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Mohamed Ibn Chambas a 茅t茅 茅lu Secr茅taire ex茅cutif de la Communaut茅 茅conomique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) par les chefs d'Etat de la r茅gion et a pris ses fonctions en f茅vrier 2002. A l'茅poque, il 茅tait membre du parlement ghan茅en apr猫s avoir occup茅 plusieurs postes au gouvernement, dont celui de Vice-Ministre des affaires 茅trang猫res. Il a particip茅 aux missions du Commonwealth visant 脿 faciliter le passage 脿 un r茅gime constitutionnel au Nig茅ria, en Sierra Leone et en Gambie ; entre 1991 et 1996, il a jou茅 un r么le central dans les efforts de m茅diation au Lib茅ria. De passage 脿 New York dans le cadre d'une conf茅rence internationale pour la reconstruction du Lib茅ria, il a livr茅 脿听Afrique Relance听ses r茅flexions sur les difficult茅s rencontr茅es dans l'instauration de la paix en Afrique de l'Ouest.

Photo: Afrique Relance / Ernest Harsch

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AR:听A sa cr茅ation, la CEDEAO avait essentiellement pour mission de promouvoir l'int茅gration 茅conomique de la r茅gion. Mais ces derni猫res ann茅es, certains pays de la r茅gion ont connu de graves conflits internes. Dans quelle mesure les questions de paix et de s茅curit茅 sont-elles devenues une pr茅occupation majeure de la CEDEAO, et comment ces questions influent-elles sur les autres aspects de l'activit茅 de l'organisation ?

Chambas :听Vous avez raison. Comme l'indique son appellation, il s'agit d'une communaut茅 茅conomique. Ses p猫res fondateurs l'avaient con莽ue pour accro卯tre la coop茅ration 茅conomique et pour veiller 脿 ce que les pays de la sous-r茅gion collaborent en vue d'am茅liorer leurs r茅sultats 茅conomiques, de tirer parti des 茅conomies d'茅chelle et de renforcer l'int茅gration. Malheureusement, surtout au cours des quinze derni猫res ann茅es, la persistance de conflits dans la sous-r茅gion a emp锚ch茅 nos pays de se concentrer sur le d茅veloppement.

Heureusement, on assiste 脿 une 茅volution plut么t positive, 脿 une r茅duction des conflits. Avec le concours de la communaut茅 internationale, nous sommes parvenus 脿 ma卯triser la situation en Sierra Leone. Ce pays est aujourd'hui un exemple de r茅ussite en Afrique de l'Ouest. L'ann茅e derni猫re, des progr猫s notables ont 茅t茅 enregistr茅s au Lib茅ria. Nous esp茅rons que cette fois-ci, nous parviendrons 脿 mettre un terme 脿 ce triste chapitre de l'histoire du Lib茅ria. Le conflit qui a 茅clat茅 en C么te d'Ivoire aurait pu avoir des cons茅quences tr猫s d茅stabilisatrices si la CEDEAO n'茅tait pas intervenue 脿 temps. Nous avons eu l'appui de la communaut茅 internationale, en particulier de la France, mais aussi des Etats-Unis, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de l'Union europ茅enne. Cet appui nous a consid茅rablement aid茅s 脿 arr锚ter le conflit.

Cela 茅tant, toutes ces activit茅s signifient que je dois, en ma qualit茅 de premier responsable de l'organisation, consacrer beaucoup de temps 脿 ces questions au lieu de rechercher les moyens d'茅tablir le libre-茅change en Afrique de l'Ouest, mettre en place une infrastructure r茅gionale permettant d'am茅liorer les communications et le r茅seau routier 颅 ce qui accro卯trait notre comp茅titivit茅 颅 et cr茅er une union douani猫re. Les progr猫s ont 茅t茅 lents en raison du temps consid茅rable accord茅 aux questions de paix et de s茅curit茅. N茅anmoins, nous savons que sans une base solide caract茅ris茅e par la paix, la s茅curit茅 et la stabilit茅, les efforts que nous ferons dans le domaine du d茅veloppement socio茅conomique, quels qu'ils soient, sont vou茅s 脿 l'茅chec.

AR:听La CEDEAO a d茅j脿 茅t茅 tr猫s active en mati猫re de maintien de la paix. Devrait-elle faire davantage pour essayer de pr茅venir les conflits par la m茅diation politique, comme ce fut le cas apr猫s le coup d'Etat militaire survenu en Guin茅e-Bissau en septembre 2003 ?

