La Russie, et puis apr¨¨s ?
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La Russie, et puis apr¨¨s ?
?La d¨¦sillusion ? : c¡¯est avec cette triste Une dans Le Soleil, l¡¯un des principaux journaux du pays, que le S¨¦n¨¦gal s¡¯est r¨¦veill¨¦ le matin du 29 juin. Ces deux mots r¨¦sumaient ¨¤ eux seuls la pi¨¨tre performance de l¡¯¨¦quipe nationale en Coupe du monde lors du match d¨¦cisif du groupe H perdu 0-1 contre la Colombie dans la ville russe de Samara.
Le Soleil r¨¦sumait non seulement l¡¯¨¦tat d¡¯esprit de millions de S¨¦n¨¦galais, mais aussi d¡¯Africains sur tout le continent, qui ont vu leur espoir de voir une ¨¦quipe africaine d¨¦passer les phases de poule en Coupe du monde r¨¦duits ¨¤ n¨¦ant.
Les Lions de la T¨¦ranga, comme on surnomme l¡¯¨¦quipe nationale de football du S¨¦n¨¦gal, ¨¦taient le dernier espoir de l¡¯Afrique dans ce tournoi mondial qui se d¨¦roulait tous les quatre ans. Les autres ¨¦quipes africaines ¨C l¡¯?gypte, le Maroc, le Nig¨¦ria et la Tunisie ¨C ayant ¨¦t¨¦ ¨¦limin¨¦es plus t?t, les Lions de la T¨¦ranga semblaient en mesure de l¡¯emporter, apr¨¨s avoir battu la Pologne 2-1 et fait match nul avec le Japon 2-2. Mais, la victoire a fini par leur ¨¦chapper.
Mohamed Bah de Freetown en Sierra Leone avait ¨¦conomis¨¦ pour regarder les matchs sur grand ¨¦cran dans l¡¯un des halls de visionnage improvis¨¦s de la capitale. La d¨¦faite du S¨¦n¨¦gal l¡¯a an¨¦anti. ? C¡¯¨¦tait douloureux ?, a-t-il avou¨¦.
La Coupe du monde 2018 est la premi¨¨re depuis 1982 o¨´ une ¨¦quipe africaine ne parvient pas ¨¤ passer la phase des poules. En 1982 en Espagne, la meilleure ¨¦quipe du continent cette ann¨¦e-l¨¤, les Lions Indomptables du Cameroun, avait ¨¦t¨¦ ¨¦limin¨¦e sans perdre un seul match. L¡¯¨¦quipe fit un match nul (1-1) contre l¡¯Italie, future championne du monde, et de (0-0) avec la Pologne et le P¨¦rou.
En 1982, l¡¯Alg¨¦rie a battu l¡¯Allemagne de l¡¯Ouest (2-1), puis le Chili (3-2), avant de perdre (0-2) face ¨¤ l¡¯Autriche.? ?
? quoi sont dues les performances m¨¦diocres des ¨¦quipes africaines en Russie ? Certains experts leur reprochent de faire les mauvais choix tactiques, mais les probl¨¨mes vont bien au-del¨¤.
Les faiblesses du football africain sont ¨¦videntes depuis longtemps. La mauvaise gestion de la plupart des championnats nationaux forcent leurs meilleurs joueurs ¨¤ s¡¯expatrier. La tendance ¨¤ s¡¯appuyer ¨¤ l¡¯exc¨¨s sur des entra?neurs ¨¦trangers qui m¨¦connaissent les particularit¨¦s du football africain n¡¯arrange rien.
Et puis, il y a la corruption : en juin de cette ann¨¦e, un documentaire produit par le c¨¦l¨¨bre journaliste d¡¯investigation ghan¨¦en Anas Aremeyaw Anas a r¨¦v¨¦l¨¦ l¡¯importance des pots-de-vin vers¨¦s aux officiels et aux dirigeants du football africain pour influencer les r¨¦sultats des matchs.
Kwesi Nyantakyi, le pr¨¦sident de l¡¯Association ghan¨¦enne de football qui ¨¦tait aussi vice-pr¨¦sident de la Conf¨¦d¨¦ration africaine de football, fait partie de ceux qui ont ¨¦t¨¦ emport¨¦s par le scandale. Il a ¨¦t¨¦ surpris en train d¡¯accepter un pot-de-vin de 65 000 dollars d¡¯un suppos¨¦ homme d¡¯affaires qui cherchait ¨¤ sponsoriser le championnat du Ghana ¨¤ hauteur de 15 millions de dollars sur trois ans.
Suite ¨¤ ces r¨¦v¨¦lations, M. Nyantakyi a d¨¦missionn¨¦ de tous les postes qu¡¯il occupait et a quitt¨¦ ses fonctions de membre du Conseil ex¨¦cutif de l¡¯instance dirigeante du football, la FIFA.
Manque d¡¯assurance
Certains pensent que les ¨¦quipes africaines manquent d¡¯assurance quand elles sont oppos¨¦es aux g¨¦ants de la plan¨¨te football, comme l¡¯Argentine, le Br¨¦sil ou l¡¯Allemagne.
