51吃瓜

Une coop茅rative agricole de femmes en R茅publique d茅mocratique du Congo : dans toute l鈥橝frique, les femmes s鈥檕ccupent de la plus grande partie des cultures mais disposent rarement de titres de propri茅t茅 脿 leur nom.

Photo: Panos / Giacomo Pirozzi

Felitus Kures est veuve et vit 脿 Kapchorwa, dans le Nord-Est de l鈥橭uganda. Depuis la mort de son mari, elle est enti猫rement responsable de leurs enfants. Pour subvenir aux besoins de ces derniers, elle d茅pendait d鈥檜ne petite parcelle de terre que sa belle-famille a vendue 脿 son insu quelques mois apr猫s la disparition de son mari. 鈥� Ce n鈥檈st que quand l鈥檃cheteur est venu nous expulser que nous l鈥檃vons appris鈥�, explique Mme Kures. Elle a r茅ussi 脿 r茅cup茅rer l鈥檜sage de cette parcelle gr芒ce 脿 l鈥檃ssistance juridique de l鈥橴ganda Land Alliance, groupe de la soci茅t茅 civile qui d茅fend les droits fonciers.

Ce genre de situation n鈥檈st pas rare en Afrique, bien que Mme Kures ait eu plus de chance que la plupart des autres femmes qui, apr猫s un divorce ou la mort de leur 茅poux, sont nombreuses 脿 ne jamais recouvrer l鈥檃cc猫s ou les droits aux terres d茅tenues en commun.

Les Africaines sont 脿 l鈥檕rigine de 70 % de la production alimentaire. Elles repr茅sentent 茅galement pr猫s de la moiti茅 de la main-d鈥檕euvre agricole et prennent en charge de 80 脿 90 % de la transformation, du stockage et du transport des aliments, ainsi que des travaux de sarclage et de d茅sherbage.

Mais les femmes ne disposent souvent d鈥檃ucuns droits fonciers, note Joan Kagwanja, charg茅e de la s茅curit茅 alimentaire et du d茅veloppement durable 脿 la Commission 茅conomique des Nations Unies pour l鈥橝frique (CEA), dont le si猫ge se trouve 脿 Addis-Abeba (脡thiopie). Ces droits sont souvent d茅tenus par des hommes ou des groupes de parent茅 contr么l茅s par des hommes, et les femmes n鈥檡 ont g茅n茅ralement acc猫s que par l鈥檌nterm茅diaire d鈥檜n parent de sexe masculin. Elles sont 茅galement fr茅quemment tenues de remettre 脿 cet homme l鈥檃rgent provenant de la vente de produits agricoles et ne peuvent d茅cider de l鈥檜sage qui en sera fait.

Cet acc猫s restreint aux terres est en outre tr猫s pr茅caire. Une 茅tude r茅alis茅e en Zambie r茅v猫le que plus du tiers des veuves sont priv茅es d鈥檃cc猫s aux terres familiales 脿 la mort de leur mari. 鈥淐鈥檈st cette d茅pendance 脿 l鈥櫭ゞard des hommes qui place de nombreuses Africaines en situation de vuln茅rabilit茅鈥�, d茅clare 脿 Afrique Renouveau Mme Kagwanja.

Des militants tentent donc d鈥檌ntroduire ou de renforcer des lois qui garantissent les droits fonciers des femmes et combattent les normes et pratiques sociales pr茅judiciables. Malgr茅 les nombreux obstacles auxquels ils se heurtent, ils r茅alisent certains progr猫s ici et l脿.

Les cons茅quences du sida

La progression du VIH/sida et les pr茅jug茅s qui entourent cette maladie n鈥檕nt fait qu鈥檃ffaiblir les droits fonciers des femmes. Les veuves d鈥檋ommes qui meurent du sida sont souvent accus茅es d鈥檃voir introduit la maladie dans leur famille et risquent ainsi de voir leurs terres et autres biens confisqu茅s. Elles sont alors contraintes de vivre, avec leurs enfants, en marge de la soci茅t茅. 鈥淓lles sont souvent priv茅es du droit de cultiver leurs terres et doivent survivre en vendant des aliments dans la rue鈥�, explique Kaori Izumi, charg茅e de la lutte contre le VIH et du d茅veloppement rural 脿 l鈥橭rganisation des Nations Unies pour l鈥檃limentation et l鈥檃griculture (FAO). 鈥淓lles n鈥檕nt pas o霉 dormir. Cela cr茅e des probl猫mes de s茅curit茅 alimentaire."

