14 ao?t 2016

En 2010, des panneaux d¡¯affichage ont ¨¦t¨¦ install¨¦s ¨¤ Tbilissi, la capitale de la G¨¦orgie, sur lesquels des vedettes du rugby, le sport le plus populaire dans le pays, appelaient la soci¨¦t¨¦ ¨¤ lutter contre la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et des filles. La violence familiale et la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et des filles ¨¦tant des questions taboues en G¨¦orgie et n¡¯¨¦tant pas ouvertement d¨¦battues, le message a cr¨¦¨¦ un effet de surprise et m¨ºme un choc. Il ¨¦tait particuli¨¨rement surprenant que des joueurs de rugby, g¨¦n¨¦ralement per?us comme des repr¨¦sentants de l¡¯un des sports masculins les plus violents, s¡¯expriment sur ce sujet.

La campagne de sensibilisation innovante a d¨¦bouch¨¦ sur la cr¨¦ation d¡¯un partenariat entre l¡¯Entit¨¦ des Nations Unies pour l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes et l¡¯autonomisation des femmes (ONU-Femmes) et la F¨¦d¨¦ration de rugby de G¨¦orgie. Lorsque les joueurs de rugby ont pris connaissance de cette situation inqui¨¦tante dans leur pays, ils ont imm¨¦diatement fait part de leur volont¨¦ de s¡¯attaquer au probl¨¨me. L¡¯id¨¦e d¡¯un premier projet commun ¨¦tait n¨¦e. En mars 2012, des dizaines de milliers de fans qui assistaient ¨¤ un match entre l¡¯¨¦quipe nationale de G¨¦orgie et celle de Russie dans l¡¯un des plus grands stades de Tbilissi ont ¨¦t¨¦ les premiers ¨¤ entendre l¡¯annonce suivante?: ? Ce match est d¨¦di¨¦ ¨¤ la campagne Tous unis pour mettre fin ¨¤ la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes, lanc¨¦e par le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies. ?

? l¡¯¨¦poque, cette question, et la violence familiale en particulier, ¨¦taient per?ues par une grande partie de la soci¨¦t¨¦ g¨¦orgienne comme une ? affaire de famille ?. On pensait que la soci¨¦t¨¦ devait rester en dehors. En 2009, 78,3 % de la population partageait ce point de vue1. Les victimes h¨¦sitaient ¨¤ porter plainte, m¨ºme pour les cas de violence graves. La situation a chang¨¦. Selon une ¨¦tude r¨¦alis¨¦e par ONU-Femmes en 2013, seulement 25 % des G¨¦orgiens interrog¨¦s continuaient de penser que la violence familiale ¨¦tait une affaire de famille, tandis que 69 % consid¨¦raient qu¡¯elle ¨¦tait un crime2.

En association avec les organismes gouvernementaux pertinents, les organisations internationales et non gouvernementales, les m¨¦dias et d¡¯autres acteurs, la campagne de sensibilisation ¨¤ laquelle ont particip¨¦ les joueurs de rugby g¨¦orgiens a contribu¨¦ de mani¨¨re positive ¨¤ ce changement. Le rugby ¨¦tant un sport tr¨¨s populaire en G¨¦orgie et les joueurs ¨¦tant les athl¨¨tes les plus respect¨¦s, leur exemple rev¨ºt une grande importance pour les homme et les gar?ons.

L¡¯appel lanc¨¦ a ¨¦t¨¦ suivi par des vid¨¦os, dans lesquelles les joueurs de rugby condamnaient la violence ¨¤ l'¨¦gard des femmes et des filles, qui ont ¨¦t¨¦ regard¨¦es par des millions de personnes ¨¤ la t¨¦l¨¦vision et dans les m¨¦dias sociaux. La campagne avait pour but de sensibiliser les hommes et les gar?ons ¨¤ la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et des filles et de promouvoir une tol¨¦rance z¨¦ro pour ces actes. Ensuite, les joueurs ont rencontr¨¦ des jeunes hommes et des gar?ons dans tout le pays. Les discussions ont d¡¯abord port¨¦ sur le sport et les r¨¨gles tacitement admises : le rugby est un sport de gentlemen fond¨¦ sur des principes d¡¯¨¦galit¨¦, de respect mutuel et de soutien. C¡¯est une grande famille dans laquelle tout le monde est ¨¦gal; l¡¯¨¦galit¨¦ est un mode de vie pour tous les joueurs. Puis, les joueurs ont transmis des messages promouvant une tol¨¦rance z¨¦ro pour la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et des filles. Les rencontres se concluaient g¨¦n¨¦ralement par une formation au rugby et une distribution d¡¯articles de rugby portant les messages de la campagne.

