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Afrique : une « nouvelle ère » de paix s’ouvre après les guerres

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Afrique : une « nouvelle ère » de paix s’ouvre après les guerres

Témoignage de Judy Cheng-Hopkins
Afrique Renouveau: 
Photo: UN Burundi
Judy Cheng-Hopkins visite un centre de jeunes à Gihanga (Burundi)Judy Cheng-Hopkins visite un centre de jeunes à Gihanga (Burundi), un projet de consolidation de la paix financé par l’ONU.
Photo: UN Burundi

Préoccupée par la situation précaire de pays récemment sortis de la guerre et leur vulnérabilité face à de nouvelles violences, l’ONU a créé en 2005 la Commission de consolidation de la paix (CCP), un organisme intergouvernemental que dirigent les États Membres. La Commission s’occupe actuellement de six pays, se trouvant tous en Afrique (le Burundi, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Libéria et la République centrafricaine). Toujours en 2005, l'ONU a mis en place le Bureau d'appui à la consolidation de la paix, qui assure le secrétariat de la Commission. Depuis 2009, ce bureau est dirigé par la Sous-secrétaire générale Judy Cheng-Hopkins. Originaire de Malaisie, celle-ci a travaillé pendant dix ans pour le Programme des Nations Unies pour le développement en Afrique orientale et australe. En Octobre, peu après une visite d’évaluation des projets de consolidation de la paix des Nations Unies au Burundi, Mme Cheng-Hopkins s’est entretenue avec Ernest Harsch, chef d’édition d’Afrique Renouveau, sur les défis de l’après-guerre en Afrique.

Cela fait maintenant quelques années que la Commission de consolidation de la paix et le Bureau d'appui à la consolidation de la paix que vous dirigez ont été mis en place. Voyez-vous des progrès concrets dans les pays où les Nations Unies ont le plus oeuvré en faveur de la consolidation de la paix ?

Pour la consolidation de la paix, six ou sept ans, c’est très court. Il s’agit là d’États fragiles, ayant des institutions fragiles, qui sortent de décennies de guerre civile. C'est pourquoi il est doublement difficile de faire les choses comme il se doit. Cela dit, les deux pays dont la Commission s’occupe depuis le plus longtemps, la Sierra Leone et le Burundi, ne s’en sortent en fait pas trop mal aujourd'hui.

Si tout se passe bien, la Sierra Leone organisera des élections dans le courant deÌý l’année et franchira alors un nouveau cap. Nous avons lancé un grand nombre de nouvelles institutions, notamment une commission de lutte contre la corruption et une commission des droits de l’homme, qui commencent à faire leur travail.

Au Burundi, on a recensé très peu de problèmes de sécurité, alors que dans le passé, il y en avait beaucoup plus. Quand j'étais au Burundi, il y a deux ans, j'ai vu des combattants endurcis, des jeunes hommes aux yeux affamés, légèrement en colère et confus sur ce que nous nous efforcions de faire avec eux. Regardons ce qui se passe deux ans plus tard : nous voyons beaucoup d'entre eux occupés à sécher le poisson pour le vendre ou engagés dans des projets agricoles, et nous constatons combien leurs vies ont changé ; nous avons alors vraiment la conviction que nos efforts ont porté leurs fruits.

L’un des objectifs de la création des institutions de consolidation de la paix de l'ONU était de mieux coordonner les interventions des acteurs aussi bien externes qu’internes à l’ONU. Où en êtes-vous ?

Au sein du système des Nations Unies, nous avons déjà un système de coordonnateurs résidents ou de hauts représentants de la coordination du Secrétaire Général, même cela n’est pas évident. De ce fait, s’attendre à ce qu’un responsable de la Commission de consolidation, non-résident [dans le pays post-conflit], qui y vient en visite une, deux ou trois fois par an, et qui n'a même pas une mission nationale, mène à bien son objectif en termes de continuité sur le terrain est un défi. Je suis la première à l'admettre.

Récemment, nous sommes devenus beaucoup plus prudents. Considérez le cas du Libéria, où nous avons choisi l’Ambassadeur [Staffan] Tillander, originaire de Suède. La Suède s’est beaucoup investie au Libéria, y a une grande mission et souhaite vivement y encourager la cohérence et la coordination. Il est donc beaucoup plus facile pour l'Ambassadeur Tillander, qui réside à New York, d’effectivement jouer ce rôle.

On entend souvent les militants africains de la société civile se plaindre du fait que la communauté des donateurs, y compris les Nations Unies, recourt souvent à une approche toute faite, et se contente d’appliquer des solutions qui ont fonctionné dans d'autres pays, sans consultation suffisante avec les communautés locales et la société civile afin de connaître les réalités spécifiques du terrain. Qu’en pensez-vous ?

Tout d'abord, je ne pense pas qu’une approche toute faite soit encore applicable. Après 50 ans de coopération pour le développement, les gens ont compris qu’on ne peut pas transposer un modèle d’un pays à l’autre. Donc, ce n'est pas le cas. Cependant, je pense qu'ils ont raison quand ils disent que nous ne consultons pas assez la société civile.