Il arrive souvent que ces femmes perdent la garde de leurs enfants, finissent par se prostituer ou par squatter. Comme elles ne peuvent subvenir elles-m锚mes 脿 leurs besoins, elles sont plus vuln茅rables face 脿 la violence et 脿 d鈥檃utres formes de maltraitance. La FAO 茅tudie ces situations depuis 2001, ajoute Mme Izumi, appuyant ainsi l鈥檃ction men茅e dans l鈥檜n des domaines prioritaires du Groupe de travail du Secr茅taire g茅n茅ral sur les femmes, les filles et le VIH/sida.

La FAO a constat茅 qu鈥檌l 茅tait possible d鈥檃m茅liorer la qualit茅 de vie des femmes en leur accordant un plus grand pouvoir de d茅cision sur les terres. 鈥淎u Botswana et au Swaziland, explique Mme Izumi 脿 Afrique Renouveau, nous avons observ茅 que la prostitution et d鈥檃utres comportements 脿 risque diminuaient consid茅rablement lorsque les femmes disposaient de v茅ritables droits de propri茅t茅 sur les biens et les terres. Les droits fonciers et droits de propri茅t茅 sont donc essentiels pour assurer l鈥櫭ゞalit茅 sexuelle et la s茅curit茅 alimentaire."

Malheureusement, apr猫s plusieurs d茅cennies de travail, les militants et les organismes des Nations Unies ont 脿 peine r茅ussi 脿 am茅liorer les droits fonciers des femmes, observe Mme Izumi. 鈥淣ous devons faire le bilan de nos connaissances, de ce qui a 茅t茅 efficace ou non, et d茅finir pr茅cis茅ment l鈥檃ction 脿 mener pour garantir les droits fonciers et les droits de propri茅t茅 des femmes.鈥�

Le poids de l鈥檋istoire

Les chercheurs de l鈥橧nstitut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) de Washington notent que l鈥檌nsuffisance des droits fonciers des femmes est un probl猫me de longue date en Afrique. Avant la colonisation, la propri茅t茅 et l鈥檃cc猫s aux terres rev锚taient diverses formes mais revenaient essentiellement aux lign茅es, clans et familles, et 茅taient plac茅s sous le contr么le de chefs de sexe masculin. Les membres d鈥檜ne lign茅e ou d鈥檜n clan particulier devaient demander 脿 ces chefs communautaires ou familiaux la permission d鈥檜tiliser ces terres.

Une veuve et ses enfants en Ethiopie: contrairement 脿 la plupart des veuves africaines, elle a r茅ussi 脿 garder sa petite propri茅t茅 agricole.

Photo: Panos / Jan Hammond

Sauf dans quelques communaut茅s o霉 l鈥檋茅ritage passait par la m猫re, les droits fonciers revenaient g茅n茅ralement aux seuls fils. Les femmes avaient rarement de v茅ritables droits fonciers. Leurs revendications se faisaient indirectement, par le biais d鈥檜n parent de sexe masculin. Avant de se marier, une femme pouvait dans certains cas avoir acc猫s aux terres de son p猫re.

Mais dans de nombreuses communaut茅s, elle perdait ce droit en se mariant, en vertu du principe selon lequel elle aurait alors acc猫s aux terres de son mari ou de la famille de celui-ci. Lors du d茅c猫s du mari, ces terres 茅taient transmises 脿 ses fils, ou s鈥檌l n鈥檈n avait pas, 脿 des parents de sexe masculin.

Benjamin Cousins, chercheur 脿 l鈥橧FPRI explique que, si par le pass茅, les femmes n鈥檃vaient pas de droits fonciers directs, elles 茅taient cependant prot茅g茅es par des traditions qui leur permettaient de continuer 脿 avoir acc猫s aux terres m锚me apr猫s une s茅paration, un divorce ou la mort de leur 茅poux. Il existait 茅galement des moyens d鈥檃rbitrage traditionnels auxquels les femmes pouvaient avoir recours si l鈥檃cc猫s aux terres leur 茅tait refus茅.

