20 mars 2020¡ª Nous sommes confront¨¦s ¨¤ une crise sanitaire plan¨¦taire comme l¡¯Organisation des Nations Unies n¡¯en a jamais connue en 75 ans d¡¯histoire ¨C une crise qui propage la souffrance dans toute l¡¯humanit¨¦, met en p¨¦ril l¡¯¨¦conomie mondiale et bouleverse la vie de tout un chacun.

Une r¨¦cession mondiale, peut-¨ºtre d¡¯une ampleur record, est quasi certaine.

L¡¯Organisation internationale du Travail vient d¡¯annoncer qu¡¯¨¤ l¡¯¨¦chelle de la plan¨¨te, les travailleurs pourraient perdre jusqu¡¯¨¤ 3,4 trillions de dollars de revenus d¡¯ici la fin de l¡¯ann¨¦e.

Cette crise est avant tout une crise humaine qui fait appel ¨¤ notre solidarit¨¦.

La famille humaine est en proie ¨¤ l¡¯angoisse et le tissu social se d¨¦chire. Les gens souffrent, sont malades, ont peur.

Les mesures prises au niveau national ne permettront pas de rem¨¦dier ¨¤ la crise, dont l¡¯ampleur et la complexit¨¦ ont un caract¨¨re international.

L¡¯heure exige que les grandes ¨¦conomies de la plan¨¨te m¨¨nent une action coordonn¨¦e, d¨¦cisive et innovante. Nous devons reconna?tre que les pays les plus pauvres et les personnes les plus vuln¨¦rables ¨C en particulier les femmes ¨C seront les plus durement touch¨¦s.

Je me f¨¦licite que les dirigeants du G20 aient d¨¦cid¨¦ de tenir un sommet d¡¯urgence la semaine prochaine pour r¨¦pondre aux d¨¦fis prodigieux pos¨¦s par la pand¨¦mie de COVID-19 et je me r¨¦jouis d¡¯y participer.

Le message principal que je souhaite transmettre est clair : dans cette situation sans pr¨¦c¨¦dent, les r¨¨gles normales ne s¡¯appliquent plus. Il ne sert ¨¤ rien de recourir aux outils ordinaires dans une p¨¦riode aussi extraordinaire.

Face ¨¤ cette crise unique, nous devons faire preuve de cr¨¦ativit¨¦, et l¡¯effort de lutte doit ¨ºtre proportionnel ¨¤ la gravit¨¦ de la situation.

Le monde est devant un ennemi commun. Nous sommes en guerre contre un virus.

Le COVID-19 tue des gens tout en frappant au c?ur l¡¯¨¦conomie r¨¦elle, ¨¤ savoir le commerce, les cha?nes d¡¯approvisionnement, les entreprises, les emplois. Des villes et des pays entiers sont confin¨¦s. On ferme les fronti¨¨res. Les entreprises luttent pour leur survie et les familles ont le plus grand mal ¨¤ s¡¯adapter.

Toutefois, en nous obligeant ¨¤ agir, cette crise nous offre une occasion unique. Si nous prenons les mesures qu¡¯il faut, la reprise pourrait emprunter une voie plus durable et plus inclusive. Mais si les politiques sont mal coordonn¨¦es, les in¨¦galit¨¦s d¨¦j¨¤ insoutenables risquent de s¡¯enraciner et de s¡¯aggraver encore, et les gains durement acquis en mati¨¨re de d¨¦veloppement et dans la lutte contre la pauvret¨¦ seront r¨¦duits ¨¤ n¨¦ant.

Je demande aux dirigeants du monde entier d¡¯unir leurs forces et d¡¯agir de toute urgence et de fa?on coordonn¨¦e face ¨¤ cette crise plan¨¦taire.

Je distingue trois grands domaines d¡¯action.

D¡¯ABORD, FAIRE FACE ? L¡¯URGENCE SANITAIRE

De nombreux pays ne sont d¨¦j¨¤ plus en mesure de prendre en charge m¨ºme les cas b¨¦nins dans leurs ¨¦tablissements de sant¨¦ sp¨¦cialis¨¦s, beaucoup ¨¦tant incapables de r¨¦pondre aux ¨¦normes besoins des personnes ?g¨¦es.

M¨ºme dans les pays les plus riches, les syst¨¨mes de sant¨¦ c¨¨dent sous la pression.

Les d¨¦penses de sant¨¦ doivent ¨ºtre augment¨¦es imm¨¦diatement afin de faire face ¨¤ l¡¯urgence et ¨¤ l¡¯augmentation de la demande, d¡¯¨¦tendre le d¨¦pistage, de renforcer les installations, de soutenir le personnel de sant¨¦ et d¡¯assurer les approvisionnements n¨¦cessaires, dans le plein respect des droits de la personne et sans stigmatisation.

