51吃瓜

Une soci茅t茅 commerciale 脿 Johannesburg (Afrique du Sud). En tant que seul 鈥渕arch茅 茅mergent鈥� repr茅sentant l鈥橝frique au sommet du Groupe des 20 脿 Washington, l鈥橝frique du Sud s鈥檈st efforc茅e de pr茅senter aux responsables des principales puissances 茅conomiques mondiales les r茅formes propos茅es par le continent.

Photo: Africanpictures.net / Marianne Schwankhart

En chinois, le mot 鈥渃rise鈥� (wei ji) se compose de deux caract猫res, rel猫ve l鈥櫭ヽonomiste s茅n茅galais Moustapha Kass茅. Le premier veut dire 鈥渄anger鈥�, le deuxi猫me 鈥渙pportunit茅鈥�. Dans leur r茅action 脿 la crise 茅conomique mondiale actuelle, les gouvernements africains ont accord茅 trop d鈥檌mportance, selon lui, au premier sens du terme. 鈥淧ourtant, c鈥檈st le second sens qui est capital, car toute crise est porteuse d鈥檜ne opportunit茅, d鈥檜ne chance de changer, de s鈥檃dapter鈥�, dit-il.

Moustapha Kass茅, professeur 脿 l鈥橴niversit茅 de Dakar, affirme que les responsables politiques, les experts et les chercheurs du continent n鈥檕nt pas particip茅 assez 茅nergiquement aux d茅bats internationaux consacr茅s aux solutions 脿 apporter 脿 la crise.

Une s茅rie de sommets internationaux ont rassembl茅 les dirigeants politiques du monde entier 脿 New York, Washington et Doha pour trouver de nouvelles id茅es. Au vu de la gravit茅 de la crise actuelle et de l鈥檌ncapacit茅 des institutions financi猫res les plus puissantes 脿 en pr茅voir m锚me le d茅clenchement, on s鈥檃ccorde g茅n茅ralement aujourd鈥檋ui 脿 reconna卯tre qu鈥檌l faut proc茅der 脿 des r茅formes en profondeur pour 茅viter que de telles catastrophes se reproduisent.

Un seul pays africain (l鈥橝frique du Sud) a 茅t茅 invit茅 脿 participer au sommet d鈥檜rgence du Groupe des 20 (G-20), organe consultatif de haut niveau, qui s鈥檈st tenu le 15 novembre 脿 Washington. Un certain nombre de pr茅sidents et de premiers ministres africains ont toutefois particip茅 deux semaines plus tard 脿 une conf茅rence internationale sur 鈥渓e financement pour le d茅veloppement鈥� 脿 Doha (Qatar). D鈥檃pr猫s Jean Ping, Pr茅sident de la Commission de l鈥橴nion africaine, l鈥檌nstance politique du continent, leur pr茅sence 脿 cette r茅union a attest茅 de l鈥檌nt茅r锚t qu鈥檃ccorde l鈥橝frique aux r茅formes 茅conomiques mondiales.

Des si猫ges suppl茅mentaires

En d茅pit de la d茅cision du sommet du G-20 de Washington de ne pas prendre de mesures concr猫tes avant la r茅union de suivi qui aura lieu en avril prochain 脿 Londres, le fait m锚me qu鈥檌l ait eu lieu sous sa forme actuelle constitue une nouveaut茅. Auparavant, la plupart des n茅gociations importantes sur l鈥櫭ヽonomie mondiale ne r茅unissaient en effet que les membres du Groupe des sept pays industrialis茅s riches (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni), auquel se joignait parfois la Russie (pour constituer le Groupe des Huit).

Mais la d茅t茅rioration rapide de la situation 茅conomique dans ces pays indique clairement qu鈥檌ls auraient du mal 脿 s鈥檈n sortir tout seuls. Le Pr茅sident de la Banque mondiale, Robert Zoellick, a reconnu que le G-7 鈥渘e fonctionnait pas tr猫s bien. Il faut constituer un meilleur groupe pour une nouvelle 茅poque鈥�, a-t-il dit.