Mais la colonisation a introduit les r茅gimes occidentaux d鈥檕ccupation des terres. En Afrique orientale et australe, les nombreux colons blancs ont encourag茅 la privatisation et la division des terres et l鈥檕ctroi de titres individuels de pleine propri茅t茅.

En Afrique de l鈥橭uest, les formes de propri茅t茅 collective ont continu茅 de s鈥檃ppliquer 脿 une grande partie des terres, g茅r茅es par les chefs traditionnels.

A l鈥檌nd茅pendance, certains gouvernements nouvellement form茅s ont proclam茅, par exemple en Tanzanie, au Mozambique et au B茅nin, que toutes les terres appartenaient 脿 l鈥櫭塼at. Au Kenya et en Afrique du Sud, la propri茅t茅 priv茅e a subsist茅 aux c么t茅s de la propri茅t茅 par lign茅e ou par clan. Au Nig茅ria, ces trois formes de propri茅t茅 ont coexist茅, notamment en milieu urbain.

Au fil des ans, l鈥檃ccroissement rapide de la population a contribu茅 脿 l鈥檈xploitation excessive des terres et 脿 l鈥櫭﹑uisement des sols. Les terres fertiles ont ainsi pris de la valeur et fait l鈥檕bjet d鈥檜ne concurrence accrue. Ces difficult茅s ont, conjointement 脿 l鈥櫭﹙olution des structures familiales et des relations entre clans, affaibli les m茅canismes sociaux traditionnels qui garantissaient aux femmes un certain acc猫s aux terres. Si le droit coutumier continue d鈥櫭猼re appliqu茅 脿 de nombreux conflits fonciers en Afrique, note M. Cousins, 鈥渄e nombreux m茅canismes de protection des femmes ne subsistent pas dans leur int茅gralit茅鈥� 脿 l鈥櫭﹑oque moderne. Il existe en outre aujourd鈥檋ui, dit-il 脿 Afrique Renouveau, de nombreuses situations, comme la cohabitation sans mariage, auxquelles les normes traditionnelles ne s鈥檃ppliquent pas. Par cons茅quent, 鈥渦n grand nombre de femmes n鈥檕nt plus acc猫s aux terres鈥�.

Doubles syst猫mes

Bon nombre de pays africains reconnaissent aujourd鈥檋ui 脿 la fois les r茅gimes 鈥渢raditionnels鈥� de propri茅t茅 fonci猫re et les lois 茅crites suivant le mod猫le occidental. Au Nig茅ria, l鈥櫭塼at a pris possession de toutes les terres apr猫s l鈥檌nd茅pendance acquise en 1960. Bien que cela ait affaibli le r茅gime coutumier d鈥檕ccupation des sols, le gouvernement a continu茅 de reconna卯tre les lois traditionnelles dans les r茅gions o霉 les terres 茅taient depuis longtemps la propri茅t茅 des clans et des lign茅es. La reconnaissance des lois islamiques dans les 脡tats du Nord du Nig茅ria n鈥檃 fait que compliquer la situation.

Dans le Sud-Ouest du Nig茅ria, note l鈥橧FPRI, la complexit茅 des lois a permis 脿 de riches 茅lites de s鈥檃ssocier 脿 des chefs tribaux pour acheter des terres qui appartenaient officiellement 脿 des groupes de parent茅, sans que quiconque, et surtout pas les femmes, puisse les en emp锚cher.