Ces rencontres attirent un grand nombre de jeunes hommes et de gar?ons et, souvent aussi, des adultes et des personnes ?g¨¦es. Parfois, surtout dans les r¨¦gions o¨´ le probl¨¨me est tr¨¨s s¨¦rieux, les participants sont initialement en d¨¦saccord avec les joueurs. Mais ils arrivent finalement ¨¤ prendre conscience du probl¨¨me et condamnent ces pratiques.

? En G¨¦orgie, tout le monde aime le rugby et respecte les joueurs. C¡¯est pourquoi il est important d¡¯utiliser l¡¯autorit¨¦ et le respect dont ils jouissent pour former la jeune g¨¦n¨¦ration dans un environnement juste assurant l¡¯¨¦galit¨¦ des chances pour tous, ¨¤ l¡¯abri de la violence ?, souligne Lekso Gugava, un membre de l¡¯¨¦quipe nationale de rugby g¨¦orgienne, surnomm¨¦e ? les Lelos ?.

En plus des rencontres organis¨¦es r¨¦guli¨¨rement avec les jeunes hommes et les gar?ons, il est d¨¦sormais de coutume que les Lelos consacrent plusieurs matchs internationaux par an ¨¤ la cause de l¡¯¨¦limination de la violence ¨¤ l'¨¦gard des femmes et des filles.? Milton Haig, l¡¯entra?neur des Lelos, est l¡¯un des principaux d¨¦fenseurs de cette cause. ? Chacun d¡¯entre nous, les Lelos, les entra?neurs ou les membres de la grande famille du rugby, est fier de porter des tee-shirts arborant le message de cette campagne condamnant la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et des filles. C¡¯est une fa?on de montrer que nous soutenons cette initiative. Cette question concerne tout le monde et est, tout simplement, inacceptable ?, indique-t-il.

Dans le cadre de ce soutien, la F¨¦d¨¦ration de rugby de G¨¦orgie, en coop¨¦ration avec ONU-Femmes, a mis au point un manuel sp¨¦cial destin¨¦ aux entra?neurs de rugby pour les aider ¨¤ inculquer aux jeunes les principes de l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes et l¡¯inadmissibilit¨¦ de la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et des filles ainsi que les valeurs du rugby. Ces questions font partie du programme d¡¯octroi de la licence qui est obligatoire pour les entra?neurs.

Il y a deux ans, les joueurs de rugby g¨¦orgiens ont ¨¦galement d¨¦cid¨¦ de d¨¦fendre l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes. En 2014, suite au lancement de la campagne ? He for She ?, un mouvement de solidarit¨¦ pour l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes, les Lelos ont exprim¨¦ leur soutien en d¨¦diant leur match contre le Japon ¨¤ la campagne, en pr¨¦sence de 52 000 fans. Ce jour-l¨¤, une autre tradition ¨¦tait n¨¦e ¨C des fillettes ont accompagn¨¦ les joueurs sur le terrain avant le coup d¡¯envoi pour chanter l¡¯hymne national, tradition qui, ¨¤ la grande surprise des fans, a ¨¦t¨¦ largement reprise par les m¨¦dias conventionnels et sociaux. Une id¨¦e pour une nouvelle campagne ¨¦tait donc n¨¦e. Une vid¨¦o a ¨¦t¨¦ diffus¨¦e sur les m¨¦dias sociaux montrant des fillettes accompagner de nouveau les Lelos sur le terrain, mais cette fois, soutenant les joueurs pour la Coupe mondiale de rugby de 2015. ? Mon ¨¦quipe me soutient?! ? pouvait-on lire sur les panneaux d¡¯affichage install¨¦s dans tout le pays, un slogan exhortant la soci¨¦t¨¦ ¨¤ r¨¦fl¨¦chir aux st¨¦r¨¦otypes li¨¦s ¨¤ la masculinit¨¦. C¡¯¨¦tait un geste de solidarit¨¦ envers l¡¯¨¦galit¨¦ et une nouvelle initiative des joueurs de rugby pour soutenir l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes et condamner la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et des filles.

