Apr¨¨s le meurtre de George Floyd, un groupe de hauts fonctionnaires des Nations Unies d¡¯origine africaine expriment leur indignation face au racisme g¨¦n¨¦ralis¨¦ et syst¨¦mique. Dans une tribune collective qu¡¯ils ont sign¨¦ ¨¤ titre personnel, 22 Secr¨¦taires g¨¦n¨¦raux adjoints de l¡¯ONU appellent ¨¤ aller au-del¨¤ des condamnations et ¨¤ mettre en oeuvre les changements structurels n¨¦cessaires pour ¨¦radiquer le fl¨¦au du racisme.
G¨¦missement d¨¦sesp¨¦r¨¦, appelant une m¨¨re d¨¦c¨¦d¨¦e depuis longtemps. Parvenant du tr¨¦fonds des entrailles de la fragile humanit¨¦. Haletant, ¨¤ bout de souffle. Implorant la mis¨¦ricorde. Le monde entier entendant le cri tragique. La famille des nations scrutant son visage plaqu¨¦ contre l¡¯asphalte. Douloureux, insupportable, en plein jour. Cou pliant sous le genou et le poids de l'histoire. Doux g¨¦ant, s¡¯agrippant ¨¤ la vie, d¨¦sesp¨¦r¨¦ment. Besoin vital de respirer, sans entrave. Jusqu'¨¤ son dernier souffle.
Apr¨¨s les derni¨¨res semaines de protestations suite au meurtre de George Floyd alors qu¡¯il ¨¦tait entre les mains de la police, nous avons tous ¨¦t¨¦ indign¨¦s, en tant que hauts dirigeants d'origine africaine aux Nations Unies, par l'injustice du racisme qui est toujours omnipr¨¦sent dans le pays h?te de l¡¯ONU et ¨¤ travers le monde.
On ne dira jamais assez sur les traumatismes profonds et les souffrances interg¨¦n¨¦rationnelles qui ont r¨¦sult¨¦ de l'injustice raciale perp¨¦tr¨¦e au cours des si¨¨cles, en particulier contre les personnes d'ascendance africaine. Mais la simple condamnation des expressions et des actes de racisme ne suffit pas.
Nous devons aller au-del¨¤ et faire plus
Le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies,?Ant¨®nio Guterres, a d¨¦clar¨¦ que ? nous devons ¨¦lever la voix contre toutes les expressions de racisme et les cas de comportement raciste ?.
Apr¨¨s le meurtre de M. George Floyd, le cri ? Black Lives Matter ? qui retentit aux ?tats-Unis et dans le monde est plus qu¡¯un slogan. La vie des Noirs, en plus de compter, est essentielle ¨¤ la r¨¦alisation de notre dignit¨¦ humaine commune.
L¡¯heure est venue de passer de la parole aux actes.
Nous le devons ¨¤ George Floyd ainsi qu¡¯¨¤ toutes les victimes de discrimination raciale et de brutalit¨¦s polici¨¨res, de d¨¦manteler les institutions racistes. En tant que dirigeants dans un syst¨¨me multilat¨¦ral, nous pensons qu'il nous incombe de parler au nom de ceux dont la voix a ¨¦t¨¦ r¨¦duite au silence et de plaider pour des r¨¦ponses effectives de nature ¨¤ lutter contre le racisme syst¨¦mique, un fl¨¦au mondial qui s'est perp¨¦tu¨¦ au fil des si¨¨cles.
Le meurtre choquant de George Floyd est enracin¨¦ dans un ensemble plus large et inextricable de probl¨¨mes qui ne dispara?tront pas si nous les ignorons. Il est temps que les Nations Unies intensifient leurs efforts et agissent de mani¨¨re d¨¦cisive pour qu¡¯il soit mis fin au racisme syst¨¦mique contre les personnes d'ascendance africaine et autres groupes minoritaires ? en d¨¦veloppant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libert¨¦s fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion ? comme stipul¨¦ ¨¤ l'article 1 de la Charte des Nations Unies. En effet, le fondement des Nations Unies est la conviction que tous les ¨ºtres humains sont ¨¦gaux et ont le droit de vivre sans crainte de pers¨¦cution.
C'est au plus fort du mouvement pour les droits civiques aux ?tats-Unis et durant la p¨¦riode de l'¨¦mergence de nations africaines ind¨¦pendantes post-coloniales qui ont rejoint les Nations Unies que la Convention internationale sur l'¨¦limination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR) est entr¨¦e en vigueur en 1969.