Dans les pays en d茅veloppement, de nombreuses voix s鈥櫭﹍猫vent pour d茅noncer aussi les d茅faillances des principales institutions financi猫res internationales comme la Banque mondiale et le Fonds mon茅taire international (FMI). Il leur est notamment reproch茅 de faire la part trop belle aux pays les plus riches dans leur processus de d茅cision. Au Conseil d鈥檃dministration du FMI, par exemple, les Etats-Unis d茅tiennent 17,1 % des voix et l鈥橴nion europ茅enne 32,4 %. Dans ces conditions, d茅plorent les critiques, les int茅r锚ts des pays en d茅veloppement ne sont pas suffisamment pris en compte.

C鈥檈st dans ce contexte que le sommet de Washington a 茅t茅 ouvert 脿 la participation d鈥檜n groupe relativement plus divers de pays. A l鈥檕rigine, le G-20, constitu茅 en 1999 au lendemain de la crise financi猫re asiatique, 茅tait compos茅 des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des pays industrialis茅s et des pays en d茅veloppement les plus puissants sur le plan 茅conomique, appel茅s g茅n茅ralement 鈥渓es march茅s 茅mergents鈥�. Les pays industrialis茅s y sont repr茅sent茅s par les membres du G-8, ainsi que l鈥橝ustralie et l鈥橴nion europ茅enne. Du c么t茅 des pays en d茅veloppement, on trouve l鈥橝frique du Sud, l鈥橝rabie saoudite, l鈥橝rgentine, le Br茅sil, la Chine, l鈥橧nde, l鈥橧ndon茅sie, le Mexique, la R茅publique de Cor茅e et la Turquie.

La d茅cision d鈥檌nviter d茅sormais les chefs d鈥橢tat au rendez-vous de Washington, lui conf茅rant ainsi une importance accrue, t茅moigne non seulement de la gravit茅 sans pr茅c茅dent de la situation actuelle, mais, 脿 plus long terme, d鈥檜ne 茅volution fondamentale, 脿 savoir que les 茅conomies des membres du G-7 n鈥檕ccupent plus la place pr茅pond茅rante de jadis. De 1965 脿 2002, les pays du G-7 g茅n茅raient deux tiers de la production mondiale. Ce pourcentage n鈥檈st plus aujourd鈥檋ui que de 52 % et, d鈥檃pr猫s certaines pr茅visions, il devrait tomber 脿 37 % d鈥檌ci 脿 2030 et 脿 24 % d鈥檌ci 脿 2050.

Parall猫lement, les 茅conomies des principaux pays en d茅veloppement contribuent de plus en plus aux 茅changes commerciaux, aux investissements et m锚me 脿 l鈥檕ctroi de l鈥檃ide 茅trang猫re. D鈥檃pr猫s les pr茅visions du D茅partement des affaires 茅conomiques et sociales de l鈥橭NU, les 茅conomies des pays en d茅veloppement consid茅r茅es dans leur ensemble continueront de cro卯tre au rythme de 4,6 % en 2009, alors m锚me que les pays industrialis茅s s鈥檈nfonceront dans la r茅cession.

Alors que les pays industrialis茅s s鈥檈fforcent de trouver les moyens de relancer l鈥櫭ヽonomie mondiale, l鈥檃ttention se porte sur les ressources financi猫res dont disposent ces 鈥渕arch茅s 茅mergents鈥�. Lorsque le Premier Ministre japonais Taro Aso a annonc茅 脿 Washington que son pays offrirait jusqu鈥櫭� 100 milliards de dollars pour financer les programmes de sauvetage du FMI destin茅s aux pays en difficult茅 financi猫re, il a ajout茅 que 鈥渓es pays producteurs de p茅trole, la Chine et autres pays disposant de vastes r茅serves devraient 茅galement apporter leur contribution鈥�.

