30 mai 2017

Au cours des ann¨¦es, les activit¨¦s humaines men¨¦es dans les oc¨¦ans et ¨¤ proximit¨¦ ont augment¨¦ de mani¨¨re exponentielle, entra?nant de graves cons¨¦quences pour l¡¯¨¦tat de notre environnement marin. Les scientifiques constatent que les changements sont plus importants et plus rapides et que la sant¨¦ des oc¨¦ans se d¨¦grade plus rapidement que pr¨¦vu. Aujourd¡¯hui, le d¨¦fi est celui que pose le changement climatique et il n¡¯existe aucune zone des oc¨¦ans qui ne soit pas affect¨¦e par l¡¯influence humaine. Certaines zones, particuli¨¨rement celles situ¨¦es pr¨¨s des grands centres de population, subissent de multiples pressions. Les menaces auxquelles font face les oc¨¦ans sont nombreuses. Elles comprennent les pratiques de p¨ºche non durables et destructrices; la p¨ºche illicite et non d¨¦clar¨¦e; la pollution d¡¯origine terrestre et celle li¨¦e ¨¤ l¡¯activit¨¦ des navires; la destruction des habitats; l¡¯introduction d¡¯esp¨¨ces envahissantes?; le bruit en milieu marin; les collisions entre les c¨¦tac¨¦s et les navires; l¡¯exploitation mini¨¨re; et l¡¯extraction du p¨¦trole et du gaz. Ces effets n¨¦fastes s¡¯ajoutent ¨¤ d¡¯autres probl¨¨mes, comme l¡¯acidification et le r¨¦chauffement des oc¨¦ans, la modification des courants oc¨¦aniques, le m¨¦lange r¨¦duit des eaux oc¨¦aniques et une d¨¦soxyg¨¦nation accrue. Alors que les ¨¦cosyst¨¨mes marins et les esp¨¨ces marines pourraient r¨¦sister ¨¤ un type d¡¯effet ou ¨¤ l¡¯intensit¨¦ d¡¯un effet, ils sont beaucoup plus fragilis¨¦s lorsque ces effets sont cumul¨¦s.

L¡¯impact total est souvent sup¨¦rieur ¨¤ la somme des ¨¦l¨¦ments qui le composent. Le d¨¦clin de la sant¨¦ des oc¨¦ans a de graves cons¨¦quences sur les populations, leurs moyens de subsistance et l¡¯¨¦conomie mondiale, les communaut¨¦s les plus pauvres qui d¨¦pendent des ressources oc¨¦aniques ¨¦tant souvent les plus touch¨¦es.

Les multiples pressions exerc¨¦es sur les oc¨¦ans ont une r¨¦elle incidence sur le niveau d¡¯efficacit¨¦ de la gouvernance. Dans de nombreux pays ainsi que dans les eaux internationales, la gouvernance des zones marines et c?ti¨¨res est principalement sectorielle?: les agences des p¨ºches r¨¦glementent les prises de p¨ºche; les organismes environnementaux s¡¯occupent de la pr¨¦vention de la pollution; et d¡¯autres institutions sp¨¦cialis¨¦es r¨¦glementent le transport, l¡¯exploitation mini¨¨re et l¡¯extraction du p¨¦trole et du gaz. Les strat¨¦gies et les politiques en mati¨¨re de biodiversit¨¦ et d¡¯environnement, de p¨ºche, de changement climatique et de r¨¦duction de la pauvret¨¦ sont souvent ¨¦labor¨¦es et mises en ?uvre par divers organismes. L¨¤ r¨¦side le probl¨¨me. Les effets cumul¨¦s?ne peuvent pas ¨ºtre efficacement g¨¦r¨¦s de mani¨¨re isol¨¦e. Face aux multiples facteurs de stress, il faut promouvoir une gestion int¨¦gr¨¦e, ce qui signifie que nous devons adopter de toute urgence une approche plus globale ¨¤ la gouvernance des oc¨¦ans.?La gestion sectorielle traditionnelle ne permettra pas de lutter contre leur d¨¦gradation croissante. On consid¨¨re aujourd¡¯hui que l¡¯une des questions les plus importantes en mati¨¨re d¡¯¨¦cologie marine consiste ¨¤ comprendre les interactions et les effets cumulatifs des multiples facteurs de stress et ¨¤ les g¨¦rer.

