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Violences sexuelles ¨¤ la fac

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Violences sexuelles ¨¤ la fac

Des mesures drastiques pour endiguer la crise
Pavithra Rao
Afrique Renouveau: 
School children in Cape Town, South Africa, attend a theatre show that educates them about rape. Photo: Panos/George Philipas
Photo: Panos/George Philipas
Des ¨¦coliers sud-africains assistant ¨¤ une pi¨¨ce de th¨¦?tre sur le viol ¨¤ Cape Town. Photo: Panos/George Philipas

Rachel Njeri, ¨¦tudiante ¨¤ l¡¯Universit¨¦ de Makerere en Ouganda, ne peut retenir ses larmes quand elle raconte l¡¯agression sexuelle dont elle a ¨¦t¨¦ victime en avril 2018. ? J¡¯ai essay¨¦ de r¨¦sister mais il ¨¦tait trop fort. Il m¡¯a attrap¨¦e et jet¨¦e dans un coin contre une armoire ?.

Elle accuse son assaillant d¡¯¨ºtre un fonctionnaire de l¡¯Universit¨¦. Il a depuis ¨¦t¨¦ suspendu et mis en examen pour harc¨¨lement sexuel.

L¡¯homme lui aurait saut¨¦ dessus alors qu¡¯elle venait r¨¦cup¨¦rer son bulletin de notes. Elle a r¨¦ussi ¨¤ prendre une photo avec son portable qui a fait le tour de la toile.

Au Nig¨¦ria, l¡¯Universit¨¦ Obafemi Awolowo a renvoy¨¦ en juin un professeur titulaire, accus¨¦ d¡¯avoir exig¨¦ des faveurs sexuelles d¡¯une ¨¦tudiante, Monica Osagie, contre de meilleures notes.

Une conversation enregistr¨¦e par Melle Osagie avec le professeur, a largement ¨¦t¨¦ diffus¨¦e sur les r¨¦seaux sociaux, retenant l¡¯attention des m¨¦dias : CNN et BBC.

Les responsables de l¡¯Universit¨¦ ont confirm¨¦ que l¡¯une des voix ¨¦tait celle de M. Akindel demandant ¨¤ la jeune femme de coucher avec lui si elle voulait obtenir de meilleures notes. ? Vous savez quoi ? Tant pis si j¡¯¨¦choue, je ne peux pas faire ?a ?, r¨¦pond Melle Osagie.

En Afrique, les abus sexuels perp¨¦tr¨¦s par des professeurs sont de plus en plus d¨¦nonc¨¦s, gr?ce aux r¨¦seaux sociaux.

En 2014, l¡¯Organisation mondiale de la sant¨¦ estimait fr¨¦quents les abus sexuels contre les jeunes femmes dans le cadre scolaire. ONU Femmes ¨¦value ¨¤ 20%, la part d¡¯¨¦tudiantes ¨¤ Nairobi ayant ¨¦t¨¦ harcel¨¦es sexuellement.

En janvier 2018, le pr¨¦sident ougandais, Yoweri Museveni a rendu public un rapport d¡¯enqu¨ºte sur les violences sexuelles dans les ¨¦tablissements d¡¯¨¦ducation sup¨¦rieure du pays indiquant que 40% des hommes et 50% des femmes se sentent menac¨¦s sur leurs campus.

Dans une ¨¦tude publi¨¦e cette ann¨¦e, Experiences of Gender-Based Violence at a South African University: Prevalence and Effect on Rape Myth Acceptance, les chercheurs Gillian Finchilescu et Dugard Jackie de l¡¯Universit¨¦ de Witwatersrand en Afrique du Sud, ont d¨¦couvert que la plupart des cas d¡¯agressions sexuelles ne sont pas signal¨¦s, neutralisant ainsi les efforts de pr¨¦vention.