Ce fut une p¨¦riode charni¨¨re dans l'histoire. L¡¯effondrement de l¡¯apartheid en Afrique du Sud, imputable en partie aux Nations Unies, est un des accomplissements dont l¡¯Organisation est le plus fi¨¨re.
Les droits de l'homme et la dignit¨¦ des Noirs en Afrique ainsi qu'¨¤ travers la diaspora africaine ont r¨¦sonn¨¦ comme un signal puissant pour les g¨¦n¨¦rations futures, que les Nations Unies ne fermeraient pas les yeux sur la discrimination raciale et ne tol¨¦reraient pas l'injustice et le sectarisme servis par des lois injustes. Prenant appui sur cette nouvelle ¨¨re, l'Organisation des Nations Unies doit user de son influence pour nous rappeler une fois de plus la mission inachev¨¦e d'¨¦radiquer le racisme, et exhorter la communaut¨¦ des nations ¨¤ ¨¦liminer les taches du racisme sur l'humanit¨¦.
Nous devons montrer l'exemple
Nous saluons les initiatives prises par le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral pour renforcer le discours mondial contre le racisme qui s'attaque au racisme syst¨¦mique ¨¤ tous les niveaux ainsi que ses cons¨¦quences partout o¨´ il existe, y compris au sein m¨ºme de l'Organisation des Nations Unies.
Si nous voulons ¨ºtre de bons dirigeants, nous devons le faire par l'exemple. L¡¯initiation et la promotion d¡¯un changement r¨¦el exigeront une ¨¦valuation honn¨ºte de la fa?on dont nous appliquons la Charte des Nations Unies au sein de notre institution.
Notre expression de solidarit¨¦ refl¨¨te bien nos responsabilit¨¦s et obligations en tant que fonctionnaires internationaux de nous ¨¦lever contre l¡¯oppression et la d¨¦noncer. En tant que dirigeants, nous partageons les convictions fondamentales et les valeurs et principes inscrits dans la Charte des Nations Unies qui ne nous permettent pas de garder le silence.
Nous nous engageons ¨¤ mettre ¨¤ profit notre expertise, notre leadership et nos mandats respectifs pour lutter contre les causes profondes et promouvoir les changements structurels qui doivent ¨ºtre mis en ?uvre si nous voulons mettre fin au racisme.
Pr¨¨s de 500 ans apr¨¨s le d¨¦but de la r¨¦voltante traite transatlantique des Africains, nous avons atteint un point critique de l'arc de l'univers moral, ¨¤ l¡¯heure o¨´ nous approchons la fin de la D¨¦cennie internationale des personnes d'ascendance africaine en 2024, dans quatre ans seulement. Utilisons notre voix collective pour r¨¦pondre aux aspirations de nos communaut¨¦s afin que l¡¯ONU exerce son pouvoir moral en tant qu¡¯institution pour op¨¦rer un changement mondial. Pr¨ºtons notre voix pour la r¨¦alisation de la vision transformatrice propre ¨¤ l¡¯Afrique telle que contenue dans son Agenda 2063, vision qui est conforme ¨¤ l¡¯Agenda 2030 mondial.
L'Afrique est le berceau de l'humanit¨¦ et le pr¨¦curseur des civilisations humaines. En tant que continent, elle doit jouer un r?le pr¨¦pond¨¦rant pour que le monde puisse parachever le d¨¦veloppement durable et la paix.
Tel ¨¦tait le r¨ºve des fondateurs de l¡¯Organisation de l¡¯unit¨¦ africaine, c¡¯¨¦tait aussi la ferme conviction de dirigeants ¨¦minents tels que Kwame Nkrumah et d¡¯¨¦minents intellectuels tels que Cheikh Anta Diop. N'oublions jamais les paroles du pr¨¦sident Nelson Mandela: ? Nier aux gens leurs droits humains, c'est remettre en cause leur humanit¨¦ m¨ºme ?.
Gardons toujours ¨¤ l¡¯esprit l¡¯exhortation du leader des droits civiques Fannie Lou Hamer: ? Personne n'est libre tant que nous ne sommes pas tous libres ?, qui a ¨¦t¨¦ reprise par le Dr Martin Luther King Jr., ? Une injustice, o¨´ qu'elle se produise, est une menace pour la justice partout ailleurs ?.