Chambas :听Nous devons mener une action plus pr茅ventive, anticiper et mettre en place des syst猫mes d'alerte rapide. Nous renfor莽ons nos capacit茅s dans ce domaine. Nous disposons maintenant de quatre bureaux r茅gionaux, d'observatoires, qui sont cens茅s faire des analyses plus approfondies de la situation dans les pays couverts par chaque bureau. Ils doivent nous alerter lorsque la situation politique est en passe d'entrer en 茅bullition. Nous disposons aussi d'un Conseil de notables auquel nous pouvons avoir recours pour tenter de d茅samorcer la situation. Nous utilisons aussi le m茅canisme que constituent nos r茅unions de chefs d'Etat pour voir comment ils peuvent se parler en toute franchise pour emp锚cher que les situations ne d茅g茅n猫rent. Malheureusement, nous n'avons pas fait preuve du courage et de la d茅termination n茅cessaires pour intervenir au moment opportun afin d'emp锚cher les situations de crise d'empirer. Et lorsque la situation d茅g茅n猫re, le r猫glement de la crise engendre pour la sous-r茅gion et la communaut茅 internationale un co没t plus 茅lev茅. Par cons茅quent, vous verrez la CEDEAO entreprendre plus d'activit茅s dans les domaines de l'alerte rapide et de la diplomatie pr茅ventive.

AR:听Au Lib茅ria l'ann茅e derni猫re, la CEDEAO a pu rapidement envoyer des forces de maintien de la paix sur le terrain. Ces forces rel猫vent maintenant de la Mission des Nations Unies au Lib茅ria (MINUL). Quel r么le joue maintenant la CEDEAO au Lib茅ria ?

Des soldats de la paix de l'ONU recueillent les armes d'anciens combattants au Lib茅ria : la coordination r茅gionale est indispensable pour emp锚cher les armes et les combattants de traverser la fronti猫re pour entrer dans les pays voisins.

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Photo : 漏ONU / D茅partement de l'information

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Chambas :听Nous avons toujours un r么le 脿 jouer. L'accord de paix global pr茅voit un comit茅 de suivi de l'application, pr茅sid茅 par le repr茅sentant sp茅cial du Secr茅taire ex茅cutif de la CEDEAO. La CEDEAO a donc ouvert un bureau au Lib茅ria et le repr茅sentant sp茅cial, qui est sur place, travaille en 茅troite collaboration avec l'ONU et les membres du Groupe de contact international pr茅sents dans le pays, 脿 savoir les Etats-Unis, le Nig茅ria, le Ghana et l'Union europ茅enne. Le Comit茅 est d'autant plus important pour l'application des diff茅rents aspects de l'accord, notamment l'aspect politique, qu'il doit veiller 脿 pr茅venir toute entrave au processus de paix. Nous devons amener les parties lib茅riennes 脿 s'acquitter de leurs obligations et responsabilit茅s et faire en sorte qu'elles coop猫rent pleinement, pour que cette fois-ci une paix durable s'installe.

AR:听Quelles difficult茅s rencontre-t-on dans la recherche de solutions aux questions de paix et de s茅curit茅 脿 l'茅chelle r茅gionale ?

Chambas :听C'est une gageure. L'imbrication des diverses crises 颅 les mouvements rebelles, la prolif茅ration des armes l茅g猫res et leur passage au travers de fronti猫res poreuses 颅 sont des facteurs qui contribuent 脿 faire d茅border les crises d'un pays 脿 l'autre. Cela a commenc茅 au Lib茅ria, qui 茅tait plus ou moins l'茅picentre de l'instabilit茅, puis a touch茅 la Sierra Leone. Et puis nous avons vu la rapidit茅 avec laquelle les m锚mes 茅l茅ments 颅 les groupes arm茅s, les mercenaires 颅 ont pu se joindre 脿 la m锚l茅e en C么te d'Ivoire.

Aussi, pr茅conisons-nous fermement une approche r茅gionale pour r茅gler ces crises qui ne peuvent 锚tre trait茅es de mani猫re isol茅e. Il faut tenir compte de leurs corr茅lations. Il faut renforcer les patrouilles aux fronti猫res et disposer suffisamment de soldats le long des fronti猫res pour emp锚cher ces groupes arm茅s de passer facilement d'un pays 脿 l'autre. Il faut intensifier les efforts pour lutter contre la prolif茅ration, la propagation et la contrebande d'armes l茅g猫res.

Si le Conseil de s茅curit茅 autorise une mission en C么te d'Ivoire (voir encadr茅) en m锚me temps qu'une mission est en cours au Lib茅ria et en Sierra Leone, ce sera la meilleure occasion de mettre un terme 脿 ces conflits. Nous pourrons alors engager un d茅sarmement effectif dans les trois pays. Nous devons aussi plus ou moins synchroniser le retrait de nos forces, afin de ne pas nous retirer pr茅matur茅ment et permettre ainsi aux groupes arm茅s d'y entrer. Si l'on devait retirer totalement l'ensemble des forces et mettre fin 脿 la MINUSIL en Sierra Leone alors que les op茅rations se poursuivent en C么te d'Ivoire et au Lib茅ria, le noyau dur des 茅l茅ments arm茅s pourrait se regrouper et se retrouver en Sierra Leone, ce qui pourrait compromettre tous les progr猫s r茅alis茅s dans ce pays.

AR:听On a souvent accus茅 certains gouvernements de la r茅gion d'offrir un appui, des voies de passage ou un asile aux groupes rebelles de pays voisins. La CEDEAO a-t-elle les moyens d'amener ses propres membres 脿 bien se tenir?