? Il est essentiel que les hommes se penchent sur ce probl¨¨me parce qu¡¯il nous concerne autant que les femmes. C¡¯est pourquoi il faut que le plus d¡¯hommes possible prennent part ¨¤ ce mouvement ?, estime Sandro Nijharadze, un joueur de rugby. Peu apr¨¨s, d¡¯autres athl¨¨tes ont suivi l¡¯exemple des joueurs de rugby et se sont joints ¨¤ la campagne. Giga Chikadze, un champion du monde de boxe orientale, ainsi que des joueurs de football g¨¦orgiens, ont ouvertement soutenu la cause et organis¨¦ des rencontres avec des jeunes hommes et des gar?ons dans l¡¯ensemble du pays.

En 2016, les joueurs de rugby ont pris l¡¯initiative de mettre fin ¨¤ la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et des filles au-del¨¤ des fronti¨¨res de leur pays. Le club de football espagnol de Valence et ONU-Femmes ont r¨¦cemment lanc¨¦ un partenariat pour promouvoir l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes par le biais du sport. Nodar Andguladze, un ancien joueur de rugby et un Conseiller d¡¯ONU-Femmes sur le sport et les jeunes a ¨¦t¨¦ invit¨¦ ¨¤ partager son exp¨¦rience avec les athl¨¨tes espagnols.

Les Lelos, qui ont particip¨¦ au tournoi Oceania sur les ?les Samoa en juin 2016, ont ¨¦t¨¦ invit¨¦s par le bureau local d¡¯ONU-Femmes ¨¤ rencontrer des ¨¦tudiants de l¡¯Avele College. Cet ¨¦tablissement a ¨¦t¨¦ choisi parce que de nombreux incidents violents y ont r¨¦cemment eu lieu, dont certains ont exig¨¦ l¡¯intervention des forces de l¡¯ordre. Il est important de noter que, comme en G¨¦orgie, le rugby y est le sport le plus populaire et que les joueurs jouissent d¡¯un tr¨¨s grand respect.

? Toute violence, en particulier la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et des filles est inacceptable. Pour nous, joueurs de rugby, combattre la violence est un devoir et j¡¯esp¨¨re que vous aussi nous rejoindrez bient?t ?, a dit Nodar Andguladze aux 550 ¨¦tudiants pr¨¦sents avec les Lelos?¨¤ Avele. Les joueurs de rugby ont ¨¦voqu¨¦ les valeurs du rugby et, par l¡¯exemple donn¨¦ par l¡¯?quipe de la F¨¦d¨¦ration nationale de rugby de G¨¦orgie, ont soulign¨¦ le r?le important que le sport peut jouer pour mettre fin ¨¤ la violence ¨¤ l'¨¦gard des femmes et des filles.

Les ¨¦quipes nationales de rugby d¡¯autres pays ont aussi partag¨¦ l¡¯exp¨¦rience des Lelos. Le 25 juin 2016, le match de qualification entre les Samoa et les Tongas pour la prochaine Coupe du monde de rugby? de 2019 a ¨¦t¨¦ d¨¦di¨¦ ¨¤ la campagne Tous unis pour mettre fin ¨¤ la violence ¨¤ l¡¯¨¦gard des femmes et a ¨¦t¨¦ vu par 6 millions de personnes dans le monde.

L¡¯initiative r¨¦ussie des joueurs de rugby g¨¦orgiens s¡¯¨¦tend peu ¨¤ peu au-del¨¤ de la G¨¦orgie et les Lelos esp¨¨rent que le rugby unira les peuples du monde autour de cette cause.

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Notes

1 Marine Chitashvili et coll., ? National research on domestic?violence against women in Georgia ?, rapport final (Tbilissi, Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), 2010), p. 37. Disponible sur le site?.

2 Nana Sumbadze, ? Study of the perceptions and attitudes towards?violence against women and domestic violence in Tbilisi, Kakheti?and Samegrelo-Zemo Svaneti regions of Georgia (2013) ?, rapport (Tbilissi,ONU-Femmes, 2014), p. 59. Disponible sur le site

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