Le Pr茅sident br茅silien Luiz In谩cio Lula da Silva a pr茅cis茅 que les pays en d茅veloppement ne se contenteraient pas de payer leur d没, mais entendaient avoir leur mot 脿 dire. 鈥淒ans ce contexte de mondialisation, il nous faut des instances solides et repr茅sentatives capables de prendre des d茅cisions de port茅e mondiale.鈥�

Pour un 鈥渘ouveau multilat茅ralisme鈥�

L鈥橝frique a r茅agi avec scepticisme 脿 la veille du sommet du G-20. Le Pr茅sident Denis Sassou-Nguesso de la R茅publique du Congo a regrett茅 que l鈥橝frique soit encore tenue 脿 l鈥櫭ヽart des d茅bats sur la r茅forme internationale.

Trois jours seulement avant la r茅union du G-20, les ministres des finances et de la planification et les gouverneurs des banques centrales de l鈥橝frique se sont toutefois r茅unis 脿 Tunis pour d茅finir une position commune sur la crise mondiale (voir encadr茅). Ils ont 茅galement pri茅 l鈥橝frique du Sud de les repr茅senter aupr猫s des membres du G-20.

Le Pr茅sident sud-africain Kgalema Motlanthe a pris son r么le tr猫s au s茅rieux. Apr猫s avoir fait part 脿 ses coll猫gues des propositions de r茅forme des Africains, il a plaid茅 pour l鈥檃doption de r茅formes qui pr茅voiraient 鈥渦ne bien meilleure repr茅sentation qu鈥櫭� l鈥檋eure actuelle des pays africains dans les institutions financi猫res internationales鈥�.

Les ministres r茅unis 脿 Tunis ont 茅galement insist茅 sur ce point, affirmant que le r么le de l鈥橝frique du Sud 脿 l鈥檌nt茅rieur du G-20 ne pouvait 鈥渟e substituer 脿 une participation africaine renforc茅e鈥� Nous appelons de nos v艙ux un 鈥渘ouveau multilat茅ralisme鈥� qui tienne pleinement compte des r茅alit茅s actuelles鈥�.

Cet appel a 茅t茅 r茅it茅r茅 脿 la conf茅rence internationale sur 鈥渓e financement pour le d茅veloppement鈥� qui s鈥檈st tenue du 29 novembre au 2 d茅cembre 脿 Doha. 鈥淯n nouveau multilat茅ralisme est n茅cessaire鈥�, a lanc茅 脿 cette occasion le Secr茅taire g茅n茅ral de l鈥橭NU, Ban Ki-moon, pr茅cisant que l鈥檜n des objectifs prioritaires de la conf茅rence 茅tait 鈥渄e jeter un pont entre le G-20 et le reste du monde."

De nombreux dirigeants de l鈥橝frique et d鈥檃utres r茅gions ont soulign茅 que l鈥橭rganisation des Nations Unies, 脿 laquelle appartiennent la grande majorit茅 des pays, pourrait constituer un cadre de n茅gociation propice 脿 la formulation de propositions de r茅forme 脿 long terme ouvertes 脿 tous. La conf茅rence de Doha s鈥檈st achev茅e sur un appel lanc茅 脿 l鈥橭NU pour l鈥檕rganisation d鈥檜n sommet sur les m茅canismes financiers internationaux.

R茅茅valuer les politiques 鈥�

De nombreuses recommandations pr茅cises ont d茅j脿 茅t茅 propos茅es. Le sommet du G-20 a 茅tabli des groupes de travail charg茅s d鈥檈xaminer des propositions concernant 47 questions. Si un accord peut 锚tre trouv茅 d鈥檌ci l脿, certaines de ces propositions seraient examin茅es 脿 la r茅union d鈥檃vril 脿 Londres. Ces propositions concernent des sujets vari茅s comme la r茅forme du FMI et de la Banque mondiale et les mesures 脿 adopter pour une r茅glementation et un contr么le plus efficaces des op茅rations financi猫res et des investissements.

