Tali Nates a fond茅 le Centre de l'Holocauste et du g茅nocide de Johannesburg (JHGC) en 2008 afin de favoriser la compr茅hension de l'histoire du g茅nocide, qui s'est produit entre 1939 et 1945, et du g茅nocide de 1994 contre les Tutsis au Rwanda, au cours duquel les Hutus et d'autres personnes qui s'opposaient au g茅nocide avaient 茅galement 茅t茅 tu茅. Ayant pour mission d'emp锚cher que de telles violations extr锚mes des droits de l'homme ne se reproduisent, Mme Nates a port茅 son plaidoyer dans plusieurs pays d'Afrique et au-del脿. Elle a parl茅 脿 Kingsley Ighobor du travail du JHGC, du partenariat avec les Nations unies et les raisons pour lesquelles les Africains doivent nourrir et prot茅ger la d茅mocratie. Voici des extraits de l'entretien :
Qu'est-ce qui vous a motiv茅 脿 cr茅er le Centre de l'Holocauste et du g茅nocide de Johannesburg ?
L鈥檌d茅e d'ouvrir un centre d'茅ducation, de m茅moire et de le莽ons pour l'humanit茅 a commenc茅 il y a environ 12 ans. Mon r锚ve 茅tait de relier l'histoire au monde d'aujourd'hui. Je suis la fille d'un survivant de l'Holocauste. Mon p猫re (Moses Turner) a surv茅cu 脿 quatre camps de concentration ; il a 茅t茅 sauv茅 par Oskar Schindler. (M. Schindler 茅tait un industriel allemand qui a h茅ro茂quement sauv茅 environ 1 200 Juifs.) J'ai grandi en 茅coutant les histoires de l'Holocauste. J'ai grandi avec la voix de mon p猫re qui disait : "Les gens, le gouvernement et les communaut茅s ont des choix 脿 faire ; nous devons apprendre de l'histoire". Il est mort quand j'茅tais jeune, mais j'ai transmis son message. J'ai 茅tudi茅 l'histoire, donn茅 des cours dans une universit茅 et travaill茅 avec des ONG (organisations non gouvernementales).
Comment la ville de Johannesburg a-t-elle 茅t茅 choisie ?
La ville de Johannesburg a form茅 un partenariat avec nous en 2010 et a transform茅 mon r锚ve en r茅alit茅. Je voulais ouvrir un centre de g茅nocide en Afrique du Sud parce que le pays est toujours aux prises avec une histoire difficile et douloureuse d'oppression et de colonialisme. Le racisme est toujours un probl猫me 茅norme ici. C'est un point de d茅part vers d'autres histoires de souffrance, d'oppression ou de luttes qui ont eu lieu ou qui ont lieu dans des contr茅es lointaines - 脿 travers le monde. C'est 脿 partir de l脿 que l'on peut apprendre, par exemple, l'histoire du g茅nocide de 1994 au Rwanda.
Il est important d'en savoir plus sur les violations extr锚mes des droits de l'homme commises dans le pass茅 afin d'茅viter de telles violations 脿 l'avenir. Comment expliquez-vous la x茅nophobie perp茅tr茅e par certaines personnes en Afrique du Sud ?
Si on regarde le g茅nocide en Europe, entre 1939 et 1945, que nous appelons l'holocauste des Juifs, on apprend les 茅tapes du g茅nocide, qui incluent les st茅r茅otypes, la discrimination, la d茅shumanisation et la perp茅tration et on prend connaissance des cons茅quences des mauvaises lois, ou de la propagande, d'un 脡tat totalitaire, qui se produisent lorsqu'une d茅mocratie 茅choue.
On peut tirer des le莽ons de l'histoire du g茅nocide contre les Tutsis au Rwanda, ou du colonialisme. On est alors en mesure de faire le lien entre cette histoire et la r茅alit茅 d'aujourd'hui. Ainsi, nous essayons de cr茅er une compr茅hension afin d鈥檈mp锚cher qu鈥檕n demeure des spectateurs. Nous devons plut么t 锚tre des militants qui 艙uvrent pour le changement.
Quel impact ont vos activit茅s de sensibilisation ?