Ces doubles syst猫mes, qui associent le droit occidental et les lois coutumi猫res, ont souvent d茅favoris茅 les femmes. Les auteurs d鈥檜ne 茅tude r茅alis茅e en 2000 sur les femmes et l鈥檃griculture par le Programme des Nations Unies pour le d茅veloppement (PNUD) et la Banque mondiale donnent l鈥檈xemple de la loi sur la succession au Kenya. Cette loi stipule que les hommes et les femmes ont les m锚mes droits en mati猫re d鈥檋茅ritage. Mais elle indique que si un homme meurt sans testament, la transmission des terres est r茅gie par la loi coutumi猫re du groupe auquel il appartient. Tr猫s peu d鈥檋ommes ayant un testament et la plupart des communaut茅s kenyanes ne permettant pas 脿 une femme d鈥檋茅riter des biens de son mari ou de son p猫re, l鈥櫭ゞalit茅 que pr茅voient les dispositions de la loi sur la succession ne s鈥檃pplique g茅n茅ralement pas. En pratique, estiment les auteurs de l鈥櫭﹖ude, les femmes n鈥檕nt aucun droit en mati猫re d鈥檋茅ritage.

Marthe Nzabakurana, membre d鈥檜ne association de cultivatrices au Rwanda : le gouvernement a adopt茅 une loi qui accorde aux femmes les m锚mes droits qu鈥檃ux hommes en mati猫re d鈥檋茅ritage de terres et d鈥檃utres biens, contrairement aux traditions qui privil茅giaient les hommes.

Photo: Panos / Crispin Hughes

Titres de propri茅t茅

L鈥檜ne des solutions pr茅conis茅es 脿 l鈥檕rigine par les experts du d茅veloppement pour rem茅dier aux lacunes du droit coutumier consistait 脿 donner des titres de propri茅t茅 aux individus. Esther Mwangi, sp茅cialiste de la question 脿 l鈥檜niversit茅 d鈥橦arvard, observe que les gouvernements d鈥橝frique orientale et australe ont suivi cette approche afin de donner aux habitants la ma卯trise de leurs terres sur le plan juridique. Cela devait permettre aux femmes de devenir l茅galement propri茅taires des biens qu鈥檈lles poss茅daient ou dont elles h茅ritaient.

鈥淒ans les r茅gions o霉 je fais des recherches, la privatisation a en r茅alit茅 priv茅 les femmes de leur acc猫s aux terres鈥�, explique Mme Mwangi 脿 Afrique Renouveau. Lorsque les titres de propri茅t茅 ont 茅t茅 octroy茅s, ce sont principalement les hommes qui ont fait mettre leur nom sur les documents, car ils 茅taient consid茅r茅s comme les 鈥渃hefs de famille鈥�. Les veuves qui ont eu la chance d鈥檕btenir des terres n鈥檕nt eu que les plus petites parcelles.

Le nombre de foyers polygames en Afrique a encore compliqu茅 la situation. Il arrive souvent que les femmes de diff茅rents 芒ges, leurs enfants et plusieurs belles-familles se disputent l鈥檃cc猫s aux terres. 鈥淓n tant que titulaire officiel du titre de propri茅t茅, l鈥檋omme peut faire ce qu鈥檌l veut鈥�, explique Mme Mwangi. 鈥淐ertains d鈥檈ntre eux vendent m锚me leurs terres sans en informer leur femme."

Pour garantir l鈥檃cc猫s des femmes aux terres, les militants du droit 脿 la terre proposent de s茅parer la propri茅t茅 officielle des terres de la possibilit茅 d鈥檈n faire usage. Le titre de propri茅t茅 d鈥檜ne parcelle pourrait ainsi 锚tre 茅tabli au nom d鈥檜n homme mais celui-ci n鈥檃urait pas le droit de la vendre sans l鈥檃ccord de sa ou de ses femmes ou d鈥檃utres h茅ritiers. Le Ghana dispose d鈥檜ne loi qui fait obligation au chef de famille de rendre compte de ses actes, afin que les biens d鈥檜ne famille ne puissent 锚tre vendus sans que les autres membres en soient inform茅s, aient donn茅 leur accord ou en per莽oivent les b茅n茅fices.