La sensibilisation sur les r¨¦seaux sociaux #MeToo d¨¦but¨¦e aux Etats-Unis en 2017, a permis une prise de conscience de l¡¯ampleur du ph¨¦nom¨¨ne, encourageant certaines Africaines ¨¤ sortir de leur silence. Mona Chasseio, responsable d¡¯un foyer au S¨¦n¨¦gal pour les femmes victimes de viol, expliquait en octobre dernier ¨¤ Reuters, que ¡°les femmes commencent, petit ¨¤ petit, ¨¤ en parler, mais ce n¡¯est qu¡¯un d¨¦but¡±. ¡°La plupart des filles n¡¯en parlent pas, parce que personne ne les croit¡±, regrette Melle Njeri. Quant ¨¤ Melle Osagie, elle a pu d¨¦clarer ¨¤ CNN : ¡°Je suis heureuse de l¡¯avoir fait. En parler incitera davantage des femmes ¨¤ le faire et permettra d¡¯en finir avec ces abus.¡±

En avril 2016, des ¨¦tudiantes de l¡¯Universit¨¦ de Rhodes en Afrique du Sud ont d¨¦nonc¨¦ de nombreux viols perp¨¦tr¨¦s sur leur campus par des gens malintentionn¨¦s. Pour ¨¦viter que les victimes ne soient consid¨¦r¨¦es comme responsables, les ¨¦tudiantes ont publi¨¦ les noms de onze ¨¦tudiants, accus¨¦s d¡¯avoir particip¨¦ ¨¤ ces agressions sans qu¡¯aucune enqu¨ºte ne soit men¨¦e pour situer la responsabilit¨¦ de chacun d¡¯eux. Les autorit¨¦s universitaires ont ni¨¦ avoir n¨¦glig¨¦ le probl¨¨me.

Les femmes ne signalent pas les agressions sexuelles, car selon Melle Osagie, elles craignent les repr¨¦sailles : insultes, humiliations, menaces. Apr¨¨s avoir r¨¦v¨¦l¨¦ ce qu¡¯elle avait subi, elle a ¨¦t¨¦ apostroph¨¦e par un -

type - qui a cri¨¦ : ? N¡¯est-ce pas la fille qui a harcel¨¦ un prof ? avant de me traiter de prostitu¨¦e. ?

Immoral

Dans plusieurs Universit¨¦s du monde, beaucoup d¡¯¨¦tudiants ont ¨¦t¨¦ prompts ¨¤ comptabiliser et ¨¤ critiquer publiquement ces s¨¦ries d¡¯agressions sexuelles.

La d¨¦put¨¦e ougandaise Anna Adeka, qui repr¨¦sente la National Female Youth Constituency, a tent¨¦, en avril dernier, d¡¯¨¦tablir une commission parlementaire sp¨¦ciale visant ¨¤ enqu¨ºter sur le harc¨¨lement sexuel dans l¡¯enseignement sup¨¦rieur.

Un projet de loi sur les agressions sexuelles a ¨¦t¨¦ pr¨¦sent¨¦ au Parlement ougandais en 2016, mais de graves abus persistent. En 2017, le fondateur d¡¯une institution de renom a ¨¦t¨¦ accus¨¦ d¡¯avoir eu sept enfants avec ses ¨¦tudiantes.

L¡¯ancien secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral du syndicat national des enseignants en Ouganda, James Tweheyo, avait d¨¦clar¨¦ ¨¤ l¡¯¨¦poque : ? Ceci n¡¯est ni moral ni professionnel, c¡¯est une faute religieuse. Il est mal pour celui qui a la responsabilit¨¦ des enfants, d¡¯¨ºtre celui qui les conduit vers le p¨ºch¨¦ ?.? ?

En 2016, le S¨¦nat nig¨¦rian a adopt¨¦ une loi d¡¯interdiction du harc¨¨lement sexuel dans les ¨¦tablissements d¡¯enseignement sup¨¦rieur. Son irrespect est passible de peines pouvant aller jusqu¡¯¨¤ cinq ans d¡¯emprisonnement. Apr¨¨s le scandale de l¡¯Universit¨¦ Obafemi Awolowo, le S¨¦nat a vot¨¦ une motion pour enqu¨ºter sur les violences sexuelles dans toutes les Universit¨¦s du pays.