La situation est notamment compliqu¨¦e par le fait que l¡¯environnement marin est g¨¦n¨¦ralement consid¨¦r¨¦ comme ? un bien public ? et, de fait, les zones ne relevant pas de la juridiction nationale sont qualifi¨¦es de biens communs plan¨¦taires. Les syst¨¨mes de propri¨¦t¨¦ coutumi¨¨re des zones marines qui existent, par exemple, dans de nombreux pays du Pacifique Sud et au Japon sont une exception, la plupart des zones oc¨¦aniques ¨¦tant libres d¡¯acc¨¨s.?Ce manque d¡¯appropriation peut se traduire par une ? trag¨¦die des biens communs ? et une attitude qui consiste ¨¤ ignorer le probl¨¨me, entra?nant la d¨¦gradation de la biodiversit¨¦ dans ces zones. Un ¨¦l¨¦ment important pour faire avancer la gouvernance des oc¨¦ans consiste donc ¨¤ faire prendre conscience ¨¤ la fois aux d¨¦cideurs et au grand public que toute l¡¯humanit¨¦ d¨¦pend des oc¨¦ans pour sa survie et que nous sommes donc tous des parties prenantes du secteur maritime.

Du point de vue de la gouvernance, les zones marines ne relevant pas de la juridiction nationale pr¨¦sentent des d¨¦fis particuliers. M¨ºme si l¡¯on prend conscience de la n¨¦cessit¨¦ d¡¯adopter des approches int¨¦gr¨¦es et coh¨¦rentes pour faire face aux multiples menaces auxquelles sont confront¨¦s?les oc¨¦ans, d¡¯une part, aucun ?tat, aucune organisation ni aucune autre institution n¡¯assume la responsabilit¨¦ g¨¦n¨¦rale de la gestion de ces zones et, d¡¯autre part, la r¨¦glementation actuelle et les m¨¦canismes institutionnels, ¨¤ l¡¯exception de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, sont de nature sectorielle. La d¨¦cision de l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale des Nations Unies, par sa r¨¦solution 69/292 d¡¯¨¦tablir un comit¨¦ pr¨¦paratoire afin de faire des recommandations sur les ¨¦l¨¦ments d¡¯un projet d¡¯instrument international juridiquement contraignant se rapportant ¨¤ la Convention sur le droit de la mer en mati¨¨re de conservation et d¡¯utilisation de la biodiversit¨¦ marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, offre une occasion d¡¯am¨¦liorer consid¨¦rablement la gouvernance des oc¨¦ans.

Alors que tout le monde s¡¯accorde pour dire qu¡¯une approche ¨¦cosyst¨¦mique est n¨¦cessaire pour am¨¦liorer la gouvernance des oc¨¦ans, son application est encore limit¨¦e. Cela est en partie d? ¨¤ des ?difficult¨¦s consid¨¦rables de mise en ?uvre, y compris la disponibilit¨¦ des informations appropri¨¦es ainsi que le manque d¡¯outils analytiques et scientifiques pour soutenir le processus. Cela peut aussi ¨ºtre d?, en partie, ¨¤ une compr¨¦hension limit¨¦e de ce que signifie une approche ¨¦cosyst¨¦mique, y compris ses dispositions pr¨¦voyant une importante participation de toutes les parties prenantes. Il existe de nombreuses approches de ce type, y compris celles utilis¨¦es par la Convention sur la diversit¨¦ biologique et l¡¯Organisation des Nations Unies pour l¡¯alimentation et l¡¯agriculture, qui sont tr¨¨s compatibles. En pratique, les approches ¨¦cosyst¨¦miques les plus mises en ?uvre incluent la gestion int¨¦gr¨¦e des zones c?ti¨¨res et celle des ressources en eau, parfois appel¨¦e la gestion des bassins fluviaux. Bien qu¡¯elles ne soient pas formellement appel¨¦es ? approches ¨¦cosyst¨¦miques ?, elles adoptent un syst¨¨me global ou int¨¦gr¨¦ comme base ¨¤ la planification et ¨¤ la gestion. De plus, de nombreux syst¨¨mes de gestion autochtones s¡¯appuient sur une conception globale et int¨¦gr¨¦e des liens entre tous les organismes vivants et leur environnement et sont donc aussi l¡¯expression d¡¯une telle approche.