鈥淯ne autre solution consisterait 脿 茅tablir le titre de propri茅t茅 au nom des familles ou des hommes et des femmes, propose Mme Mwangi. Lorsque les ressources telles que l鈥檈au, l鈥檃ssainissement et les p芒turages doivent 锚tre partag茅es, on pourrait d茅clarer propri茅taires de la terre des communaut茅s enti猫res, tout le monde b茅n茅ficiant ainsi d鈥檜n acc猫s 茅gal.鈥�

R茅sistance 脿 la r茅forme

Mais de telles id茅es sont plus faciles 脿 proposer qu鈥櫭� mettre en oeuvre. Il faut, en premier lieu, modifier les lois. Les militants du droit des femmes 脿 la terre ont essay茅 de faire adopter des lois dans de nombreux pays, avec des r茅sultats mitig茅s, note Mme Izumi. En Ouganda, o霉 l鈥橴ganda Land Alliance a fait pression pour que les titres de propri茅t茅 soient 茅tablis 脿 la fois au nom des hommes et des femmes, en tant que copropri茅taires, le projet de loi a 茅t茅 pr茅sent茅 脿 de nombreuses reprises au Parlement sans 锚tre adopt茅, situation qui s鈥檈xplique en partie, d鈥檃pr猫s Mme Izumi, par la r茅sistance du secteur priv茅.

En Tanzanie, o霉 les terres appartiennent 脿 l鈥櫭塼at mais font l鈥檕bjet de baux de longue dur茅e (g茅n茅ralement de 99 ans), les entreprises ont fait valoir qu鈥檌l serait difficile, avec un r茅gime de propri茅t茅 collective, de se servir des terres comme garanties aux pr锚ts bancaires ou comme sources de revenus. 鈥淓lles ont d茅clar茅 que si les acheteurs devaient obtenir l鈥檃ccord des membres de leur famille avant de vendre des terres ou de les utiliser 脿 certaines fins, la situation serait tr猫s complexe et ne favoriserait gu猫re le march茅 foncier鈥�, explique Mme Izumi.

Cet argument, poursuit-elle, ne tient pas compte du fait qu鈥檌l est rare que les femmes b茅n茅ficient de ces transactions fonci猫res ou se servent de terres comme de garanties 脿 un pr锚t. Car elles ne sont g茅n茅ralement pas ma卯tres des ressources financi猫res de leur famille et n鈥檕nt pas les moyens d鈥檃cheter des terres. Ou bien elles ont du mal 脿 obtenir un pr锚t car dans de nombreux pays elles doivent obtenir l鈥檃ccord de leur mari avant de faire une demande de cr茅dit.

L脿 o霉 des lois favorables aux femmes ont 茅t茅 adopt茅es, la situation ne s鈥檃m茅liore pas n茅cessairement. Au Mozam-bique, des groupes de la soci茅t茅 civile ont fait adopter en 1997 une loi qui garantit aux femmes un acc猫s aux terres et aux biens. 鈥淟鈥檃doption de cette loi constitue une victoire鈥�, a d茅clar茅 脿 un journaliste Lorena Magane de la Rural Association of Mutual Support.

Mais Rachael Waterhouse, coordinatrice d鈥檜n rapport sur les femmes et les terres au Mozambique, dit que si la loi est appr茅ciable en th茅orie, elle s鈥檈st av茅r茅e difficile 脿 mettre en oeuvre car les tribunaux traditionnels, auxquels la plupart des femmes font appel en milieu rural, consid猫rent encore l鈥檋omme comme le chef de famille qui a donc pleine ma卯trise sur les terres.

De m锚me, au Zimbabwe, le gouvernement a modifi茅 la loi sur l鈥檋茅ritage de fa莽on 脿 ce que le conjoint survivant, qu鈥檌l s鈥檃gisse du mari ou de la femme, soit l鈥檋茅ritier l茅gitime. Mais, explique Mme Izumi, 鈥渄e nombreuses femmes des r茅gions rurales ne sont pas au courant de cette loi鈥�.

Au Ghana, la loi de 1985 sur la succession ab intestat et la loi relative 脿 la responsabilit茅 du chef de famille ont toutes les deux 茅t茅 adopt茅es dans le but d鈥檃m茅liorer la situation des veuves et des enfants. Lorsqu鈥檜n homme meurt sans testament, la loi sur la succession stipule que ses biens seront r茅partis 茅galement entre sa veuve, ses enfants et les autres membres de la famille 茅largie. Mais il est ressorti d鈥檜ne 茅tude r茅alis茅e par la FAO dans la r茅gion ghan茅enne de la Haute Volta que peu de femmes 茅taient au courant de ces lois et que les successions continuaient de s鈥檈ffectuer selon les pratiques coutumi猫res. Bon nombre de femmes n鈥檃vaient ainsi plus acc猫s aux terres apr猫s la mort de leur conjoint.