Avant la pand茅mie de la COVID-19, des milliers de personnes, dont des 茅tudiants, ont visit茅 le Centre de l'Holocauste et du g茅nocide de Johannesburg. Les 茅coles y amenaient quotidiennement leurs 茅l猫ves et leurs professeurs pour des expositions, des discussions, des conf茅rences, des pi猫ces de th茅芒tre et des films.
Lorsque les gens viennent au Centre, ils ont le sentiment d'锚tre dans un espace s没r o霉 ils peuvent poser des questions relatives aux droits de l'homme, des questions concernant, par exemple, les personnes handicap茅es, en particulier en Afrique du Sud. Nous avons connu un d茅sastre il y a quelques ann茅es, lorsque 144 malades mentaux sont morts dans nos installations (en Afrique du Sud). Ce fut une trag茅die. Qu'avons-nous fait ? Nous avons cr茅茅 un espace s没r pour les familles des 144 personnes afin de comm茅morer leurs proches, d'en apprendre davantage sur les droits des personnes handicap茅es et d'茅tablir un lien avec l'histoire concernant ce qui est arriv茅 aux personnes handicap茅es pendant l'Allemagne nazie - comment elles ont 茅t茅 cibl茅es, trait茅es et assassin茅es. Plus de 200 000 personnes ont 茅t茅 assassin茅es par les nazis.
Comment pouvez-vous travailler en d茅pit de la pand茅mie ?
Le 26 mars, l'Afrique du Sud s'est retrouv茅e en quarantaine pendant cinq semaines. Notre centre a 茅t茅 imm茅diatement ferm茅 au public. Nous sommes pass茅s au monde num茅rique. Nous organisons chaque semaine des webinaires qui attirent diverses communaut茅s du monde entier mais aussi d'Afrique du Sud. Nous proposons un enseignement en ligne via Zoom, Google ou Microsoft Teams, ou d'autres formats. De nombreuses personnes n'ont pas acc猫s 脿 l'internet en Afrique du Sud. C'est pourquoi nous enregistrons des notes audios, des r茅cits courts 鈥� de trois minutes ou deux minutes - et les envoyons sur WhatsApp aux 茅l猫ves de plus de 200 茅coles du pays. Nous utilisons des podcasts pour parler des r茅fugi茅s, de la x茅nophobie, des enfants vuln茅rables, de la violence sexiste et bien d鈥檃utres choses.
Nous souhaitons que les personnes qui suivent nos cours comprennent qu'elles ne peuvent pas 锚tre des spectateurs, qu'il y a des probl猫mes dans nos soci茅t茅s qui n茅cessitent que nous nous 茅levions tous et fassions quelque chose face 脿 cela. Par exemple, bien que nous soyons un mus茅e, nous avons ouvert notre centre pour collecter de la nourriture et des articles de toilette pour les distribuer 脿 ceux qui en ont besoin, parce que les gens ont actuellement faim.
Les abus r茅sultent souvent du d茅sir de certains de prot茅ger leur identit茅 - religion, race, tribu, etc. Voyez-vous des lignes de fracture en Afrique aujourd'hui ?
Sur notre cher continent, nous constatons des tensions croissantes autour de la religion et de la langue. Nous voyons d'autres lignes de fracture autour des opinions politiques, des identit茅s ethniques et la violence sexiste augmente avec le confinement. Nous devons tous jouer un r么le dans la conservation des valeurs africaines d'Ubuntu, de paix et de tol茅rance.
Nous travaillons avec nos centres jumeaux du Cap et de Durban, ainsi qu'avec nos partenaires du M茅morial du g茅nocide de Kigali (Rwanda), pour promouvoir ces valeurs en Afrique. Dans de nombreux pays, nous avons un programme de leadership pour les jeunes appel茅 "Change Makers Leadership Programme", qui vise 脿 renforcer le travail de notre jeunesse pour qu'elle puisse se dresser contre l'extr茅misme violent et les autres lignes de faille que nous reconnaissons. Nous formons des jeunes leaders et nous formons 茅galement les formateurs tels que les enseignants, les animateurs, les professeurs, les biblioth茅caires, etc. pour qu'ils enseignent nos valeurs dans les 茅coles.