Nous avons la preuve que le virus peut ¨ºtre contenu. Il doit l¡¯¨ºtre absolument.

Si nous laissons le virus se propager comme une tra?n¨¦e de poudre, en particulier dans les r¨¦gions les plus vuln¨¦rables du monde, ce sont des millions de personnes qui pourraient mourir.

En outre, les pays doivent cesser d¡¯¨¦laborer chacun de leur c?t¨¦ leur propre strat¨¦gie sanitaire et s¡¯employer ¨¤ d¨¦finir une strat¨¦gie qui permette, en toute transparence, une action mondiale coordonn¨¦e, susceptible notamment d¡¯aider les pays les moins aptes ¨¤ faire face ¨¤ la crise.

Les gouvernements doivent soutenir sans r¨¦serve l¡¯effort multilat¨¦ral de lutte contre le virus, men¨¦ par l¡¯Organisation mondiale de la Sant¨¦, dont les demandes doivent ¨ºtre doivent ¨ºtre pleinement satisfaites.

Ce que la catastrophe sanitaire montre ¨¤ l¡¯¨¦vidence, c¡¯est que nous ne sommes pas plus forts que le syst¨¨me de sant¨¦ le plus faible.

La solidarit¨¦ mondiale n¡¯est pas seulement un imp¨¦ratif moral, elle est dans l¡¯int¨¦r¨ºt de toutes et tous.

DEUXI?MEMENT, FAIRE FACE AUX CONS?QUENCES SOCIALES ET FAVORISER LES MESURES ?CONOMIQUES ET LA REPRISE

Contrairement ¨¤ la crise financi¨¨re de 2008, l'injection de capitaux dans le seul secteur financier ne r¨¦soudra pas la crise. Il ne s¡¯agit pas d¡¯une crise bancaire, et les banques doivent effectivement faire partie de la solution.

Il ne s¡¯agit pas non plus d¡¯un choc d¡¯ajustement de l¡¯offre et de la demande : c¡¯est une crise qui affecte la soci¨¦t¨¦ dans sa globalit¨¦.

La liquidit¨¦ du syst¨¨me financier doit ¨ºtre garantie, et les banques doivent tirer parti de leur r¨¦silience pour aider leurs clients.

Mais n¡¯oublions pas qu¡¯il s¡¯agit avant tout d¡¯une crise humaine.

Il faut nous int¨¦resser en priorit¨¦ aux personnes ¨Caux travailleurs ¨¤ bas salaire, aux petites et moyennes entreprises, aux plus vuln¨¦rables.

Cela implique des mesures de soutien salarial et de protection sociale, des mesures en mati¨¨re d¡¯assurances et des mesures visant ¨¤ pr¨¦venir les faillites et les pertes d¡¯emplois.

Il faut ¨¦galement prendre des mesures fiscales et mon¨¦taires afin que le fardeau de la crise ne retombe pas sur celles et ceux qui ont le moins les moyens de le supporter.

La reprise ne doit pas se faire sur le dos des plus pauvres - et nous ne pouvons pas cr¨¦er une l¨¦gion de nouveaux pauvres.

Nous devons mettre directement des ressources dans les mains des gens. Plusieurs pays sont en train d¡¯adopter des mesures de protection sociale, comme des dons en esp¨¨ces ou le revenu universel.

Nous devons passer ¨¤ l¡¯¨¦tape suivante et faire en sorte qu¡¯une aide soit apport¨¦e ¨¤ celles et ceux qui d¨¦pendent enti¨¨rement de l¡¯¨¦conomie informelle, ainsi qu¡¯aux pays les moins arm¨¦s face ¨¤ la crise.

Les envois de fonds sont un moyen de survie dans le monde en d¨¦veloppement ¨C aujourd¡¯hui plus que jamais. Les pays se sont d¨¦j¨¤ engag¨¦s ¨¤ r¨¦duire les frais d¡¯envoi de fonds ¨¤ 3 %, un niveau bien inf¨¦rieur aux niveaux moyens actuels. La crise nous oblige ¨¤ aller plus loin encore et ¨¤ nous rapprocher autant que possible de z¨¦ro.

Par ailleurs, les dirigeants du G20 ont d¨¦cid¨¦ de prot¨¦ger leurs citoyens et leurs ¨¦conomies en r¨¦duisant ¨¤ z¨¦ro les taux d¡¯int¨¦r¨ºt. Nous devons faire de m¨ºme pour les pays les plus vuln¨¦rables du village plan¨¦taire et all¨¦ger le fardeau de leur dette.