De nombreux outils et de nombreuses strat¨¦gies peuvent ¨ºtre utilis¨¦s pour appliquer une approche ¨¦cosyt¨¦mique ¨¤ la gestion des activit¨¦s humaines dans l¡¯oc¨¦an et les zones c?ti¨¨res, comme la classification bior¨¦gionale, les syst¨¨mes de zones marines prot¨¦g¨¦es ou g¨¦r¨¦es, le zonage de l¡¯oc¨¦an et la gestion des p¨ºches. L¡¯¨¦valuation de l¡¯impact sur l¡¯environnement et l¡¯¨¦valuation strat¨¦gique environnementale garantissent que les activit¨¦s propos¨¦es n¡¯aggravent pas la d¨¦gradation environnementale. D¡¯une mani¨¨re g¨¦n¨¦rale, un d¨¦fi majeur demeure?: int¨¦grer les approches de la gestion existantes par secteurs dans un plan g¨¦n¨¦ral ayant l¡¯approche ¨¦cosyst¨¦mique pour cadre de r¨¦f¨¦rence. La planification spatiale marine peut aider les pays ¨¤ mener ¨¤ bien cette t?che et est de plus en plus populaire. Elle permet? d¡¯int¨¦grer les activit¨¦s humaines sans porter atteinte ¨¤ la conservation. Similaire ¨¤ la gestion int¨¦gr¨¦e des zones c?ti¨¨res, elle permet la mise en ?uvre d¡¯une approche syst¨¦mique fond¨¦e sur un processus de planification associant toutes les parties prenantes. Celles-ci peuvent donc exposer leur id¨¦e pour une zone; d¨¦terminer o¨´ les activit¨¦s humaines (notamment la production d¡¯¨¦nergie en mer, les transports, la?p¨ºche, l¡¯aquaculture, le tourisme, l¡¯exploitation mini¨¨re ainsi que d¡¯autres activit¨¦s) se d¨¦roulent et o¨´ il serait souhaitable qu¡¯elles aient lieu ¨¤ l¡¯avenir; et identifier les conflits r¨¦els et potentiels entre les diff¨¦rentes utilisations de l¡¯oc¨¦an ainsi que les activit¨¦s humaines et les r¨¦sultats souhait¨¦s en mati¨¨re de conservation. Le plan spatial peut permettre une utilisation durable des ressources tout en conservant des zones sp¨¦cifiques au moyen de zones prot¨¦g¨¦es marines et d¡¯autres mesures appropri¨¦es de mani¨¨re ¨¤ ¨¦viter les conflits ¨¦ventuels.

En adoptant ces approches, il est important de garder ¨¤ l¡¯esprit que les oc¨¦ans sont li¨¦s par le mouvement des masses d¡¯eau, la migration des esp¨¨ces et la dispersion des larves. Bien que les zones ¨¦conomiques exclusives des pays soient juridiquement des entit¨¦s distinctes ne relevant pas de la juridiction nationale, elles sont li¨¦es ¨¦cologiquement et biologiquement. La gouvernance dans le contexte d¡¯une approche ¨¦cosyt¨¦mique devra donc aussi tenir compte des ¨¦cosyst¨¨mes et des esp¨¨ces qui franchissent les fronti¨¨res politiques. Cette approche sera non seulement b¨¦n¨¦fique pour les ressources halieutiques et les esp¨¨ces migratoires, mais aussi pour les communaut¨¦s c?ti¨¨res, en particulier dans les pays en d¨¦veloppement pour qui ces esp¨¨ces et ces ¨¦cosyst¨¨mes ont une importance ¨¦conomique, sociale et culturelle.

