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Au Maroc, les femmes p¨ºcheuses adoptent de nouvelles pratiques r¨¦sistantes aux changements climatiques

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Au Maroc, les femmes p¨ºcheuses adoptent de nouvelles pratiques r¨¦sistantes aux changements climatiques

Environ 10 000 femmes collectent des coquillages et autres fruits de mer le long du littoral pour gagner leur vie.
Afrique Renouveau: 
9 Mars 2022
Par: 
UN Women/Mediating
Chaque jour, les p¨ºcheuses passent des heures dans l'eau de mer et se d¨¦placent sur des rochers au risque de se blesser.

Au Maroc, les changements climatiques sont d¨¦sormais au c?ur des pr¨¦occupations politiques, tant au niveau national que local, mais leur gestion n¨¦cessite une r¨¦ponse collective.

Dans le secteur de la p¨ºche, environ 10 000 femmes p¨ºcheuses r¨¦coltent des coquillages et autres fruits de mer le long de la c?te marocaine pour gagner leur vie, risquant quotidiennement leur vie. Les femmes p¨ºcheuses de Tiguert, ¨¤ proximit¨¦ de la r¨¦gion d¡¯Agadir, attestent des risques quotidiens auxquels elles sont confront¨¦es lorsqu¡¯elles recueillent des coquillages, et racontent la fa?on dont elles travaillent de mani¨¨re ¨¤ contribuer ¨¤ pr¨¦server ces ressources naturelles au profit des g¨¦n¨¦rations futures.

?quip¨¦es d¡¯un seau, d¡¯un panier, d¡¯un couteau et de bottes, quand elles en poss¨¨dent, les femmes p¨ºcheuses, g¨¦n¨¦ralement ?g¨¦es de 45 ¨¤ 60 ans, se dirigent ¨¤ l¡¯aube vers le pied des falaises o¨´ la t?che ardue de r¨¦colte des coquillages les attend. Sur la route allant vers les falaises, qui s¡¯¨¦tendent sur plus de 20 km, un panneau rudimentaire autorise la r¨¦colte de fruits de mer. Le trajet de 10 km dure pr¨¨s de deux heures dans les deux sens, mais leur espoir de rentrer chez elles avec une bonne r¨¦colte est in¨¦branlable.

? Avec une lame fine et un couteau, je gratte la roche tout en respectant et en prot¨¦geant l¡¯habitat de l¡¯esp¨¨ce ?, explique Fatima Azdoud, vice-pr¨¦sidente de la coop¨¦rative Mahar Assahel, cr¨¦¨¦e en 2019 afin de soutenir les femmes p¨ºcheuses locales et de faire conna?tre leurs besoins, tels que la mise ¨¤ leur disposition de moyens de transport ainsi que d¡¯un espace de travail ¨¤ proximit¨¦ de la mer. ? En quelques minutes, mon panier commence ¨¤ se remplir. ?

Une fois les coquillages r¨¦colt¨¦s, ils sont nettoy¨¦s, cuits et s¨¦ch¨¦s au soleil avant d¡¯¨ºtre propos¨¦s ¨¤ la vente le long de la route. Selon leur disponibilit¨¦, les femmes peuvent gagner entre 200 et 300 dirhams (21 et 31 dollars) par mois, le demi-kilo se n¨¦gociant au prix de 40 dirhams (4 dollars). Bien que les coquillages soient plus abondants de mai ¨¤ juillet, le fait qu¡¯ils sont relativement s¨¦dentaires et que leur r¨¦colte est possible toute l¡¯ann¨¦e signifie qu¡¯il s¡¯agit d¡¯une source de revenu fiable pour les femmes p¨ºcheuses.

? Les revenus sont modestes, mais ils nous permettent de compl¨¦ter le revenu mensuel pour acheter de la nourriture ?, explique Fatima Azdoud, qui a 28 ans et est pr¨¦sidente de la coop¨¦rative. Il s¡¯agit ¨¦galement d¡¯une bonne source de nourriture, riche en prot¨¦ines, pour leurs familles.

Quelle que soit la p¨¦riode consid¨¦r¨¦e, la r¨¦colte de fruits de mer est un travail difficile et p¨¦nible, compte tenu de la dur¨¦e des jours de travail et des risques auxquels les femmes p¨ºcheuses sont expos¨¦es. Chaque jour, pendant des p¨¦riodes de plus de cinq heures, elles sont couvertes d¡¯eau de mer et font face ¨¤ des blessures dues au d¨¦placement autour des roches et aux bords tranchants des coquilles. Les risques sont ¨¦lev¨¦s, jusqu¡¯¨¤ l¡¯¨¦ventualit¨¦ d¡¯¨ºtre entra?n¨¦es dans l¡¯oc¨¦an lorsque la mar¨¦e est haute.

? Nous n¡¯avons pas le choix ?, confie Fatima Azdoud. ? Cela fait tr¨¨s longtemps que nos m¨¨res et nos grands-m¨¨res ont fait ce m¨¦tier. C¡¯est ce ¨¤ quoi nous avons ¨¦t¨¦ familiaris¨¦es d¨¨s notre plus jeune ?ge. ?