En ce qui nous concerne, je sais que chaque fois que je me rends sur le terrain, j’insiste pour rencontrer les acteurs de la société civile. Le problème est que la société civile est très large. De qui parlons-nous ? Celui à qui vous parlez, peut-il dire qu'il représente cinq ou six organisations ? Que représentent celles-ci, thématiquement ou en ce qui concerne leur nombre d’adhérents, pour nous permettre de réellement évoluer de façon productive ?

Si vous voulez aller au-delà des protestations, si vous voulez participer, vous avez besoin d'une organisation. Nous essayons en fait par tous les moyens d’aider ces groupes de [la société civile] à s'organiser. Ainsi, je l'espère, naîtra le leadership pour l'avenir du pays.

Une entreprise de fumage de poisson à Gitaza (BurundiUne entreprise de fumage de poisson à Gitaza (Burundi) : il n’existe aucune solution miracle pour créer des emplois dans les pays sortant de la guerre.
Photo: UN Burundi

Dans beaucoup de ces pays, la corruption est un problème majeur qui a aggravé les facteurs à l’origine de la guerre et ces États se heurtent encore à des difficultés dans la lutte contre ce fléau. Dans quelle mesure ce problème affecte-t-il leurs perspectives d’aide ?

Je ne veux pas paraître naïve, mais je pense que bon nombre d'entre eux considèrent que c’est un nouveau départ. Ce n’est plus la guerre froide, où l'aide était accordée bon gré mal gré en raison d’autres intérêts. Maintenant, les bailleurs de fonds sont beaucoup plus conscients de leur responsabilité et des résultats à obtenir. Si bien que chaque pays sorti de guerre comprend qu’il lui faut mettre en place des systèmes meilleurs et plus transparents afin d’attirer les bailleurs.

Pourquoi un bailleur de fonds se détournerait-il aujourd'hui de votre pays, si vous croyez en votre vision d’avenir et si vous savez exactement comment vous allez assurer la transparence de la gestion des fonds qui seront mis à votre disposition ? C’est ce qui se passe au Libéria actuellement. Les dirigeants veulent que ce pays devienne un pays à revenu intermédiaire en 2030. Ils choisissent le moyen le plus transparent de suivre leurs budgets. Je pense donc que des personnes comme la Présidente [Ellen] Johnson-Sirleaf ont bien compris la situation.

Les investisseurs étrangers sont souvent intéressés par un pays qui a des ressources naturelles précieuses. Que faut-il faire pour veiller à ce qu'ils ne se contentent pas simplement de venir prendre ce qu'ils veulent, sans en faire profiter le pays concerné ?

La Commission de consolidation de la paix s’occupe actuellement de six pays. À l’exception d’un pays, qui possède aussi des richesses potentielles, je dirais que les quatre ou cinq autres sont très riches en ressources naturelles. La Guinée, par exemple, a beaucoup d’étain, de minerai de fer et de bauxite. Et pourtant, combien de personnes vivent avec 2 dollars par jour ? Alors, comment faire pour que cette richesse permette à la population d’accéder à des services sociaux et des services d’éducation et de santé ? C'est ça le grand défi. Il s’agit d’établir un équilibre entre le travail accompli au service des gouvernements, sans pour autant faire fuir le secteur privé. C’est l'un des domaines dans lesquels nous voudrions agir et ce sera très bientôt le cas en Guinée.

A part relancer les économies dans la durée, y a-t-il des moyens à court terme d’enrayer le chômage élevé des jeunes dans les pays se relevant d’un conflitÌý?

C'est très difficile. Si vous envisagez de recruter beaucoup de personnes, il fautÌý vraiment qu’il y ait des programmes de travaux publics. C’est ce que nous faisons d’une certaine manière pour réintégrer les ex-combattants en les faisant participer à un programme de travaux publics. Je vois partout des routes que l’on répare. Lorsque nous collaborons avec ceux qui exécutent les projets, le PNUD par exemple ou une organisation non gouvernementale, nous passons du temps à les observer, pour voir quelles sont leurs compétences et s'ils sont prêts à travailler ensemble. Nous passons ensuite à la deuxième phase, à l’établissement d’une coopérative, au fumage de poisson, ou à autre chose. Nous les aidons à progresser et nous introduisons un programme de micro-entreprises fonctionnant avec leurs propres économies, pour qu’ils voient ce qu’ils accomplissent dans la sueur et les larmes et l’apprécient mieux ainsi. Il n’existe pas de raccourci pour créer des emplois de jeunes.

Un mot pour la fin ?Ìý

D'après ce que je vois - et je parle sans exagération - je pense vraiment qu’une nouvelle époque s’annonce pour une grande partie de l’Afrique. Il y a tellement de zones de richesses inexplorées sur le continent. Je dirais que beaucoup de pays – mais pas tous – ont malheureusement pâti de mauvais dirigeants. Mais maintenant nous assistons à des élections transparentes d’un pays à l’autre, d’où sont issus les dirigeants de la prochaine phase. Les gens comprennent qu’il s’agit bien d’une nouvelle époque. Il y a donc beaucoup d'optimisme en ce qui concerne le siècle à venir.

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