Nous avons travaill茅, par exemple, 脿 Yola, au Nigeria, dans le nord-est, avec l'UNESCO (Organisation des Nations unies pour l'茅ducation, la science et la culture) et l'Universit茅 am茅ricaine du Nigeria, pour former des animateurs 脿 trouver des r么les mod猫les, sur nos valeurs, sur notre propre histoire difficile en Afrique et au Nigeria, et 脿 tirer des le莽ons afin de ne pas r茅p茅ter les erreurs qui ont 茅t茅 commises.
Ciblez-vous les personnes qui fomentent des troubles dans les pays ?
En tant qu'ONG 茅ducative apolitique, nous ne pouvons pas atteindre tous les acteurs cl茅s tels que les politiciens et ceux qui sont d茅j脿 extr茅mistes. Mais nous travaillons avec des personnes qui ont 茅chapp茅 aux groupes rebelles. Par exemple, 脿 Yola, au Nigeria, nous avons eu l'honneur de travailler avec certaines des filles qui ont 茅t茅 lib茅r茅es de la captivit茅 de Boko Haram en 2018. Dans d'autres endroits, nous avons travaill茅 avec d'anciens enfants soldats qui avaient besoin de r茅adaptation.
Travaillez-vous en partenariat avec des gouvernements ou des institutions panafricaines telles que l'Union africaine ?
Absolument. Nous ne devrions jamais essayer de faire cavalier seul. Dans chaque pays, nous travaillons avec des partenaires diff茅rents. En Gambie, par exemple, nous avons travaill茅 avec le minist猫re de l'茅ducation. Au Mozambique, nous avons eu la chance de travailler en partenariat avec le minist猫re de la jeunesse et des sports. 脌 Maurice, nous avons travaill茅 avec le minist猫re responsable des enfants. Nous travaillons avec des organisations internationales et continentales. Par exemple, nous travaillons avec Aegis Trust [qui 艙uvre pour pr茅venir le g茅nocide] au Rwanda et en R茅publique centrafricaine, au Soudan, au Sud Soudan, au Kenya, etc.
Travaillez-vous 茅galement avec les Nations unies ?
Oui, nous le faisons. Nous collaborons avec le Centre d'information des Nations Unies 脿 Pretoria (Afrique du Sud) sur des 茅v茅nements comm茅moratifs et des projets de diffusion d'informations. Et cela se passe bien. Nous travaillons 茅galement avec le si猫ge des Nations unies 脿 New York et avec diff茅rents bureaux des Nations unies en Afrique - les Nations unies 脿 Dakar, par exemple. Nous travaillons 茅galement sur diff茅rents projets avec l'UNESCO et d'autres agences des Nations unies.
Comment les instruments internationaux tels que la Convention pour la r茅pression du crime de g茅nocide et la D茅claration universelle des droits de l'homme ont-ils servi votre action de sensibilisation ?
Ce sont des instruments tr猫s importants, tout comme la 芦听responsabilit茅 de prot茅ger听禄. Nous avons 茅galement la Journ茅e internationale de comm茅moration en m茅moire des victimes de l'Holocauste, qui est c茅l茅br茅e le 27 janvier de chaque ann茅e et qui est un jour tr猫s important pour enseigner et tirer des le莽ons de l'histoire.
Que pensez-vous des manifestations de 鈥楤lack Lives Matter鈥� aux 脡tats-Unis et dans d'autres parties du monde ?
Notre institut a publi茅 une d茅claration de soutien 脿 鈥楤lack Lives Matter鈥�. Non seulement il est temps que les 鈥楤lack Lives Matter鈥� aient de l'importance, mais il est des centaines d'ann茅es trop tard. Nous devons r茅fl茅chir profond茅ment 脿 la mani猫re d'茅radiquer le racisme syst茅mique aux 脡tats-Unis et dans le monde entier.
Quel message avez-vous pour les pays en conflit ou dont la d茅mocratie est fragile ?
Si nous apprenons quelque chose des g茅nocides, s'il vous pla卯t, pays africains, 茅coutez ceci : un g茅nocide n'a jamais lieu dans une d茅mocratie. Jamais ! Un g茅nocide se produit toujours lorsque la d茅mocratie 茅choue ou est menac茅e.听 Il se produit dans les r茅gimes totalitaires ou autoritaires, qui abusent de l'脡tat, des lois et utilisent la propagande, la peur, la terreur et tout le reste pour cibler les minorit茅s. Mon message est le suivant : prot茅gez et nourrissez vos d茅mocraties.
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