? Nous avons du talent, mais nous manquons de confiance en nous-m¨ºmes ?, a reconnu Kalusha Bwalya, un ancien footballeur africain et capitaine de l¡¯¨¦quipe nationale zambienne, dans une interview ¨¤ BBC Radio. ? Le Nig¨¦ria a bien jou¨¦ en seconde p¨¦riode, mais pourquoi n¡¯ont-ils pas jou¨¦ ainsi en premi¨¨re mi-temps ? ?.
Lamin Bangura, l¡¯un des meilleurs entra?neurs de Guin¨¦e, est un ancien international sierra-l¨¦onais qui a disput¨¦ deux matchs de Coupe d¡¯Afrique des Nations. Il pointe du doigt la tendance ¨¤ n¨¦gliger les entra?neurs autochtones : ? Il faut se demander pourquoi on n¡¯autorise pas les entra?neurs africains ¨¤ s¡¯occuper des ¨¦quipes nationales ?, commente-t-il.
Dans un entretien avec Afrique Renouveau, M. Bangura s¡¯est interrog¨¦ :
? Quelle diff¨¦rence entre les entra?neurs ¨¦trangers des autres ¨¦quipes africaines [l¡¯?gypte, le Maroc et le Nig¨¦ria] et les Africains qui entra?nent le S¨¦n¨¦gal et la Tunisie ? Toutes ces ¨¦quipes ont ¨¦t¨¦ ¨¦limin¨¦es d¨¨s le premier tour ?.
Avant, les joueurs n¡¯¨¦taient pas assez bien pay¨¦s pour tout donner. Aujourd¡¯hui, la plupart des joueurs africains jouent en Europe et sont tr¨¨s bien pay¨¦s. Selon Transfermarkt, un site de r¨¦f¨¦rence sur le football, les portefeuilles de l¡¯¨¦quipe s¨¦n¨¦galaise ¨¦taient les mieux remplis de toutes les ¨¦quipes africaines en Coupe du monde. Tous joueurs confondus, l¡¯¨¦quipe du S¨¦n¨¦gal valait pr¨¨s de 350 millions de dollars, contre seulement 115 millions de dollars pour celle de l¡¯?gypte.
Le nerf de la guerre
Les championnats dont sont issus les meilleurs talents des ¨¦quipes nationales africaines ont besoin d¡¯argent pour survivre. La pr¨¦paration de la Coupe du monde n¨¦cessite un budget et pour de nombreux pays, investir dans le sport n¡¯est pas une priorit¨¦ aussi urgente que de s¡¯attaquer aux probl¨¨mes de pauvret¨¦.
Malgr¨¦ le spectacle d¨¦cevant offert par les ¨¦quipes africaines en Russie, les entreprises africaines de t¨¦l¨¦diffusion par c?ble et par satellite en Afrique ont r¨¦colt¨¦ des b¨¦n¨¦fices consid¨¦rables. La Coupe du monde 2018 devrait rapporter environ 6 milliards de dollars de recettes ¨¤ la FIFA, un chiffre en hausse de 25% par rapport ¨¤ 2014. Quelques 3,2 milliards de personnes ont regard¨¦ la Coupe du monde et les projections des recettes de diffusion atteignent 3 milliards de dollars.
Certains redoutent que l¡¯attention disproportionn¨¦e que la t¨¦l¨¦vision par satellite et par c?ble accorde aux championnats en Europe nuise ¨¤ la croissance des championnats d¡¯Afrique.
Cap sur 2022
Une semaine avant le d¨¦but de la f¨ºte du football en Russie, le g¨¦ant k¨¦nyan des t¨¦l¨¦coms Safaricom a sign¨¦ un contrat de retransmission en direct avec Kwes¨¦, qui s¡¯est vite positionn¨¦ comme leader du march¨¦ panafricain. L¡¯accord permettait aux fans de regarder les matchs en direct sur leurs t¨¦l¨¦phones.
Pour aller de l¡¯avant, les administrateurs du football africain doivent faire amende honorable face ¨¤ la d¨¦ception russe. La cinqui¨¨me tentative rat¨¦e du Maroc d¡¯accueillir la Coupe du monde (le Royaume Uni a en effet perdu face ¨¤ l¡¯offre conjointe du Canada, du Mexique et des ?tats-Unis) ne fait qu¡¯ajouter du sel sur la blessure.
A la veille de la Coupe d¡¯Afrique des Nations de 1970, l¡¯ancien pr¨¦sident de la FIFA, Sir Stanley Rous, avait d¨¦clar¨¦ qu¡¯une ¨¦quipe africaine remporterait la Coupe du monde avant la fin du XXe si¨¨cle. Cela ne s¡¯est pas produit, et cinq finales de Coupe du monde plus tard, la pr¨¦diction de M. Rous continue de sonner creux.
Mais l¡¯optimisme reste de mise. La prochaine Coupe du monde 2022 se tiendra au Qatar. Il sera toujours temps pour l¡¯Afrique de tester ses capacit¨¦s. Elle doit s¡¯y pr¨¦parer d¨¨s maintenant.? ?