En g茅n茅ral, r茅sume Mme Izumi, 鈥渓es lois progressistes adopt茅es en Afrique ne sont pas correctement appliqu茅es. Dans les pays o霉 des groupes de pression essaient de faire adopter des lois progressistes, ils se heurtent 脿 une r茅sistance importante鈥�.

Agir sur de multiples fronts

Selon Mme Kagwanja, les femmes ont besoin que leurs droits fondamentaux soient inscrits dans la constitution et que l鈥櫭ゞalit茅 des droits en mati猫re de propri茅t茅 soit explicitement reconnue par la loi. Lorsque cela est d茅j脿 fait, il faut harmoniser toutes les lois sur la succession et les terres avec la constitution, afin qu鈥檈lles aillent toutes dans le m锚me sens. En outre, les institutions juridiques charg茅es de l鈥檃pplication des lois fonci猫res doivent fonctionner 茅quitablement, respecter les femmes et ne pas 艙uvrer seulement dans les villes.

鈥溍� pr茅sent, dit-elle, nous avons des institutions tr猫s centralis茅es. En outre, ce sont les hommes qui sont charg茅s du syst猫me de r猫glement des conflits et le syst猫me judiciaire est tr猫s co没teux et intimidant.鈥�

Il faut en particulier repenser les r茅gimes fonciers traditionnels, ajoute-t-elle. Les chefs locaux autoris茅s 脿 r茅partir les terres les confient g茅n茅ralement aux hommes. 鈥淐omment d茅mocratiser les syst猫mes d鈥檃llocation des terres ?鈥�, s鈥檌nterroge Mme Kagwanja. 鈥淔aut-il instaurer de nouveaux conseils d鈥檃dministration fonci猫re, dont les membres seront 茅lus et qui traiteront les femmes aussi 茅quitablement que les hommes, comme en Tanzanie et en Ouganda ? Ou faut-il d茅mocratiser l鈥檃ncien syst猫me ? Voil脿 des questions auxquelles il nous faut r茅pondre.鈥�

R茅pondre 脿 ces questions, sugg猫re Mme Izumi, n茅cessite d鈥檃gir sur plusieurs fronts 脿 la fois. 鈥淟鈥檃ccent a 茅t茅 mis sur la r茅forme juridique. Les lois et politiques sont importantes et il faut continuer d鈥檈ssayer de parvenir 脿 les modifier. Nous devons cependant 茅galement aider les gouvernements 脿 am茅liorer les moyens techniques et financiers dont ils disposent pour faire appliquer les lois.鈥�

Des militants tentent d鈥檌ntroduire ou de renforcer des lois qui garantissent les droits fonciers des femmes et combattent les normes et pratiques sociales pr茅judiciables.

Les responsables du syst猫me judiciaire et les chefs traditionnels doivent 茅galement 锚tre form茅s, ajoute-t-elle, 脿 aider l鈥檈nsemble de la communaut茅 脿 reconna卯tre les droits fonciers des femmes. On peut aussi instaurer des tribunaux communautaires qui jouent un r么le d鈥檃rbitrage. Le plus important, ajoute Mme Izumi, est d鈥檌nformer les femmes 鈥渄e leurs propres droits et de ce qu鈥檈lles pourraient faire ou 脿 qui elles pourraient s鈥檃dresser pour obtenir de l鈥檃ide鈥�.

Combattre les normes n茅gatives

Il est aussi essentiel de faire 茅voluer la culture, explique Mme Mwangi. Ceux qui d茅cident de l鈥檃llocation des terres ont une perception du r么le des femmes dans la soci茅t茅 qui d茅pend de leur culture. Il faut donc, de mani猫re plus g茅n茅rale, rem茅dier 脿 la r茅partition in茅gale du pouvoir sur le plan 茅conomique et politique.