Les solutions qui visent ¨¤ am¨¦liorer la gouvernance des oc¨¦ans interconnect¨¦s doivent inclure deux ¨¦l¨¦ments?: (i) soutenir le bon fonctionnement des syst¨¨mes de gestion des zones c?ti¨¨res d¨¦j¨¤ mis en place par les communaut¨¦s et s¡¯appuyer sur eux, ce qui peut inclure les syst¨¨mes de gestion marine traditionnelle des populations autochtones et des communaut¨¦s locales fond¨¦s enti¨¨rement ou en partie sur les savoirs traditionnels; et (i) assurer la protection et une meilleure gestion des esp¨¨ces importantes et de leurs habitats sur les plans ¨¦conomique, social et culturel dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale en faisant face aux menaces ¨¤ la fois uniques et cumulatives et en utilisant des outils comme la pr¨¦vention des prises accessoires, l¡¯am¨¦lioration de la gestion des p¨ºches et la pr¨¦vention des collisions de navires ainsi que la mise en??uvre de nouvelles techniques dynamiques pour les zones marines prot¨¦g¨¦es et les outils de gestion par zone.

De nombreux enseignements pourraient ¨ºtre tir¨¦s de la gestion c?ti¨¨re et des efforts des communaut¨¦s c?ti¨¨res; ils sont transf¨¦rables et pourraient am¨¦liorer la gestion des activit¨¦s humaines dans les ¨¦cosyst¨¨mes des oc¨¦ans partout dans le monde. Ils comprennent la mise en place de m¨¦canismes pour assurer une coordination et une collaboration efficaces entre les institutions sectorielles et les niveaux du gouvernement; le renforcement de la confiance et une plus grande participation des parties prenantes de fa?on ¨¤ ce que tout le monde puisse faire entendre sa voix, m¨ºme ceux qui ne participent g¨¦n¨¦ralement pas aux processus de gestion; et la prise en compte dans la gestion des meilleures donn¨¦es scientifiques disponibles, y compris les savoirs traditionnels, en particulier l¨¤ o¨´ ces donn¨¦es sont incompl¨¨tes. Ces enseignements ont aussi trait ¨¤ la question du? partage ¨¦quitable des co?ts et des avantages de la conservation et de la gestion afin que les communaut¨¦s c?ti¨¨res n¡¯assument pas un fardeau disproportionn¨¦, par exemple, lors de l¡¯¨¦tablissement d¡¯une zone marine prot¨¦g¨¦e.

?L¡¯objectif de d¨¦veloppement durable 14 et ses cibles offrent une occasion de placer la gouvernance des oc¨¦ans au centre du dialogue mondial sur le d¨¦veloppement durable. Il s¡¯agit non seulement d¡¯une occasion d¡¯¨¦changer des id¨¦es, mais aussi de r¨¦unir les parties prenantes du secteur maritime et de parvenir ¨¤ un accord sur une nouvelle feuille de route pour une gouvernance des oc¨¦ans plus efficace qui peut ¨ºtre b¨¦n¨¦fique pour les ¨¦cosyst¨¨mes ainsi que pour les populations et leurs moyens de subsistance. Pour y parvenir, une prise de conscience est n¨¦cessaire, soutenue par l¡¯adoption d¡¯une approche ¨¦cosyt¨¦mique globale, int¨¦gr¨¦e dans la gestion de toutes les activit¨¦s humaines ayant un impact sur les oc¨¦ans.?

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