Au-del脿 des pr茅occupations financi猫res, les dirigeants du G-20 se sont prononc茅s pour la relance des pourparlers commerciaux internationaux actuellement dans l鈥檌mpasse et se sont engag茅s 脿 lutter contre la tendance de certains pays riches 脿 prot茅ger leurs industries nationales de la concurrence 茅conomique d鈥檃utres pays.

Face au ralentissement 茅conomique actuel, les membres du G-20 ont encourag茅 les gouvernements 脿 redoubler d鈥檈fforts pour financer la reprise 茅conomique. En r茅ponse 脿 une question sur les r茅gions o霉 ces grands programmes de relance devaient 锚tre lanc茅s, le Directeur g茅n茅ral du FMI, Dominique Strauss-Kahn a r茅pondu : 鈥淧artout o霉 c鈥檈st possible.鈥�

鈥� et les doctrines

Pour de nombreux observateurs africains, l鈥檌mportance accord茅e d茅sormais 脿 l鈥檌ntervention de l鈥橢tat pour rem茅dier aux carences des march茅s semble marquer un nouveau recul des doctrines ch猫res au FMI, 脿 la Banque mondiale et aux bailleurs de fonds. Au cours des derni猫res d茅cennies, ces institutions ont contraint de nombreux gouvernements africains 脿 lib茅raliser leurs march茅s et 脿 op茅rer des coupes sombres dans les d茅penses publiques.

L鈥櫭﹎inent 茅conomiste international Joseph Stiglitz juge que les cons茅quences de ces politiques ont 茅t茅 le plus souvent catastrophiques. Dans les pays en d茅veloppement, 鈥渓a lib茅ralisation des capitaux et des march茅s financiers n鈥檃 que rarement d茅bouch茅 sur la hausse de la croissance escompt茅e, mais a au contraire aggrav茅 l鈥檌nstabilit茅鈥�, a-t-il affirm茅 fin octobre. M. Stiglitz a estim茅 que la crise actuelle devrait constituer une occasion de r茅茅valuer 鈥渓a doctrine 茅conomique en vigueur鈥�.

Des opinions semblables ont 茅t茅 exprim茅es par les futurs membres du Gouvernement am茅ricain du Pr茅sident-茅lu Barack Obama. D鈥檃pr猫s Lawrence Summers, nomm茅 脿 la t锚te du Conseil 茅conomique national consultatif, 鈥渓e vent va tourner, et devrait tourner, en faveur du renforcement du r么le de l鈥橢tat dans la pr茅vention des d茅rives et des insuffisances des march茅s鈥�.

L鈥檃ncien Secr茅taire g茅n茅ral de l鈥橭NU, Kofi Annan, l鈥檃ncien Directeur g茅n茅ral du FMI Michel Camdessus et l鈥檃ncien Secr茅taire d鈥橢tat am茅ricain au Tr茅sor Robert Rubin, qui sont membres d鈥橝frica Progress Panel, un groupe de d茅fense des int茅r锚ts de l鈥橝frique, affirment qu鈥檌l est essentiel de ne pas ignorer les pr茅occupations particuli猫res des pays africains pauvres.

Des id茅es analogues de r茅forme de la gestion 茅conomique mondiale avaient 茅t茅 pr茅sent茅es dans les ann茅es 1990 apr猫s les crises financi猫res du Mexique et de l鈥橝sie, ont-ils pr茅cis茅 dans une d茅claration commune publi茅e en octobre. 鈥淣ous avons manqu茅 l鈥檕ccasion de mettre en place 脿 ce moment-l脿 un m茅canisme de contr么le solide 脿 l鈥櫭ヽhelle mondiale. Il ne faut pas laisser passer cette occasion cette fois-ci鈥�, ont-ils d茅clar茅.