Chambas :听Je pense que tout en nous employant 脿 r茅soudre la situation dans ces pays, l'une des choses sur lesquelles nous avons insist茅 a 茅t茅 le protocole de non-agression de la CEDEAO. Dans le pass茅, ce protocole n'a pas 茅t茅 efficacement appliqu茅, et nous sommes les premiers 脿 l'admettre. Des groupes sont pass茅s d'un pays 脿 l'autre pour fomenter des troubles, sans le consentement des gouvernements des pays voisins 颅 mais souvent aussi avec l'appui tacite de certains gouvernements. Evidemment, cette situation est inacceptable. Elle ne peut concourir 脿 la paix et 脿 la stabilit茅 dans la sous-r茅gion. De nombreux Etats membres demandent maintenant une r茅vision du protocole en vue de le renforcer.

AR:听Dans le pass茅, la communaut茅 internationale a souvent trait茅 ces crises pays par pays. Pensez-vous que les donateurs soient dispos茅s 脿 voir ces probl猫mes dans un cadre r茅gional ?

Chambas :听C'est l'impression que nous avons. On comprend la corr茅lation entre les situations des diff茅rents pays. Dans certains conflits, il est apparu que l'instabilit茅 dans un pays peut engendrer l'instabilit茅 dans un pays voisin. Il est donc heureux que nos partenaires commencent 脿 le comprendre et 脿 convenir avec nous qu'il faut voir la paix et la s茅curit茅 sous un angle mondial. Ils se rendent compte qu'on ne peut 茅difier un 卯lot de paix et de s茅curit茅 dans un pays alors qu'il existe de nombreux foyers de tension et de conflit dans la sous-r茅gion.

AR:听Quelle serait, 脿 votre avis, la mani猫re id茅ale de r茅partir le travail entre la communaut茅 internationale et les gouvernements africains en mati猫re de maintien de la paix ?

Chambas :听Nous croyons fermement et s茅rieusement qu'il faut trouver des solutions africaines aux probl猫mes africains. On a vu en Sierra Leone, au Lib茅ria et en C么te d'Ivoire que la CEDEAO est intervenue tr猫s activement et rapidement. Elle a particip茅 directement aux efforts de m茅diation, et s'est employ茅e 脿 trouver un r猫glement politique. Lorsqu'une intervention militaire s'imposait, nous n'avons pas h茅sit茅 脿 fournir le personnel. Ce qui nous freine, c'est que en tant que pays en d茅veloppement avec des 茅conomies pauvres, nous n'avons pas les ressources financi猫res n茅cessaires pour soutenir nos contingents. C'est pourquoi nous avons fait appel 脿 nos partenaires pour qu'ils nous fournissent le mat茅riel et le financement voulus pour nous permettre de participer 脿 ces missions. Cela 茅tant, nous croyons que c'est 脿 nous qu'il incombe de fournir les contingents et nous sommes heureux d'assumer cette responsabilit茅. S'il faut une force plus importante, d'autres pourront nous venir en aide. Mais nous n'h茅sitons pas 脿 prendre l'initiative.

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Nouvelle mission des Nations Unies en C么te d'Ivoire

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Apr猫s le d茅clenchement de la guerre civile en C么te d'Ivoire en septembre 2002, les principales parties au conflit ont sign茅 un accord de large port茅e au d茅but de l'ann茅e suivante. Bien que l'arm茅e gouvernementale et les forces militaires de l'opposition contr么lent toujours diff茅rentes parties du pays, un gouvernement de r茅conciliation nationale a 茅t茅 form茅, qui compte des ministres des deux parties. La France a envoy茅 4 000 soldats et la CEDEAO une force de 1听300 茅l茅ments pour surveiller l'application de l'accord, aux c么t茅s d'une petite mission de liaison des Nations Unies d茅nomm茅e Mission des Nations Unies en C么te d'Ivoire (MINUCI). Le 4 f茅vrier 2004, le Conseil de s茅curit茅 de l'ONU a d茅cid茅 de transformer la MINUCI en une mission ordinaire de maintien de la paix 脿 compter du 4 avril, celle-ci 茅tant d茅nomm茅e Op茅ration des Nations Unies en C么te d'Ivoire (ONUCI).

L'ONUCI aura un effectif autoris茅 de 6听240 茅l茅ments (militaires et police). Elle aura notamment pour mandat de surveiller le cessez-le-feu, de pr锚ter une assistance pour le d茅sarmement, la d茅mobilisation et la r茅insertion des combattants, de contribuer aux enqu锚tes sur les violations des droits de l'homme et d'appuyer le processus de paix de fa莽on 脿 permettre la tenue de nouvelles 茅lections pr茅sidentielles en 2005. Aux termes de la r茅solution du Conseil de s茅curit茅, l'ONUCI doit oeuvrer en 茅troite coop茅ration avec les missions des Nations Unies au Lib茅ria et en Sierra Leone, "en particulier en ce qui concerne la pr茅vention des mouvements d'armes et de combattants 脿 travers leurs fronti猫res communes et la mise en oeuvre des programmes de d茅sarmement et de d茅mobilisation".