De mani¨¨re g¨¦n¨¦rale, nous devons nous engager ¨¤ offrir des facilit¨¦s financi¨¨res suffisantes aux pays en difficult¨¦. Le Fonds mon¨¦taire international, la Banque mondiale et les autres institutions financi¨¨res internationales ont un r?le crucial ¨¤ jouer sur ce plan. Le secteur priv¨¦ est essentiel ¨¤ la recherche d¡¯opportunit¨¦s d'investissement cr¨¦atives et ¨¤ la protection des emplois.

Enfin, nous devons r¨¦sister ¨¤ la tentation du protectionnisme. L¡¯heure est venue de d¨¦manteler les barri¨¨res commerciales et de r¨¦tablir les cha?nes d¡¯approvisionnement.

Si l¡¯on consid¨¨re la situation dans son ensemble, les bouleversements qui secouent la soci¨¦t¨¦ ont un impact profond.

Nous devons nous attaquer aux effets de cette crise sur les femmes. Aux quatre coins du monde, les femmes en supportent le fardeau de fa?on disproportionn¨¦e, aussi bien chez elles qu¡¯au travail.

Les enfants paient ¨¦galement un lourd tribut. Plus de 800 millions d¡¯enfants ne sont plus scolaris¨¦s ¨¤ l¡¯heure actuelle, alors m¨ºme que beaucoup d¡¯entre eux d¨¦pendent de l¡¯¨¦cole pour se nourrir. Nous devons faire en sorte que tous les enfants puissent manger et poursuivre leur scolarit¨¦ sur un pied d¡¯¨¦galit¨¦ ¨C en comblant la fracture num¨¦rique et en r¨¦duisant les co?ts d¡¯acc¨¨s ¨¤ Internet.

Alors que la vie des gens est boulevers¨¦e et que beaucoup se retrouvent isol¨¦s et d¨¦sempar¨¦s, nous devons emp¨ºcher que la pand¨¦mie ne d¨¦bouche sur une crise de sant¨¦ mentale. Et les jeunes seront les plus menac¨¦s ¨¤ cet ¨¦gard.

Le monde doit continuer d¡¯apporter son appui aux programmes destin¨¦s aux plus vuln¨¦rables, notamment dans le cadre des plans d¡¯intervention humanitaire et d¡¯aide aux r¨¦fugi¨¦s coordonn¨¦s par l¡¯ONU. L¡¯aide humanitaire ne doit pas ¨ºtre sacrifi¨¦e.

TROISI?ME ET DERNIER POINT, Il NOUS INCOMBE DE ? NOUS R?TABLIR EN MIEUX ?

Ce que la crise financi¨¨re de 2008 a d¨¦montr¨¦, c¡¯est que les pays dot¨¦s de syst¨¨mes de protection sociale solides ¨¦taient ceux qui avaient souffert le moins de ses effets et qui s¡¯¨¦taient r¨¦tablis le plus rapidement.

Nous devons en tirer les le?ons et veiller ¨¤ ce que la crise actuelle marque un tournant pour la pr¨¦paration aux urgences sanitaires et pour l¡¯investissement dans les services publics essentiels du XXI¨¨me si¨¨cle et la fourniture de biens publics mondiaux.

Nous devons nous assurer que les le?ons sont retenues et que cette crise repr¨¦sente un tournant d¨¦cisif pour la pr¨¦paration aux urgences sanitaires et pour l'investissement dans les services publics essentiels du XXI¨¨me si¨¨cle.

Nous avons un cadre d¡¯action ¨C le Programme de d¨¦veloppement durable ¨¤ l¡¯horizon 2030 et l¡¯Accord de Paris sur les changements climatiques. Nous devons tenir nos promesses pour les populations et la plan¨¨te.

L¡¯Organisation des Nations Unies ¨C et son r¨¦seau mondial de bureaux nationaux ¨C aidera tous les ?tats ¨¤ faire en sorte que l¡¯¨¦conomie mondiale et les personnes qu¡¯elle sert sortent renforc¨¦es de cette crise. C¡¯est la raison d¡¯¨ºtre de la D¨¦cennie d¡¯action en faveur des objectifs de d¨¦veloppement durable.

Plus que jamais, nous avons besoin de solidarit¨¦, d¡¯espoir et de volont¨¦ politique pour surmonter ensemble cette crise terrible.

Je vous remercie.

? Une crise humaine qui fait appel ¨¤ notre solidarit¨¦ ? (19 mars 2020)