Elle a pass茅 un certain temps 脿 discuter avec des hommes et des femmes du partage de la propri茅t茅 fonci猫re. 鈥淛e pense que les hommes n鈥檡 sont pas pr锚ts鈥�, fait-elle observer. 鈥淚ls ne semblent pas tr猫s r茅ceptifs 脿 l鈥檌d茅e que les femmes puissent jouer un r么le de d茅cision lorsqu鈥檌l s鈥檃git des terres.鈥� C鈥檈st un paradoxe, ajoute-t-elle. 鈥淟e travail des femmes est essentiel pour la productivit茅, mais les terres sont v茅ritablement hors de leur port茅e. Les hommes ne semblent pas voir l脿 de probl猫me."

M. Cousins est du m锚me avis. 鈥淧our am茅liorer la situation, il faut rem茅dier aux relations de pouvoir in茅gales au sein des familles. Tant que l鈥檕n ne changera pas ces relations de pouvoir, peu importe 脿 qui la loi conf茅rera des droits鈥�, indique-t-il 脿 Afrique Renouveau.

鈥淣ous avons observ茅 une forte r茅sistance鈥�, relate Mme Izumi. 鈥淐es normes sont profond茅ment ancr茅es. Les relations entre les sexes sont, de toutes les relations sociales, les plus difficiles 脿 faire 茅voluer.鈥�

Des progr猫s

Mais certains progr猫s ont 茅t茅 r茅alis茅s. Au Swaziland, les femmes ne peuvent 锚tre propri茅taires de terres car elles sont mineures au regard de la loi. Mais des femmes s茅ropositives qui n鈥檃vaient plus acc猫s 脿 leurs terres apr猫s la mort de leur mari ont r茅ussi 脿 inciter une femme-chef 脿 convaincre d鈥檃utres chefs de donner aux veuves des terres qu鈥檈lles pourraient exploiter pour subvenir 脿 leurs besoins. Elles ont ainsi obtenu 13 parcelles collectives dans diff茅rentes r茅gions, raconte Mme Izumi.

Au Kenya, des organisations communautaires et d鈥檃utres groupes qui fournissent des soins 脿 domicile aux personnes vivant avec le VIH/sida interviennent. Lorsque des terres sont saisies, ils n茅gocient, le plus souvent avec les hommes de la famille, pour que les femmes et les filles puissent continuer d鈥檃voir acc猫s aux terres et autres biens.

Au Rwanda, le gouvernement a adopt茅 en 1999 une loi qui donne aux femmes les m锚mes droits d鈥檋茅ritage qu鈥檃ux hommes, contrairement 脿 la tradition selon laquelle seuls les enfants de sexe masculin pouvaient h茅riter de biens. Les veuves et orphelines du g茅nocide de 1994 ont ainsi pu obtenir des terres.

Au Ghana, d鈥檃pr猫s l鈥橧FPRI, la production de cacao fait 茅voluer la situation. Cette culture fait appel 脿 une main-d鈥櫯搖vre importante et, de plus en plus, les hommes et les femmes 茅changent du travail contre des terres. Selon cette approche, la femme mari茅e re莽oit une parcelle en 茅change de son travail. Ce don est consid茅r茅 comme irr茅vocable par la communaut茅 et la femme reste propri茅taire de la parcelle m锚me en cas de s茅paration.

A l鈥檋eure actuelle, des organismes des Nations Unies comme la FAO, le Fonds de d茅veloppement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) et le PNUD s鈥檈fforcent, en collaboration avec les organisations non gouvernementales, d鈥檌nformer les femmes de leurs droits et d鈥檃ppuyer la reconnaissance dans les lois nationales de l鈥櫭ゞalit茅 d鈥檃cc猫s aux terres.

Mais Mme Izumi estime qu鈥檌l faut intensifier l鈥檃ction men茅e 脿 cette fin. 鈥淚l faut mettre en 艙uvre 脿 plus grande 茅chelle les petites initiatives. Un petit groupe ne dispose que d鈥檜n pouvoir d鈥檃ction restreint. Nous avons diffus茅 de l鈥檌nformation sur ce que font les autres et demand茅 脿 diff茅rents groupes d鈥檈ssayer de faire de m锚me. Il faut appuyer ces efforts. Le probl猫me est de plus en plus reconnu comme tel, et il y a lieu de rester optimiste.鈥