Pour les femmes p¨ºcheuses telles que Fatima Azdoud, cette relation ¨¦troite avec les coquillages qui se transmet de g¨¦n¨¦ration en g¨¦n¨¦ration devient un ensemble de connaissances historiques et naturalistes qui leur permet d¡¯¨¦valuer leur environnement et d¡¯identifier la fa?on dont il change en vue d¡¯optimiser leur travail. Toutefois, au cours des dix derni¨¨res ann¨¦es, les habitantes de Tiguert ont observ¨¦ la perturbation des ¨¦cosyst¨¨mes et des organismes marins due aux changements climatiques. En cons¨¦quence, elles ont int¨¦gr¨¦ des pratiques durables dans leur travail quotidien en vue de prot¨¦ger l¡¯environnement, tout en obtenant une source de revenu pour subvenir aux besoins de leur famille. Par exemple, au lieu d¡¯utiliser du bois de chauffage forestier pour cuire les crustac¨¦s, de nombreuses femmes optent maintenant pour des fours solaires.

? Nous devons changer notre fa?on de travailler en utilisant les technologies modernes permettant de respecter l¡¯environnement, de pr¨¦server les ressources, d¡¯optimiser notre performance technique et ¨¦conomique, ainsi que d¡¯¨¦conomiser l¡¯eau et les ressources en bois tout en nous adaptant aux changements climatiques ?, explique Fatima Azdoud. ? [De cette fa?on, nous pouvons] nous rapprocher des exigences de la communaut¨¦ et des besoins du march¨¦ vert et durable. ?

Pour r¨¦pondre ¨¤ ces besoins, ONU Femmes place les femmes p¨ºcheuses au centre de tout effort d¡¯adaptation, d¡¯att¨¦nuation et de gestion des risques li¨¦s aux catastrophes naturelles, tout en am¨¦liorant leur vie et leur r¨¦silience. Cela comprend la r¨¦alisation d¡¯une ¨¦conomie de la p¨ºche respectueuse du climat. Dans le cadre de ce travail, ONU Femmes a fourni aux femmes p¨ºcheuses du mat¨¦riel ¨¦cologique et sanitaire con?u pour la r¨¦colte et ¨¦galement pour assurer le retour des jeunes coquillages dans leur habitat afin de r¨¦duire leur perte entra?n¨¦e par une p¨ºche non s¨¦lective. En outre, ONU Femmes a ¨¦galement fourni aux femmes p¨ºcheuses des combinaisons de p¨ºche en n¨¦opr¨¨ne, renforc¨¦es au niveau des genoux et des coudes pour les prot¨¦ger contre les blessures mineures et aider ¨¤ maintenir leur temp¨¦rature corporelle.

? Le projet a cibl¨¦ l¡¯am¨¦lioration des capacit¨¦s de 650 femmes p¨ºcheuses en mati¨¨re de leadership, d¡¯esprit entrepreneurial et de connaissances sur les pratiques de gestion durable de la p¨ºche, ainsi que leur r¨¦silience financi¨¨re. Elles ont appris les techniques modernes de transformation des produits de la mer et la compr¨¦hension de leur r?le dans la protection des ressources halieutiques ?, d¨¦clare Leila Rhiwi, Repr¨¦sentante d¡¯ONU Femmes au Maroc. ? Au-del¨¤ des retomb¨¦es ¨¦conomiques, l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes et la participation des femmes p¨ºcheuses sont des conditions n¨¦cessaires pour une soci¨¦t¨¦ ouverte, inclusive et solidaire. ?

En juillet 2021, ONU Femmes, en collaboration avec le D¨¦partement des p¨ºches maritimes et avec le soutien financier du gouvernement du Japon, a organis¨¦ un atelier sur la p¨ºche durable dans le village c?tier de Oualidia. Parmi les sujets abord¨¦s figuraient les m¨¦thodes de r¨¦colte saines, les zones de p¨ºche autoris¨¦es et les p¨¦riodes de repos biologique, le tout dans le but d¡¯assurer la pr¨¦servation de ces ressources naturelles pour les g¨¦n¨¦rations futures. Fatima Azdoud, qui ¨¦tait l¡¯une des participantes ¨¤ cet atelier, a partag¨¦ les connaissances qu¡¯elle a acquises aupr¨¨s des femmes p¨ºcheuses de la coop¨¦rative.

? De nombreuses femmes p¨ºcheuses n¡¯omettent pas de dire au revoir ¨¤ leurs proches [avant de se diriger vers les falaises], appr¨¦hendant l¡¯¨¦ventualit¨¦ de ne pas rentrer chez elles ?, confie Fatima Azdoud. Pour elle, la mer est source de joie et de trag¨¦die, mais aussi d¡¯autonomie ¨¦conomique. ? Malgr¨¦ [les difficult¨¦s ¨¤ surmonter], pour ces femmes, l¡¯appel de la mer est un imp¨¦ratif de survie ainsi qu¡¯une voie vers la libert¨¦. ?

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