Au B¨¦nin, une loi interdisant le harc¨¨lement sexuel a ¨¦t¨¦ promulgu¨¦e dans les milieux scolaires, administratifs et dans les foyers.

La soci¨¦t¨¦ civile s¡¯indigner contre ce fl¨¦au qui prend de l¡¯ampleur. Ainsi, par des mouvements, des syndicats et autres, elle m¨¨ne activement des luttes contre toutes les formes de violences sexistes. L¡¯Egyptienne Mariam Kirollos est devenue c¨¦l¨¨bre lors des r¨¦volutions arabes gr?ce ¨¤ la chanson engag¨¦e reprise en ch?ur par la foule : ? Le harc¨¨lement ne vous fera pas du bien. La parole d¡¯une femme n¡¯est pas un sacril¨¨ge, c¡¯est une r¨¦volution ?.

Au pilori

Melle Kirollos est l¡¯une des fondatrices du groupe ¡°op¨¦ration contre le harc¨¨lement et les agressions sexuelles¡± ayant permis ¨¤ l¡¯Egypte d¡¯adopter, en 2014, une loi contre le harc¨¨lement sexuel. Jusqu¡¯alors, celui-ci

? ¨¦tait souvent confondu avec le viol. ?

¡°Cette opacit¨¦ conceptuelle autour du terme est r¨¦v¨¦latrice des nombreuses formes de d¨¦ni qui normalisent des comportements d¨¦plac¨¦s, notamment en l¡¯absence d¡¯une loi pour le d¨¦finir explicitement ?.

Durant le coup d¡¯Etat r¨¦ussi contre la pr¨¦sident Hosni Moubarak en 2011, un fort taux de viol de la gent f¨¦minine a ¨¦t¨¦ enregistr¨¦ dans lequel les victimes racontent douloureusement ces violences sexuelles.

Selon une ¨¦tude de l¡¯ONU de 2013, 99,3 % des Egyptiennes ont ¨¦t¨¦ victimes de violence sexuelle. Les d¨¦fenseurs des droits humains, comme l¡¯avocate Ragia Omran, ont demand¨¦ au gouvernement? plus d¡¯actions concr¨¨tes pour amoindrir, ¨¦radiquer ces abus.

L¡¯adoption des lois contre les violences sexuelles est une action partielle, car beaucoup de femmes n¡¯osent pas d¨¦noncer leurs bourreaux ¨¤ cause de l¡¯indiff¨¦rence des autorit¨¦s ou de l¡¯impunit¨¦ ambiante. ¡°Les lois ne suffisent pas¡±, estime Mary Wandia, une activiste au Kenya. Elle avoue : ?? La police s¡¯int¨¦resse peu aux cas de violence domestique¡­ Si une femme n¡¯apporte pas la preuve des violences subies, les forces de l¡¯ordre refusent souvent de la croire et de l¡¯aider ?. Comme mesures pr¨¦ventives et p¨¦nales, les lois adopt¨¦es doivent ¨ºtre appliqu¨¦es avec rigueur et impartialit¨¦.

L¡¯avocate de Melle Osagie, ma?tre Biola Akiyode estime que ? cette victoire [le renvoi du professeur] devrait encourager toutes les Universit¨¦s ¨¤ r¨¦agir. Ce qu¡¯a fait Monica est tr¨¨s courageux et j¡¯esp¨¨re que les professeurs seront conscients que leurs actes ont des cons¨¦quences ?.

Rebecca Kadaga, pr¨¦sidente du Parlement ougandais, pr¨¦voit de faire conna?tre le nom, devant le Parlement, de tout enseignant coupable de harc¨¨lement sexuel envers ses ¨¦tudiants.

Il faut esp¨¦rer que l¡¯activisme des citoyens, stimul¨¦ par les r¨¦actions sur les r¨¦seaux sociaux, incitera ¨¤ l¡¯application des lois contre les abus sexuels.? ? ?

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