Des ann¨¦es plus tard, leurs paroles se sont retrouv¨¦es dans la diversit¨¦ de la nation arc-en-ciel, l'Afrique du Sud, et ¨¦nonc¨¦es par l¡¯homme de paix, l'archev¨ºque Desmond Tutu, dans sa d¨¦claration ? la lib¨¦ration des Noirs est une condition indispensable ¨¤ la lib¨¦ration des Blancs - personne ne sera libre tant que nous ne serons pas tous libres ?.
Tous les signataires ¨¦num¨¦r¨¦s ci-dessous sont de hauts fonctionnaires de l¡¯ONU qui occupent le rang de Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral adjoint des Nations Unies. Ils ont sign¨¦ cette opinion ¨¤ titre personnel :
Tedros ADHANOM GHEBREYESUS (Ethiopie), Directeur g¨¦n¨¦ral de l¡¯Organisation mondiale de la sant¨¦ () ; Mahamat Saleh ANNADIF (Tchad), Repr¨¦sentant sp¨¦cial du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU et Chef de la Mission multidimensionnelle int¨¦gr¨¦e des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ; Zainab BANGURA (Sierra Leone), Directrice g¨¦n¨¦rale de l¡¯Office des Nations Unies ¨¤ Nairobi (ONUN) ; Winnie BYANYIMA (Ouganda), Directrice ex¨¦cutive du Programme commun des Nations Unies sur le VISH/sida (ONUSIDA) ; Mohamed Ibn CHAMBAS (Ghana), Repr¨¦sentant sp¨¦cial du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU et Chef du Bureau des Nations Unies pour l¡¯Afrique de l¡¯Ouest et le Sahel (UNOWAS) ; Adama DIENG (S¨¦n¨¦gal), Conseiller sp¨¦cial du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU pour la pr¨¦vention du g¨¦nocide ; Bience GAWANAS (Namibie), Conseill¨¨re sp¨¦ciale pour l¡¯Afrique du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU ; Fran?ois Lounceny FALL (Guin¨¦e), Repr¨¦sentant sp¨¦cial du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU et chef du Bureau r¨¦gional des Nations Unies pour l¡¯Afrique centrale (UNOCA) ; Gilbert HOUNGBO (Togo), Pr¨¦sident du Fonds international de d¨¦veloppement agricole (FIDA) ; Bishar A. HUSSEIN (Kenya), Directeur g¨¦n¨¦ral de l¡¯Union postale universelle (UPU) ; Natalia KANEM (Panama), Directrice ex¨¦cutive du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) ; Mukhisa KITUYI (Kenya), Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de la Conf¨¦rence des Nations Unies sur le commerce et le d¨¦veloppement (CNUCED) ; Jeremiah Nyamane MAMABOLO (Afrique du Sud), Repr¨¦sentant sp¨¦cial conjoint et Chef de l¡¯Op¨¦ration hybride de l¡¯Union africaine et des Nations Unies au Darfour ; Phumzile MLAMBO-NGCUKA (Afrique du Sud), Directrice ex¨¦cutive de l¡¯Entit¨¦ des Nations Unies pour l'¨¦galit¨¦ des sexes et l'autonomisation des femmes (ONU Femmes) ; Mankeur NDIAYE (S¨¦n¨¦gal), Repr¨¦sentant sp¨¦cial du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU et Chef de la Mission multidimensionnelle int¨¦gr¨¦e des Nations Unies pour la stabilisation en R¨¦publique centrafricaine (MINUSCA) ; Parfait ONANGA-ANYANGA (Gabon), Envoy¨¦ sp¨¦cial du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU pour la Corne de l¡¯Afrique ; Moussa D. OUMAROU (Niger), Directeur g¨¦n¨¦ral adjoint pour les op¨¦rations de terrain et les partenariats de l¡¯Organisation internationale du travail () ; Pramila PATTEN (Maurice), Repr¨¦sentante sp¨¦ciale du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU charg¨¦e de la question des violences sexuelles en p¨¦riode de conflit ; Vera SONGWE (Cameroun), Secr¨¦taire ex¨¦cutive de la Commission ¨¦conomique des Nations Unies pour l¡¯Afrique (UNECA) ; Hanna TETTEH (Ghana), Repr¨¦sentante sp¨¦ciale du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU et Cheffe du Bureau des Nations Unies aupr¨¨s de l¡¯Union africaine (UNOAU) ; Ibrahim THIAW (Mauritanie), Secr¨¦taire ex¨¦cutif de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la d¨¦sertification (UNCCD) ; Leila ZERROUGUI (Alg¨¦rie), Repr¨¦sentante sp¨¦ciale du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU et Cheffe de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en R¨¦publique d¨¦mocratique du Congo (MONUSCO).