une mobilisation qui implique un suivi de tous les enfants et une pr¨¦paration planifi¨¦e de l¡¯apr¨¨s-pand¨¦mie.

En Libye, le PAM s¡¯appuie sur des enseignants pour distribuer aux familles des rations de dattes fortifi¨¦es, cens¨¦es couvrir les besoins nutritionnels de cinq personnes pendant cinq jours. En R¨¦publique d¨¦mocratique du Congo, des stocks alimentaires sont reconditionn¨¦s afin d¡¯en faire des rations de deux mois pour les ¨¦coliers et leur famille. Les ¨¦coles sont transform¨¦es en site de distribution et des mesures strictes sont prises pour pr¨¦venir le risque de propagation du virus.

Depuis la fermeture ¨¤ la mi-mars des ¨¦tablissement scolaires en Colombie, l¡¯agence distribue des rations pour les ¨¦coliers et leur famille dans le d¨¦partement de La Guajira, frontalier avec le Venezuela. Les aliments, pr¨¦par¨¦s pour ¨ºtre emport¨¦s chez soi, proviennent d¡¯un entrep?t pour cantines scolaires. Parall¨¨lement, le PAM soutient les livraisons alimentaires op¨¦r¨¦es par le gouvernement du Honduras pour venir en aide aux ¨¦coliers et ¨¤ leurs parents.

Un financement vital pour maintenir les op¨¦rations

Dans cette p¨¦riode de crise, l¡¯agence d¡¯aide alimentaire de l¡¯ONU consid¨¨re comme vitale la poursuite de ses existantes, qui offrent une planche de salut ¨¤ des populations en proie ¨¤ la pauvret¨¦ et ¨¤ la faim. C¡¯est pourquoi elle appelle les gouvernements ¨¤ acc¨¦l¨¦rer le financement de ses programmes ¨¤ hauteur de 1,9 milliard de dollars. Cet argent doit notamment servir ¨¤ pr¨¦positionner des stocks alimentaires dans des d¨¦p?ts humanitaires afin de pouvoir compter sur trois mois d¡¯assistance dans les situations les plus fragiles.

Le PAM invite les donateurs potentiels ¨¤ lui faire part de leurs intentions le plus t?t possible. Leur soutien financier peut en effet ¨ºtre utilis¨¦ pour engager des fonds et planifier des op¨¦rations avant que la disponibilit¨¦ des produits alimentaires soit entrav¨¦e par les perturbations de la cha?ne d¡¯approvisionnement.

L¡¯agence compte d¡¯autre part sur des contributions additionnelles de 350 millions de dollars dans le cadre de sa participation au Plan mondial de r¨¦ponse humanitaire supervis¨¦ par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Il s¡¯agit cette fois de financer des services humanitaires communs, en particulier l'exp¨¦dition, le stockage et le transport de denr¨¦es alimentaires, dans les pays les plus pauvres touch¨¦s par la COVID-19.